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N° 437

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 12 mai 2015

PROPOSITION DE LOI

visant à rendre effective l' interdiction d' exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact avec des mineurs lorsqu'une personne a été condamnée pour des agressions sexuelles sur mineur,

PRÉSENTÉE

Par Mme Catherine TROENDLÉ, M. Jean-Marie BOCKEL, Mme Natacha BOUCHART, MM. Jean-Noël CARDOUX, Jean-Claude CARLE, Mme Caroline CAYEUX, MM. Gérard CÉSAR, Daniel CHASSEING, Robert del PICCHIA, Mmes Catherine DEROCHE, Jacky DEROMEDI, Chantal DESEYNE, M. Yves DÉTRAIGNE, Mmes Catherine DI FOLCO, Élisabeth DOINEAU, MM. Éric DOLIGÉ, Hubert FALCO, Michel FONTAINE, Jean-Paul FOURNIER, Jean-Marc GABOUTY, Mmes Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, Françoise GATEL, M. Bruno GILLES, Mme Colette GIUDICELLI, MM. Alain GOURNAC, François GROSDIDIER, Mme Pascale GRUNY, MM. Joël GUERRIAU, Michel HOUEL, Alain HOUPERT, Mme Christiane HUMMEL, M. Benoît HURÉ, Mmes Corinne IMBERT, Sophie JOISSAINS, M. Roger KAROUTCHI, Mme Fabienne KELLER, MM. Guy-Dominique KENNEL, Claude KERN, Marc LAMÉNIE, Mme Élisabeth LAMURE, MM. Daniel LAURENT, Antoine LEFÈVRE, Jacques LEGENDRE, Jean-Pierre LELEUX, Jean-Baptiste LEMOYNE, Jean-Claude LENOIR, Philippe LEROY, Mme Anne-Catherine LOISIER, M. Jean-François LONGEOT, Mme Vivette LOPEZ, MM. Didier MANDELLI, Hervé MARSEILLE, Pierre MÉDEVIELLE, Mmes Colette MÉLOT, Brigitte MICOULEAU, M. Alain MILON, Mme Patricia MORHET-RICHAUD, MM. Jean-Marie MORISSET, Christian NAMY, Philippe PAUL, Cyril PELLEVAT, Jackie PIERRE, Mme Catherine PROCACCIA, MM. Michel RAISON, Bruno RETAILLEAU, Charles REVET, Gérard ROCHE, Bernard SAUGEY, René-Paul SAVARY, Bruno SIDO, Alain VASSELLE, Jean Pierre VOGEL, Hervé MAUREY, Didier ROBERT, Mme Isabelle DEBRÉ, M. Robert LAUFOAULU, Mme Françoise FÉRAT et M. Loïc HERVÉ,

Sénateurs

(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Coup sur coup, deux affaires - l'une dans l'Isère, l'autre en Ille-et-Vilaine - sont venues récemment rappeler que des violences sexuelles imposées aux enfants dans l'enceinte scolaire constituaient encore une cruelle actualité dans notre pays, et par la même un terrible aveu d'impuissance pour la République. Car les faits commis dans les lieux mêmes sensés apporter totale protection aux enfants, l'ont été par des éducateurs aux antécédents judiciaires avérés pour des faits de violences sexuelles ou de pédophilie.

Malgré le constat d'une parole heureusement de plus en plus libérée dans notre société sur ces agissements criminels, que ce soit aussi bien dans l'administration qu'au sein des familles, malgré des dispositions du code pénal et de celui de l'action sociale et de la famille qui encadrent de plus en plus précisément le risque pédophile, sa répression et le suivi des personnes incriminées, malgré l'annonce qu'en 2014, 16 révocations d'enseignants sont intervenues, la gravité des faits ci-dessus évoqués interroge.

Ces derniers viennent de faire l'objet d'un rapport d'étape de l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche et de l'inspection générale des services judiciaires « sur les conditions dans lesquelles les poursuites et condamnations pénales de deux enseignants, à Grenoble et Rennes, ont été portées ou non à la connaissance de l'éducation nationale ».

Le résultat des premières investigations est consternant, pointant des dysfonctionnements majeurs en termes de passage des informations aussi bien au sein de l'administration de l'éducation nationale qu'au plan de la justice, relevant ainsi pour celle-ci « qu'il semble constant que dans le dossier de Grenoble et dans le dossier de Rennes, les parquets compétents n'ont avisé l'éducation nationale ni des poursuites, ni des condamnations ».

Il semble qu'au stade des poursuites les instructions données par voie de circulaires n'ont pas été respectées « ce qui pourrait constituer une défaillance » et au stade des condamnations, ce serait « une organisation imprécise des parquets » qui aurait empêché l'information de l'éducation nationale !

Si le gouvernement annonce d'ores et déjà des actions visant à l'amélioration de la transmission de l'information, il apparait que c'est au stade de la condamnation qu'une faiblesse de notre droit demeure, qui a pu conduire aux récents « dysfonctionnements » : il s'agit de l'interdiction d'exercer toute profession au contact d'enfants pour des personnes concernées par ce type de crime ou de délit, considérée comme une peine complémentaire laissée à la libre appréciation du juge. Temporaire ou bien définitive, l'interdiction peut être décidée par le juge en complément d'une peine principale.

En conséquence un éducateur condamné pour détentions d'images ou consultation de films à caractère pédophile peut poursuivre son activité.

Pour mettre un terme à ces situations dangereuses, il s'avère nécessaire de rendre définitive l'interdiction d'exercer une activité professionnelle impliquant un contact avec des mineurs, pour toute personne condamnée pour crime ou délit sexuel contre les mineurs.

La présente proposition de loi vise dans ses articles 1 et 2 à ce que la juridiction de jugement prononce une interdiction définitive d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact avec des mineurs lorsqu'une personne a été condamnée pour un crime ou un délit sexuel commis contre un mineur.

L' article 3 , dans son alinéa 1 er , vise à ce que dès l'ouverture d'une information judiciaire pour un crime ou un délit sexuel commis contre un mineur, l'autorité judiciaire informe l'organisme auprès duquel la personne exerce une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact avec les mineurs.

Dans son deuxième alinéa, l' article 3 vise à ce que l'interdiction définitive d'exercer au contact des mineurs prononcée par le juge soit notifiée sans délai aux autorités administratives compétentes.

L' article 4 vise à ce qu'à chaque renouvellement de l'agrément d'un assistant maternel ou familial, l'administration vérifie que les majeurs vivants au domicile du demandeur n'aient fait l'objet d'aucune condamnation pour des délits ou crimes commis contre des mineurs.

En effet, en l'état actuel, cette vérification n'est réalisée que lors de la demande initiale d'agrément ; la garde des enfants ayant lieu, le plus souvent, au domicile de l'assistant, il est nécessaire de procéder à un contrôle régulier des antécédents judiciaires des adultes pouvant entrer en contact avec lesdits enfants, sur ce lieu.

Enfin l' article 5 modifie l'article L. 227-23 du code pénal. Il vise à punir d'une peine de quatre ans d'emprisonnement et d'une amende de 60 000 euros le fait de consulter habituellement des images ou représentations de mineurs présentant un caractère pornographique. Ce délit n'est en l'état du droit positif puni que d'une peine de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.

Tel est l'objet de la proposition de loi que je vous demande d'adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

Le code pénal est ainsi modifié :

1° Le 3° de l'article 222-45 est abrogé ;

2° Après le même article 222-45, il est inséré un article 222-45-1 ainsi rédigé :

« Art. 222-45-1 - En cas de condamnation pour un crime ou un délit commis contre un mineur, prévu à la section 3 du présent chapitre, la juridiction de jugement prononce l'interdiction d'exercer à titre définitif une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact avec des mineurs. La juridiction de jugement ne peut y renoncer que par une décision spécialement motivée. »

Article 2

Le code pénal est ainsi modifié :

1° Le 6° de l'article 227-29 est abrogé ;

2° Après le même article 227-29, il est inséré un article 227-29-1 ainsi rédigé :

« Art. 227-29-1 - Lorsque la condamnation est prononcée sur le fondement des articles 227-22 à 227-27, 227-27-2 et 227-28-3, la juridiction de jugement prononce l'interdiction d'exercer à titre définitif une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact avec des mineurs. La juridiction de jugement ne peut y renoncer que par une décision spécialement motivée. »

Article 3

En cas d'ouverture d'une information judiciaire pour une infraction commise contre un mineur, prévue à la section 3 du chapitre II du titre II du livre II du code pénal et aux articles 227-22 à 227-27, 227-27-2 et 227-28-3 du même code, l'autorité judiciaire informe dans les plus brefs délais l'organisme auprès duquel la personne exerce une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact avec des mineurs.

Dans le cas de l'interdiction prévue aux articles 222-45-1 et 227-29-1, la décision est notifiée sans délai aux autorités administratives compétentes. Un décret en Conseil d'État fixe les conditions dans lesquelles s'exerce cette notification.

Article 4

Le cinquième alinéa de l'article L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Toutefois, la demande de renouvellement de l'agrément de l'assistant familial ou de l'assistant maternel ne peut être accordée qu'après vérification de l'extrait du casier judiciaire n° 3 de chaque majeur vivant au domicile du demandeur, dans les conditions définies au sixième alinéa du présent article. »

Article 5

Au quatrième alinéa de l'article 227-23 du code pénal, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « quatre » et le montant : « 30 000 euros » est remplacé par le montant : « 60 000 € ».

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