mesures de prévention des risques de pollutions maritimes par les hydrocarbures
N°
158
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 22
décembre 1999
Enregistré à la Présidence le 30 décembre 1999
PROPOSITION DE LOI
portant sur certaines mesures de prévention des risques de pollutions maritimes par les hydrocarbures ,
PRÉSENTÉE
Par M. Daniel GOULET,
Sénateur.
(Renvoyée à la commission des Affaires économiques et du Plan sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).
Environnement - Mer et littoral. Pollution.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Les
événements tragiques de ces dernières semaines et la
marée noire provoquée par le naufrage du navire ERIKA appellent
de la part des responsables autre chose que des commissions d'enquête et
des discours incantatoires.
Il est de la responsabilité du législateur d'intervenir sans
tarder pour tenter de prévenir des risques dont chacun sait bien qu'ils
ne pourront pas être totalement maîtrisés, de même
qu'aucun Parlement au monde ne peut légiférer pour enrayer les
catastrophes naturelles ou les accidents de la route.
Il relève de l'Etat et du pouvoir législatif d'élaborer
une police des mers de façon à protéger le littoral et
à prévenir les pollutions pour les populations et les
générations futures.
La mer constitue un patrimoine commun de l'humanité.
Chacun a encore en mémoire les difficultés qu'ont connu les
élus et les associations françaises, notamment celles en charge
de la défense de l'environnement, lors du naufrage de l'AMOCO CADIX dont
les conséquences sur l'écosystème perdurent.
Une telle situation kafkaïenne engendrée par des procédures
internationales interminables est indécente et inacceptable.
La mise en place de mécanismes d'indemnisations internationales de
l'industrie pétrolière (Fipol), qui peut intervenir
jusqu'à hauteur de 1,2 milliard de francs, pour la lutte contre la
pollution et le paiement des indemnisations économiques a
détourné le législateur de sa vraie mission de
prévention.
Ainsi on s'occupe des effets, et cela fait oublier qu'il faut soigner les
causes.
Il est urgent de prendre des dispositions législatives en vue
d'interdire et de réglementer certaines pratiques.
En effet, il est pour le moins surprenant de constater à l'occasion d'un
accident que telle ou telle compagnie pétrolière fait transporter
ses cargaisons par des navires battant pavillon communautaire mais dont les
certificats relèvent d'une législation d'un Etat étranger
à l'Union européenne, quand le navire ne présente pas de
pavillon dit « de complaisance ».
Dans ce dernier cas, l'identification des responsables est quasiment impossible
et les réparations utopiques...
Ainsi dans le cas de l'ERIKA, si l'armateur est grec, le certificat, lui, est
monténégrin et l'équipage indien.
A l'heure où la responsabilité des élus locaux est en
butte à des interrogations, le naufrage de l'ERIKA donne à ce
débat purement interne une autre dimension.
La chaîne des responsabilités doit être clairement
identifiée de façon à établir une
traçabilité identique à celle requise en matière de
sécurité alimentaire.
La prévention est non seulement nécessaire en matière de
pollution par les hydrocarbures, mais aussi possible.
Les mesures sont urgentes et doivent être contraignantes à
l'instar des bénéfices réalisés par ces
sociétés et des effets des pollutions parfois difficilement
réparables sur les écosystèmes.
Dans le cadre des travaux préparatoires à venir, il faudra
entendre les autorités portuaires et les associations professionnelles,
de même que les chambres consulaires en charge d'arbitrage maritime.
Mais d'ores et déjà il est indispensable que le
législateur montre enfin une détermination sans faille.
Le Sénat, Chambre des collectivités territoriales, est
très attentif à la protection des communes et cherche toujours
à soutenir les élus locaux et territoriaux dans les charges et
obligations liées à leurs fonctions.
La présente proposition de loi poursuit ces objectifs.
PROPOSITION DE LOI
Article 1
er
Le recours à des affreteurs, sous-affreteurs, armateurs ne relevant pas d'un pays appartenant à l'Union européenne est interdit aux sociétés pétrolières exerçant directement ou indirectement une activité sur le territoire national.
Article 2
Les
certificats délivrés par un Etat non membre de l'Union
européenne ou n'ayant pas ratifié de conventions internationales
ayant pour objet la prévention de la pollution par les hydrocarbures et
l'indemnisation des victimes de pollution, doivent être
délivrés par une société dont le siège est
établi dans l'un des pays de l'Union européenne.
Les certificats établis par un autre pays que ceux visés à
l'alinéa précédent ne pourront être validés
que par la commission instaurée à l'article 7 et sous
réserve du versement d'une garantie bancaire d'un montant au moins
équivalent à celui de la valeur marchande de la cargaison.
Article 3
Les
infractions aux dispositions des articles 1
er
et 2 sont punies de
dix ans d'emprisonnement et d'une amende de 1 000 000 francs.
Les tentatives d'infraction sont punies de la même peine.
Le fait de s'opposer ou de faire obstacle aux procédures nationales ou
internationales d'établissement des faits est puni de cinq ans
d'emprisonnement et de 500 000 francs d'amende.
Les personnes physiques coupables des infractions prévues par la loi
encourent également les peines complémentaires prévues par
le code pénal.
Article 4
Les
personnes morales peuvent être déclarées responsables
pénalement dans les conditions prévues par le code pénal.
Les peines encourues par les personnes morales sont, outre l'amende et les
autres peines mentionnées par le même code, des interdictions
d'exercice.
Article 5
Peuvent
constater les infractions aux prescriptions de la présente loi, ainsi
qu'aux dispositions réglementaires prises pour son application, outre
les officiers de police judiciaire agissant conformément aux
dispositions du code de procédure pénale, les agents des
ministères de l'environnement, des transports et de la mer
habilités dans des conditions fixées par décret en Conseil
d'Etat et les agents des douanes, à l'occasion des contrôles
effectués en application du code des douanes ou de la présente
loi, les autorités portuaires.
Les agents des ministères précités et les agents des
douanes mentionnés à l'alinéa ci-dessus adressent sans
délai au procureur de la République le procès-verbal de
leurs constatations.
Les associations de défense de l'environnement et celles
habilitées aux termes de la loi à se porter partie civile devant
les tribunaux peuvent alerter les personnes visées à
l'alinéa précédent et déclencher les
mécanismes de contrôles prévus par la loi.
Article 6
Lorsque les infractions aux dispositions de l'article 2 sont commises hors du territoire de la République par un Français, la loi pénale française est applicable.
Article 7
Il est
créé une Commission nationale chargée du suivi de la
présente loi et chargée en particulier de la vérification
des certificats délivrés par les sociétés
visées au 2
ème
alinéa de l'article 2 ainsi que
du suivi et de l'application des conventions internationales relevant de ce
domaine ou d'un domaine connexe.
Cette commission est composée de représentants du Gouvernement,
de deux députés et deux sénateurs, de représentants
d'associations de défense de l'environnement, de représentants
des autorités portuaires, des représentants des professions de la
mer, des représentants de la Chambre d'Arbitrage Maritime
Internationale, de représentants des compagnies d'assurance, de
représentants des sociétés pétrolières, de
personnalités qualifiées, y compris européennes et
d'élus locaux.
La répartition des membres de cette commission, les modalités de
leur désignation, son organisation et son fonctionnement sont
précisés par décret en Conseil d'Etat.
Article 8
La Commission nationale assure le suivi de l'application de la présente loi et de l'action internationale de la France en matière de prévention, de contrôle, de police et d'assistance aux victimes de pollution par les hydrocarbures.
Elle participe aux actions du programme Fipol.
Elle a
pour mission de tenir à jour un site internet regroupant toutes les
informations en liaison avec les problèmes relevant de sa
compétence.
Ce site, établi dans les langues des pays de la Communauté
européenne, est destiné à recueillir les informations
techniques ou autres ainsi que celles en provenance de personnes du monde
entier concernant outre des informations, des incidents liés à la
pollution et l'identité des responsables.
Elle publie chaque année un rapport sur l'application de la
présente loi ; ce rapport est adressé par le Gouvernement au
Parlement.
Article 9
Les visites et la procédure de contrôle, y compris à bord des navires, se font conformément aux règles de procédure applicables en France et conformément aux principes édictés par les conventions internationales.
Article 10
La présente loi est rétroactive et s'appliquera à tous les transports en cours même si les contrats qui les ont fait naître sont antérieurs à sa promulgation.
Article 11
La présente loi est applicable aux territoires d'outre-mer et à la collectivité territoriale de Mayotte.