Incompatibilité liée au remplacement d'un autre élu
N°
280
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001
Annexe au procès-verbal de la séance du 24 avril 2001
PROPOSITION DE LOI
tendant à permettre à des élus se trouvant dans une situation d'incompatibilité , en raison de l' acquisition d'un mandat en remplacement d' un autre élu , de la faire cesser en démissionnant du mandat de leur choix ,
PRÉSENTÉE
Par MM. Alain DUFAUT et Patrice GÉLARD,
Sénateurs.
(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).
Elections et référendums. |
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La loi n° 2000-95 du 5 avril 2000 relative à la limitation du cumul
des mandats électoraux et des fonctions électives et à
leurs conditions d'exercice, adoptée à la hâte parce que le
Gouvernement avait souhaité suspendre prématurément la
navette, souffre de cruelles lacunes et engendre de nombreux
dysfonctionnements. L'un des plus criants d'entre eux est malheureusement la
situation ubuesque où sont placés les élus locaux suite
à la récente décision 227 063 du 6 avril 2001 du Conseil
d'Etat sur la requête du sénateur de Polynésie
française, notre collègue Gaston Flosse, entraînant
l'annulation pour excès de pouvoir de certaines dispositions de la
circulaire du 28 août 2000 du ministère de l'Intérieur
relative à la limitation du cumul des mandats et des fonctions
électives.
Un autre de ces dysfonctionnements regrettable aurait pu être
évité si le Gouvernement avait laissé le temps au
Parlement d'approfondir sa réflexion. En effet, le deuxième
alinéa de l'article L.46-1 du code électoral, issu de cette loi,
prévoit qu'un élu cumulant plus de deux mandats électoraux
« doit faire cesser l'incompatibilité en démissionnant
d'un des mandats qu'il détenait antérieurement ».
Si les auteurs de la présente proposition de loi comprennent quelle
était la volonté du législateur lorsqu'il souhaita
empêcher la démission d'un mandat nouvellement acquis, ceux-ci
s'inquiètent en revanche de l'effet pervers de cette disposition
puisqu'elle peut conduire en l'état à l'effet exactement inverse
de celui recherché ; c'est-à-dire obliger un élu
à démissionner du dernier mandat acquis au regard de la date de
scrutin.
Un exemple simple permet d'illustrer cette légitime
inquiétude : celui d'une personne colistière aux
régionales de mars 1998 mais non élue bien que sa liste ait
obtenu des sièges. Cette personne obtient en mars 2001 les mandats de
conseiller général et de conseiller municipal en s'engageant
auprès des électeurs à assumer pleinement ses deux
mandats. Simultanément, frappés par la loi sur le cumul des
mandats, un ou plusieurs conseillers régionaux de sa propre liste de
1998 choisissent de démissionner de ce mandat régional. Cette
personne se verra élue de fait conseiller régional même si
elle ne le souhaite plus à une date postérieure à sa
double élection de conseiller général et municipal de mars
2001. De fait cette personne se verra dans l'obligation légale de
démissionner d'un des deux mandats acquis en mars 2001 parce que plus
anciens même si elle est en droit de considérer cette obligation
illégitime puisqu'en réalité le scrutin le plus ancien est
celui des régionales de 1998.
Ce cas se produit dans tous les départements de France et crée
une situation d'inégalité criante puisque les personnes
concernées par ce cumul sont obligées de se mettre en
conformité avec la loi alors que l'élection régionale de
1998 était antérieure au dépôt de ce projet de loi
ordinaire et
a fortiori
antérieure à la promulgation de
cette même loi.
Une disposition simple réglant cette situation pour les
représentants au Parlement européen avait pourtant
été adoptée sans difficulté à l'article 23
de la loi du 5 avril 2000. Il s'agissait de permettre au candidat suivant de
liste appelé à remplacer un député européen
démissionnaire ou décédé de choisir de ne pas
accepter ce dernier mandat, le remplacement étant assuré par le
suivant dans l'ordre de la liste.
La présente proposition de loi souhaite donc remédier à ce
dysfonctionnement en étendant à tous les mandats locaux, à
l'exception de celui de conseiller général dont la nature
uninominale du scrutin l'exclut de la problématique, les dispositions
prévues pour les représentants au Parlement européen.
Ainsi l'article premier en étend le champ aux conseillers municipaux,
l'article 2 aux conseillers de Paris, l'article 3 aux conseillers
régionaux et par extension aux conseillers à l'assemblée
de Corse.
PROPOSITION DE LOI
Article 1
er
I. Il
est inséré, après le premier alinéa de l'article L.
270 du code électoral, un alinéa ainsi rédigé :
« Si le candidat ainsi appelé à remplacer le
représentant se trouve de ce fait dans l'un des cas
d'incompatibilité mentionnés à l'article L. 46-1, il
dispose d'un délai de trente jours à compter de la date de la
vacance pour faire cesser l'incompatibilité en démissionnant de
l'un des mandats ou de la fonction visés par ces dispositions. A
défaut d'option dans le délai imparti, le remplacement est
assuré par le candidat suivant dans l'ordre de la liste. »
II. En conséquence, sont remplacés dans le deuxième
alinéa de cet article, les mots : « de l'alinéa
précédent » par les mots : « du premier
alinéa ».
Article 2
Il est
inséré, après le troisième alinéa de
l'article L. 272-6 du même code, un alinéa ainsi
rédigé :
« Si le candidat ainsi appelé à remplacer le
représentant se trouve de ce fait dans l'un des cas
d'incompatibilité mentionnés à l'article L. 46-1, il
dispose d'un délai de trente jours à compter de la date de la
vacance pour faire cesser l'incompatibilité en démissionnant de
l'un des mandats ou de la fonction visés par ces dispositions. A
défaut d'option dans le délai imparti, le remplacement est
assuré par le candidat suivant dans l'ordre de la liste. »
Article 3
Il est
inséré, après le premier alinéa de l'article L. 360
du même code, un alinéa ainsi rédigé :
« Si le candidat ainsi appelé à remplacer le
représentant se trouve de ce fait dans l'un des cas
d'incompatibilité mentionnés à l'article L. 46-1, il
dispose d'un délai de trente jours à compter de la date de la
vacance pour faire cesser l'incompatibilité en démissionnant de
l'un des mandats ou de la fonction visés par ces dispositions. A
défaut d'option dans le délai imparti, le remplacement est
assuré par le candidat suivant dans l'ordre de la
liste. »