Projets d'accords entre l'Union européenne et les États-Unis d'Amérique en matière d'extradition et d'entraide judiciaire (E 2210)
N°230
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003
Annexe au procès-verbal de la séance du 1
er
avril 2003.
PROPOSITION DE
RÉSOLUTION
présentée au nom de la délégation pour l'union européenne (1), en application de l'article 73 bis du règlement, sur les projets d' accords entre l' Union européenne et les États-Unis d'Amérique en matière d' extraditio n et d' entraide judiciaire (E 2210) ,
Par M.
Pierre FAUCHON
Sénateur.
(Renvoyée à la commission des Lois
constitutionnelles,
de législation, du suffrage universel, du Règlement et
d'administration générale, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions
prévues par le Règlement)
(1) Cette délégation est composée de
: M Hubert
Haenel,
président
; M. Denis Badré,
Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jean-Léonce Dupont, Claude Estier,
Jean François-Poncet, Lucien Lanier,
vice-présidents
; M. Hubert Durand-Chastel,
secrétaire ;
MM. Bernard Angels, Robert Badinter,
Jacques Bellanger, Jean Bizet, Jacques Blanc, Maurice Blin,
Gérard César, Gilbert Chabroux, Robert Del Picchia, Mme
Michelle Demessine, MM. Marcel Deneux, Jean-Paul Emin, Pierre Fauchon,
André Ferrand, Philippe François, Bernard Frimat,
Yann Gaillard, Emmanuel Hamel, Serge Lagauche, Louis Le Pensec,
Aymeri de Montesquiou, Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Simon Sutour,
Jean-Marie Vanlerenberghe, Paul Vergès, Xavier de Villepin, Serge
Vinçon.
Union européenne.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le Sénat est saisi, en application de l'article 88-4 de la Constitution,
de deux projets d'accords entre l'Union européenne et les
États-Unis d'Amérique en matière d'extradition et
d'entraide judiciaire.
L'origine de ces accords est directement liée au contexte
créé par les attentats terroristes meurtriers du
11 septembre 2001.
Lors du Conseil européen extraordinaire du 21 septembre 2001, les
chefs d'État et de gouvernement des Quinze avaient exprimé leur
solidarité avec les États-Unis et avaient fait de la lutte contre
le terrorisme un objectif prioritaire de l'Union européenne.
Réunis à nouveau lors du Conseil européen de Gand, le
19 octobre 2001, ils ont décidé la mise en oeuvre d'un plan
d'action contre le terrorisme, contenant 79 mesures concrètes,
parmi lesquelles figuraient notamment la création d'un mandat
d'arrêt européen et le gel des avoirs des individus
soupçonnés de liens avec les terroristes.
Les chefs d'État et de gouvernement sont également convenus, au
cours de ce Sommet, d'examiner avec les autorités américaines les
propositions de coopération présentées par le
Président des États-Unis dans une lettre du 16 octobre 2001.
Parmi ces requêtes figuraient en particulier «
la
facilitation de l'entraide judiciaire entre les autorités
compétentes des États-Unis et des États membres, ainsi que
l'extradition en matière de terrorisme, en conformité avec les
règles constitutionnelles des États membres
».
Afin de répondre à la demande américaine, les ministres de
la justice des États membres ont décidé d'engager des
négociations avec les États-Unis en vue de la conclusion d'un
accord sur la coopération judiciaire et l'extradition. Pour ce faire,
ils ont décidé de recourir à la procédure
prévue à l'article 24 du traité sur l'Union
européenne.
Cet article, introduit par le traité d'Amsterdam et modifié par
le traité de Nice, s'applique, en effet, aux dispositions relatives
à la politique étrangère et de sécurité
commune, ainsi qu'à la coopération policière et judiciaire
en matière pénale.
Il dispose, dans son premier alinéa, que : «
Lorsqu'il
est nécessaire de conclure un accord avec un ou plusieurs États
ou organisations internationales en application du présent titre, le
Conseil peut autoriser la présidence, assistée, le cas
échéant, par la Commission, à engager des
négociations à cet effet. De tels accords sont conclus par le
Conseil sur recommandation de la présidence
».
Le deuxième alinéa prévoit que : «
Le
Conseil statue à l'unanimité lorsque l'accord porte sur une
question pour laquelle l'unanimité est requise pour l'adoption de
décisions internes
».
Enfin, l'alinéa 5 dispose que : «
Aucun accord ne
lie un État membre dont le représentant au sein du Conseil
déclare qu'il doit se conformer à ses propres règles
constitutionnelles ; les autres membres du Conseil peuvent convenir que
l'accord est néanmoins applicable à titre
provisoire
».
Conformément à cet article, et sur la base d'un mandat de
négociation adopté par le Conseil JAI des 25 et 26 avril
2002, la présidence en exercice du Conseil, danoise puis grecque, a
mené des négociations avec la partie américaine sur deux
projets d'accords relatifs à l'extradition et l'entraide judiciaire.
Les représentants des autres États membres ont été
régulièrement informés du déroulement des
négociations et ils ont pu faire valoir leurs observations.
Alors que ces négociations avaient considérablement
progressé et que la présidence grecque espérait même
obtenir un accord politique, les représentants des États membres
ont toutefois décidé, lors du Conseil JAI des 27 et
28 février derniers, de suspendre les négociations pour
donner à chacun «
le temps d'examiner les différents
aspects de ces textes
» afin qu'une décision finale soit
prise lors du prochain Conseil JAI du 8 mai.
Dans les conclusions adoptées à l'issue de ce Conseil, il est
mentionné que les parlements nationaux doivent être
associés d'une manière appropriée avant la conclusion d'un
accord au Conseil. Le Gouvernement français a donc décidé
de recourir à l'article 88-4 de la Constitution. De ce fait,
c'est la
première fois que le Parlement français est saisi de projets
d'accords qui n'ont pas encore été signés
. Ainsi, le
Parlement français est appelé à se prononcer sur des
projets d'accords alors que les négociations, même si elles sont
très avancées, ne sont pas définitivement achevées.
Si le Conseil JAI a décidé d'interrompre provisoirement les
négociations, c'est parce que ces accords soulèvent des questions
fondamentales, tant sur la procédure que sur le fond, et qu'ils
concernent directement la place des parlements nationaux en matière
internationale. On peut, en effet, distinguer trois types de questions
soulevées par ces accords :
- l'Union européenne peut-elle être seule partie à ces
accords ou ceux-ci doivent-ils être conclus au nom de l'Union et des
États membres ?
- le nécessaire renforcement de la coopération judiciaire
entre l'Union européenne et les États Unis peut-il se faire dans
la méconnaissance du processus d'édification d'un
véritable espace judiciaire européen ?
- enfin, peut-on envisager, compte tenu de l'importance politique et du
caractère sensible du contenu de ces accords, que la conclusion de ces
accords ne soit pas précédée par un débat et par un
vote du Parlement conditionnant leur approbation ?
I - L'Union européenne peut-elle être seule partie
à ces accords ou ceux-ci doivent-ils être conclus par l'Union
européenne et les États membres ?
Pour répondre à cette question, il convient d'examiner
successivement la question de la personnalité juridique de l'Union et
celle de la délimitation des compétences entre l'Union et les
États membres.
1. La question de la personnalité juridique de l'Union
Dans les conclusions du Conseil JAI des 27 et 28 février 2002 il
est mentionné, à propos des présents accords, que les deux
parties contractantes sont l'Union européenne et les États-Unis.
Le service juridique du Conseil a estimé, en effet, dans un avis du 19
décembre 2002, que «
tout accord conclu en vertu de
l'article 24 est conclu au nom de l'Union européenne et non pas au nom
des États membres
».
Cet avis est fondé sur une interprétation de l'article 24 du
traité sur l'Union européenne qui revient à
reconnaître à l'Union européenne une personnalité
juridique
de facto
. Une telle opinion a été
exprimée notamment par M. Jean-Claude Piris, jurisconsulte du Conseil,
dans son intervention devant le groupe de travail chargé de la
personnalité juridique au sein de la Convention sur l'Avenir de l'Europe.
Il convient cependant de remarquer que cette interprétation est
contestée par une partie de la doctrine. En effet, si les traités
disposent expressément que «
la Communauté a la
personnalité juridique
», pour ce qui concerne l'Union
européenne, ils ne contiennent aucune disposition de ce type. En outre,
lors de la Conférence intergouvernementale qui a donné naissance
au traité d'Amsterdam, il a été proposé de
reconnaître à l'Union européenne une personnalité
juridique, mais cette proposition a été retirée du
traité lors de la dernière nuit de négociations du
traité d'Amsterdam, ce qui confirme
a contrario
l'absence
d'une personnalité juridique de l'Union. Enfin, le groupe de travail
chargé de la personnalité juridique au sein de la Convention a
proposé de reconnaître expressément une personnalité
juridique à l'Union européenne, et cela a été
considéré comme un acquis important de la Convention, ce qui
démontre que, pour les membres de la Convention, il est clair que
l'Union ne bénéficie pas aujourd'hui de cette personnalité
juridique.
Toutefois,
ce n'est pas la reconnaissance d'une personnalité
juridique à l'Union qui pose véritablement problème. C'est
le fait que le service juridique du Conseil exclut expressément la
solution consistant à considérer ces accords comme des accords
conclus au nom de l'Union et des États membres
.
Reconnaître, dès à présent, une personnalité
juridique à l'Union européenne, c'est une manière
d'anticiper sur le résultat des travaux de la Convention sur l'avenir de
l'Europe. Cependant, cette solution s'impose aujourd'hui afin d'affirmer le
rôle de l'Union sur la scène internationale. En outre, il existe
un précédent, puisque l'Organisation des Nations Unies s'est vue
reconnaître une personnalité juridique
« fonctionnelle » par la Cour internationale de Justice
dans un avis de 1949.
2. Le problème de la compétence
La question de la délimitation des compétences entre l'Union
européenne et les États membres est une question distincte de
celle de la personnalité juridique de l'Union. Comme l'a souligné
M. Jean-Claude Piris, lors de son audition devant le groupe de travail de
la Convention :
« la personnalité juridique de l'Union
européenne ne changerait pas
(...)
la répartition des
compétences entre les États membres et l'Union européenne.
Les compétences de l'Union européenne, comme celles de la
Communauté européenne, sont des compétences d'attribution.
Il appartient au traité de les fixer
».
Or, l'interprétation du service juridique du Conseil revient à
reconnaître à l'Union européenne une compétence
externe pour négocier et conclure des accords internationaux sur des
matières qui relèvent pourtant de la compétence des
États membres en vertu des traités et qui n'ont pas
été déléguées.
Et cela alors même qu'une déclaration annexée au
traité d'Amsterdam exclut expressément tout transfert de
compétence, puisqu'elle dispose que «
les dispositions de
l'article J.14 et de l'article K.10 (articles 24 et 38) ainsi que tout accord
qui en résulte n'impliquent aucun transfert de compétences des
États membres vers l'Union européenne
».
Comme le reconnaît le service juridique du Conseil lui-même :
«
L'article 24 se borne à prévoir une
procédure pour la négociation et la conclusion d'accords
internationaux par l'Union européenne. Il ne prévoit pas un
transfert matériel de compétence des États membres vers
l'Union européenne
».
Or, il considère plus loin, que «
la conclusion, par
l'Union européenne, d'un accord avec un État tiers prive les
États membres de la compétence d'entamer, à titre
individuel, des négociations avec cet État tiers en vue de
conclure un accord qui couvrirait exactement les mêmes questions que
celles couvertes par l'accord Union européenne
».
En réalité, le service juridique du Conseil a
interprété l'article 24 du traité en se fondant sur
la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés
européennes à propos des accords internationaux conclus par la
Communauté européenne, en particulier la décision dite de
l'AETR. Par cette décision, la Cour de Justice a
interprété très largement la compétence de la
Communauté en matière internationale en établissant un
lien entre les compétences internes et les compétences externes
de la Communauté.
Cependant, cette interprétation audacieuse de la Cour de Luxembourg, qui
revient à reconnaître de manière implicite une
compétence externe à la Communauté lorsque les
matières concernées correspondent à des compétences
internes, est très contestable dès lors que l'on se situe dans
les deuxième et troisième piliers, qui relèvent du domaine
intergouvernemental, c'est-à-dire de la compétence des
États membres.
Par ailleurs, considérer que ces accords peuvent être conclus au
nom de l'Union seule ne revient-il pas à reconnaître implicitement
à l'Union une compétence exclusive pour négocier et signer
des accords dans toutes les matières relevant de la politique
étrangère et de sécurité commune, ainsi que de la
coopération policière et judiciaire pénale ?
Or, comment imaginer que, dans ces domaines, les États membres ne
puissent plus conclure individuellement des accords internationaux, notamment
sur un plan bilatéral ?
Et, comment expliquer que la conclusion d'accords internationaux sur ces
matières serait facilitée, alors même que, sur le plan
interne, l'établissement d'une politique étrangère et de
sécurité commune, de même que la création d'un
espace de liberté, de sécurité et de justice, ne sont
restés que de belles et de stériles fictions du
traité ?
Ne serait-il pas paradoxal, si l'on prend le cas des présents
accords, que les États membres s'accordent à mettre en place
immédiatement des équipes communes d'enquête et à
faciliter l'extradition avec les autorités américaines, sans que
ces mesures ne nécessitent théoriquement une ratification
préalable et une transposition dans les législations nationales,
alors même que ces instruments ne sont toujours pas en vigueur au sein de
l'Union ?
Il y a là une contradiction majeure car l'Europe est prête
à accorder à des pays tiers ce qu'elle se refuse à
elle-même. En effet, la plupart des instruments disponibles dans le cadre
du troisième pilier nécessitent d'être ratifiés ou
transposés dans les droits internes. La transposition du mandat
d'arrêt européen a même nécessité une
révision constitutionnelle en France. Or, dans le cas d'accords conclus
par l'Union seule avec des pays tiers, il serait juridiquement possible de
passer outre ces dispositions.
Il convient de remarquer que ce transfert implicite de compétences des
États membres vers l'Union n'entraînerait aucun progrès du
point de vue de la « communautarisation » du
deuxième et du troisième pilier, comme d'ailleurs elle ne
renforcerait en rien le rôle de la Commission européenne, du
Parlement européen ou de la Cour de Justice de Luxembourg. Seul le
Conseil en sortirait renforcé. Encore ne s'agirait-il que d'un
renforcement apparent : que signifierait un engagement d'extradition pris
par une autorité qui n'a pas le pouvoir de procéder à des
arrestations et quelle coopération judiciaire pénale peut-on
attendre en l'absence d'organes judiciaires communs ?
3. La solution de l'accord mixte
Il serait plus conforme aux traités actuels de considérer ces
accords comme des « accords mixtes », conclus au nom de
l'Union européenne et des États membres.
Parmi les arguments avancés contre cette thèse, certains mettent
en avant l'existence de trois précédents. En effet, deux accords
internationaux ont été conclus en 2001 par l'Union
européenne seule, sur la base de l'article 24, avec la République
fédérale de Yougoslavie et la Macédoine concernant les
activités de la Mission de surveillance de l'Union européenne et
on peut également citer un échange de lettres entre l'Union
européenne et le Liban en matière de lutte contre le terrorisme
du 17 juillet 2002.
Cependant, il s'agissait alors d'accords très particuliers relatifs
à la PESC, qui relevaient du domaine réglementaire en droit
interne et dont la portée est sans commune mesure avec le cas
présent. Par ailleurs, la compétence des États membres
n'était pas en cause, puisque l'élaboration du statut et du
fonctionnement de la Mission de surveillance de l'UE, relève par
définition de la seule compétence de l'Union. Aussi, dans un tel
domaine, il ne suffit pas d'un ou deux précédents très
spécifiques liés à une conjonction particulière
pour fonder une organisation communautaire d'ensemble.
Admettre, dans le cas des présents accords, que l'Union
européenne seule a la compétence de conclure des accords
internationaux dans toutes les matières relevant des deuxième et
troisième piliers, constituerait, en outre, un dangereux
précédent. Car rien de permet de penser que ce cas resterait
isolé. Au contraire, les États membres envisagent
déjà de conclure un accord sur la coopération judiciaire
avec le Canada en recourant à la même procédure et la
présidence grecque a même proposé un « projet
d'accord type » sur la coopération policière avec les
pays tiers sur la base de l'article 24 du traité. Ce
« prototype » d'accord aurait vocation, d'après
elle, à s'appliquer pour tous les accords conclus avec des pays tiers
dans le domaine de la coopération policière.
Sans être tout à fait satisfaisante au regard des principes, la
formule consistant à considérer ces accords comme des
« accords mixtes » aurait au moins l'avantage de
remédier à ces inconvénients.
Tout d'abord, elle serait plus conforme à l'article 24 du
traité, tout en reconnaissant une personnalité juridique à
l'Union européenne. Ensuite, elle serait cohérente avec les
solutions retenues dans le pilier communautaire et permettrait le respect des
compétences des États membres. Enfin, elle serait de nature
à lever une difficulté du point de vue interne sur le rôle
du Parlement au regard de ces accords.
II - Le nécessaire renforcement de la coopération
judiciaire entre l'Union européenne et les États-Unis peut-il se
faire dans la méconnaissance du processus d'édification d'un
véritable espace judiciaire européen et du respect des droits
fondamentaux ?
Les présents accords n'ont pas vocation à remplacer
complètement les accords bilatéraux qui existent entre la plupart
des États membres et les États-Unis en matière
d'extradition et d'entraide judiciaire. En effet, les articles 3 de ces accords
procèdent à une ventilation extrêmement complexe.
Tantôt certaines dispositions de ces accords s'appliqueraient en lieu et
place des dispositions des traités bilatéraux, tantôt ces
accords procèdent à un renvoi aux dispositions prévues par
les accords bilatéraux.
Une autre source de complexité tient au fait que ces accords
prévoient un échange de notes diplomatiques pour expliquer le
sens de plusieurs dispositions. Les autorités américaines
considèrent d'ailleurs que ces notes s'apparentent à des
protocoles devant être soumis à ratification.
1. Les principaux apports de ces accords
La France dispose déjà de deux accords bilatéraux en
matière d'extradition et d'entraide judiciaire pénale avec les
Etats-Unis, signés respectivement en 1996 et 1998. D'après les
personnes auditionnées par votre Rapporteur, ces accords fonctionnent de
manière satisfaisante. Cela tient d'ailleurs beaucoup à la
présence d'un magistrat de liaison français à Washington
et d'un magistrat de liaison américain à Paris. Il convient
toutefois de remarquer que certains États membres n'ont pas conclu de
tels accords et que, pour eux, ces accords représenteront une
réelle valeur ajoutée.
Par ailleurs, certains États membres sont confrontés à des
problèmes d'ordre constitutionnel pour autoriser l'extradition vers les
États-Unis de personnes poursuivies ou condamnées, même
lorsque les autorités américaines s'engagent à ne pas
requérir ou exécuter une condamnation à la peine de mort.
Pour la France, les principales améliorations par rapport aux
traités bilatéraux porteraient sur l'entraide judiciaire
pénale, avec la possibilité de créer des équipes
communes d'enquête et d'utiliser la visioconférence. L'innovation
majeure réside dans l'amélioration de l'accès aux comptes
bancaires aux États-Unis. En effet, les États-Unis ne disposaient
pas auparavant d'un système centralisé de comptes bancaires, ce
qui rendait difficile les demandes françaises d'accès à
des comptes bancaires aux États-Unis. Le « Patriot
Act », adopté peu après les attentats du 11 septembre,
prévoit la centralisation des renseignements bancaires et l'accord sur
l'entraide contient, dans son article 4, une série de dispositions
visant à favoriser la recherche d'informations bancaires sur le
territoire des États-Unis.
2. Les principales pierres d'achoppement des négociations
Avant toute chose, il convient de préciser que, au départ, la
demande principale des États-Unis vis-à-vis de l'Union
européenne portait sur l'extradition. Les États-Unis
souhaitaient, en effet, obtenir des Européens l'accord pour la remise de
leurs ressortissants et la réduction de la liste des exceptions pour
infraction politique. Cependant, devant le refus des Européens, ils ont
été amenés à abandonner leurs deux exigences
principales. Dès lors, ces accords représentent un
intérêt moindre pour les États-Unis. À l'inverse,
pour les Européens, l'accent a été mis depuis le
début des négociations sur l'amélioration de l'entraide
judiciaire pénale, et notamment sur un meilleur accès aux
informations bancaires aux États-Unis. Et sur ce point, l'accord sur
l'entraide leur donne satisfaction.
a) La question de la peine de mort
Cette question s'est posée à la fois pour l'extradition et pour
l'entraide judiciaire pénale. Pour cette dernière, les
États membres souhaitaient obtenir des garanties afin que la
transmission d'informations ne soit pas utilisée aux fins de condamner
une personne à la peine capitale.
Dans l'accord sur l'extradition, les États membres ont obtenu une clause
(article 13) qui prévoit que les États membres pourront
autoriser la remise d'une personne à condition que la peine de mort ne
soit pas prononcée ou exécutée.
Dans l'accord sur l'entraide judiciaire pénale, les États membres
ont obtenu des garanties d'après lesquelles ils pourront poser des
conditions au cas par cas (art. 9 § 2A), et ils pourront
s'opposer à la réutilisation des données transmises aux
autorités américaines dans une autre affaire que celle pour
laquelle ces informations ont été communiquées
(art. 9 § 1).
b) La « probable clause »
Il s'agit d'un principe constitutionnel aux États-Unis, inconnu dans le
droit français, qui soulève des difficultés en
matière d'entraide judiciaire. En effet, aux États-Unis,
lorsqu'un procureur souhaite procéder à des investigations
attentatoires à la liberté individuelle, comme une perquisition
par exemple, il doit, en vertu de la « probable clause »,
obtenir préalablement l'accord d'un juge et lui montrer des
éléments précis laissant à penser qu'une infraction
a pu être commise par la personne concernée, une sorte de
« début de preuve ». Cette clause joue
également pour les demandes d'entraide judiciaire
présentées par la France, mais elle pose des difficultés
car elle est inconnue en droit français et qu'elle soulève, de ce
fait, des incompréhensions chez nos magistrats. La France souhaitait
donc améliorer ce dispositif et il a été prévu,
dans l'accord sur l'entraide judiciaire, un mécanisme de consultation
(article 11).
c) La priorité pour les demandes d'extradition émises par la
Cour pénale internationale
Les États-Unis, qui n'ont pas ratifié la Convention
internationale sur la Cour pénale internationale, étaient
très réticents à l'idée d'admettre une
priorité pour les demandes d'extradition émises par cette Cour.
Malgré ces réticences, les Européens ont réussi
à imposer cette priorité qui devra faire l'objet d'un
échange de notes diplomatiques.
3. Les difficultés qui restent en suspens
Si les États membres n'ont plus aucune réserve sur l'accord
concernant l'entraide, en revanche, il subsiste des difficultés en ce
qui concerne l'accord sur l'extradition pour le Portugal et pour la France.
Les autorités françaises émettent deux réserves
concernant l'accord sur l'extradition, sur l'article 10 § 2 et
l'article 16 bis § 2. Ces deux réserves de fond tiennent,
d'une part, au respect des droits fondamentaux au regard des
« juridictions d'exception », mises en place par les
États-Unis après le 11 septembre, et, d'autre part, à
l'évolution future de l'espace judiciaire européen.
a) La question des « juridictions d'exception » au
regard des exigences du procès équitable.
La première difficulté soulevée par le Gouvernement
français porte sur l'article 16 bis alinéa 2 et
concerne les juridictions d'exception.
L'article 16 bis alinéa 1 représente une avancée
essentielle pour la France. En effet, le renvoi aux accords bilatéraux
permettra à la France de faire jouer la plupart des motifs de refus
d'extradition, notamment les infractions politiques et la remise des nationaux.
Cependant,
cette clause ne couvre pas les juridictions d'exception qui ne
sont pas comprises dans les motifs de non extradition dans les accords
bilatéraux
.
Ces « juridictions d'exception » sont des tribunaux
militaires institués par le Président des États-Unis par
un «
Military Order
» du 13 novembre 2001,
complété par un «
Military Commission
Order
» du Secrétariat à la défense, en date
du 21 mars 2003. Ces tribunaux militaires sont compétents pour juger
toute personne qui n'aurait pas la nationalité américaine
impliquée dans des affaires de terrorisme international menaçant
les États-Unis ou leurs ressortissants. Ces tribunaux, composés
de militaires, fonctionnent selon des règles de procédure
largement dérogatoires au droit commun et ils peuvent prononcer des
condamnations à mort.
Les procédures applicables devant ces tribunaux pourraient soulever des
difficultés au regard des exigences posées par l'article 6
de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des
libertés fondamentales, relatif au procès équitable.
Certes, un considérant a été inséré dans
l'accord sur l'extradition sur le droit de la personne extradée à
un procès équitable et d'être jugé par un tribunal
impartial, mais cette disposition n'a pas de valeur juridique contraignante.
L'alinéa 2 de l'article 16
bis
prévoit que
«
si les principes constitutionnels de l'État requis sont
de nature à faire obstacle à l'exécution de son obligation
d'extradition (...), l'État requis et l'État requérant
procèdent à des consultations
» mais cette
référence aux « principes constitutionnels »
apparaît comme trop restrictive pour le Gouvernement qui souhaiterait la
remplacer par une référence aux « droits
fondamentaux ».
La délégation partage le souci du Gouvernement et
considère qu'il serait préférable d'insérer une
telle référence
. D'autant plus que cette
référence répondrait également aux exigences
posées par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de
l'Homme à l'égard des jugements rendus par défaut. Si
l'inclusion d'une telle référence se heurtait à une forte
opposition,
on pourrait envisager que le Gouvernement fasse une
déclaration unilatérale au moment de la conclusion de cet accord,
dans laquelle il indiquerait qu'il interprètera l'alinéa 2 de
l'article 16 bis dans ce sens
.
b) La priorité du mandat d'arrêt européen
La deuxième difficulté est d'une autre nature, car elle touche
à la conception même du futur « espace judiciaire
européen ».
Le texte actuel de l'article 10§2 de l'accord sur l'extradition assimile,
en effet, expressément le mandat d'arrêt européen à
une demande d'extradition. En cas de demande concurrente entre une demande
d'extradition présentée par les États-Unis et un mandat
d'arrêt européen émis par un autre État membre de
l'Union, l'État requis devrait donc se référer aux
critères décrits à l'article 10 § 1 pour
déterminer à quel État la personne sera remise.
Pour le Gouvernement, il s'agit là d'une difficulté importante
car cette disposition établit une équivalence entre le mandat
d'arrêt européen et une demande d'extradition. Elle
empêcherait donc de donner, à l'avenir, une priorité au
mandat d'arrêt européen dans une future évolution de cet
instrument. Il faudrait, en effet, obtenir l'accord des États-Unis pour
instaurer une telle « préférence
européenne » et cette assimilation pourrait constituer un
précédent à l'égard des accords de
coopération judiciaire conclus avec d'autres pays tiers.
Il convient de noter que la décision-cadre sur le mandat d'arrêt
européen ne retient pas ce système de
« préférence européenne ». La
Commission l'avait initialement proposé mais elle s'était
heurtée à l'opposition de plusieurs États membres. La
Convention européenne sur l'extradition de 1957 prévoit, en
effet, des critères en cas de demandes concurrentes et les États
membres n'ont pas souhaité modifier cette Convention.
Le problème soulevé par la France ne tient donc pas à la
situation présente, mais au fait que l'on se prive d'une possible
évolution ultérieure. En effet, si l'article 10
§ 2 restait inchangé, les États membres auraient les
mains liées pour l'avenir, et cela pourrait constituer une entrave
à l'évolution future de l'espace judiciaire européen. Pour
résoudre cette difficulté, la France souhaite donc supprimer
l'alinéa 2 de l'article 10.
La présidence a proposé que le texte de l'accord sur
l'extradition soit accompagné d'une déclaration qui indiquerait
qu'il ne préjuge en rien des futures évolutions de la
coopération judiciaire européenne. La France estime que cela
n'est pas suffisant car cela n'empêcherait pas de devoir demander
l'accord préalable des États-Unis.
Au cours d'ultimes négociations, les autorités américaines
ont accepté l'insertion d'une « clause de
réexamen », au plus tard cinq ans après l'entrée
en vigueur de l'accord, et il est mentionné que ce réexamen
pourra porter notamment sur les conséquences du développement de
l'Union européenne. Cependant, là encore, cette clause n'est pas
de nature à lever l'obstacle d'un éventuel refus des
autorités américaines de reconnaître une priorité au
mandat d'arrêt européen.
Il est regrettable que la France se soit retrouvée relativement
isolée sur cette question majeure qui touche directement à
l'essence du futur « espace judiciaire européen ».
Le nécessaire renforcement de la coopération judiciaire entre
l'Europe et les États-Unis ne peut, en effet, se faire au
détriment de la construction d'un authentique « espace
judiciaire européen », qui répond à une forte
attente des citoyens.
L'édification d'un tel espace est, d'ailleurs, de l'intérêt
même des États-Unis et elle seule serait de nature à
répondre à leur légitime préoccupation d'une lutte
efficace contre les formes graves de criminalité transnationale, comme
le terrorisme.
La délégation soutient, par conséquent, la demande du
Gouvernement de supprimer la disposition prévue au deuxième
alinéa de l'article 10.
III - Quel doit être le rôle du Parlement dans la
procédure de conclusion de ces accords ?
Si ces accords devaient être conclus par l'Union seule, cela aurait des
conséquences très importantes sur la place des parlements
nationaux en matière internationale.
À cet égard, il convient de rappeler que, à propos des
matières couvertes par les deuxième et troisième piliers,
les parlements nationaux se sont vus reconnaître une place
particulière, comme le souligne un protocole annexé au
traité d'Amsterdam. Par ailleurs, la consultation du Parlement
européen n'est pas obligatoire dans le cadre des accords visés
à l'article 24, ce qui renforce l'idée qu'une association
étroite des parlements nationaux est une impérieuse
nécessité.
1. D'après l'article 24 du traité sur l'Union
européenne, un État membre peut très clairement soumettre
des accords conclus au titre de cet article à une procédure de
ratification parlementaire, même s'il s'avérait que ces accords
pouvaient être conclus au nom de l'Union seule.
En effet, l'alinéa 5 de l'article 24 dispose que
«
aucun accord ne lie un État membre dont le
représentant au sein du Conseil déclare qu'il doit se conformer
à ses propres règles constitutionnelles
(...) »
Le service juridique du Conseil a même précisé dans son
avis que, si un représentant fait une telle déclaration,
«
la décision du Conseil sur la conclusion serait
différée jusqu'à l'accomplissement de tout acte requis par
les règles constitutionnelles nationales
».
L'article 24 du traité sur l'Union européenne prévoit
donc expressément la possibilité pour un État de soumettre
les accords conclus sur la base de cet article à une procédure de
ratification parlementaire.
La suppression de cette possibilité a, d'ailleurs, été une
question très débattue au sein du groupe de travail de la
Convention chargé de la personnalité juridique, ce qui
démontre a contrario que son existence n'est pas contestée.
Car comme l'indique M. Jean-Claude Piris, dans sa réponse à
un courrier de M. Giuliano Amato, Vice-Président de la
Convention : «
Il n'y aurait pas d'un point de vue juridique,
d'incohérence entre la formulation de la phrase en question et la
reconnaissance explicite de la personnalité juridique de
l'Union
».
2. D'après les informations recueillies par votre Rapporteur
auprès du Gouvernement, la plupart des États membres envisagent
d'ailleurs de soumettre la conclusion de ces accords par l'Union à une
approbation préalable de leur Parlement.
Ainsi, en Allemagne, le Parlement devrait être consulté avant la
conclusion de ces accords et, postérieurement à la signature par
l'Union, le Gouvernement envisage d'engager une procédure de
ratification. Les autorités allemandes devraient donc faire usage des
dispositions de l'article 24 § 5 du traité.
L'Espagne, l'Italie, l'Autriche et le Portugal envisagent également de
procéder à une ratification formelle de ces deux accords,
postérieurement à leur signature, et donc de faire usage de ces
dispositions.
Au Royaume-Uni et en Suède, la question se pose de manière
différente car, en raison du modèle dualiste, tout texte
européen doit être introduit dans le droit interne par une loi, ce
qui implique nécessairement une intervention du Parlement.
Seule la Belgique exclut
a priori
une ratification formelle de ces
accords, mais son Gouvernement étudie actuellement les modalités
juridiques permettant au Parlement de consentir à ces accords. Il est
vrai que l'organisation constitutionnelle de ce pays rend extrêmement
compliquée toute procédure de ratification.
3. En France les représentants de l'Exécutif
considèrent toutefois, de manière informelle, qu'une ratification
de ces accords n'est pas possible juridiquement, car l'article 53 de la
Constitution ne vise que les accords auxquels est partie la France.
Dès lors, la procédure de conclusion de ces accords par l'Union
seule se heurte à une difficulté juridique majeure car la France
ne serait pas en mesure de faire jouer la réserve constitutionnelle
prévue à l'article 24 alinéa 5. Or, c'est
précisément sous réserve de cette disposition que le
Conseil constitutionnel a estimé que l'article 24 du traité
n'était pas contraire à la Constitution.
En effet, dans ses commentaires sur la décision du Conseil
Constitutionnel relative au traité d'Amsterdam, M. Jean-Eric
Schoettl, Conseiller d'État et Secrétaire général
du Conseil Constitutionnel, considère à propos de l'article
24 : «
Cette habilitation demeure sans incidence sur
l'exercice de la souveraineté nationale dès lors qu'il est
précisé qu'aucun accord ne lie un État membre dont le
représentant au sein du Conseil déclare qu'il doit se conformer
à ses propres règles constitutionnelles. Autrement dit, la France
pourra recourir à la
procédure constitutionnelle de
ratification parlementaire et le Conseil constitutionnel pourra ainsi, le cas
échéant, être saisi
»
(1(
*
))
.
Encore faudrait-il considérer que la France est, directement ou
indirectement, partie à l'accord.
Cette difficulté d'ordre constitutionnel n'est pas seulement
théorique mais elle serait de nature à remettre en cause
l'effectivité même de ces accords, ce qui placerait la France dans
une position extrêmement difficile, tant vis-à-vis de ses
partenaires européens que des États-Unis.
En effet, il serait possible à une personne d'invoquer ce moyen à
l'appui d'un recours dirigé contre un décret d'extradition. Or,
le Conseil d'État accepte, depuis une décision rendue en 1998, de
contrôler la régularité de la procédure de
ratification ou d'approbation des traités et accords internationaux au
regard de l'article 53 de la Constitution.
4. Étant donné l'importance du contenu de ces accords qui
touchent à des sujets essentiels, il paraît difficilement
envisageable que la conclusion de ces accords ne soit pas
précédée par un débat et par un vote du Parlement
conditionnant leur approbation.
Il serait d'ailleurs pour le moins paradoxal que l'on oppose à une
disposition du traité sur l'Union européenne des motifs
tirés du droit interne et cela alors même que, lors de la
ratification du traité d'Amsterdam, il a été clairement
admis que l'article 24 du traité n'était pas contraire à
la Constitution parce qu'il prévoit précisément cette
possibilité, mais sans préciser l'identité du signataire.
Cette solution s'impose, en effet, pour des raisons tant juridiques que
politiques.
Elle s'impose pour des raisons juridiques, car il s'agit ici d'une question de
nature constitutionnelle. En cas de loi de transposition de ces accords en
droit interne ou en cas de recours contre les décrets d'extradition pris
sur leur fondement, on ne peut exclure que la procédure de conclusion de
ces accords soit déclarée non conforme à la Constitution.
Cela d'autant plus que la Cour de Justice n'est pas compétente pour
statuer à titre préjudiciel sur la validité et
l'interprétation des accords conclus au titre de l'article 24.
Mais elle s'impose surtout pour des raisons éminemment politiques, car
il s'agit de sujets sensibles qui touchent aux droits des individus sur
lesquels le Parlement dispose d'une légitimité
particulière et d'une expertise reconnue.
Dès lors,
il appartient au Gouvernement de trouver les voies
appropriées pour procéder à une autorisation d'approbation
parlementaire de ces accords
.
*
S'interrogeant, au regard des compétences
attribuées
actuellement à l'Union par les traités et compte tenu de
l'importance politique et du caractère sensible du domaine
concerné par ces accords, sur la possibilité de conclure de tels
accords au nom de l'Union seule et estimant que ces accords doivent être
soumis à un débat et à un vote du Parlement conditionnant
leur approbation,
la délégation considère que la
conclusion de ces accords au nom de l'Union européenne et des
États membres permettrait seule de répondre à cette double
préoccupation
.
La délégation considère, en outre, qu'il serait
souhaitable d'appeler le Gouvernement à ne plus accepter que l'article
24 du traité sur l'Union européenne constitue la base juridique
de tels accords politiques pour la double raison que cette procédure ne
correspond pas à l'état actuel des traités et qu'elle ne
garantit pas les conditions nécessaires de sécurité
juridique.
*
Pour ces raisons, la délégation a conclu, à l'unanimité, au dépôt de la proposition de résolution suivante.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Le
Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu les projets d'accords entre l'Union européenne et les
États-Unis d'Amérique en matière d'extradition et
d'entraide judiciaire (texte E 2210),
1. Considère que le nécessaire renforcement de la
coopération judiciaire entre l'Union européenne et les
États-Unis d'Amérique ne doit pas se faire dans la
méconnaissance du processus d'édification de l'espace judiciaire
européen, garantie d'un partenariat euro-américain efficace dans
la lutte contre la criminalité internationale, en particulier le
terrorisme ;
2. Soutient, sous cette réserve et en l'état, la volonté
du Gouvernement de ménager la possibilité de faire
prévaloir le mandat d'arrêt européen sur les demandes
d'extradition présentées par des pays tiers, afin de ne pas
contredire l'idée même d'unification de l'espace judiciaire
européen ;
3. Partage également le souci du Gouvernement d'inclure une
référence aux droits fondamentaux parmi les motifs de refus
d'extradition ;
4. S'interroge, cependant, au regard des compétences attribuées
actuellement à l'Union par les traités, sur la possibilité
de conclure de tels accords au nom de l'Union seule ;
5. Estime, compte tenu de l'importance politique et du caractère
sensible du domaine concerné par ces accords, qu'ils doivent être
soumis à un débat et à un vote du Parlement conditionnant
leur approbation ;
6. Considère que la conclusion de ces accords au nom de l'Union
européenne et des États membres permettrait seule de
répondre à ces deux préoccupations.
(1) AJDA, 20 février 1998.