Projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République
N° 24 rectifié
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003
Annexe au procès-verbal de la séance du 16 octobre 2002
PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE
relatif à l'
organisation
décentralisée
de la
République
,
PRÉSENTÉ
au nom de M. JACQUES CHIRAC,
Président de la République,
par M. JEAN-PIERRE RAFFARIN,
Premier ministre,
Et par M. Dominique PERBEN
Garde des Sceaux, ministre de la justice
( Renvoyé à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).
Collectivités territoriales. |
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La République s'est construite sur les principes fondateurs de
l'indivisibilité du territoire et de l'égalité des
citoyens devant la loi. Les Français y demeurent profondément
attachés. L'idée selon laquelle ces principes exigeraient que
l'on bride les initiatives locales appartient, en revanche, au passé.
L'impuissance de l'Etat a souvent été mise en accusation. Nos
compatriotes constatent que la centralisation n'empêche pas les
inégalités et que les disparités territoriales sont
grandissantes. Ils se plaignent également de la complexité de
notre organisation institutionnelle, qui ne leur permet pas d'identifier un
responsable pour chaque politique publique. Une clarification des
compétences s'impose.
Le présent projet de loi vise ainsi à modifier
profondément le cadre constitutionnel de l'action des
collectivités territoriales, en métropole et outre-mer. Ces
collectivités sont aujourd'hui appelées à jouer un
rôle essentiel pour moderniser notre pays, pour réformer ses
structures administratives, pour rapprocher les services publics des citoyens
et revivifier la vie démocratique. C'est au travers de leur action que
doit s'incarner une République plus responsable, plus efficace et plus
démocratique.
Une République plus responsable doit équilibrer l'exigence de
cohérence et le besoin de proximité. C'est à l'Etat, et
d'abord au Parlement, qu'il appartient de définir les grands principes
et d'évaluer la façon dont ils sont mis en oeuvre sur tout le
territoire. Mais ce rôle sera d'autant mieux assuré si l'Etat se
recentre sur ses missions principales. Quant aux collectivités
territoriales, il convient de reconnaître leur capacité et leur
autonomie de gestion, sous le contrôle du citoyen. Le droit à
l'expérimentation permettra, pour chaque politique publique, de
déterminer le bon niveau d'exercice des compétences. Ainsi les
conditions de la mise en oeuvre du principe de subsidiarité seront
réunies.
Une République plus efficace, c'est un Etat qui sait maîtriser ses
dépenses et simplifier ses structures. La décentralisation est la
première réforme de l'Etat. Elle lui permettra de mieux exercer
ses missions régaliennes et de solidarité. Parallèlement,
le Gouvernement favorisera les réformes souhaitées par les
collectivités, en les aidant à aller dans le sens de la
simplification et des économies souhaitées par nos concitoyens et
en leur assurant les financements nécessaires.
Une République plus démocratique, enfin, c'est une
République où les citoyens sont plus souvent consultés,
notamment dans les débats locaux ; où ils peuvent identifier
clairement les élus responsables de chacune des politiques publiques. La
réforme engagée par le Gouvernement, conformément aux
orientations du Président de la République, sera, ainsi, d'abord
une réforme au service du citoyen.
*
* *
L'article 1
er
de la Constitution
énumère les principes qui forgent l'identité de la
République. L'article 1
er
du présent projet de loi y
ajoute le principe selon lequel la France a une organisation
décentralisée. Principe d'organisation administrative, la
décentralisation, sans remettre en cause l'unité de la Nation,
enrichit la vie démocratique et contribue à une application plus
effective et moins abstraite du principe d'égalité.
L'article 2
du projet de loi introduit dans la Constitution un article
37-1 qui habilite le législateur à procéder à des
expérimentations. La même faculté est donnée au
Gouvernement, pour l'exercice de son pouvoir réglementaire.
Destinée à éprouver la pertinence de nouvelles normes en
leur donnant un champ d'application territorial ou matériel restreint,
l'expérimentation est un instrument qui doit permettre d'avancer avec
plus de sûreté et d'efficacité sur la voie des
réformes dans une société marquée par la
complexité. Elle constitue, en particulier, un moyen pour progresser sur
la voie de l'indispensable réforme de l'Etat.
La pratique de l'expérimentation n'avait jusqu'ici été
admise que dans des limites étroites par le Conseil constitutionnel et
le juge administratif qui estimaient qu'elle risquait de se heurter au principe
d'égalité. Son inscription dans la Constitution permettra d'y
recourir dans un domaine plus large et dans de meilleures conditions de
sécurité juridique. Les textes législatifs et
réglementaires prévoyant une expérimentation et
restreignant à cet effet le champ d'application de la nouvelle norme
devront toutefois fixer un ensemble de conditions permettant d'assurer un
équilibre entre l'intérêt général qui
s'attache à la mise à l'essai de nouvelles règles et les
exigences du principe d'égalité. Ainsi la durée pendant
laquelle coexisteront les normes anciennes et celles dont l'on souhaite
éprouver la pertinence devra-t-elle être fixée avec
précision, en fonction du temps requis pour que, compte tenu de la
matière en cause, les résultats de la mise à l'essai
puissent être efficacement évalués. Cette durée
expirée, c'est une règle unique qui trouvera à
s'appliquer, soit parce que le législateur ou le pouvoir
réglementaire seront intervenus afin de généraliser la
norme ayant donné lieu à expérimentation, le cas
échéant amendée au vu des résultats de sa mise
à l'essai, soit parce que, en l'absence de nouvelle intervention, c'est
la norme ancienne qui retrouvera son entier champ d'application.
Dans le droit-fil de l'article 24 de la Constitution, aux termes duquel le
Sénat assure la représentation des collectivités
territoriales de la République,
l'article 3
du projet de loi
ajoute au second alinéa de l'article 39 de la Constitution une
disposition prévoyant que les projets de loi qui ont pour principal
objet la libre administration des collectivités territoriales ainsi que
la définition de leurs compétences et de leurs ressources sont en
premier lieu soumis à cette assemblée. Un meilleur parti pourra
être ainsi tiré de la connaissance approfondie dont dispose le
Sénat des questions relatives à la gestion des
collectivités territoriales. Cette règle ne fera cependant pas
obstacle au dépôt par les députés de propositions de
loi poursuivant un objet similaire.
L'article 4
du projet de loi donne une nouvelle rédaction
à l'article 72 de la Constitution.
Le renforcement du rôle des collectivités territoriales passe
d'abord par une actualisation des dispositions du premier alinéa
régissant l'organisation territoriale de la République.
L'existence des régions, qui constituent, depuis 1982, l'une des
catégories de collectivités territoriales de la
République, est inscrite dans la Constitution, au même titre que
celle des communes et des départements. La notion de
« territoire d'outre-mer » est remplacée par celle
de « collectivité d'outre-mer », mieux en accord
avec les possibilités d'organisation particulière offertes
à ces collectivités, dont le cadre constitutionnel est revu. La
nouvelle rédaction du premier alinéa de l'article 72 consacre
également la possibilité, déjà admise par le
Conseil constitutionnel, de créer par la loi une catégorie de
collectivités ne comportant qu'une unité. En outre, elle
lève une rigidité du texte actuel, qui avait été
interprété comme faisant obstacle à ce que la
collectivité unique créée par le législateur puisse
se voir transférer une part substantielle des attributions normalement
exercées par les collectivités expressément
mentionnées par cet article et,
a fortiori
, se substitue à
l'une ou l'autre de ces collectivités.
Le principe de décentralisation étant inscrit à l'article
1
er
de la Constitution, il apparaît souhaitable d'en
définir la teneur et la portée. Tel est l'objet du
deuxième alinéa de l'article 72, qui dispose que les
collectivités territoriales ont vocation à exercer l'ensemble des
compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à
l'échelle de leur ressort. Traçant une ligne de partage, dans le
domaine administratif, entre l'action des services de l'Etat et celle des
collectivités territoriales, ce nouvel objectif à valeur
constitutionnelle permettra de transposer dans un Etat restant unitaire la
préoccupation qu'exprime, en droit communautaire, le principe de
subsidiarité. La poursuite de cet objectif sera facilitée par la
possibilité désormais ouverte par l'article 37-1, puisque les
expérimentations prévues par cet article permettront de
déterminer efficacement le niveau adéquat pour l'exercice de
telle ou telle compétence. C'est ainsi un ensemble de dispositions
cohérentes qui sont introduites dans la Constitution, afin de servir
d'instruments pour la réforme de l'Etat.
Ainsi que le Conseil constitutionnel et le Conseil d'Etat ont
déjà eu l'occasion de le reconnaître, le souci de donner
aux collectivités territoriales les moyens juridiques leur permettant de
mettre efficacement en oeuvre les attributions qui leur sont confiées
justifie que leur soit reconnu un pouvoir réglementaire. Le
deuxième alinéa de l'article 72, qui devient son troisième
alinéa, est complété afin de donner une base
constitutionnelle à l'existence de ce pouvoir : celui-ci ne pourra
s'exercer que dans la mesure où la loi l'a prévu et pour la seule
mise en oeuvre des attributions que ces collectivités tiennent de la loi.
Dans l'exercice de leurs compétences, les collectivités
territoriales sont particulièrement à même
d'apprécier l'adéquation des lois et règlements à
l'objet poursuivi, d'identifier leurs éventuelles imperfections et de
concevoir les réformes dont ces textes pourraient faire l'objet. C'est
pourquoi il est opportun qu'elles puissent être autorisées
à expérimenter elles-mêmes les modifications qui pourraient
être utilement apportées aux lois et règlements qui
régissent l'exercice des compétences qui leur sont
confiées. C'est l'objet du quatrième alinéa de l'article
72. Le Parlement ou le Gouvernement, selon le niveau des normes en cause,
pourront autoriser les collectivités territoriales qui en auront
exprimé le souhait à expérimenter des règles
nouvelles. Cette expérimentation obéira à la même
économie que celle prévue à l'article 37-1. Son champ et
sa durée devront être déterminés par avance. Les
modalités de son évaluation devront être prévues. A
l'issue, l'autorité normative compétente appréciera les
conséquences qu'il convient d'en tirer. Ces diverses conditions seront
précisées par la loi organique à laquelle il est
renvoyé. Enfin, le champ de cette expérimentation est
encadré : elle ne pourra porter sur les normes qui
définissent les conditions essentielles d'exercice d'une liberté
publique ou d'un droit constitutionnellement garanti.
Ces dispositions pourront, le cas échéant, être
combinées avec celles de l'article 37-1, de manière à
réaliser des expériences portant, à la fois, sur le
transfert aux collectivités territoriales d'une compétence jusque
là détenue par l'Etat et sur l'évolution des normes
concernées par ce transfert.
Une décentralisation efficace peut nécessiter une collaboration
entre plusieurs échelons territoriaux. Le cinquième alinéa
de l'article 72 permet ainsi au législateur d'organiser cette
collaboration, en confiant à une collectivité « chef de
file » le soin de définir les modalités de l'action
menée conjointement.
Enfin, le sixième alinéa donne une nouvelle rédaction
à l'ancien troisième alinéa de l'article 72, qui n'en
modifie pas la portée mais tire les conséquences de
l'inscription, dans la Constitution, de nouvelles collectivités telles
que les régions et les collectivités d'outre-mer. Cette
rédaction fait en outre plus clairement apparaître la mission
confiée au représentant de l'Etat, qui représente chacun
des membres du Gouvernement et dont le rôle s'exerce à
l'égard de l'ensemble des collectivités présentes dans le
ressort de la circonscription administrative dont il a la charge.
La décentralisation des compétences doit aller de pair avec le
développement de la faculté d'expression directe dont disposent
les citoyens au niveau local.
L'article 5
du projet de loi insère
ainsi dans la Constitution un article 72-1 qui donne un cadre constitutionnel
à cette expression.
Le premier alinéa consacre un droit de pétition qui permettra aux
électeurs de chaque collectivité territoriale d'obtenir
l'inscription à l'ordre du jour de l'assemblée
délibérante de cette collectivité de toute question
relevant de ses compétences.
Le deuxième alinéa ouvre la possibilité aux organes de ces
collectivités de soumettre à un référendum, qui
vaudra décision, les projets de délibérations ou d'actes
relevant de leurs compétences.
Le troisième alinéa rend possible la consultation des
électeurs d'une partie du territoire sur certaines questions qui, bien
qu'appelant une décision relevant de la compétence, non des
autorités locales, mais du Parlement ou du Gouvernement, les
intéressent spécialement, parce qu'elles ont trait à
l'organisation de la collectivité dont ils font partie. Le premier cas
est celui où l'on envisage de créer l'une de ces
collectivités territoriales à statut particulier
mentionnées au premier alinéa de l'article 72. Seront alors
consultés les électeurs inscrits dans la partie du territoire
correspondant au ressort de la future collectivité. L'organisation de la
consultation devra être décidée par la loi. Le second cas
est celui où l'on envisage de modifier les limites de
collectivités existantes.
Le principe de libre administration suppose, pour être effectif, que les
collectivités territoriales aient la garantie de disposer des ressources
nécessaires à la mise en oeuvre de leurs compétences.
Cette garantie est particulièrement nécessaire pour progresser
vers une organisation de la République qui soit véritablement
décentralisée. Elle doit avoir pour corollaire une
responsabilité accrue des collectivités territoriales. Enfin,
elle va de pair avec une exigence de solidarité entre les
collectivités permettant de corriger les inégalités
liées au territoire.
L'article 6
du projet de loi crée ainsi un article 72-2 dont le
premier alinéa affirme le principe de la garantie des ressources et de
leur libre disposition. Le deuxième alinéa consacre la
faculté pour les collectivités territoriales de recevoir le
produit d'impositions et d'en fixer elles-mêmes, dans les limites
définies par le législateur, aussi bien le taux que l'assiette.
Le troisième alinéa pose le principe selon lequel, pour chaque
catégorie de collectivités, l'addition de ses recettes fiscales,
des autres ressources propres et des dotations émanant d'autres
collectivités territoriales doit représenter une part
déterminante de l'ensemble des ressources. Les conditions de mise en
oeuvre de cette règle seront fixées par la loi organique. Le
quatrième alinéa inscrit dans la Constitution le principe selon
lequel les transferts de compétences de l'Etat aux collectivités
territoriales doivent être accompagnés de l'attribution de
ressources d'un montant équivalent à celles qui étaient
consacrées à la mise en oeuvre de ces compétences
lorsqu'elles étaient exercées par l'Etat. Enfin, le dernier
alinéa fait de la correction des inégalités territoriales,
notamment au moyen de dispositifs de péréquation, un objectif de
valeur constitutionnelle.
Les dispositions des
articles 7
,
8
et
9
du projet de loi
sont relatives aux collectivités situées outre-mer, à
l'exception de la Nouvelle-Calédonie, qui demeure régie par les
dispositions figurant au titre XIII. Tout en conservant la ligne de partage
entre les collectivités où s'appliquent de plein droit les lois
et règlements et celles qui se voient reconnaître une
spécialité législative, elles permettront d'appliquer des
règles plus variées permettant de répondre aux attentes
particulières de chacune des collectivités concernées.
Le nouvel article 72-3, créé par l'article 7 du projet de loi,
désigne nominativement chacune de ces collectivités afin que soit
solennellement marquée leur appartenance à la République.
Dans ce cadre, et réserve faite des Terres australes et antarctiques
françaises, dont le statut est défini par la loi, il
définit deux catégories statutaires : le statut de
département et de région d'outre-mer, régi par le principe
d'assimilation législative ; le statut de collectivité
régie par le principe de spécialité législative.
Les actuels départements d'outre-mer continueront de relever de
l'article 73 et les autres collectivités d'outre-mer de l'article 74. Le
passage de l'un à l'autre de ces régimes sera subordonné
à l'intervention d'une loi organique, après qu'aura
été recueilli le consentement préalable des
électeurs de la collectivité intéressée,
convoqués par décision du Président de la
République.
L'article 8
du projet de loi donne une nouvelle rédaction
à l'article 73 de la Constitution. Celle-ci tire les conséquences
de l'inscription des régions parmi les collectivités
territoriales mentionnées à l'article 72. Tout en reprenant le
principe de l'assimilation législative, l'article 73 autorise
désormais trois sortes d'assouplissements permettant de mieux prendre en
compte la spécificité et les attentes des départements et
régions d'outre-mer. En premier lieu, s'inspirant de la rédaction
de l'article 299-2 du traité signé le 2 octobre 1997 modifiant le
traité instituant la Communauté européenne, il ouvre plus
largement la possibilité d'apporter des adaptations aux lois et
règlements, en autorisant, non plus les seules adaptations
nécessitées par la situation particulière de ces
collectivités, mais l'ensemble des adaptations qui tiennent à
leurs caractéristiques et contraintes particulières. En
deuxième lieu, il permet au législateur d'habiliter la
collectivité qui le souhaite à fixer elle-même ces
adaptations, lorsque les dispositions en cause sont au nombre de celles qui
régissent l'exercice de ses compétences. En troisième
lieu, toujours sur sa demande et pour tenir compte de ses
spécificités, la collectivité peut être
habilitée à édicter elle-même la norme applicable
sur son territoire, sous une double réserve : l'habilitation ne
peut porter que sur des champs de compétence susceptibles d'être
transférés aux collectivités régies par le principe
de spécialité ; la collectivité ne peut intervenir
dans le domaine de compétence réservé à la loi par
l'article 34 que dans la mesure définie par une loi organique. Enfin, la
substitution à une région ou un département d'outre-mer
d'une collectivité territoriale nouvelle, de même que
l'institution d'une assemblée délibérante unique pour la
région et le département sont subordonnées au consentement
des électeurs concernés.
L'article 9
du projet de loi donne une nouvelle rédaction
à l'article 74 de la Constitution, permettant de mieux ajuster à
leurs spécificités et leurs attentes le statut dont sont
dotées les collectivités d'outre-mer régies par le
principe de spécialité.
Chacune de ces collectivités disposera d'un statut particulier,
défini par la loi organique après avis de son assemblée
délibérante, qui, compte tenu de ses intérêts
propres dans l'ensemble des intérêts de la République,
fixera les conditions dans lesquelles les lois et les règlements y sont
applicables, définira l'étendue de sa compétence
normative, sous réserve d'un ensemble de domaines pour lesquels un
transfert de compétences ne sera plus possible s'il n'est pas
déjà intervenu, et déterminera les modalités de sa
consultation sur les projets de texte comportant des dispositions qui lui sont
particulières ou, avant leur ratification ou leur approbation, sur les
engagements internationaux conclus dans des matières relevant de sa
compétence.
Le statut fixera également les règles d'organisation et de
fonctionnement des institutions de la collectivité et le régime
électoral de son assemblée délibérante.
Il pourra, en outre, prévoir un contrôle juridictionnel
particulier pour les actes de la collectivité intervenant dans des
matières relevant de l'article 34, ainsi qu'une procédure
comparable à celle figurant au second alinéa de l'article 37 afin
de permettre à la collectivité de modifier les dispositions
législatives qui interviendraient dans son domaine de compétence
après l'entrée en vigueur du statut. Dans les matières
touchant à l'accès à l'emploi, au droit
d'établissement et à la protection du patrimoine foncier, les
collectivités pourront se voir reconnaître le droit de prendre, en
faveur de leurs habitants, des mesures justifiées par les
nécessités locales. Enfin, le statut particulier pourra
également prévoir les conditions dans lesquelles l'Etat associera
la collectivité à l'exercice des compétences qu'il
conserve.
L'article 10
du projet de loi insère dans la Constitution un
article 74-1 instituant une habilitation permanente au profit du
Gouvernement, afin de lui permettre d'assurer une actualisation
régulière du droit applicable à ces collectivités,
dans les matières qui restent de la compétence de la loi
ordinaire. Les ordonnances prises sur le fondement de cette disposition seront
soumises pour avis à l'assemblée délibérante de
chaque collectivité concernée. Elles obéiront, pour le
reste, aux règles fixées par l'article 38 de la Constitution.
L'article 11
du projet de loi modifie les articles 7, 13 et 60 de la
Constitution.
Dans sa rédaction actuelle, le premier alinéa de l'article 7
prévoit que le second tour du scrutin organisé pour
l'élection du Président de la République se déroule
le deuxième dimanche suivant le premier tour. Cette exigence conduit, du
fait du décalage horaire, à ce que les électeurs
résidant dans certaines collectivités situées outre-mer
expriment leur vote alors que le résultat de l'élection peut
déjà être tenu pour certain. Il convient donc que la
Constitution se borne à poser la règle selon laquelle le second
tour de scrutin est organisé dans les deux semaines suivant le premier
et laisse à la loi organique prévue par l'article 6 le soin d'en
fixer la date.
La rédaction de
l'article 13
doit être modifiée afin
de tirer les conséquences de la substitution de la notion de
collectivité d'outre-mer à celle de territoire d'outre-mer.
Enfin, le référendum local institué par le présent
projet de loi ayant vocation à être placé sous le
contrôle du juge administratif puisqu'il porte sur l'adoption d'un acte
à caractère administratif, il convient de préciser
à l'article 60 que les opérations référendaires
dont le Conseil constitutionnel assure le contrôle sont exclusivement
celles organisées sur le fondement des articles 11 et 89.
PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE
Le
Président de la République,
Sur la proposition du Premier ministre,
Vu l'article 89 de la Constitution,
Décrète :
Le présent projet de loi constitutionnelle relatif à
l'organisation décentralisée de la République,
délibéré en Conseil des ministres après avis du
Conseil d'État, sera présenté au Sénat par le Garde
des Sceaux, ministre de la justice, qui sera chargé d'en exposer les
motifs et d'en soutenir la discussion.
Article 1 er
L'article 1 er de la Constitution est complété par la phrase suivante : « Son organisation est décentralisée. »
Article 2
Il est
inséré au titre V de la Constitution un article 37-1 ainsi
rédigé :
«
Art. 37-1.
- La loi et le règlement peuvent comporter des
dispositions à caractère expérimental. »
Article 3
Le
second alinéa de l'article 39 de la Constitution est
complété par la phrase suivante :
« Les projets de loi ayant pour principal objet la libre
administration des collectivités locales, leurs compétences ou
leurs ressources sont soumis en premier lieu au Sénat. »
Article 4
L'article 72 de la Constitution est ainsi
rédigé :
«
Art. 72.
- Les collectivités territoriales de la
République sont les communes, les départements, les
régions et les collectivités d'outre-mer régies par
l'article 74. Toute autre catégorie de collectivité territoriale
est créée par la loi. La loi peut également créer
une collectivité à statut particulier, en lieu et place de celles
mentionnées au présent alinéa.
« Les collectivités territoriales ont vocation à
exercer l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises
en oeuvre à l'échelle de leur ressort.
« Dans les conditions prévues par la loi, ces
collectivités s'administrent librement par des conseils élus.
Pour l'exercice de leurs compétences, elles disposent, dans les
mêmes conditions, d'un pouvoir réglementaire.
« Dans les conditions prévues par la loi organique, et sauf
lorsque sont en cause les conditions essentielles d'exercice d'une
liberté publique ou d'un droit constitutionnellement garanti, les
collectivités territoriales peuvent, lorsque, selon le cas, la loi ou le
règlement l'a prévu, déroger, à titre
expérimental, aux dispositions législatives ou
réglementaires qui régissent l'exercice de leurs
compétences.
« Lorsque l'exercice d'une compétence nécessite le
concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi peut confier
à l'une d'entre elles le pouvoir de fixer les modalités de leur
action commune.
« Dans le ressort des collectivités territoriales de la
République, le représentant de l'Etat, représentant de
chacun des membres du Gouvernement, a la charge des intérêts
nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois. »
Article 5
Il est
inséré au titre XII de la Constitution un article 72-1 ainsi
rédigé :
«
Art. 72-1
. - La loi fixe les conditions dans lesquelles les
électeurs de chaque collectivité territoriale peuvent, par
l'exercice du droit de pétition, obtenir l'inscription à l'ordre
du jour de l'assemblée délibérante de cette
collectivité d'une question relevant de sa compétence.
« Dans les conditions prévues par la loi organique, les
projets de délibération ou d'acte relevant de la
compétence d'une collectivité territoriale peuvent, à son
initiative, être soumis, par la voie du référendum,
à la décision des électeurs inscrits dans le ressort de
cette collectivité.
« Lorsqu'il est envisagé de créer une
collectivité territoriale dotée d'un statut particulier ou de
modifier son organisation, il peut être décidé par la loi
de consulter les électeurs inscrits dans le ressort des
collectivités intéressées. La modification des limites des
collectivités territoriales peut également donner lieu à
la consultation des électeurs dans les conditions prévues par la
loi. »
Article 6
Il est
inséré au titre XII de la Constitution un article 72-2 ainsi
rédigé :
«
Art. 72-2.
- La libre administration des collectivités
territoriales est garantie par des ressources dont celles-ci peuvent disposer
librement dans les conditions fixées par la loi.
« Elles peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de
toute nature. La loi peut les autoriser à en fixer le taux et
l'assiette, dans les limites qu'elle détermine.
« Les recettes fiscales, les autres ressources propres des
collectivités et les dotations qu'elles reçoivent d'autres
collectivités territoriales représentent une part
déterminante de l'ensemble de leurs ressources. La loi organique fixe
les conditions dans lesquelles cette règle est mise en oeuvre.
« Tout transfert de compétences entre l'Etat et les
collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources
équivalentes à celles qui étaient consacrées
à leur exercice.
« La loi met en oeuvre des dispositifs pouvant faire appel à
la péréquation en vue de corriger les inégalités de
ressources entre les collectivités territoriales. »
Article 7
Il est
inséré au titre XII de la Constitution un article 72-3 ainsi
rédigé :
«
Art. 72-3
. - La Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La
Réunion, Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, les îles Wallis et
Futuna et la Polynésie française sont régis par l'article
73 pour les départements et les régions d'outre-mer, et par
l'article 74 pour les autres collectivités.
« Aucun passage de tout ou partie de ces collectivités de l'un
à l'autre des régimes prévus par les articles 73 et 74 ne
peut intervenir sans que le consentement des électeurs de la
collectivité intéressée, convoqués par le
Président de la République sur proposition du Gouvernement, ait
été préalablement recueilli. En ce cas, le changement de
régime est décidé par une loi organique.
« La loi détermine le régime législatif et
l'organisation particulière des Terres australes et antarctiques
françaises. »
Article 8
L'article 73 de la Constitution est ainsi
rédigé :
«
Art. 73
. - Dans les départements et les
régions d'outre-mer, les lois et règlements sont applicables de
plein droit, sous réserve d'adaptations tenant à leurs
caractéristiques et contraintes particulières.
« Ces adaptations peuvent être décidées par ces
collectivités dans les matières où s'exercent leurs
compétences et si elles y ont été habilitées par la
loi.
« Par dérogation au premier alinéa et pour tenir compte
de leurs spécificités, les collectivités régies par
le présent article peuvent, sous les réserves prévues au
quatrième alinéa de l'article 74, être habilitées
à fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur
territoire, y compris dans certaines matières relevant du domaine de la
loi.
« Les habilitations prévues aux alinéas
précédents sont décidées, à la demande de la
collectivité concernée, dans les conditions et sous les
réserves prévues par une loi organique.
« La création par la loi d'une collectivité se
substituant à un département et une région d'outre-mer ou
l'institution d'une assemblée délibérante unique pour ces
deux collectivités ne peut intervenir sans qu'ait été
recueilli, selon les formes prévues au deuxième alinéa de
l'article 72-3, le consentement des électeurs inscrits dans le
ressort de ces collectivités. »
Article 9
L'article 74 est ainsi rédigé :
«
Art. 74.
- Les collectivités d'outre-mer
régies par le présent article ont un statut particulier qui tient
compte des intérêts propres de chacune d'elles au sein de la
République.
« Ce statut est défini par une loi organique, adoptée
après avis de l'assemblée délibérante, qui fixe :
« - les conditions dans lesquelles les lois et règlements y
sont applicables ;
« - les compétences de cette collectivité ; sous
réserve de celles qu'elle exerce à la date d'entrée en
vigueur de la loi constitutionnelle n° du relative à
l'organisation décentralisée de la République, le
transfert de compétences de l'Etat ne peut porter sur la
nationalité, les droits civiques, les garanties des libertés
publiques, l'état et la capacité des personnes, l'organisation de
la justice, le droit pénal, la procédure pénale, la
politique étrangère, la défense, la sécurité
et l'ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes ainsi que le
droit électoral ;
« - les règles d'organisation et de fonctionnement des
institutions de la collectivité et le régime électoral de
son assemblée délibérante ;
« - les conditions dans lesquelles ses institutions sont
consultées sur les projets et propositions de loi et les projets
d'ordonnance ou de décret comportant des dispositions
particulières à la collectivité, ainsi que sur la
ratification ou l'approbation d'engagements internationaux conclus dans les
matières relevant de sa compétence.
« La loi organique détermine également, pour celles de
ces collectivités qui sont dotées de l'autonomie, les conditions
dans lesquelles :
« - s'exerce un contrôle juridictionnel spécifique sur
certaines catégories d'actes de l'assemblée
délibérante intervenant au titre des compétences qu'elle
exerce dans le domaine de la loi ;
« - l'assemblée délibérante peut modifier une
loi promulguée postérieurement à l'entrée en
vigueur du statut de la collectivité, lorsque le Conseil constitutionnel
a constaté que la loi était intervenue dans le domaine de
compétence de cette collectivité ;
« - des mesures justifiées par les nécessités
locales peuvent être prises par la collectivité en faveur de sa
population, en matière d'accès à l'emploi, de droit
d'établissement pour l'exercice d'une activité professionnelle ou
de protection du patrimoine foncier.
« - l'Etat peut associer les collectivités à l'exercice
des compétences qu'il conserve, dans le respect des garanties
accordées sur l'ensemble du territoire national pour l'exercice des
libertés publiques.
« Les autres modalités de l'organisation particulière
des collectivités relevant du présent article sont
définies et modifiées par la loi après consultation de
leur assemblée délibérante. »
Article 10
Il est
inséré au titre XII de la Constitution un article 74-1 ainsi
rédigé :
«
Art. 74-1
. - Dans les collectivités d'outre-mer
régies par l'article 74 ainsi que par le titre XIII et pour les
matières qui demeurent de la compétence de l'Etat, le
Gouvernement peut, après avis de l'assemblée
délibérante de ces collectivités, étendre par
ordonnance, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de nature
législative en vigueur en métropole, sauf si elles en disposent
autrement.
« Les règles du deuxième alinéa de l'article 38
sont applicables. Toutefois, les ordonnances deviennent caduques si le projet
de loi de ratification n'est pas déposé devant le Parlement dans
les six mois suivant leur publication. »
Article 11
I. - Au
premier alinéa de l'article 7 de la Constitution, les mots :
« le deuxième dimanche suivant » sont
remplacés par les mots : « dans les deux semaines qui
suivent ».
II. - Au troisième alinéa de l'article 13 de la Constitution, les
mots : « les représentants du Gouvernement dans les
territoires d'outre-mer » sont remplacés par les mots :
« les représentants de l'Etat dans les collectivités
d'outre-mer régies par l'article 74 ».
III. - A l'article 60 de la Constitution, après les mots :
« des opérations de référendum » sont
ajoutés les mots : « prévues aux articles 11 et
89. »
Fait à Paris, le 16 octobre 2002
Signé : JACQUES CHIRAC
Par le Président de la République :
Le Premier ministre,
Signé : JEAN-PIERRE RAFFARIN
Le Garde des Sceaux,
ministre de la justice,
Signé : DOMINIQUE PERBEN