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N° 14
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018
Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 octobre 2017 |
PROPOSITION DE LOI
tendant à ce que les électeurs d'une région supprimée en 2015 puissent en obtenir le rétablissement par référendum ,
PRÉSENTÉE
Par M. Jean Louis MASSON et Mme Christine HERZOG,
Sénateurs
(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
EXPOSE DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Les deux présidents de la République qui se sont succédé entre 2007 et 2017 ont poursuivi une réforme ayant pour but la disparition progressive des départements au profit des régions et des communes au profit des intercommunalités. Parallèlement, ils ont fait le choix de créer des intercommunalités d'une taille de plus en plus démesurée. De son côté, avec la loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, le gouvernement VALLS a complété cette course au gigantisme par la fusion autoritaire de certaines anciennes régions.
Cette stratégie d'augmentation de la taille des intercommunalités et des régions repose sur une erreur fondamentale qui consiste à croire que plus on fait grand, plus il y a d'économies d'échelle. C'est aberrant car une taille optimale correspond à chaque type d'organisation territoriale. Jusqu'à cet optimum, on réalise des économies mais au-delà, les pesanteurs administratives et le manque de proximité de la gestion entraînent des surcoûts et des dysfonctionnements. D'ailleurs, s'il suffisait de créer des régions de plus en plus grandes pour faire des économies, on pourrait alors fusionner l'ensemble des régions de la France métropolitaine et revenir à un état centralisé.
Pour légitimer cette erreur, on cite souvent l'Allemagne comme modèle. Or ce pays n'a au contraire, pas pratiqué la course au gigantisme. Ainsi, pour le regroupement des communes en zone rurale, le seuil de référence a été fixé beaucoup plus bas que pour les intercommunalités en France (8 000 habitants par exemple en Sarre). Par ailleurs, entre les Länder et les Gemeinde (communes issues des fusions massives), un échelon a été maintenu. Il s'agit des Kreistag (conseils de cercle).
Enfin, les supers grandes régions créées par le Gouvernement VALLS ne sont pas non plus justifiées par la pratique des pays voisins. Ainsi, la superficie de la région Grand Est est supérieure à celle de toute la Belgique qui est pourtant divisée en trois (Flandre, Wallonie, Bruxelles). De même, elle est supérieure à la superficie des trois Länder allemands qui lui sont contigus (Rhénanie-Palatinat, Sarre, Bade-Wurtemberg).
Quant aux départements, leur découpage date de 1790 à une époque où on se déplaçait à cheval et où il n'y avait ni téléphone, ni internet. Aujourd'hui leur petite taille ne correspond plus aux besoins et le gouvernement Fillon en avait tiré les conséquences. Pour engager le processus d'absorption des départements par les régions, il avait fait voter la création du conseiller territorial, lequel aurait été à la fois élu départemental et régional. Toutefois, l'opération s'effectuait dans le cadre des anciennes régions ce qui préservait une gestion de proximité.
Entre 2012 et 2017, les gouvernements successifs ont fait adopter plusieurs lois, dont la plus mortifère fut la loi NOTRe. Outre la suppression du conseiller territorial avant même sa mise en place, elles ont conduit à des transferts massifs de compétences et de moyens, des départements vers les régions et des communes vers les intercommunalités.
Parmi ces lois figure la décision brutale de fusionner d'office certaines anciennes régions pour créer des entités régionales démesurément étendues... décision arbitraire et prise au mépris de la règle, qui semblait pourtant aller de soi, selon laquelle « les limites territoriales des régions sont modifiées par la loi après consultation des conseils régionaux et des conseils départementaux intéressés » (art. L. 4122-1 du code général des collectivités territoriales).
Dans la logique du conseiller territorial, il aurait par exemple été pertinent de fusionner les deux départements alsaciens avec la région Alsace ou de fusionner les quatre départements lorrains avec la région Lorraine. Par contre, il est aberrant d'organiser l'absorption progressive des dix départements de la région Grand Est par celle-ci.
Compte tenu des frais de déplacement et de l'éloignement des centres de décision, les grandes régions n'ont permis aucune économie réelle de gestion. C'est ce que confirme un rapport de la Cour des Comptes. Le Républicain Lorrain du 12 octobre 2017 indique ainsi : « Rapport de la Cour des Comptes, la fusion des régions a généré des surcoûts. C'est poliment dit : la création de grandes régions "n'a pas remédié à la complexité du paysage institutionnel local." En clair, une réforme pour rien et pourrait coûter cher ».
En tout état de cause, si on compare le coût du fonctionnement des grandes régions actuelles et des squelettes de départements qui subsistent avec le coût qu'auraient les anciennes régions ayant absorbé les départements, il est clair que la seconde option n'est pas la plus onéreuse. De plus, elle aurait l'avantage de garantir une gestion à taille humaine avec un minimum de proximité par rapport au terrain.
Malheureusement, les élus régionaux actuels sont accrochés à leur mandat électif et on ne peut pas espérer de leur part, une initiative qui remettrait en cause leur existence. C'est d'autant plus regrettable que dans beaucoup de régions fusionnées, des voix se font entendre pour déplorer que l'on ait créé de véritables féodalités complétement déconnectées des problèmes que rencontrent nos concitoyens dans leur vie au quotidien.
Enfin, des régions telles que l'Alsace ont une identité très forte et on ne voit pas pourquoi l'Alsace serait empêchée de former une entité administrative spécifique alors que cette faculté a été accordée sans problème à la Corse.
La présente proposition de loi tend donc à prévoir que si un des conseils départementaux d'une ancienne région en fait la demande, un référendum soit organisé dans cette ancienne région. Les électeurs concernés pourraient ainsi choisir le statu quo administratif actuel ou le retour à l'ancienne région avec une fusion des départements en son sein. Le cas échéant, le rétablissement de l'ancienne région s'effectuerait alors de plein droit, à compter du prochain renouvellement général des conseillers régionaux.
PROPOSITION DE LOI
Article unique
L'article 2 de la loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
VI. Un département inclus dans le territoire d'une région constituée par regroupement de plusieurs régions peut, avant le 1 er janvier 2020, demander la reconstitution de la région existant au 31 décembre 2015 sur le territoire de laquelle il était alors situé et sa fusion avec les départements qui la composaient à cette date en une unique collectivité territoriale exerçant leurs compétences respectives. La demande est inscrite à l'ordre du jour du conseil départemental, par dérogation aux articles L. 3121-9 et L. 3121-10, à l'initiative d'au moins trois de ses membres.
La demande du département est transmise au conseil régional concerné qui la soumet aux électeurs des départements de la région dont la reconstitution est demandée selon les modalités définies à l'article L.O. 1112-3, au second alinéa de l'article L.O. 1112-4, aux articles L.O. 1112-5 et L.O. 1112-6, au second alinéa de l'article L.O. 1112-7 et aux articles L.O. 1112-8 à L.O. 1112-14.
Si la demande recueille l'accord de la majorité absolue des suffrages exprimés, correspondant à un nombre de voix au moins égal au quart des électeurs inscrits, la région concernée est reconstituée et fusionne avec les départements qui la composent à compter du prochain renouvellement général des conseils régionaux, sous le nom et avec le chef-lieu qui étaient les siens au 31 décembre 2015. L'effectif global du conseil régional de la région reconstituée est alors égal au nombre des conseillers régionaux élus en décembre 2015 au titre des sections départementales composant cette région.
Lorsque la reconstitution d'une région intervient dans une région issue du regroupement de deux anciennes régions, la seconde région comprise dans ce regroupement est reconstituée de plein droit à compter du prochain renouvellement général des conseils régionaux, sous le nom et avec le chef-lieu qui étaient les siens au 31 décembre 2015. L'effectif global du conseil régional est alors égal au nombre des conseillers régionaux élus en décembre 2015 au titre des sections départementales composant cette région.
Lorsque la reconstitution d'une région intervient dans une région issue du regroupement de plus de deux anciennes régions, les autres anciennes régions comprises dans ce regroupement constituent de plein droit une nouvelle région à compter du prochain renouvellement général des conseils régionaux. L'effectif global de son conseil est alors égal au nombre des conseillers régionaux élus en décembre 2015 au titre des sections départementales composant cette région. Son nom et son chef-lieu sont fixés par décret en Conseil d'État pris avant le 1 er janvier 2021, après avis des conseillers régionaux en exercice autres que ceux élus dans les départements de la région appelée à être reconstituée. Cet avis prend la forme d'une résolution comportant les éléments mentionnés aux 1° à 6° et conformément au neuvième alinéa du II de l'article 2.
Toute région constituée ou reconstituée en application du présent paragraphe succède en ce qui la concerne à la région dont elle est issue et, le cas échéant, aux départements avec lesquels elle fusionne dans tous leurs droits et obligations.
Dès le prochain renouvellement général des conseils régionaux, les élections régionales sont organisées dans le cadre des régions ainsi constituées ou reconstituées.