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N° 208
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015
Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 décembre 2014 |
PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE
tendant à assurer la représentation équilibrée des territoires ,
PRÉSENTÉE
Par MM. Gérard LARCHER et Philippe BAS,
Sénateurs
(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le 21 octobre 2014, lors de son allocution à la suite de son élection à la présidence du Sénat, M. Gérard LARCHER s'interrogeait : « Le critère démographique, mes chers collègues, est-il le critère exclusif de représentativité ? ». Et le président de notre Haute Assemblée de conclure que « la démocratie du nombre et celle du territoire doivent se combiner pour améliorer la représentation des citoyens ».
Si l'égalité de suffrage constitue l'un des principaux piliers de notre démocratie, son application ne peut ignorer le fait territorial qui, à travers la géographie et l'histoire, est au coeur de l'identité de notre Nation. Il en est ainsi particulièrement des territoires ruraux qui, faiblement peuplés, doivent conserver dans les collectivités territoriales une représentation suffisante pour que le lien entre les élus et la population qu'ils représentent puisse être maintenu malgré les distances.
Le pouvoir législatif comme le pouvoir règlementaire doivent se conformer au principe d'égalité devant le suffrage lorsqu'ils procèdent à la répartition des sièges et à la délimitation de circonscriptions électorales. En dernier recours, le Conseil constitutionnel en assure le respect. Depuis 1986, il veille à ce que les élus du suffrage universel soient désignés sur « des bases essentiellement démographiques », sans aller jusqu'à exiger une stricte proportionnalité entre le nombre d'habitants et le nombre de sièges. Il admet même des dérogations ponctuelles fondées sur « d'autres impératifs d'intérêt général » qui peuvent être pris en compte dans « une mesure limitée ».
L'égalité de suffrage a jusqu'à présent fait obstacle à ce que le nombre d'habitants représenté par un élu local puisse en principe s'écarter, dans un sens ou dans l'autre, de plus de 20 % de la moyenne de représentation de chaque élu au sein de l'assemblée territoriale concernée.
Cette règle arithmétique non écrite a tout son sens pour l'élection des parlementaires. Le Parlement exerce par délégation du Peuple la souveraineté nationale. Comme l'énonce l'article 3 de la Constitution, « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants [...] ». La limite de l'écart fixée en principe à 20 % garantit donc l'égalité de représentation des habitants et le respect du critère démographique pour l'exercice de la souveraineté nationale.
En outre, la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a conforté la spécificité et les garanties qui entourent l'élection des membres des deux assemblées composant le Parlement. En effet, l'article 25 de la Constitution oblige désormais une commission indépendante à émettre un avis public « sur les projets de texte et propositions de loi délimitant les circonscriptions pour l'élection des députés ou modifiant la répartition des sièges de députés ou de sénateurs ».
En revanche, cette limite est trop étroite pour les assemblées locales. Dans notre République, dont l'organisation est décentralisée (article 1 er de la Constitution), les territoires sont reconnus comme des entités à statut constitutionnel, et les collectivités qui en expriment la personnalité morale, principalement les communes, les départements et les régions, sont librement administrées par des conseils élus. L'organisation décentralisée de la République vise à permettre une meilleure prise en compte des territoires et à adapter leur représentation politique à cette exigence.
Le principe d'égalité devant le suffrage ne saurait faire obstacle à une meilleure représentation des territoires dans les assemblées locales, dans les limites que le pouvoir constituant aura assignées au législateur. C'est pourquoi il importe de préciser le texte de la Constitution afin de garantir l'égalité de suffrage tout en définissant les conditions dans lesquelles la représentation équitable des territoires pourra désormais être assurée par le législateur.
Tel est le sens de la présente proposition de révision constitutionnelle.
Son article 1 er complète l'article 1 er de la Constitution qui, depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, prévoit que l'organisation de la République est décentralisée. Il propose de préciser que la République garantit dans ce cadre la représentation équitable des territoires.
L' article 2 détermine la portée du principe ainsi posé. Il complète à cette fin, par deux nouveaux alinéas, l'article 72 de la Constitution qui impose que chaque collectivité s'administre librement par un conseil élu au suffrage universel.
Il prévoit en premier lieu que, pour l'élection des organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs groupements, la représentation équitable des territoires est assurée dans le respect de l'égalité devant le suffrage. Il précise que, dans la détermination du nombre des sièges et dans la fixation des limites de circonscription électorales des collectivités territoriales, le pouvoir législatif ou réglementaire ne peut en principe s'écarter de plus d'un tiers de la moyenne de représentation constatée pour l'assemblée concernée.
Tel est l'objet de la présente proposition de loi constitutionnelle que ses auteurs invitent le Sénat à adopter.
PROPOSITION DE LOI
CONSTITUTIONNELLE
Article 1 er
Le premier alinéa de l'article 1 er de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée :
« La République garantit la représentation équitable de ses territoires dans leur diversité. »
Article 2
Après le troisième alinéa de l'article 72 de la Constitution, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Les territoires d'élection des membres des conseils des collectivités territoriales et de leurs groupements sont représentés équitablement dans le respect de l'égalité devant le suffrage.
« La population représentée par les élus de chaque territoire ne peut, sauf impératif d'intérêt général, s'écarter de plus d'un tiers de la population moyenne représentée par les élus du conseil. »