Sécularisation des rituels civils dans la République et respect de la neutralité de l'État et des services publics

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N° 432

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2002-2003

Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 24 juillet 2003

Enregistré à la Présidence du Sénat le 9 septembre 2003

PROPOSITION DE LOI

relative à la sécularisation des rituels civils dans la République et au respect de la neutralité de l' État et des services publics ,

PRÉSENTÉE

par MM. Michel CHARASSE, Jean-Louis CARRÈRE, Alain JOURNET, Jean-Marc PASTOR, Guy PENNE et Mme Josette DURRIEU,

Sénateurs.

(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).

État.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Dans notre société moderne, les événements importants, individuels ou collectifs, notamment familiaux, sont le plus souvent l'objet de moments dits de commémoration dont la symbolique est associée à un rituel visant à rassembler les personnes et à conférer une solennité à la cérémonie.

Cette solennité se révèle, le plus souvent, à l'occasion de catastrophes naturelles telles que, ces dernières années, la catastrophe de Toulouse ou celle du Mont-Blanc qui a donné lieu, au moment de sa réouverture aux particuliers comme aux véhicules lourds, à une cérémonie où les autorités civiles ont organisé un rite s'apparentant à un « Te Deum » dont la direction spirituelle a été confiée à un représentant des cultes. On peut utilement s'interroger sur le rôle et le sens d'une telle association, rompant le principe de neutralité de l'État qui s'impose aux autorités constituées, lesquelles, par facilité et faute de cérémonie civile dédiée régie par les textes, laissent aux desservants des cultes le soin d'agir, niant par-là à la société un droit absolu et propre à célébrer seule, selon des rites neutres, les événements de commémoration collective et/ou individuelle.

Or, pourtant, cette neutralité devrait être le maître mot dans la République.

A cet égard, le manquement à ce principe peut être stigmatisé dans d'autres moments de la vie où le collectif n'est pas nécessairement associé en première ligne. Ainsi, des actes majeurs de la vie civile - la naissance, le parrainage, le PACS, le décès, voire l'acte d'accession à la nationalité - ne sont pas pris en charge par la collectivité publique par des rites dits « d'acceptation ».

Certes, il ne s'agit évidemment pas d'alourdir les formalités administratives, mais de leur conférer du sens et, en tout état de cause, de proposer le choix. Tout récemment, un pays disposant pourtant d'une église d'État, la Grande-Bretagne, vient d'entamer ce processus.

Instituer des passages civils d'un état à un autre - naissance ou union libre etc. - dans un corpus juridique harmonisé, peut être une voie utile qui ne ferait, par ailleurs, que prolonger la réflexion déjà avancée du législateur qui, dès 1792, a admis et imposé le principe de la célébration civile du mariage préalablement à toute cérémonie religieuse. Ce principe préalable devrait pouvoir être institué pour tout acte susceptible de faire l'objet d'une cérémonie ou célébration religieuse, comme gage de l'affirmation et du maintien de la préséance de neutralité de la République.

Le Code civil, qui régit la plupart des actes de la vie courante, doit donc être adapté.

Dans cette perspective, l' article premier de ce texte insère dans ce code des dispositions relatives à la célébration de la naissance et du parrainage républicain qui ne donne lieu, aujourd'hui, qu'à un cérémonial facultatif sans valeur officielle et qui n'est organisé que dans certaines mairies qui l'acceptent.

L' article 2 prévoit une célébration officielle du pacte civil de solidarité devant le tribunal civil en audience publique.

L' article 3 permet à la famille et aux proches du défunt d'honorer sa mémoire à travers une célébration civile qui peut se tenir, soit à la mairie, soit en un autre lieu au jour des funérailles.

L' article 4 a pour but d'honorer ceux qui intègrent la Nation française. Complétant l'article 22 du code civil, il prévoit, dans le mois qui suit la remise du premier certificat de nationalité, la célébration de cet événement par l'officier d'état civil, avec, notamment, un rappel des droits et des devoirs attachés à la qualité de Français.

Un article 5 assurera le respect desdites dispositions.

Mais, la consécration d'une véritable neutralité de la République à l'occasion des cérémonies commémoratives suppose également une adjonction à la loi de séparation des églises et de l'État du 9 décembre 1905. C'est pourquoi, l' article 6 insère dans cette loi deux nouveaux articles complétant la loi de 1905 et précisant que la République n'associe aucun culte aux cérémonies publiques (( * )1) , qu'aucune cérémonie publique ne peut se tenir dans un lieu de culte et que, sous peine d'exclusion, les agents des services publics et les usagers du service de l'enseignement et de la formation professionnelle doivent s'abstenir, pendant les heures de services ou de cours, de porter des signes politiques, syndicaux, associatifs ou religieux apparents.

Tel est l'objet de la présente proposition de loi qu'il vous est demandé d'adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

Sont insérés, après l'article 59 du code civil, deux articles 59-1 et 59-2 ainsi rédigés :

« Art. 59-1. - Dans le mois qui suit la déclaration de naissance ou, dans le cas prévu à l'article 59, dans le mois qui suit la fin du voyage maritime, l'officier d'état civil du lieu de domicile d'un des deux parents procède à la remise aux deux parents ou à l'un d'entre eux, d'une copie intégrale de l'acte de naissance ainsi que du livret de famille, au cours d'une cérémonie célébrée publiquement en mairie, en présence d'au moins deux témoins.

« Il est donné lecture, à cette occasion, de l'article 371-2 du présent code ainsi que de la Déclaration des droits de l'enfant du 20 novembre 1959, dont un exemplaire est remis aux parents.

« Les noms, prénoms, professions, domiciles et résidences des parents, des témoins et, le cas échéant, des parrains qui se sont déclarés, sont consignés sur un registre spécial.

« Art. 59-2. - A la demande conjointe des parents, l'officier d'état civil reçoit en mairie, au cours d'une cérémonie publique, la déclaration par laquelle le ou les parrains, en présence d'au moins deux témoins, prennent l'engagement solennel de contribuer à l'éducation morale et civique de l'enfant et de veiller sur lui, en particulier dans le cas où les parents viendraient à disparaître.

« Les noms, prénoms, domiciles et résidences des parents, témoins, parrains, sont consignés sur un registre spécial.

« La déclaration de parrainage peut également être reçue lors de la cérémonie prévue à l'article 59-1 ».

Article 2

Après l'article L. 515-3 du code civil, il est inséré un article L. 515-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 515-3-1 - Après l'inscription du pacte civil de solidarité au registre du greffe du tribunal d'instance de leur lieu de résidence commune, le président du tribunal ou le magistrat qu'il délègue à cet effet convoque les partenaires unis par ce pacte à sa plus prochaine audience aux fins de se voir remettre un extrait de la mention figurant sur le registre.

« Lors de cette remise, les partenaires s'engagent sous serment à se prêter mutuellement secours et assistance. Cet engagement est transcrit ».

Article 3

L'article 78 du code civil est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« A cette occasion, l'officier d'état civil s'enquerra des noms, prénoms et adresse du déclarant ainsi que des enfants et des autres proches du défunt. Au plus tard dans les trois jours de la déclaration du décès, les membres de la famille connus seront informés qu'ils peuvent se voir remettre l'acte officiel de décès en mairie. Lors de cette remise, l'officier d'état civil leur proposera une cérémonie commémorative à la mémoire du défunt, qui pourra avoir lieu sans frais à la mairie ou lors des funérailles.

« En cas de choix de la commémoration civile, l'officier d'état civil proposera aux personnes intéressées de venir se recueillir à une date et heure à convenir dans une salle accessible à tous au lieu désigné. A l'occasion de cette cérémonie, seront notamment rappelés par l'officier d'état civil ou par toute autre personne désignée par la famille, la vie du défunt, les services qu'il a rendus à la collectivité et l'estime dans laquelle la société le tient.

« A défaut, cette célébration se fera au jour des funérailles ».

Article 4

L'article 22 du code civil est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« Ces droits et obligations lui sont rappelés au cours d'une cérémonie célébrée par l'officier d'état civil, à la mairie de la commune où il a sa résidence. Cette cérémonie a lieu dans le mois qui suit la délivrance du premier certificat de nationalité.

« Lors de cette cérémonie, l'intéressé reçoit, en même temps que la carte nationale d'identité, un exemplaire de la Constitution ainsi que de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789.

« Il est procédé au chant de l'hymne national ».

Article 5

L'article 433-21 du Code pénal est complété par un nouvel alinéa ainsi rédigé :

« Tout ministre d'un culte qui procédera, de manière habituelle, aux cérémonies religieuses de parrainage ou de funérailles, sans que ne lui ait été justifié l'acte civil préalable reçu par les officiers d'état civil, encourt les mêmes peines ».

Article 6

Il est inséré, après l'article 1 er de la loi du 9 décembre 1905, concernant la séparation des églises et de l'État, deux articles 1 er bis et 1 er ter ainsi rédigés :

« Art. 1 er bis . - La République n'associe aucun culte aux cérémonies publiques officielles.

« Aucune cérémonie publique officielle ne peut se tenir dans un lieu de culte et aucune autorité civile ou militaire ne peut, ès qualités , participer à une cérémonie à caractère religieux.

« Art. 1 er ter. - Les personnes qui participent au fonctionnement ou à l'exécution d'un service public ou d'une mission de service public ne peuvent porter, pendant ou à l'occasion de leur service, aucun signe politique, syndical, associatif ou religieux apparent de quelle que nature que ce soit.

« La même interdiction s'applique pendant les heures de cours, d'activités diverses ou de stages, aux personnes majeures ou mineures qui utilisent les services publics de toute nature dont l'objet principal est l'enseignement ou la formation professionnelle.

« La violation des dispositions du présent article et de l'article 1 er bis entraîne automatiquement la révocation des agents publics concernés ainsi que l'exclusion des usagers du service public scolaire d'enseignement et de formation professionnelle ».

Article 7

Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application de la présente loi.



(1) Voir, à ce sujet, la décision du Conseil des ministres qui, sur la proposition de Clemenceau, a interdit aux membres du Gouvernement, au Président de la République et aux Présidents des Chambres, d'assister au «T e Deum » chanté à Notre-Dame de Paris pour célébrer la victoire du 11 novembre 1918 et honorer les morts de la guerre. Cette interdiction, fondée sur le principe de « la séparation des églises et de l'État » n'a donné lieu à aucun commentaire et seules Mmes Poincaré et Deschanel, qui n'exerçaient aucune fonction publique, y ont assisté.

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