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N° 622
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014
Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 juin 2014 |
PROPOSITION DE LOI
tendant à réformer le système de sécurité sociale des étudiants ,
PRÉSENTÉE
Par Mme Catherine PROCACCIA, M. Alain GOURNAC, Mme Catherine DEROCHE, MM. Jacques GAUTIER, André DULAIT, Louis DUVERNOIS, Christian CAMBON, Jean-Patrick COURTOIS, Bernard FOURNIER, Mme Marie-Annick DUCHÊNE, MM. Francis GRIGNON, André FERRAND, Mme Colette GIUDICELLI, MM. Philippe DALLIER, Raymond COUDERC, Philippe BAS, Jean-Noël CARDOUX, René-Paul SAVARY, Gérard LARCHER, Jean-Pierre RAFFARIN, François GROSDIDIER, Alain HOUPERT, Philippe DOMINATI, René BEAUMONT, Michel FONTAINE, Mmes Isabelle DEBRÉ, Marie-Hélène DES ESGAULX, MM. Jean-Pierre CHAUVEAU, Charles GUENÉ, Robert del PICCHIA, Christian COINTAT, Jean-Claude CARLE, Éric DOLIGÉ, Francis DELATTRE, Mme Esther SITTLER, M. Robert LAUFOAULU, Mme Élisabeth LAMURE, MM. Philippe MARINI, Charles REVET, Mme Christiane HUMMEL, MM. Roland du LUART, Jean-Pierre VIAL, Gérard DÉRIOT, Antoine LEFÈVRE, Jacques LEGENDRE, Mme Sophie PRIMAS, MM. Hugues PORTELLI, Rémy POINTEREAU, Gérard CORNU, Mme Catherine TROENDLÉ, M. Jean-Pierre LELEUX, Mme Colette MÉLOT, MM. Jean-Claude LENOIR, Bruno RETAILLEAU, Jackie PIERRE, Philippe ADNOT, Philippe MOUILLER, Louis-Jean de NICOLAY, Michel VASPART, Patrick CHAIZE, Mme Pascale GRUNY, MM. Jean-Marie VANLERENBERGHE, Jean BIZET, Jean-Marie MORISSET, Mme Jacky DEROMEDI, MM. Cyril PELLEVAT, Jean-François LONGEOT, Daniel CHASSEING, Mme Sylvie GOY-CHAVENT, M. Gérard ROCHE, Mme Anne-Catherine LOISIER, MM. Mathieu DARNAUD, Jean-Léonce DUPONT, Hervé MARSEILLE, Mme Agnès CANAYER, MM. Michel RAISON, Claude MALHURET, Mme Corinne IMBERT, M. Jérôme BIGNON, Mme Dominique ESTROSI-SASSONE et M. Olivier CADIC,
Sénateurs
(Envoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Depuis 1948, les étudiants sont obligatoirement affiliés au régime général de la sécurité sociale, mais dans la réalité, la gestion des prestations obligatoires est déléguée à des organismes d'assurance spécifiques, les « mutuelles étudiantes ».
Ce système est unique en Europe , où la plupart du temps les jeunes européens dépendent du régime de leurs parents jusqu'à leurs 25 ans ou sont affiliés au régime général.
Ce régime français inédit présente en outre d'autres particularités.
D'abord, les étudiants français y sont rattachés jusqu'à 18 ans pour la plupart, l'âge variant selon le régime de sécurité sociale des parents.
Si ces derniers relèvent de « régimes spéciaux », le rattachement du jeune fluctue entre 20, 25 ans voire 28 ans pour les enfants de salariés SNCF.
Ensuite, ce n'est pas une structure mais plusieurs qui coexistent et se concurrencent pour assurer le régime de sécurité sociale obligatoire, cas quasi unique en France. Existent actuellement en 2014, d'une part, La mutuelle des étudiants (LMDE) - qui a succédé en 2000 à la Mutuelle nationale des étudiants de France (MNEF) - et d'autre part onze sociétés mutuelles régionales (Smer). Chaque réseau couvre à part quasi équivalente l'ensemble des près de 2,4 millions 1 ( * ) de jeunes qui étudient en France dans des établissements et formations d'enseignement supérieur.
Enfin, si ces organismes sont chargés de la gestion du régime de sécurité sociale obligatoire de base, ils peuvent également proposer une couverture complémentaire maladie ou des assurances habitation comme n'importe quel assureur privé.
Qualifiés de « mutuelles » par le code de la sécurité sociale, une telle terminologie n'est pas sans créer une certaine confusion dans l'esprit des étudiants et de leurs parents qui ne savent pas toujours pour quels risques ils sont couverts : assurance maladie obligatoire, couverture complémentaire ?
Autre spécificité : la sécurité sociale étudiante est par nature un régime transitoire puisque les étudiants demeurent dans l'enseignement supérieur en moyenne trois années. En outre, la législation oblige ceux qui suivent une formation en alternance, en apprentissage et ceux qui travaillent comme salariés un certain nombre d'heures, à des allers-retours « ping-pong » entre le régime social de l'entreprise dans laquelle ils travaillent et le régime étudiant.
Cette instabilité est à la fois compliquée pour le jeune mais aussi pour l'ensemble des régimes qui doivent sans arrêt procéder à des radiations puis à des réinscriptions.
Mis en place depuis plus de 65 ans, ce système de couverture santé des étudiants fait l'objet depuis plusieurs années de critiques répétées de la Cour des comptes et des utilisateurs (étudiants, parents mais aussi associations de consommateurs) en raison de son coût et de son mauvais fonctionnement.
Son coût
Les mutuelles étudiantes perçoivent de la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAMTS) 54,77 € annuels par étudiant pour l'exercice de leur mission. Même s'il n'a pas été récemment revalorisé, ce montant qui correspond à une « remise de gestion », est sensiblement plus élevé que celui versé à d'autres mutuelles déléguées comme celles des fonctionnaires. Ce système financier incite chaque organisme à se livrer à une très forte concurrence pour attirer le maximum d'inscrits.
Les étudiants s'acquittent, eux, d'une cotisation forfaitaire qui s'élevait à 211 euros pour l'année universitaire 2013-2014.
Plusieurs rapports de la Cour des comptes ont dénoncé ce surcoût mais aussi des dysfonctionnements particulièrement importants de la LMDE et de la SMEREP (Société mutualiste des étudiants de la région parisienne), les deux plus importantes mutuelles étudiantes.
Les dysfonctionnements
La procédure d'affiliation est chaotique et compliquée : la carte vitale attribuée au jeune à son seizième anniversaire devient caduque dès qu'il est étudiant. Le passage du régime d'origine à celui de la sécurité sociale étudiante, (mutation inter-régime) allonge le délai d'obtention de la nouvelle carte.
Ce sésame indispensable doit être attendu de longs mois, source de multiplication de décomptes papiers, plus longs à traiter par les mutuelles et qui, obligeant l'étudiant à faire l'avance des frais, le freine dans son parcours de soin.
Mais surtout, la qualité du service n'est pas au rendez-vous : délais de remboursement très longs, dossiers perdus, réponses en souffrance ou files d'attentes pendant des heures aux guichets dans les agences physiques, et ce particulièrement pour les mutuelles les plus importantes.
Ce constat, dressé en 2012 par la commission des affaires sociales de notre Haute Assemblée, dans le rapport 2 ( * ) que j'ai co-signé avec le sénateur socialiste Ronan KERDRAON a été confirmé quelques mois plus tard par la Cour des comptes 3 ( * ) . Selon l'enquête de satisfaction réalisée par cette dernière, seuls 20 % des étudiants se sont prononcés en faveur du maintien du système d'affiliation obligatoire au régime étudiant 4 ( * ) .
Créées dans le but de favoriser l'autonomie des jeunes et leur apprentissage de la « citoyenneté sociale », les mutuelles étudiantes, inadaptées à la massification des étudiants, ne sont donc plus en mesure d'assumer cette mission. D'une complexité qualifiée d' « abracadabrante » par la commission des affaires sociales du Sénat dans notre rapport sénatorial, le régime étudiant ne répond plus à cette attente et apporte aujourd'hui des prestations d'un niveau de qualité bien inférieur à celui que seraient en droit d'attendre ses affiliés tout en engendrant des coûts de gestion non négligeables.
À une période où la rigueur budgétaire et « la chasse au gaspi » sont de mise, alors qu'il est demandé à chacun de faire mieux avec moins, il serait temps de mettre fin à un système dont l'existence ne se justifie plus.
Cette proposition de loi s'inspire de ces rapports et du débat qui s'est tenu au Sénat en décembre 2013.
L' article 1 er de la proposition de loi prévoit que les étudiants demeurent affiliés, mais de façon indépendante, au régime de sécurité sociale de leurs parents.
Ni simples ayants droit, ni ayants droit autonomes, ils bénéficieront d'un statut particulier. Ainsi, la spécificité du statut étudiant perdurera, mais dans le régime auprès duquel ils sont déjà affiliés. Les lourdeurs et le coût lié au changement de régime et à l'attribution d'une nouvelle carte vitale disparaîtront ainsi.
L' article 2 précise que les étudiants continueront de verser une cotisation forfaitaire au début de chaque année universitaire afin qu'ils participent toujours au coût de fonctionnement de la sécurité sociale française. Les étudiants boursiers demeurent naturellement exonérés de cette cotisation. L'article laisse en outre la possibilité d'élargir le champ de cette exclusion.
En conséquence, l' article 3 supprime les mutuelles étudiantes et l' article 4 procède aux coordinations résultant de cette suppression dans le code de la sécurité sociale et dans le code de la mutualité.
L' article 5 fixe au 1 er septembre suivant la date de sa publication, l'entrée en vigueur des dispositions de la présente proposition de loi. Ce délai permettra de donner aux structures concernées le temps d'adaptation nécessaire, en particulier s'agissant de la gestion des personnels.
Enfin, l' article 6 gage les éventuelles conséquences financières de la réforme sur les organismes de sécurité sociale par la création d'une taxe additionnelle aux droits sur les tabacs.
*
* *
Si depuis soixante ans le monde étudiant a changé, malgré des soubresauts mouvementés, le système a, lui, peu évolué.
Afin de lever l'un des obstacles à l'accès aux soins des jeunes étudiants, et de répondre ainsi à une demande de simplification d'un régime inadapté et désormais obsolète, nous vous demandons, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter la présente proposition de loi.
PROPOSITION DE LOI
Article 1 er
L'article L. 381-4 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art L. 381-4 . - Les élèves et les étudiants des établissements d'enseignement supérieur, des écoles techniques supérieures, des grandes écoles et classes du second degré préparatoires à ces écoles sont affiliés au régime de sécurité sociale des assurés sociaux dont ils étaient les ayants droit autonomes au titre de l'article L. 161-14-1. L'affiliation prend fin à l'issue de la période d'études ou lorsqu'est atteint l'âge limite fixé par voie réglementaire.
« Les élèves et les étudiants qui, à leur date d'entrée dans l'enseignement supérieur, ne relèvent d'aucun régime de sécurité sociale, sont affiliés au régime général dans les conditions fixées à l'article L. 380-1 du présent code. »
Article 2
L'article L. 381-6 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « aux caisses primaires d'assurance maladie » sont supprimés ;
2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ils versent une cotisation forfaitaire dont le montant est fixé par arrêté ministériel, après consultation des associations d'étudiants. L'exonération de cette cotisation est de droit pour les boursiers. Elle peut être décidée à titre exceptionnel dans des conditions fixées par voie réglementaire. »
Article 3
Les articles L. 381-8 à L. 381-11 du code de la sécurité sociale sont abrogés.
Article 4
I. - Au 4° du I. de l'article L. 111-1 du code de la mutualité, les références : « L. 381-8, L. 381-9, » sont supprimées.
II. - Le second alinéa de l'article L. 712-6 du code de la sécurité sociale est supprimé.
Article 5
La présente loi entre en vigueur à compter du 1 er septembre de l'année suivant sa publication.
Article 6
Les éventuelles conséquences financières résultant pour les organismes de sécurité sociale de la présente proposition de loi sont compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La perte de recettes résultant pour l'État du paragraphe ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
* 1 Source : -Sous-direction des systèmes d'information et études statistiques : Synthèse des effectifs de l'enseignement supérieur. Ministère de l'Education Nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche http://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/atlas/atlas-PAYS-PAYS_100-les_etudiants_inscrit_dans_l_enseignement_superieur_en_france.php
* 2 Rapport d'information de M. Ronan KERDRAON et Mme Catherine PROCACCIA, fait au nom de la commission des affaires sociales, sur la sécurité sociale et la santé des étudiants (n° 221, 2012-2013).
* 3 Cour des comptes, « Chapitre XVIII : La sécurité sociale des étudiants », insertion au rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, septembre 2013
* 4 L'enquête, menée entre février et mars 2013, se fonde sur les 2 950 réponses envoyées aux courriers adressés par la Cour des comptes via Internet à des adresses