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N° 745 rectifié
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2010-2011
Enregistré à la Présidence du Sénat le 11 juillet 2011 |
PROPOSITION DE LOI
visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d' art de rétablissement des voies ,
PRÉSENTÉE
Par Mme Évelyne DIDIER, M. Gérard LE CAM, Mme Mireille SCHURCH, M. Jean-Claude DANGLOT, Mmes Odette TERRADE, Nicole BORVO COHEN-SEAT, Éliane ASSASSI, M. François AUTAIN, Mme Marie-France BEAUFILS, M. Michel BILLOUT, Mmes Annie DAVID, Michelle DEMESSINE, MM. Guy FISCHER, Thierry FOUCAUD, Mmes Brigitte GONTHIER-MAURIN, Gélita HOARAU, M. Robert HUE, Mmes Marie-Agnès LABARRE, Josiane MATHON-POINAT, Isabelle PASQUET, MM. Jack RALITE, Ivan RENAR, Bernard VERA et Jean-François VOGUET,
Sénateurs
(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La question de la répartition des responsabilités et des charges financières qu'impliquent la surveillance, l'entretien, la réparation et le renouvellement des ouvrages d'art rétablissant les voies de communication coupées par des infrastructures de transport nouvelles représente un enjeu important pour les collectivités territoriales tant en termes de responsabilité juridique et de charge financière que de sécurité pour les usagers des voies et les personnels des entreprises qui entretiennent les voiries et infrastructures de transport.
Rappelons que lorsque les sociétés publiques de transport étaient des entreprises totalement intégrées, la question de la répartition des charges ne se posait pas. La Société Nationale des Chemins de Fer entretenait ses voies et les ouvrages construits pour ses propres besoins ; Voies Navigables de France faisait de même avec les canaux et les ponts ; quant aux sociétés d'autoroute, les contrats de concession stipulaient que lesdites sociétés étaient en charge des ouvrages construits pour l'occasion.
Le maître d'ouvrage de l'infrastructure nouvelle réalisait les ouvrages de rétablissement des voies coupées et entretenait lesdits ouvrages. Rappelons aussi que la surveillance et toute intervention sur la structure sont particulièrement contraintes par la nature du trafic et la circulation sur l'infrastructure nouvelle créée (voies ferrées, Ligne Grande Vitesse, canal à grand gabarit, autoroute...).
Aujourd'hui, la nouvelle répartition des compétences entre l'État et les collectivités, le fait que les entreprises d'infrastructures comme Réseau Ferré de France ou Voies Navigables de France soient soumises à la rigueur budgétaire et à des obligations de productivité, amènent ces dernières à demander de plus en plus fréquemment aux collectivités de payer les factures.
Ainsi, on demande aux collectivités de prendre à leur charge des ouvrages de rétablissement des voies dont elles sont de facto propriétaires alors même que ces ouvrages ont été construits conséquemment à la réalisation de l'infrastructure nouvelle au profit du maître d'ouvrage de ladite infrastructure.
De ce fait, certaines collectivités découvrent qu'elles ont l'obligation d'engager des frais pour des ouvrages d'art. En effet, le transfert de responsabilité des ouvrages d'art s'est fait avec le transfert des routes, sans que l'attention des nouveaux propriétaires soit toujours attirée sur ce fait.
Si les départements n'ont pas été surpris compte tenu de leurs compétences habituelles et de leur connaissance du sujet, les communes découvrent leur implication lorsque les sociétés d'infrastructures leur demandent d'effectuer des travaux en leur faisant envoyer des devis par des entreprises spécialisées ou encore lorsqu'elles soumettent des conventions à leur approbation. Faute de moyens financiers et de compétences spécifiques, la collectivité risque de se trouver contrainte d'engager des dépenses disproportionnées au regard de ses ressources, ou de réduire voire de supprimer l'ouvrage pour des raisons de sécurité.
Aujourd'hui, de nombreuses collectivités se trouvent confrontées à cette question. C'est la raison pour laquelle il est nécessaire de poser les principes de répartition des responsabilités et des charges entre les collectivités et les gestionnaires d'infrastructures de transport nouvelles et de définir ensuite les obligations des uns et des autres.
L' article 1 er de cette proposition de loi crée une nouvelle section au sein du code général de la propriété des personnes publiques.
L'article L. 2123-9 (nouveau) impose l'établissement d'une convention entre le gestionnaire de l'infrastructure nouvelle, responsable de l'interruption d'une voie, et le propriétaire de ladite voie rétablie par un ouvrage dénivelé. Le contenu de la convention et le moment de la signature devront être déterminés par décret. La convention devra obligatoirement comprendre les conditions de gestion de l'entretien et du renouvellement de l'ouvrage ainsi que la répartition de la prise en charge financière des travaux en fonction des principes posés par la présente loi.
L'article L. 2123-10 (nouveau) précise la marche à suivre en cas de convention existante.
L'article L. 2123-11 (nouveau) fixe les conditions permettant d'établir une convention pour des situations existantes.
La présente proposition de loi, en cohérence avec les conventions existantes, pose le principe du partage des charges comme suit :
- la collectivité prend en charge l'entretien et la gestion des trottoirs ainsi que du revêtement routier et des joints qui en assurent la continuité,
- le gestionnaire de l'infrastructure de transport nouvelle prend en charge la surveillance, l'entretien et la reconstruction de la structure de l'ouvrage et l'étanchéité de l'ensemble de l'ouvrage.
Tel est l'objet de la présente proposition de loi qu'il vous est demandé d'adopter.
PROPOSITION DE LOI
Article 1 er
Au chapitre III du titre II du livre I er de la deuxième partie du code général de la propriété des personnes publiques, il est ajouté une section 5 ainsi rédigée :
« Section 5
« Rétablissement de voies de communication rendu nécessaire par la réalisation d'un ouvrage d'infrastructures de transport
« Art. L. 2123-9. - Le dossier d'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique d'un nouvel ouvrage d'infrastructure de transport expose les modalités prévues pour la réalisation des rétablissements de voies interrompues, ainsi que les obligations futures concernant les ouvrages d'art de rétablissement.
« I. - Lorsque, du fait de la réalisation du nouvel ouvrage d'infrastructure de transport, la continuité d'une voie de communication existante est rétablie par un ouvrage dénivelé, la superposition des ouvrages publics qui en résulte fait l'objet d'une convention entre le gestionnaire de l'infrastructure nouvelle et le propriétaire de la voie rétablie.
« II. - La convention répartit les charges de surveillance, d'entretien, de réparation et de renouvellement selon le principe suivant :
au gestionnaire de la nouvelle infrastructure de communication, la responsabilité de la structure de l'ouvrage d'art, y compris l'étanchéité,
au propriétaire de la voie rétablie, la responsabilité de la chaussée et des trottoirs
« III. - Les éléments contenus dans la convention sont déterminés par décret. La convention doit être établie en respectant les dispositions de l'article L. 2123-12 du code général de la propriété des personnes publiques. »
« Les dispositions de l'article L. 2123-9 s'appliquent aux ouvrages d'infrastructures de transports dont l'enquête publique est ouverte postérieurement au premier jour du troisième mois suivant la promulgation de la présente loi. »
« Art. L. 2123-10. - Les dispositions des conventions conclues antérieurement à la promulgation de la loi et prévoyant les modalités de gestion d'un ouvrage de rétablissement continuent à s'appliquer, sauf en cas de dénonciation de la convention par au moins l'une des parties.
« Dans cette hypothèse, une nouvelle convention devra être conclue conformément aux principes énoncés à l'article L. 2123-9 de la présente loi. Elle décrit les conditions prévisionnelles de cet entretien et contient une évaluation des dépenses prévisibles correspondantes. Enfin, elle fixe les modalités de remise de l'ouvrage et de l'ouverture de la voie à la circulation.
« En cas de litige sur la répartition des charges, les parties peuvent saisir le juge.
« Art. L. 2123-11. - Pour les franchissements existants et en cas de litige concernant la prise en charge des dépenses ayant pour origine la situation de superposition domaniale résultant du rétablissement de la voie de communication en l'absence de convention, les deux parties doivent contracter une convention dans un délai de trois ans, en respectant les principes énoncés dans l'article L. 2123-9 de la présente loi.
« Art. L. 2123-12. - Par dérogation au principe énoncé dans l'article L. 2123-9 de la présente loi, la charge financière liée aux frais d'entretien et de réparation de la chaussée et des superstructures routières, résultant du rétablissement dénivelé d'une voie de communication existante coupée par la réalisation d'un ouvrage d'infrastructures de transport, peut donner lieu à compensation pour la collectivité.
« Les parties signent une convention répartissant précisément pour le futur les conditions matérielles, administratives et financières de gestion de cette superposition d'ouvrages, pouvant aboutir à un transfert complet de maîtrise d'ouvrage de l'opération au gestionnaire de l'infrastructure de transports. »
Article 2
Les charges résultant, pour l'État, de l'application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Article 3
La qualité des ouvrages construits devra tenir compte de la gestion ultérieure des ouvrages de rétablissement de communication en respectant les règles en vigueur dans ce domaine et en s'appuyant sur le projet technique des gestionnaires des voies rétablies. Elle devra également correspondre aux besoins du trafic supporté par la voie rétablie.