Proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'utilisation des fonds publics par le groupe Vivendi Universal
Table des matières
N°
405
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2001-2002
Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 3
août 2002
Enregistré à la Présidence du Sénat le 25
septembre 2002
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'utilisation des fonds publics par le groupe Vivendi Universal et sur le devenir des entreprises dudit groupe exerçant des missions de services publics lui appartenant,
PRÉSENTÉE
par MM. Jack RALITE, Ivan RENAR, Mmes Annie DAVID, Nicole BORVO, MM. Yves COQUELLE, Thierry FOUCAUD et les membres du groupe communiste républicain et citoyen,
Sénateurs.
( Renvoyée à la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation et, pour avis, à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale en application de l'article 11, alinéa 1 du Règlement ).
Finances publiques. |
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La crise profonde et le démantèlement progressif du groupe
Vivendi Universal a des répercussions considérables sur la vie
économique, sociale et culturelle, de notre pays.
Ce groupe qui de 1998 à 2002, sous la houlette de son PDG, a
acheté trente entreprises pour un total de 100 milliards d'Euros, a vu
son action chuter de 75%, tandis que sa dette s'élève aujourd'hui
à 19 milliards d'Euros.
Le devenir d'un tel groupe mériterait d'urgence un grand débat
national.
Les auteurs de cette proposition de résolution estiment, dès
à présent, nécessaire de permettre au Parlement, au
Sénat en particulier, d'enquêter sur deux aspects répondant
au critère de convocation des commissions prévues à cet
effet par la Constitution.
Premièrement,
qu'est-il advenu des sommes engagées, de
manière directe ou indirecte, par l'Etat, au profit de Vivendi
Universal ?
Crédits d'impôts, exonérations de charges de taxes
professionnelles et bien d'autres avantages ont été
accordés. Ces sommes ont manifestement contribué à
accroître le poids de la finance internationale sur l'entreprise et
certainement pas à la consolidation de l'emploi dans notre pays.
De même, il apparaît urgent d'enquêter sur le devenir des
sommes engagées par les collectivités territoriales auprès
de la branche Vivendi Environnement qui a, durant cette période,
bénéficié de concessions du service public de l'eau. Ces
sommes ont été, de toute évidence, déviées,
pour partie tout au moins, de leur objectif initial pour, elles aussi,
être investies dans la spéculation financière et non dans
la gestion d'un service essentiel pour le bien-être et la santé de
nos concitoyens.
Enfin, la représentation nationale doit être informée sur
les conditions d'octroi et d'utilisation du crédit à moyen terme
de trois milliards d'Euros, récemment débloqué par un
certain nombre d'établissements financiers, privés, mais aussi
publics.
Deuxièmement,
les auteurs de cette proposition de
résolution estiment nécessaire d'enquêter sur deux points
qui portent sur la gestion du service public. Les enjeux sont d'une importance
rare et le travail de 381 000 personnes dans le monde, dont près de 100
000 en France, est concerné. Il s'agit d'enquêter :
- d'une part, cela vient d'être indiqué, sur la
compatibilité entre logique libérale et santé publique,
dans le domaine du service public de l'eau. Ce sont 8 000 collectivités
locales, 26 millions d'usagers qui s'interrogent sur l'évolution de la
gestion du service public de l'eau.
- et, d'autre part, sur le devenir de la branche culturelle de Vivendi
Universal, tant dans le domaine de la télévision que de
l'édition, du cinéma ou de la musique. En effet, les dirigeants
du groupe n'ont pas caché le fait que, eu égard au besoin
pressant de liquidités du groupe, aucune de ses branches
d'activité ne pouvait se considérer à l'abri d'une cession.
Or, la concentration au sein de Vivendi Universal d'une part
considérable de l'édition française implique de fait
l'idée de mission de service public.
Il n'échappera pas que la responsabilité publique est
engagée en la matière puisque la menace existe, à l'heure
où sont écrites ces lignes, qu'un consortium financier
constitué de capitaux internationaux, fasse main basse sur les fleurons
de l'édition française possédés aujourd'hui par
Vivendi Universal. L'engagement de l'entreprise de céder 10 milliards
d'actifs dans les deux années à venir concerne ce secteur en
premier lieu.
En tout état de cause, quel que soit l'acquéreur, le devenir d'un
secteur essentiel pour la collectivité publique impliquant l'avenir de
la culture de notre pays, mais aussi sa politique éducative, doit
être examinée par le Parlement.
La richesse de la production et de la diffusion audiovisuelle française
risque également d'être mise à mal par la crise que
traverse Vivendi Universal. En effet, la chaîne Canal+ participe à
hauteur de 20% à la production cinématographique française
et exerce une mission de service public en matière culturelle, telle la
promotion de la diversité culturelle par le financement des films
indépendants. C'est pourquoi l'évolution de cette chaîne,
par ailleurs détentrice des droits de près de 4 000 films
français et européens exige un examen attentif et rigoureux.
L'identité et la nationalité de leur propriétaire ne
sauraient nous laisser indifférents. Il serait d'ailleurs bon que la
liste de ces films soit communiquée au Parlement et au Ministère
de la Culture.
Parallèlement, il est probable qu'Universal Music, société
d'origine américaine, mais qui réalise la plus grande partie de
son chiffre d'affaires en dehors des Etats-Unis revienne aux actionnaires
américains du groupe. Cette société domine pourtant
nettement le marché du disque en France, avec un catalogue
réunissant un artiste à succès sur deux, et avec des
ventes représentant 36% du marché national en 2001.
L'exception culturelle acquise de haute lutte est manifestement menacée
par la vente prochaine de certaines composantes du groupe. Les auteurs de la
proposition de résolution veulent éviter que la provocation de
l'ancien PDG, qui avait déclaré que
« l'exception
culturelle franco-française est morte »
, ne devienne
prophétie après son naufrage.
Depuis l'éclatement de la crise à Vivendi Universal, le Parlement
a été singulièrement écarté, tant sur le
plan des informations que des initiatives potentielles.
C'est pourquoi les auteurs de la proposition de résolution proposent la
création d'une commission d'enquête en vertu de l'article 11-I du
Règlement du Sénat afin, d'une part, de faire la lumière
sur l'utilisation de l'argent public en France par Vivendi Universal et,
d'autre part, sur le devenir des services publics et de la
responsabilité publique comme ceux de l'eau et de la culture, gravement
menacés par la situation actuelle.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Article unique
En application de l'article 11 du Règlement du Sénat et de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est créé une commission d'enquête de vingt-et-un membres sur l'utilisation des fonds publics par le groupe Vivendi Universal ainsi que sur le devenir des services publics et des responsabilités publiques dont il assure la maîtrise.