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N° 355
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010
Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 mars 2010 |
PROPOSITION DE LOI
visant à moderniser le droit de la chasse ,
PRÉSENTÉE
Par M. Pierre MARTIN,
Sénateur
(Envoyée à la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Cette proposition de loi de modernisation du droit de la chasse a pour fil conducteur une gestion plus efficace de la biodiversité. En cette année 2010, année de la biodiversité, il nous est en effet apparu nécessaire de rappeler la contribution de la chasse à la gestion des espèces et des espaces, à la préservation des biotopes, et, dans cette approche, de moderniser la législation sur certains points précis pour mieux permettre aux chasseurs d'accomplir leur mission d'intérêt général.
Pour mieux gérer la biodiversité, les chasseurs ont besoin d'un outil juridique permettant de gérer les espaces non ou sous-chassés, où prolifèrent certaines espèces au détriment des récoltes et d'autres espèces ( article 4 ). Ils attendent une disposition fiscale non discriminatoire pour pouvoir continuer à entretenir les zones humides, les zones entretenues par les chasseurs étant des zones privilégiées pour toutes les espèces aviaires, chassables ou non chassables ( article 2 ).
Les fédérations départementales s'efforcent d'accroître leurs actions de terrain en matière d'information et d'éducation au développement durable, en matière de connaissance et de préservation de la faune sauvage. Ces actions de terrain sont parfois freinées ou empêchées au regard de la loi qui est muette sur cette compétence, même si 81 fédérations sont des associations agréées de protection de l'environnement. Il convient donc, par parallélisme avec ce qui existe déjà pour les fédérations de pêcheurs, de compléter la loi en ce sens ( article 1 er ). Dans le même ordre d'esprit, il convient de moderniser le code de l'environnement en précisant que la chasse peut contribuer à « une gestion équilibrée de la biodiversité » ( article 3 ).
La modernisation du statut des A.C.C.A. (Association communale de chasse agréée) s'impose au moins sur deux points. Le premier c'est celui de la création d'A.I.CA. (Association intercommunale de chasse agréée) par voie de fusion volontaire d'A.C.C.A., les A.I.C.A. traditionnelles demeurant. Seule une intercommunalité cynégétique avisée est à même de permettre la gestion équilibrée du grand gibier dans des zones en déclin démographique. Le second est celui du vieux problème des micro-parcelles, la situation juridique actuelle conduisant à refuser l'entrée de nouveaux chasseurs et à les inciter à se mettre en opposition, une situation à l'évidence préjudiciable à la gestion cynégétique. Les articles 5 et 6 ont pour objet de permettre une meilleure gestion des espèces et des espaces dans les départements dits à A.C.C.A.
La présente proposition contient également deux articles plus liés à des problèmes d'actualité. L' article 7 vise à préciser une disposition de la loi du 31 décembre 2008 (loi PONIATOWSKI) favorable aux jeunes chasseurs. L' article 8 vise à permettre un débat en séance publique sur les exactions de toutes natures commises par les extrémistes de la cause animale, plus particulièrement en ce qui concerne les actes d'obstruction au bon déroulement des chasses à courre.
Article 1 er - Missions des fédérations départementales de chasseurs : l'éducation au développement durable
La loi confère aux fédérations départementales de chasseurs (F.D.C.) des missions étendues mais précises. Elles « participent à la mise en valeur du patrimoine cynégétique départemental, à la protection et à la gestion de la faune sauvage ainsi que de ses habitats. Elles assurent la promotion et la défense de la chasse ainsi que des intérêts de leurs adhérents. Elles apportent leur concours à la prévention du braconnage. Elles conduisent des actions d'information, d'éducation et d'appui technique à l'intention des gestionnaires des territoires et des chasseurs et, le cas échéant, des gardes-chasse particuliers. »
À côté de ces missions, les F.D.C. ont développé de nombreuses actions d'éducation et de sensibilisation à la nature, à la chasse et à la biodiversité. Elles interviennent au titre de l'éducation au développement durable, dans le cadre de la formation au permis de chasser où le candidat doit maîtriser 400 questions dont une très grande partie est consacrée à la connaissance de la faune sauvage chassable ou protégée. Près des deux tiers des fédérations interviennent également auprès d'établissements scolaires à la demande des chefs d'établissement ou en application d'une convention avec l'inspecteur d'académie départementale pour présenter les caractéristiques de la faune sauvage et de ses habitats. Cette intervention en matière d'éducation au développement durable concerne près d'un tiers des salariés des fédérations et mobilise de nombreux bénévoles.
Par ailleurs, en 2008-2009, deux actions importantes ont été conduites :
- la réalisation de l' atlas des fédérations en matière d'éducation et de sensibilisation à l'environnement ;
- la signature d'une convention avec le ministère de l'agriculture concernant les établissements d'enseignement agricole, qui prévoit un certain nombre de partenariats relatifs notamment à la mise en oeuvre de pratiques agricoles durables au sein des exploitations des établissements d'enseignement agricole à travers leur participation au réseau Agrifaune, à une collaboration pour le développement de micro-filières de valorisation de la viande de gibier de chasse dans les halles technologiques des établissements d'enseignement agricole, ou encore à la mise en place de qualifications spécifiques pour des métiers émergents de la filière cynégétique (animateurs de chasse, agents de développement, police de la chasse et sécurité...) ainsi que l'introduction de dispositions concernant la faune sauvage dans le cursus vétérinaire rénové.
Cette nouvelle mission des fédérations a été reconnue officiellement puisque la F.N.C. a été invitée à participer au « Grenelle de l'éducation au développement durable ».
L'objet de cet article est donc de reconnaître législativement la mission des F.D.C. en matière d'éducation et de sensibilisation à la protection de l'environnement. Cette reconnaissance serait le strict parallèle de ce qui existe pour les fédérations de pêcheurs. L'article L. 434-4 du code de l'environnement dispose en effet que :
« Les fédérations départementales des associations agréées de pêche et de protection du milieu aquatique (...) mènent des actions d'information et d'éducation en matière de protection des milieux aquatiques (...) ».
Article 2 - Fiscalité des zones humides et préservation de la biodiversité
La loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux a exonéré totalement ou partiellement de T.F.N.B. (taxe sur le foncier non bâti) un certain nombre de zones humides. Deux cas se présentent.
Dans le premier cas, celui de zones humides où le détenteur du droit de chasse se livre à une activité cynégétique occasionnelle (c'est-à-dire sans aménagement ad hoc ), la loi de 2005 a suscité une ambiguïté car elle soumet l'exonération de T.F.N.B. à la condition de « préservation de l'avifaune ». Cette condition a été assimilée à une interdiction de chasser. Toutefois l'ambiguïté a été levée récemment par la réponse ministérielle à une question écrite (Question écrite n°09488 de M. le sénateur Ladislas PONIATOWSKI et réponse publiée au J.O. du 9 juillet 2009).
En effet, en ce qui concerne le concept de « préservation de l'avifaune », la réponse ministérielle donne à lire :
« Il convient d'apporter les précisions suivantes : afin de ne pas perturber l'avifaune pendant les périodes de reproduction et de migration, la chasse ne peut être pratiquée que dans le respect des lois et règlements (...) ; les activités agricoles doivent être réalisées de manière à ne pas détruire l'avifaune de façon intentionnelle . Si l'exploitant, propriétaire ou fermier note une espèce protégée nicheuse au sol (comme par exemple le râle des genêts, le courlis cendré, le vanneau) ou si la présence de telles espèces nicheuses au sol a été dûment notifiée par les services de l'État, il a l'obligation de veiller à ce que la période de fauche respecte les couvées ; par ailleurs, les opérations d'entretien d'éléments du paysage (taille, élagage, abattage, débroussaillage, fauche de haies, entretien de ripisylves et de fossés) doivent impérativement avoir lieu entre le 15 août et le 1 er mars. Ces périodes ont été fixées afin d'éviter de détruire les nids d'oiseaux occupés que peuvent renfermer ces élément du paysage. L'exonération fiscale s'applique bien à tous les propriétaires, mais en contrepartie de ces quelques engagements quant à la préservation de la zone humide et de son écosystème. »
En revanche, dans le second cas, fréquent en zone humide, où le territoire est aménagé pour la chasse, l'exonération de T.F.N.B. ne joue plus. En effet, les parcelles concernées sont alors classées en 11° catégorie au sens de l'instruction ministérielle du 31 décembre 1908 (et l'exonération ne s'applique qu'aux 2° et 6° catégories).
Le rapport de notre collègue Joël BOURDIN publié en juin 2009 (« Y a-t-il une politique des zones humides ? Sénat n° 554, 2008-2009) souligne fort judicieusement :
« Ainsi des plans d'eau à vocation cynégétique sont assujettis à une taxe foncière beaucoup plus élevée que des terrains humides en friche et ne peuvent bénéficier des exonérations précitées, dès lors que des installations ou dispositifs de chasse (tonnes, gabions ou huttes) sont implantés, alors que les abords de ces plans d'eau permanents ou temporaires répondent le plus souvent aux critères pédologiques et botaniques caractérisant les zones humides.
Cette discrimination est de nature à limiter les initiatives des organisations de chasseurs qui dans de nombreux départements ont été des précurseurs dans l'entretien et la restauration des zones humides, bien avant l'adoption du programme national de restauration des zones humides. On rappellera ici, à titre d'exemple, les platières du Nord de la France, les marais de Charente ou du Médoc, les marais ou les lagunes des Landes.
En conséquence, l'instruction ministérielle précitée ne paraît pas cohérente avec la volonté affichée de préserver et de restaurer les zones humides. »
Cette cohérence est d'autant plus nécessaire à rétablir que le code de l'environnement (Art. L. 424-5) fait obligation aux chasseurs de gibier d'eau à poste fixe (chasse de nuit) d'entretenir leurs parcelles : « La déclaration d'un poste fixe engage son propriétaire à participer, selon des modalités prévues par le schéma départemental de mise en valeur cynégétique, à l'entretien des plans d'eau et des parcelles attenantes de marais et de prairies humides sur lesquels la chasse du gibier d'eau est pratiquée sur ce poste ».
Il serait donc parfaitement logique d'exonérer totalement ou partiellement de T.F.N.B. ces zones aménagées, ainsi que les platières à bécassines (définies juridiquement dans les arrêtés d'ouverture et de fermeture).
Cette mesure, un peu symbolique et qui peut être jugée diversement par certains propriétaires, ne coûtera pas grand-chose à l'État. Mais elle montrera une volonté collective d'engagement en faveur de la préservation de la biodiversité. Des mesures telles que la déduction de l'impôt sur le revenu des travaux d'aménagement des zones humides (non liés à des pratiques commerciales) doivent cependant être mises à l'étude, au même titre et selon les mêmes motivations que pour les appareils de chauffage par exemple (préservation de l'environnement).
Il convient en outre de rappeler que les zones aménagées auprès des postes fixes sont des zones remarquables pour toutes les espèces, y compris non chassables. Elles sont des lieux privilégiés de préservation de la biodiversité. Une étude sur le marais poitevin montre que les plans d'eau à vocation cynégétique sont les seuls espaces, avec les territoires faisant l'objet d'une gestion particulière (réserves...) où les limicoles et un certain nombre d'espèces comme la guifette noire trouvent encore des conditions favorables pour leur nidification.
Il est donc proposé de compléter l'article 1395 D du C.G.I. en insérant au I les « plans d'eau et parcelles attenantes visés au quatrième alinéa de l'article L. 424-5 du code de l'environnement, ainsi que les platières à bécassines aménagées ».
Article 3 - Reconnaissance du rôle de la chasse comme instrument efficace de gestion de la biodiversité
Le code de l'environnement dispose que : « Par leurs actions de gestion et de régulation des espèces dont la chasse est autorisée ainsi que par leurs réalisations en faveur des biotopes, les chasseurs contribuent à la gestion équilibrée des écosystèmes ».
Cette rédaction est datée et incomplète ; plutôt que de gestion équilibrée des écosystèmes », il convient aujourd'hui d'écrire dans la loi que la chasse est un instrument efficace de gestion de la biodiversité , pour les espèces chassables comme pour les autres. Qu'il s'agisse de platières pour les bécassines, de mares de huttes pour l'avifaune, des jachères faunistiques pour la petite faune sauvage ou encore de la plantation de haies, les chasseurs apportent une contribution éminente à la préservation de la biodiversité en France. En cette année 2010, « année de la biodiversité », il convient de le reconnaître dans la loi. Ce sera une incitation pour tous les chasseurs à faire plus et mieux encore.
Déjà, selon une étude du CSA commanditée par la F.N.C. (Fédération nationale des chasseurs), un chasseur sur deux en France participe à des actions bénévoles sur le terrain pour aménager, restaurer et préserver les habitats, à raison de 4 jours par chasseur et par an. Au total, cela représente 2,3 millions de jours de travail en faveur des habitats, l'équivalent de 11 000 emplois .
S'agissant des zones humides, la F.N.C. a développé une base de données sur les actions des F.D.C. en faveur des zones humides, la base FEDO. Un bilan a pu être dressé sur une période approximative d'une dizaine d'années (années 90-années 2000), à partir des déclarations volontaires des F.D.C. Sur cette base, 89 actions (au sens large du terme) ont été recensées, concernant 71 009 ha et pour 4 591 700 euros engagés . Ces actions peuvent être des aménagements de zones de nidification, l'entretien de formations végétales hygrophiles, le maintien de prairies pâturées extensives, la lutte contre la fermeture des milieux.
Le programme J.E.F.S. (jachères environnement faune sauvage) a permis, chaque année depuis 1993, de réaliser en moyenne 35 000 ha de telles jachères, chez 10 000 agriculteurs en moyenne. Plus d'1,5 million d'euros investis annuellement par les chasseurs . Dans le même ordre d'idées, les chasseurs ont aussi développé le concept de jachères fleuries.
Le programme « À la Sainte-Catherine tout bois prend racine » totalise plus de 2 000 km de haies . Cela n'est qu'une « tête de pont », de multiples plantations de haies sont effectuées hors cette opération « Sainte-Catherine ». En pratique, les opérations dépassent cette dimension « vitrine » ou d'« amorçage ».
Les F.D.C. participent aux politiques agri-environnementales, les techniciens cynégétiques sont très souvent présents dans les aménagements fonciers, et beaucoup de F.D.C. développent leurs propres programmes « agri-environnementaux », en partenariat ou non.
Par exemple, les F.D.C. de Picardie ont été à l'origine du programme « gestion de territoire » développé aujourd'hui avec la Chambre régionale d'agriculture. Un autre exemple à cette échelle avec la F.D.C. de la Marne : avec le cofinancement du Conseil régional, la F.D.C. a pu ainsi de 1999 à 2006, réaliser 112 kms de haies et plus de 1 000 ha d'autres aménagements de plaine comme des bandes-abri, des bandes intercalaires, des buissons, des zones de quiétude, des jachères...
À l'échelle nationale, la F.N.C., avec l'O.N.C.F.S., l'A.P.C.A. et la F.N.S.E.A., a lancé le programme « Agrifaune », basé sur un réseau d'exploitations agricoles. Après à peine deux ans, des conventions sont déjà en place dans près de 60 départements.
Rappelons enfin, s'agissant d'une espèce emblématique comme le grand tétras , que les fédérations pyrénéennes de chasseurs se sont investies avec ardeur et compétence dans la protection des habitats de cette magnifique espèce. Leurs actions concernent aussi bien des études, des opérations de comptage ou de sensibilisation des publics que des travaux de réouverture de milieux ou de restauration d'habitats.
L'objet de cet article est donc d'introduire le concept de gestion de la biodiversité parmi les fonctions de la chasse reconnues par la loi.
Article 4 - Préservation de l'équilibre agro-sylvo-cynégétique et plan de tir aux grands animaux dans les espaces manifestement sous chassés
Dans les départements dits à A.C.C.A. (association communale de chasse agréée), la loi a fait obligation aux opposants cynégétiques de « procéder ou de faire procéder à la destruction des animaux nuisibles et à la régulation des espèces présentes sur leurs fonds qui causent des dégâts ». L'objectif est d'éviter que ne se créent des zones boisées non chassées où les sangliers, essentiellement, trouveraient refuge, mais se nourriraient dans les champs circumvoisins. Les dégâts occasionnés continuant, bien sûr, à être indemnisés par les seuls chasseurs, qui paieraient sans pouvoir réguler. Cette disposition de bon sens a été introduite dans la loi chasse du 26 juillet 2000, dite loi VOYNET.
Il est proposé d'étendre ce mécanisme de responsabilité environnementale à l'ensemble du territoire national pour les mêmes motifs qu'en 2000. Pour de multiples raisons, dont l'opposition cynégétique, des territoires importants (biens communaux, camps militaires, propriétés privées,...) sont non ou manifestement sous-chassés, ce qui entraîne des dégâts dans les champs voisins, indemnisés par les seuls chasseurs.
Dans le souci de procéder avec souplesse et de ne régler que les cas les plus graves, un dispositif atténué est préconisé. C'est essentiellement dans les zones dites « points noirs » qu'il trouverait à s'appliquer (3 360 communes représentent 75 % du montant des dégâts pour la campagne 2007-2008, 370 d'entre elles représentant 25 % de la facture totale).
À la demande de la fédération départementale des chasseurs, le préfet pourrait attribuer un plan de tir au propriétaire d'un territoire ne procédant pas ou ne faisant pas procéder à la régulation des espèces, présentes sur son fonds, qui causent des dégâts agricoles. Si le nombre d'animaux attribués n'est pas prélevé, le propriétaire pourrait voir sa responsabilité financière engagée au titre de l'indemnisation des dégâts agricoles.
Cette mesure ne remet nullement en cause le droit à l'opposition cynégétique puisque le propriétaire peut refuser d'exécuter ou de faire exécuter son plan de tir. Simplement, dans ce cas, il est tenu d'assumer sa responsabilité environnementale et d'indemniser les dégâts agricoles commis par les animaux provenant de son fonds.
De plus, cette mesure vient couronner un imposant édifice jurisprudentiel montrant que la responsabilité du propriétaire d'un territoire non ou sous-chassé peut être directement invoquée pour l'indemnisation de dégâts de gibier commis dans des parcelles voisines, mais au terme d'une procédure judiciaire longue et coûteuse.
À ce titre, le gestionnaire privé d'une réserve naturelle a vu sa responsabilité pour faute engagée, car il a été prouvé que les dégâts commis dans les propriétés voisines étaient imputables à des sangliers vivant dans la réserve (cour d'appel de Bordeaux 8 novembre 2004, S.A. Sepanso c/SARL Coutin et ONC). Dans le même ordre d'idées, une personne physique qui n'exécute pas son plan de chasse peut se voir condamnée à payer des indemnités pour dégâts de gibier constaté dans des propriétés voisines (Tribunal d'instance de Laon, 22 mai 2006 FDC Or c/Maupoil).
Le camp militaire de Captieux (Landes) a laissé proliférer les sangliers sur son emprise, lesquels ont évidemment commis force dégâts dans les champs de maïs de lisière. Le fait de laisser proliférer ces sangliers a été considéré comme une faute entraînant un dommage et l'État a été condamné à supporter 90 % du montant des dégâts aux cultures (cour d'appel de Bordeaux, 8 avril 2009).
Le cas de la commune d'Avilly-Saint-Léonard dans l'Oise est également représentatif (tribunal d'instance de Senlis 16 septembre 2009 : CNE d'Avilly-Saint-Léonard c/FDC 60).
Des sangliers en provenance d'un marais appartenant à la commune d'Avilly-Saint-Léonard causent des dégâts sur les terres agricoles à proximité. La fédération des chasseurs réclame le remboursement des dégâts indemnisés. Le tribunal d'instance constate que la municipalité s'est opposée à l'organisation de battues d'effarouchement pourtant souhaitées par la fédération et d'autres propriétaires. Une seule battue a finalement eu lieu. Cette réaction tardive a favorisé la concentration des animaux et la multiplication des dégâts. La commune ne justifie pas non plus avoir organisé d'autres battues. Une faute doit donc, selon le tribunal, être relevée à son encontre du fait de son inertie à autoriser des battues d'effarouchement. Le tribunal d'instance constate également que la municipalité ne favorise pas la chasse et prend position pour renforcer la préservation des terres du marais, de sorte que les animaux y reviennent nécessairement compte tenu de la tranquillité et de la paix qui y règnent. La chasse à courre y est très restreinte voire impossible compte tenu des restrictions imposées par la commune. La responsabilité de la commune doit donc être retenue, selon le tribunal, compte tenu de son inertie quant à la dispersion des animaux, qui favorise la sédentarisation des animaux sur ses terres.
Le principe de bon sens de la responsabilité du propriétaire qui laisse proliférer les animaux sur ses parcelles est donc bien établi. Il peut déjà être mis en oeuvre, mais au terme d'une procédure coûteuse et longue, susceptible d'aggraver la situation. Il convient donc d'ouvrir une autre voie de droit pour réguler ce problème. Il est donc proposé par cet article d'insérer une disposition additionnelle dans le code de l'environnement :
« Art. L. 425-12-1 - Le préfet, sur proposition de la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs, attribue un plan de tir au propriétaire d'un territoire ne procédant pas ou ne faisant pas procéder à la régulation des espèces, présentes sur son fonds, qui causent des dégâts agricoles.
Si le nombre d'animaux attribués n'est pas prélevé, le propriétaire peut voir sa responsabilité financière engagée en application de l'article L. 425-11. »
Article 5 - Pour une gestion durable de la biodiversité : promouvoir l'intercommunalité cynégétique
Dans un certain nombre de départements, on trouve des communes rurales dont le nombre de chasseurs adhérents de l'A.C.C.A. (Association communale de chasse agréée) est en régression constante et ne permet plus ni une bonne régulation du grand gibier ni une gestion dynamique du petit gibier . Il est certes possible de créer des A.I.C.A. (Association intercommunale de chasse agréée), mais qui ne suppriment pas les A.C.C.A. existantes. En effet, dans l'A.I.C.A., chacune des associations communales conserve sa personnalité propre et peut s'en retirer à tout moment.
Il doit donc être rendu possible par la loi, à deux ou plusieurs A.C.C.A. limitrophes de se regrouper en une association intercommunale qui se substituerait aux personnes morales existantes. L'objectif est donc ainsi de promouvoir l'intercommunalité cynégétique en créant une nouvelle forme de regroupement.
Bien entendu, il ne saurait être question de supprimer les A.I.C.A. « traditionnelles ». Deux types d'A.I.C.A. pourraient alors coexister selon qu'elles se substituent ou qu'elles s'ajoutent aux A.C.C.A. existantes.
Article 6 - Pour une gestion durable de la biodiversité : assouplir les modalités d'adhésion à une A.C.C.A.
Les modalités d'adhésion à une A.C.C.A. (membres de droit) sont particulièrement complexes. L'évolution de la société contemporaine conduit, au sein de cette complexité, à rechercher une solution au problème des nouveaux adhérents, c'est-à-dire des personnes souhaitant adhérer à l'A.C.C.A. en apportant un terrain.
Pour simplifier, une personne achetant une propriété dans une commune dotée d'une A.C.C.A. achète un bien sans droit de chasse. Dans la logique de l'A.C.C.A., ce droit a en effet été transféré à ladite A.C.C.A. par le propriétaire précédent. Le nouvel acquéreur ne peut donc être membre de droit de l'association, mais il peut en retirer son bien si celui-ci dépasse la superficie requise, dite superficie « d'opposition ». Cette situation, confirmée de manière constante par la Cour de cassation, présente un avantage, celui d'empêcher les achats de complaisance de micro-parcelles. Mais elle présente les inconvénients évidents de freiner l'arrivée de nouveaux adhérents et de les inciter à faire usage du droit d'opposition, et donc à morceler des territoires de chasse, ce qui est antinomique avec une gestion cynégétique avisée.
Cette analyse juridique vient pourtant d'être réaffirmée de manière très claire par le ministère de tutelle, en réponse à une question écrite de notre collègue Ladislas PONIATOWSKI (Question écrite n° 09445, J.O. Sénat, 3 décembre 2009, p. 2804). Une rédaction claire, mais fermée à toute évolution, ce qui est fort discutable au regard de la nécessité de gérer ces espaces :
« Le droit de chasse dont le propriétaire d'un terrain a fait apport à une association communale de chasse (A.C.CA.) ne peut être fractionné ni cédé à l'acquéreur d'une partie de ce terrain. En effet, les ayants cause à titre particulier d'un propriétaire titulaire d'un droit de chasse, par suite de l'apport de ses terres à l'association, ne figurent pas parmi les bénéficiaires énumérés par l'article 4, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1964, lequel ne vise que le conjoint, ascendants et descendants comme pouvant prétendre à être admis comme membres de l'association. Si les acquéreurs de parcelles ne peuvent plus se voir reconnaître la qualité d'adhérent à l'A.C.C.A. de la commune où cette acquisition a eu lieu, ils ont la possibilité, tout d'abord, de chasser dans leur propre commune de domicile ou de résidence, ensuite de solliciter une carte d'adhésion en tant que membre extérieur à une A.C.C.A. Les fédérations départementales des chasseurs ont vocation à aider les chasseurs dans cette recherche en mettant à leur disposition la liste des places disponibles dans les A.C.C.A. du département. De plus, les chasseurs citadins peuvent également bénéficier de cartes temporaires d'adhésion en application de la loi n° 2008-1545 du 31 décembre 2008. L'ensemble de ces dispositions permet aux chasseurs sans territoire d'accéder à une ACCA dans des conditions assurant le maintien d'une chasse populaire. La mise en place du dispositif législatif très lourd sur les A.C.C.A. a suscité depuis sa création de nombreux contentieux pour arriver à l'équilibre actuel. Il ne me paraît donc pas souhaitable de rouvrir le débat sur ce sujet, qui a également été traité dans les arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme. »
En conclusion, toute réforme en la matière doit être soigneusement pesée car les A.C.C.A. sont le fondement de la chasse populaire et donc la condition nécessaire à un avenir durable de la chasse en France.
Il est à l'évidence impossible de fixer une superficie « nationale » qui permette l'adhésion de droit à l'A.C.C.A. d'un nouvel acquéreur. Cette superficie varie selon le territoire (plaine, montagne, étang, forêt,...), le parcellaire et la démographie. Elle peut évoluer dans le temps. Il convient donc de faire appel au bon sens des chasseurs locaux et de prévoir que l'A.C.C.A. définira dans ses statuts les conditions et modalités de l'adhésion d'un nouvel acquéreur de parcelles sises dans la commune.
Article 7 - Diminuer effectivement le coût du permis pour les jeunes chasseurs
La loi du 31 décembre 2008 (loi PONIATOWSKI) a pour objet de diminuer le coût du permis pour les jeunes chasseurs en les faisant bénéficier d'une réfaction sur le montant de la cotisation fédérale et sur celui de la redevance cynégétique. Pour cette redevance, l'article L. 423-21-1 du code de l'environnement dispose que : « Lorsqu'un chasseur valide pour la première fois son permis de chasser lors de la saison cynégétique qui suit l'obtention du titre permanent dudit permis, le montant de ces redevances est diminué de moitié. »
L'objectif est double : d'une part diminuer le coût et, d'autre part, inciter le nouveau chasseur à prendre son permis dès qu'il a réussi l'examen. On constate en effet une certaine « évaporation » de personnes qui réussissent l'examen et ne valident pas leur permis.
À l'usage, la rédaction retenue en 2008 est apparue ambiguë, susceptible de deux interprétations.
Une interprétation stricte : « la saison qui suit » exclut toute validation sur la saison en cours. Ainsi pour un titre permanent délivré le 27 août 2009, la « saison qui suit » (la saison 2009-2010 étant en cours) est la saison 2010-2011. La réfaction de 50 % pour un chasseur ayant obtenu son titre le 27 août 2009, ne sera possible qu'à compter du 1 er juillet 2010, c'est-à-dire un an après avoir passé le permis. Cette interprétation soulève plusieurs problèmes.
Un problème de lisibilité : la mesure appliquée ainsi paraît aberrante, l'objectif ayant été de faire valider dès l'obtention autrement dit le 28 août 2009 au matin pour la saison 2009-2010.
Un problème de cohérence : en admettant cette hypothèse, le jeune chasseur aura le bénéfice de la réfaction en année cynégétique 2 mais comme il souhaite chasser immédiatement, il demande sa validation (à plein tarif) en année 1. Dans ce cas, il perd tout bénéfice d'une quelconque réfaction puisqu'en année 2 ce ne sera plus sa première validation mais la seconde. Au total, s'il chasse immédiatement, il perd le bénéfice escompté de la loi PONIATOWSKI qui ne jouera ni pour l'année 1 ni pour l'année 2. Mais s'il diffère d'une année, la chasse perd probablement un pratiquant. Si la fédération départementale des chasseurs compense la redevance sur son budget pour que le nouveau chasseur puisse bénéficier d'un équivalent à la loi PONIATOWSKI sans y avoir droit, la compensation de cette redevance est reportée sur les chasseurs au travers du budget fédéral : ce n'était pas l'objectif de la loi qui a déjà prévu le même type d'effort pour les cotisations fédérales.
Une interprétation plus logique de la loi voudrait que : « la saison cynégétique qui suit » exclue la validation sur la saison en cours. Considérant dans ce cas que la validation est un contrat qui s'exécute au moment où il se conclut c'est-à-dire lors du paiement et que la loi PONIATOWSKI mentionne « lors de la saison cynégétique qui suit l'obtention » et non « pour la saison cynégétique qui suit l'obtention ». Pour le même exemple du titre permanent délivré le 27 août 2009, la réfaction serait appliquée pour la saison 2009-2010 en cours, elle ne s'appliquerait pas pour la saison suivante 2010-2011. Cette interprétation logique ne semble toutefois pas partagée par le ministère de tutelle.
Il convient donc de proposer une rédaction plus conforme à l'esprit du législateur, qui pourrait se lire :
« Lorsqu'un chasseur valide pour la première fois son permis de chasser, le montant de ses redevances est diminué de moitié si cette validation intervient moins d'un an après l'obtention de son titre permanent. »
Article 8 - Observatoire national de la délinquance et défense de la « cause animale »
Depuis quelques années, on constate un accroissement du nombre d'exactions commises par des ultras de la « cause animale ». Ces exactions sont fort diverses (dégradation de magasins de fourrure, de cirque, « libération » de visons d'élevage, vandalisme contre des boucheries hippophagiques ou des élevages...). Une des actions les plus fréquentes dans ce registre consiste à perturber le déroulement des chasses à courre : entre janvier 2007 et mars 2009, 18 opérations de sabotage ont été recensées.
Une solution a été trouvée pour qualifier juridiquement cette forme d'obstruction. Celle du décret visant à sanctionner « les actes délibérés et concertés d'obstruction à une activité en relation avec la chasse ». Un projet de décret a donc été soumis par le Gouvernement au Conseil d'État qui lui a réservé un avis favorable en juillet 2009. Depuis cette date et malgré des engagements répétés du Gouvernement depuis le vote de la loi du 31 décembre 2008, le texte tarde à être publié. Selon le sénateur Ladislas PONIATOWSKI, dans une question écrite posée à M. le Premier ministre (J.O. Sénat, 10 décembre 2009, Question écrite n° 11255) : « Ce projet de décret a été soumis au Conseil d'État et il n'y manque plus que la signature du ministre compétent sans cesse reportée. Ce retard est inexplicable et constitue un sujet d'inquiétude non seulement pour le monde de la chasse tout entier, au-delà de la vénerie, mais également pour toutes les autres activités victimes des exactions des extrémistes de la cause animale. Certains estiment que ce retard revient, pour partie, à cautionner cette violence, ce qui ne serait guère admissible dans un État de droit. Il lui demande donc de faire respecter la parole du Gouvernement en publiant le décret créant une contravention pour obstruction à un acte de chasse. »
La question des exactions commises par les activistes de la cause animale est devenue d'une importance justifiant que l'Observatoire national de la délinquance (O.N.D.) s'y intéresse et les repère statistiquement. Cet observatoire, qui constitue un service de l'I.N.H.E.S. (Institut national des hautes études de sécurité), est un remarquable outil de mesure et d'analyse de toutes les formes de délinquance en France. Dans son dernier rapport, il a notamment publié une première étude sur les « éléments de connaissance des infractions au droit de l'environnement » qui apporte des informations particulièrement pertinentes en matière de chasse.
L'I.N.H.E.S. étant un établissement public, il ne peut recevoir d'injonction du Parlement par voie législative. L'objet de cet article est donc de demander au Gouvernement de faire rapport au Parlement sur la possibilité pour l'O.N.D. de suivre spécifiquement les crimes et délits commis par les activistes de la cause animale et revendiqués comme tels, en collationnant de manière régulière les statistiques et les études sur ce phénomène inquiétant.
PROPOSITION DE LOI
Article 1 er
Le deuxième alinéa de l'article L. 421-5 du code de l'environnement est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Elles mènent des actions d'information et d'éducation au développement durable en matière de connaissance et de préservation de la faune sauvage et de ses habitats ainsi qu'en matière de gestion de la biodiversité. »
Article 2
I. Au premier alinéa du I de l'article 1395 D du code général des impôts, après les mots : « du code de l'environnement », sont insérés les mots : « ainsi que les plans d'eau et parcelles attenantes visés au quatrième alinéa de l'article L. 424-5 du code de l'environnement, de même que les platières à bécassines aménagées ».
II. Les moindres recettes résultant, le cas échéant, de l'application du I sont compensées à due concurrence par l'affectation par l'État aux collectivités concernées du produit de la majoration à cet effet des articles 575 et 575 A du C.G.I.
Article 3
À la fin de la deuxième phrase du second alinéa de l'article L. 420-1 du code de l'environnement, les mots : « la gestion équilibrée des écosystèmes » sont remplacés par les mots : « une gestion équilibrée de la biodiversité ».
Article 4
Après l'article L. 425-12 du code de l'environnement, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. 425-12-1 - Le préfet, sur proposition de la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs, attribue un plan de tir au propriétaire d'un territoire ne procédant pas ou ne faisant pas procéder à la régulation des espèces, présentes sur son fonds, qui causent des dégâts agricoles.
Si le nombre d'animaux attribués n'est pas prélevé, le propriétaire peut voir sa responsabilité financière engagée en application de l'article L. 425-11. »
Article 5
À l'article L. 422-24 du code de l'environnement, après les mots : « peuvent constituer », sont insérés les mots : « , y compris par la fusion, ».
Article 6
Le IV de l'article L. 422-21 du code de l'environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'association communale de chasse agréée peut aussi admettre comme membre le chasseur qui est propriétaire d'un terrain soumis à l'action de l'association et devenu tel du fait de l'acquisition de ce terrain. Elle détermine souverainement dans ses statuts les conditions et les modalités de cette adhésion. »
Article 7
Le huitième alinéa de l'article L. 423-21-1 du code de l'environnement est ainsi rédigé :
« Lorsqu'un chasseur valide pour la première fois son permis de chasser, le montant de ces redevances est diminué de moitié si cette validation intervient moins d'un an après l'obtention de son titre permanent. »
Article 8
Le ministre chargé de l'intérieur fait rapport au Parlement avant le 31 décembre 2010 sur les modalités envisageables de repérage et de suivi par l'Observatoire national de la délinquance (O.N.D.) des actions pénalement répréhensibles commises par les extrémistes de la cause animale.