N° 278

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005

Annexe au procès-verbal de la séance du 5 avril 2005

PROPOSITION DE LOI

relative aux concessions d' aménagement ,

PRÉSENTÉE

Par MM. Jean-Pierre BEL, André VÉZINHET, Didier BOULAUD, Alain JOURNET, Michel CHARASSE, Jean-Louis CARRÈRE, Louis LE PENSEC, Bernard PIRAS, Jean-François PICHERAL, Daniel RAOUL, Yves KRATTINGER, Simon SUTOUR, Richard YUNG, Raymond COURRIÈRE, Jean-Marc PASTOR, Mmes Sandrine HUREL, Michèle ANDRÉ, MM. François MARC, Jean-Noël GUÉRINI, Robert BADINTER, Serge LAGAUCHE, Yves DAUGE, André VANTOMME, Mmes Catherine TASCA, Josette DURRIEU, Jacqueline ALQUIER, MM. Jean-Pierre MICHEL, Pierre-Yvon TRÉMEL, Roger MADEC, Jean-Marie BOCKEL, Roland COURTEAU, Jean-Marc TODESCHINI, Jean-Pierre SUEUR et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés,

Sénateurs.

( Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).

Urbanisme.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 18 juillet 2001, la Commission européenne a demandé à l'Etat français de justifier la compatibilité avec le droit communautaire des conditions et modalités d'octroi des conventions d'aménagement prévues par l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme.

L'Etat français a produit un mémoire en réponse tendant à justifier le caractère sui generis des conventions publiques d'aménagement qui confient aux aménageurs des prérogatives de puissance publique (expropriation-préemption), mais aussi des conventions privées qui, pour des raisons de bon sens, sont systématiquement négociées avec le propriétaire des terrains.

Jugeant la réponse insatisfaisante, la Commission européenne a adressé à l'Etat français un avis motivé, sur le même sujet et avec des arguments similaires, le 3 février 2004.

Le 19 novembre 2004, le gouvernement français a informé la Commission de son intention de réformer rapidement le régime des conventions d'aménagement. La Commission a alors suspendu sa plainte auprès de la Cour de justice des Communautés européennes, mais la France est désormais dans l'obligation de réformer leur régime dans les meilleurs délais.

Le système français de l'aménagement permet à une collectivité de confier à un seul opérateur une mission globale de mise en oeuvre d'un projet urbain. Cet opérateur dispose d'une mission complexe et de longue durée. Un tel contrat doit résulter d'une relation de confiance, qui suppose transparence dans la gestion et choix libre de la collectivité.

Pour satisfaire les exigences de la Commission et respecter les principes du droit français, il convient de prévoir les dispositions suivantes :

1) Accès aux conventions d'aménagement à tout intervenant public ou privé y ayant vocation (suppression du droit exclusif accordé aux établissements publics et aux Sem) (article 1 er ),

2) Unification du régime des conventions ordinaires et des conventions publiques par un retour à une notion globale de concession d'aménagement (article 1 er ),

3) Attribution des conventions selon une procédure qui respecte les principes de transparence et de non discrimination du Traité, et les directives communautaires en matière de concessions (article 1 er ),

4) Obligation pour les concessionnaires d'aménagement d'attribuer leurs marchés d'études et de travaux selon des procédures de mise en concurrence préalable (article 1 er ),

5) Qualification de l'aménagement comme service local d'intérêt économique général (SIEG) afin de permettre le versement d'aides financières et les garanties d'emprunts (article 2),

6) Conditionnement du versement d'aides publiques à un contrôle financier des opérations (chambres régionales des comptes) et à l'obligation de produire un compte rendu annuel d'activité (articles 1 et 2),

7) Validation des conventions en cours (article 3).

PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

Le code de l'urbanisme est ainsi modifié :

I - L'article L. 300-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les opérations d'aménagement visées ci-dessus constituent un service d'intérêt économique général. »

II - L'article L. 300-4 est ainsi rédigé :

« Art. L. 300-4. - L'Etat, les collectivités territoriales ou leurs établissements publics peuvent concéder l'étude et la réalisation des opérations d'aménagement prévues par l'article L. 300-1 du présent code à toute personne publique ou privée y ayant vocation. »

III - Après l'article L. 300-4 sont insérés trois nouveaux articles L. 300-4-1, L. 300-4-2 et L. 300-4-3 ainsi rédigés :

« Art. L. 300-4-1. - La concession d'aménagement est un contrat par lequel la personne publique qui a pris l'initiative de l'opération en délègue l'étude et la réalisation à un aménageur public ou privé. Le concessionnaire peut acquérir les biens nécessaires à la réalisation de l'opération. Il assure la maîtrise d'ouvrage des aménagements ou équipements de toute nature, accomplit les actions concourant à l'opération globale faisant l'objet de la concession et procède, notamment, à la location ou la vente des biens et terrains aménagés.

« Le contrat de concession d'aménagement précise les obligations de chacune des parties, notamment :

« 1° L'objet du contrat, les caractéristiques de l'opération, son périmètre, son programme, sa durée et les conditions dans lesquelles il peut éventuellement être modifié, notamment dans le cadre de l'évolution des objectifs d'aménagement de la collectivité, ou prorogé, ainsi que les conditions de l'équilibre économique de l'opération.

« 2° Les conditions de rachat, de résiliation ou de déchéance par l'autorité concédante ainsi que, éventuellement, les conditions et les modalités d'indemnisation du concessionnaire.

« 3° Les conséquences juridiques et financières de l'expiration du contrat de concession pour quelque cause que ce soit. »

« Art. L. 300-4-2. - Lorsque l'autorité concédante décide de participer financièrement, sous quelque forme que ce soit, au coût de l'opération, le contrat de concession précise en outre, à peine de nullité :

« 1° Les modalités de la participation financière de l'autorité concédante, qui peut prendre la forme d'apports en nature ;

« 2° Le montant total de cette participation et, s'il y a lieu, sa répartition en tranches annuelles ;

« 3° Les modalités du contrôle technique, financier et comptable exercé par l'autorité concédante ; à cet effet, le concessionnaire doit fournir chaque année un compte rendu financier comportant, notamment, en annexe :

« a) Le bilan prévisionnel actualisé des activités, objet de la concession, faisant apparaître, d'une part, l'état des réalisations en recettes et en dépenses et, d'autre part, l'estimation des recettes et dépenses restant à réaliser ;

« b) Le plan de trésorerie actualisé faisant apparaître l'échéancier des recettes et des dépenses de l'opération ;

« c) Un tableau des acquisitions et cessions immobilières réalisées pendant la durée de l'exercice.

« L'ensemble de ces documents est soumis à l'examen de l'assemblée délibérante de l'autorité concédante, qui a le droit de contrôler les renseignements fournis, ses agents accrédités pouvant se faire présenter toutes pièces de comptabilité nécessaires à leur vérification. Dès la communication de ces documents et, le cas échéant, après les résultats du contrôle diligenté par l'autorité concédante, leur examen est mis à l'ordre du jour de la plus prochaine réunion de l'assemblée délibérante, qui se prononce par un vote.

« La participation visée aux trois premiers alinéas est approuvée par l'assemblée délibérante de l'autorité concédante. Toute révision de cette participation doit faire l'objet d'un avenant au contrat de concession approuvé par l'assemblée délibérante de l'autorité concédante au vu d'un rapport spécial établi par le concessionnaire.

« Le contrat de concession devra également rappeler que l'aménageur est soumis au respect des dispositions de l'article L. 111-4 du code des juridictions financières pour la comptabilité de l'opération qui lui a été confiée ainsi que pour tous les comptes qui s'y rattachent. »

« Art. L. 300-4-3. - L'opération d'aménagement peut bénéficier, avec l'accord préalable de l'autorité concédante, de subventions versées par des collectivités territoriales ou des établissements publics. Dans ce cas, le contrat de concession est soumis aux dispositions de l'article L. 300-4-2, même si l'autorité concédante ne participe pas au coût de l'opération.

« Si ces subventions sont versées directement au concessionnaire, celui-ci devra rendre compte de leur attribution, de leur échéancier et de leur encaissement effectif dans le rapport annuel prévu au quatrième alinéa (3°). Il devra également rendre compte de leur utilisation à la collectivité ou à l'établissement public ayant accordé la subvention. »

IV - L'article L. 300-5 est ainsi rédigé :

« Art. L. 300-5. - Les concessions d'aménagement sont soumises, pour leur attribution par les collectivités publiques ou leurs groupements, à une procédure de publicité et de mise en concurrence dans des conditions prévues par un décret en Conseil d'État. Les garanties professionnelles sont appréciées notamment dans la personne des associés et au vu des garanties professionnelles réunies en son sein. Les sociétés en cours de constitution ou nouvellement créées peuvent être admises à présenter une offre dans les mêmes conditions que les sociétés existantes.

« La commission mentionnée à l'article L. 1411-5 du code général des collectivités territoriales dresse la liste des candidats admis à présenter une offre après examen de leurs garanties professionnelles et financières et de leur aptitude à assurer la gestion de l'opération.

« La collectivité adresse à chacun des candidats un document définissant les caractéristiques quantitatives et qualitatives des prestations.

« Les offres ainsi présentées sont librement négociées par l'autorité responsable de la personne publique délégante qui, au terme de ces négociations, choisit le titulaire de la concession d'aménagement.

« Le recours à une procédure de négociation directe avec une entreprise déterminée n'est possible que dans le cas où, après mise en concurrence, aucune offre n'a été proposée ou n'est acceptée après motivation par la collectivité publique. »

V - Après l'article L. 300-5 sont insérés deux articles L. 300-5-1 et L. 300-5-2 ainsi rédigés :

« Art. L. 300-5-1. - Les contrats de travaux, d'études et de maîtrise d'oeuvre conclus par l'aménageur pour l'exécution de la concession sont soumis aux principes de publicité et de mise en concurrence prévus par l'ordonnance applicable aux pouvoirs adjudicateurs non soumis au code des marchés publics. »

« Art. L. 300-5-2. - Les dispositions de l'article L. 300-5 ne sont pas applicables :

« 1° Aux concessions d'aménagement conclues entre la personne publique qui a pris l'initiative de l'opération et un aménageur sur lequel elle exerce un contrôle comparable à celui qu'elle exerce sur ses propres services et qui réalise l'essentiel de ses activités pour les collectivités qui la détiennent.

« 2° Aux concessions d'aménagement conclues entre la personne publique qui a pris l'initiative de l'opération et un aménageur qui justifie être propriétaire de l'essentiel des terrains nécessaires à l'opération. »

Article 2

Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié:

I - L'article L. 1523-2 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1523-2. - Lorsqu'une société d'économie mixte locale est liée à une collectivité territoriale, un groupement de collectivités territoriales ou une autre personne publique par une concession d'aménagement visée à l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme, celle-ci prévoit à peine de nullité :

« 1° L'objet du contrat, le contenu de l'opération, son programme, sa durée et les conditions dans lesquelles il peut éventuellement être prorogé ou renouvelé ;

« 2° Les conditions de rachat, de résiliation ou de déchéance par la collectivité, le groupement ou la personne publique contractant ainsi que, éventuellement, les conditions et les modalités d'indemnisation de la société ;

« 3° Les obligations de chacune des parties et notamment, le cas échéant, le montant de la participation financière de la collectivité territoriale, du groupement ou de la personne publique dans les conditions prévues à l'article L. 300-4-2 du code de l'urbanisme, ainsi que les modalités du contrôle technique, financier et comptable exercé par l'autorité concédante dans les conditions prévues à l'article L. 300-4-2 précité ;

« 4° Les conditions dans lesquelles l'autorité concédante peut consentir des avances justifiées par un besoin de trésorerie temporaire de l'opération ; celles-ci doivent être en rapport avec les besoins réels de l'opération mis en évidence par le compte rendu financier visé à l'article L. 300-4-2 du code de l'urbanisme ; ces avances font l'objet d'une convention approuvée par l'organe délibérant de la personne publique contractante, qui précise leur montant, leur durée, l'échéancier de leur remboursement ainsi que leur rémunération éventuelle ; le bilan de la mise en oeuvre de cette convention est présenté à l'assemblée délibérante en annexe du compte rendu annuel à la collectivité ;

« 5° Les modalités de rémunération de la société ou de calcul du coût de son intervention, librement négociées entre les parties ;

« 6° Les pénalités applicables en cas de défaillance de la société ou de mauvaise exécution du contrat.

« Le contrat de concession peut prévoir les conditions dans lesquelles d'autres collectivités territoriales ou établissements publics apportent, le cas échéant, leur aide financière pour des actions et opérations d'aménagement visées aux articles L. 300-1 et suivants du code de l'urbanisme. Une convention spécifique est conclue entre le concessionnaire et la collectivité qui accorde la ou les subventions.

« Les concours financiers visés au présent article ne sont pas régis par les dispositions du titre 1 er du présent livre.

« Les opérations d'aménagement menées à l'initiative des collectivités locales ou de leurs groupements dans les conditions prévues à l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme sont des services d'intérêt économique général. »

II - L'article L. 1523-3 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1523-3. - Dans le cas où une collectivité territoriale, un groupement de collectivités ou une autre personne publique confie la réalisation d'une opération d'aménagement à une société d'économie mixte locale dans le cadre d'une concession d'aménagement prévue à l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme, le contrat de concession est établi conformément aux dispositions des articles nouveaux L. 300-4-1 à L. 300-5-2 du même code ; toutefois, lorsque l'autorité concédante ne participe pas au coût de l'opération, les dispositions de l'article L. 300-4-2 du même code ne s'appliquent pas. »

Article 3

Sous réserve de toute décision passée en force de chose jugée, les conventions publiques d'aménagement conclues avant la promulgation de la présente loi sont réputées valides nonobstant l'irrégularité dont elles pourraient être entachées du fait de l'absence de publicité ou en raison de leur procédure d'attribution.

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