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N° 331
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014
Enregistré à la Présidence du Sénat le 4 février 2014 |
PROPOSITION DE LOI
relative à l' interdiction de la mise en culture du maïs génétiquement modifié MON810 ,
PRÉSENTÉE
Par M. Alain FAUCONNIER,
Sénateur
(Envoyée à la commission des affaires économiques, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La mise en culture de plantes génétiquement modifiées pose des risques environnementaux, notamment des risques d'impact sur la biodiversité et sur les insectes non-cibles ainsi que des risques agronomiques, en accentuant les risques d'apparition d'insectes résistants aux insecticides et d'adventices tolérantes aux herbicides.
De manière plus générale, la question de la culture des organismes génétiquement modifiés sur le territoire de l'Union est un sujet sensible qui nécessite la prise en compte des particularités géographiques, agronomiques et écologiques des territoires très divers de l'Union. L'ensemble des effets potentiels directs ou indirects, immédiats ou différés de l'utilisation des organismes génétiquement modifiés doit être évalué conformément à la réglementation en vigueur.
Le besoin d'un renforcement de l'évaluation relative aux organismes génétiquement modifiés et notamment de leur évaluation environnementale, est reconnu par l'ensemble des États membres comme l'a montré le vote unanime des conclusions du Conseil du 4 décembre 2008. Or, la révision de ces lignes directrices n'est toujours pas terminée, alors que l'impact environnemental des organismes génétiquement modifiés est un enjeu majeur de leur évaluation, toujours insuffisante malgré les conclusions du Conseil de 2008.
Le maïs génétiquement modifié MON810, rendu résistant aux insectes ravageurs pyrales et sésamie par la production d'une toxine Cry1Ab, a été autorisé à la mise en culture au niveau européen en 1998 au titre de la directive 90/220/CEE du 23 avril 1990, aujourd'hui abrogée et remplacée par la directive 2001/18/CE relative à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés (OGM) dans l'environnement.
Une demande de renouvellement déposée par la société Monsanto Europe, au titre du règlement (CE) n°1829/2003 concernant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés, a fait l'objet de plusieurs avis de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA), en juin 2009 puis en décembre 2012.
Dans ces avis, l'Autorité européenne de sécurité des aliments met en évidence des risques environnementaux liés à la culture du maïs MON810, tels que :
ï l'apparition de résistances à la toxine Cry1Ab dans les populations de lépidoptères cibles exposées, qui peut entraîner l'adoption de techniques de lutte contre les ravageurs (par exemple, insecticides) ayant un impact environnemental plus élevé,
ï des réductions de populations de certaines espèces de lépidoptères (papillons) non-cibles sensibles, lorsqu'elles sont exposées au pollen de maïs MON810 déposé sur leurs plantes-hôtes.
Des publications scientifiques récentes confirment ces risques. Ainsi, une étude publiée par Campagne et al. , 2013 a mis en évidence un mécanisme de résistance dominante à la toxine Cry1Ab chez l'insecte ravageur Busseola fusca, qui a conduit à un développement rapide de cette résistance et a rendu inefficaces les stratégies de gestion appliquées.
Pour prévenir ces risques, l'Autorité européenne de sécurité des aliments recommande la mise en oeuvre de mesures de gestion et de surveillance, notamment :
ï la mise en place de zones refuges équivalentes à 20 % de la surface en maïs Bt, y compris pour les parcelles inférieures à 5 hectares lorsque le regroupement de parcelles représente plus de 5 ha de maïs Bt, pour retarder l'apparition de résistances à la toxine Cry1Ab chez les lépidoptères cibles ;
ï l'adoption de mesures d'atténuation des risques appropriées pour limiter l'exposition des larves de lépidoptères non-cibles, telles que la mise en place de rangs de bordure de maïs non-génétiquement modifiés ou des distances d'isolement ;
ï l'absence de culture de mais MON810 à moins de 20 mètres de l'habitat d'espèces de lépidoptères protégées dont la sensibilité à la toxine Cry1Ab n'est pas connue, de manière à minimiser l'exposition et donc le risque pour les larves de ces populations de lépidoptères ;
ï le renforcement du plan de surveillance spécifique, proposé par le pétitionnaire, visant à mettre en évidence une évolution des résistances, en particulier dans les zones « à risque », en incluant d'autres ravageurs du maïs ;
ï le renforcement du plan de surveillance générale, proposé par le pétitionnaire, conformément aux nouvelles lignes directrices de l'Autorité européenne de sécurité des aliments sur la surveillance environnementale des plantes génétiquement modifiées.
Or, aucune mesure de gestion de la culture de maïs MON810, destinée à limiter les risques pour l'environnement n'est imposée par la décision d'autorisation délivrée en 1998 dont le renouvellement est toujours en cours d'examen.
Les mesures de gestion et les plans de surveillance volontaires proposés par Monsanto, et partiellement mis en oeuvre, sont très nettement incomplets, au regard des recommandations formulées par l'Autorité européenne de sécurité des aliments, et donc insuffisants pour préserver l'environnement. À cet égard, les rapports de surveillance annuels remis à la Commission européenne et aux États membres montrent que Monsanto refuse de mettre en oeuvre les recommandations de l'Autorité européenne de sécurité des aliments du fait qu'il n'existe aucune disposition contraignante les rendant obligatoires.
Enfin, la mise en culture de maïs génétiquement modifié sur le territoire national aurait des impacts économiques sur les autres filières, conventionnelle, biologique, ainsi que les filières apicoles et les filières qualifiées « sans organismes génétiquement modifiés », en raison de la dissémination incontrôlée de pollen pouvant être à l'origine de présence fortuite d'organismes génétiquement modifiés indésirables dans d'autres produits.
Le cas de l'apiculture est particulièrement préoccupant, dans la mesure où, du fait de leur biologie, la distance de butinage des abeilles varie constamment en fonction des sources de nourriture présentes et peut atteindre 13 km et qu'aucune solution technique satisfaisante n'existe actuellement pour éviter la présence de pollen génétiquement modifié dans les produits de la ruche.
La mise en culture d'organismes génétiquement modifiés obligerait les apiculteurs à éloigner leurs ruches de ces parcelles entrainant ainsi des conséquences néfastes pour la production apicole. En effet, les apiculteurs doivent placer leurs ruches librement afin de bénéficier de plantes avoisinantes riches en nectar et en pollen.
La mise en culture du maïs MON810 viendrait donc en contradiction avec les mesures prises ailleurs pour soutenir cette filière affectée, depuis une vingtaine d'années, par de graves problèmes de santé des abeilles ainsi qu'une baisse constante de la production de miel.
Compte tenu de l'urgence liée à l'approche de la période des semis de maïs et du risque important mettant en péril de façon manifeste l'environnement, il apparaît nécessaire d'interdire la mise en culture du maïs MON 810.
Par ailleurs, la demande d'autorisation en cours pour la mise en culture du maïs 1507 doit également être prise en compte. Le maïs génétiquement modifié TC 1507, rendu résistant aux insectes ravageurs, a fait l'objet d'une demande de mise sur le marché des semences aux fins de culture par Pioneer Hi-Bred International, Inc. et Mycogen Seeds auprès de l'autorité compétente espagnole en 2001 au titre de la directive 2001/18/CE relative à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement. Une décision sur cette demande pourrait être prise prochainement au niveau européen.
Le maïs 1507 présente une tolérance à l'herbicide glufosinate, bien que cette dernière ne soit pas présentée comme un argument commercial par le pétitionnaire et que le projet d'autorisation n'inclue pas l'utilisation de cette tolérance à un herbicide. Cette modification portant sur la résistance au glufosinate a été insuffisamment évaluée par l'Autorité européenne de sécurité des aliments. Une évaluation complète de l'usage des deux transgènes est nécessaire, afin de couvrir au mieux l'ensemble des risques potentiels liés à l'utilisation de cet organisme génétiquement modifié sur l'environnement.
En outre, des interrogations sur les effets potentiels directs ou indirects, immédiats ou différés du maïs 1507 persistent. En effet, l'apparition de résistances à la protéine Cry1F a été observée en conditions naturelles, pour le moment sur des ravageurs présents dans les DOM-COM. De plus, on ne dispose à ce stade que de peu d'études relatives aux impacts de la protéine Cry1F sur les insectes non-cibles. L'Autorité européenne de sécurité des aliments a conclu à la possibilité d'impacts sur les populations de lépidoptères sensibles, point d'autant plus préoccupant que les plans de surveillance proposés par le pétitionnaire sont jugés insuffisants.
Compte tenu du calendrier de la procédure d'autorisation du maïs 1507, de l'urgence liée à l'approche de la période des semis de maïs et du risque important mettant en péril de façon manifeste l'environnement, il apparaît nécessaire de prévoir une mesure d'interdiction couvrant également la mise en culture du maïs TC 1507.
L'article unique prévoit l'interdiction de mise en culture des variétés de semences de maïs génétiquement modifié en raison de l'urgence liée aux risques environnementaux, des dispositions permettant le contrôle du respect de cette interdiction par les agents publics compétents en la matière ainsi que la possibilité d'ordonner la destruction totale ou partielle de ces cultures.
PROPOSITION DE LOI
Article unique
I. - La mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié est interdite sur le territoire national.
II. - Le respect de l'interdiction de mise en culture prévue au I est contrôlé par les agents mentionnés à l'article L. 250-2 du code rural et de la pêche maritime. Ces agents disposent des pouvoirs prévus aux articles L. 250-5 et L. 250-6 du même code.
En cas de non-respect de cette interdiction, l'autorité administrative peut ordonner la destruction totale ou partielle des cultures.