EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La Commission européenne a publié en novembre 2020 sa stratégie pharmaceutique pour l'Europe1(*). Celle-ci a pour objectifs d'assurer l'accessibilité et le caractère abordable des médicaments, de soutenir une « industrie pharmaceutique européenne compétitive et innovante », de garantir « l'autonomie stratégique ouverte de l'Union » et de renforcer les mécanismes européens de réaction face aux crises sanitaires.
Pour cela, la Commission souligne que l'Agence européenne des médicaments, désignée sous son acronyme anglais EMA (European Medicines Agency), doit s'adapter « aux nouvelles évolutions scientifiques et technologiques par la mise à niveau de l'expertise requise ». Ceci suppose, selon la Commission, une refonte du système de redevances et de droits perçus par l'EMA « pour financer les activités réglementaires à l'échelle de l'Union et garantir la couverture des coûts correspondants ».
Pour rappel, l'EMA a été instituée à la suite de l'adoption du règlement n° 726/20042(*). Elle agit dans le cadre de la procédure dite « centralisée »3(*) pour fournir un avis scientifique à la Commission en vue d'autoriser la mise sur le marché d'un médicament à usage humain ou vétérinaire. Elle assure également le contrôle et le suivi de la sécurité de ces médicaments. Enfin, elle fournit des conseils scientifiques aux entreprises qui envisagent de déposer un dossier de demande d'autorisation de mise sur le marché. Pour chacun de ces services, l'EMA perçoit une redevance payée par les entreprises du médicament.
Les redevances perçues par l'EMA sont principalement liées aux services suivants :
- les procédures relatives à la mise sur le marché des médicaments à usage humain ou vétérinaire, comprenant éventuellement les modifications des dossiers d'autorisation de mise sur le marché (AMM), qui donnent lieu à des redevances ponctuelles ;
- les activités générales de surveillance4(*) des médicaments à usage humain ou vétérinaire qui donnent lieu à des redevances payées chaque année, pour chaque spécialité en vente sur le marché de l'Union ;
- la pharmacovigilance5(*) qui concerne également les titulaires d'AMM de médicaments vétérinaires, depuis l'adoption du règlement (UE) n° 2019/6 relatif aux médicaments vétérinaires, et qui donne lieu également à des redevances annuelles.
Afin de remplir ses missions, l'EMA s'appuie sur l'expertise des autorités nationales compétentes (ANC) qui mettent à sa disposition des experts, contre une rémunération qui est financée par une partie des redevances perçues par l'EMA. Cette rémunération est versée directement aux ANC. Ainsi, pour toute nouvelle demande d'autorisation de mise sur le marché, un rapporteur et un co-rapporteur de différents États sont nommés pour diriger l'évaluation. Pour les médicaments génériques, un seul rapporteur est nommé.
Aujourd'hui, le montant des redevances perçues par l'EMA et le montant des rémunérations versées aux ANC sont précisés dans le règlement (CE) n° 297/95 du Conseil du 10 février 19956(*), qui est mis à jour régulièrement. Les redevances relatives à la pharmacovigilance sont prévues par le règlement (UE) n° 658/20147(*).
La proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux redevances et aux droits dus à l'Agence européenne des médicaments, publiée par la Commission le 13 décembre 2022 -COM(2022) 721 final8(*) - a pour objectif de simplifier le système des redevances et de réajuster leurs montants en tenant compte des charges de l'EMA et, notamment, des coûts des services que lui fournissent les ANC. Il a été précisé par la Commission que les redevances annuelles devraient permettre de financer les charges indirectes de l'EMA telles que certains coûts administratifs ou équipements. L'ensemble de ces coûts fera l'objet d'une surveillance assurée par l'EMA dont le directeur exécutif rendra compte dans le rapport d'activité annuel prévu par le règlement n° 726/2004. Enfin, afin d'obtenir un système plus souple, la Commission pourra modifier le montant des redevances par un acte délégué.
Les rapporteurs de la commission des affaires européennes du Sénat estiment que le système de redevances doit refléter une vision politique et stratégique plutôt qu'une approche purement comptable. Cette vision implique une plus grande participation des parties prenantes à la détermination du montant des redevances, de sorte à permettre la réalisation des objectifs de la stratégie pharmaceutique. Une telle vision pourrait de ce fait entraîner des conséquences sur la structuration du budget de l'EMA avec une hausse de la participation de l'Union à ses recettes, d'une part et, une augmentation de la part de redevances versée aux ANC pour chaque mission, d'autre part.
1/ Renforcer le rôle des différentes parties prenantes dans la procédure de révision du montant des redevances
L'article 11 de la proposition de règlement prévoit que la Commission est habilitée à adopter des actes délégués pour modifier le montant des redevances, des droits et des rémunérations versées aux ANC lorsqu'elle l'estime justifié eu égard à l'un des éléments suivants :
a) le rapport spécial prévu à l'article 10, paragraphe 6 de la proposition de règlement ;
b) les conclusions du suivi du taux d'inflation conformément à l'article 10, paragraphe 5 de la proposition de règlement ;
c) une modification des missions incombant à l'Agence, entraînant une variation significative de ses coûts ;
d) les rapports budgétaires de l'EMA ;
e) d'autres informations pertinentes, relatives notamment aux aspects pratiques de l'exécution des activités pour lesquelles l'EMA perçoit des redevances ou des droits.
Si la nécessité de disposer d'un système de redevances relativement souple, pouvant être rapidement adapté aux modifications du mandat de l'EMA, aux évolutions scientifiques ou encore aux périodes de crise se comprend, les rapporteurs jugent que le pouvoir de la Commission doit néanmoins être encadré avec pour objectifs de garantir le rôle des États membres et de renforcer la concertation et la transparence.
a/ Limiter le pouvoir d'appréciation de la Commission en ce qui concerne la révision du montant des redevances, des droits et des rémunérations versées aux ANC
Pour cela, les rapporteurs proposent tout d'abord de limiter la liste des éléments que l'article 11 autorise la Commission à invoquer pour justifier une modification du montant des redevances, des droits et des rémunérations. Ainsi, il est proposé d'en retirer les « autres informations pertinentes », formulation excessivement vague, et donc de supprimer le point e.
On peut en revanche reconnaître, concernant le point b de l'article 11 de la proposition de règlement, que le taux d'inflation fait l'objet d'une publication officielle par Eurostat en application du règlement n° 2016/7929(*), ce qui fixe un cadre clair à toute modification qui se fonderait sur cet élément.
b/ Garantir le rôle des États membres
Concernant les points c et d de l'article 11 de la proposition de règlement, leur invocation par la Commission ne peut se faire sans l'intervention des États membres. En effet, une modification substantielle des missions de l'EMA nécessite l'adoption d'un nouveau règlement sur lequel les États membres auraient à se prononcer au Conseil et l'article 66 du règlement n° 726/2004 prévoit que le budget de l'EMA doit être adopté par son conseil d'administration où siègent des représentants des États membres.
En revanche, le rôle décisionnel des
États membres semble ignoré pour ce qui concerne le point
a relatif au rapport spécial prévu à l'article
10, paragraphe 6, de la proposition de règlement : cet article
prévoit en effet que, trois ans après la date d'entrée en
application de ce règlement et puis tous les trois ans, le directeur
exécutif de l'EMA peut, lorsqu'il le considère pertinent au
regard des dépenses et recettes de l'EMA, remettre un rapport
spécial à la Commission présentant de manière
factuelle des recommandations détaillées et justifiées
visant à augmenter ou à diminuer le montant d'une redevance, d'un
droit ou d'une rémunération à la suite d'une variation
significative des coûts correspondants. Ce rapport permettrait donc
à la Commission de justifier d'une évolution du montant des
redevances, droits et rémunérations. Pour garantir aux
États membres la possibilité de prendre position sur ce rapport
spécial, il importe que celui-ci soit adopté avant sa
transmission à la Commission par le conseil d'administration de
l'EMA. Cette solution, que les rapporteurs soutiennent, est celle
proposée par la présidence suédoise du Conseil.
c/ Renforcer la concertation et la transparence
Les rapporteurs soutiennent qu'en outre, lors de la préparation du rapport spécial prévu à l'article 10, paragraphe 6, de la proposition de règlement, l'EMA devrait consulter les parties prenantes, notamment les ANC et les représentants de l'industrie pharmaceutique afin de recueillir les informations pertinentes permettant de définir le montant des redevances et leur évolution.
Ils estiment aussi que ce rapport spécial devrait être rendu public dès sa transmission à la Commission.
Telles sont les positions soutenues par les rapporteurs pour renforcer la concertation et la transparence dans le cadre d'une révision du montant des redevances, des droits et des rémunérations.
Sous réserve de ces modifications, la Commission pourrait valablement effectuer cette révision par acte délégué.
2/ Définir un système de redevances en cohérence avec les objectifs de la stratégie pharmaceutique
a/ Une simplification bienvenue du système
L'un des objectifs de la stratégie pharmaceutique pour l'Europe est de simplifier et rationaliser les procédures gérées par l'EMA, permettant ainsi de réduire les coûts administratifs.
Pour cela, la proposition de règlement tend à limiter le nombre de redevances et d'actes administratifs tels que la facturation. Ainsi, les redevances relatives aux modifications de type IA et IB10(*) des autorisations de mise sur le marché (AMM) sont désormais incluses de manière forfaitaire dans la redevance annuelle. Cette mesure a été saluée par l'industrie pharmaceutique. Les rapporteurs y sont également favorables. Selon l'étude d'impact de la Commission11(*), cela diminuera le nombre de factures émises par l'EMA de 5 %.
Par ailleurs, les redevances relatives à l'évaluation d'un médicament seraient désormais perçues de manière à couvrir tous les dosages, toutes les formes pharmaceutiques12(*) et toutes les présentations13(*) incluses dans une même demande. Si cette simplification du système de redevances est appréciable, elle engendre nécessairement une hausse du montant des redevances dont l'ampleur se discute et peut poser des difficultés pour certains secteurs.
b/ Des réductions ciblées de redevances à soutenir
La proposition de règlement prévoit le maintien de réductions spécifiques de certaines redevances, mentionnées à l'annexe V de la proposition de règlement. Ainsi, les réductions de redevances pour les médicaments pédiatriques sont maintenues. La proposition de règlement prévoit également, pour les petites entreprises, des réductions spécifiques des redevances applicables aux procédures postérieures à l'AMM, en sus des réductions de redevances prévues par le règlement (CE) n° 2049/200514(*) de la Commission. Les PME continuent donc à bénéficier des taux actuels de réduction des redevances postérieures à l'AMM et les microentreprises restent exonérées de toutes ces redevances.
Par ailleurs, la subvention spécifique versée à partir du budget de l'Union au titre du règlement n° 141/200015(*) est maintenue en vue de soutenir le développement de médicaments orphelins.
Ces dispositions favorisent la réalisation des objectifs de la stratégie pharmaceutique en ce qui concerne les médicaments orphelins et les médicaments pédiatriques, d'une part, et le soutien aux petites entreprises, d'autre part. Les rapporteurs y sont donc particulièrement favorables.
Il convient de préciser que l'article 5 de la proposition de règlement prévoit que, lorsque de telles réductions de redevances s'appliquent, elles n'affectent pas les rémunérations dues aux ANC. Si cela était déjà prévu pour ce qui concerne les redevances perçues au titre du règlement (CE) n° 297/95, cela ne l'était pas pour les redevances de pharmacovigilance perçues au titre du règlement (UE) n° 658/2014.
c/ Un système de redevances qui ne doit pas fragiliser l'accès aux médicaments génériques et biosimilaires
S'agissant de pharmacovigilance, la hausse de la redevance annuelle due à ce titre pour l'ensemble des médicaments à usage humain serait multipliée par 2,5. Sur ce montant, un abattement spécifique de 20 % est proposé pour les médicaments génériques. Malgré cela, les représentants de l'industrie estiment cette hausse trop importante.
De même, la redevance relative à une première autorisation de mise sur le marché pour un médicament biosimilaire serait considérablement augmentée, passant de 200 000 euros à 575 000 euros. Cette augmentation peut paraître particulièrement élevée et d'autant moins justifiée que certains essais cliniques comparatifs ne seraient plus nécessaires pour obtenir l'AMM pour ce type de médicament.
Les rapporteurs considèrent qu'il est essentiel de pouvoir maintenir des frais réglementaires à un niveau raisonnable afin d'éviter le retrait de certains marchés de médicaments génériques les plus anciens mais qui demeurent essentiels. De plus, les médicaments biosimilaires contribuent à maintenir une diversité de l'offre pour les patients et à permettre aux États membres de mieux maîtriser les dépenses publiques relatives aux médicaments.
En conséquence, les rapporteurs proposent d'augmenter la réduction de redevance accordée aux médicaments génériques en la portant à 50 % et de limiter le montant de la redevance relative à l'autorisation pour une première mise sur le marché d'un médicament biosimilaire : un plafond fixé à 450 000 euros seulement leur semblerait raisonnable. Il s'agit du montant approuvé par la commission de l'environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire du Parlement européen et qui fait l'objet d'un accord des représentants de l'industrie.
d/ Un système de redevances qui doit aussi prendre en compte les spécificités du marché des médicaments vétérinaires pour assurer leur disponibilité
- Une augmentation trop importante du montant de ces redevances
La redevance perçue pour une première autorisation de mise sur le marché d'un médicament vétérinaire passe de 143 700 euros à 295 500 euros, celle perçue pour une modification substantielle de l'AMM de 43 000 euros à 87 800 euros et la redevance annuelle pour un médicament non générique de 34 400 euros à 87 700 euros. Cette hausse est jugée trop importante par le SIMV (Syndicat de l'industrie du médicament et diagnostic vétérinaires). La société Ceva Santé animale estime par exemple que le coût annuel supplémentaire sera, pour elle, de plusieurs millions d'euros. À titre d'indication, son chiffre d'affaires était de 750 millions d'euros en 2022 et celui de Sanofi de 43 milliards d'euros.
À ce surcoût s'ajoute la récente mise en oeuvre du règlement (UE) n° 2019/616(*) qui implique la création de nouvelles redevances, notamment en matière de pharmacovigilance vétérinaire. Ainsi, une redevance annuelle de pharmacovigilance est créée au bénéfice de l'EMA, y compris pour les médicaments vétérinaires ne faisant pas l'objet d'une AMM délivrée par l'EMA. Celle-ci s'ajoute à la redevance de pharmacovigilance perçue par les ANC.
Pour l'Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV) - autorité compétente française en matière d'évaluation et de gestion du risque pour le médicament vétérinaire en France au sein de l'ANSES -, la forte augmentation des montants des redevances de l'EMA pèserait lourd sur le marché du médicament vétérinaire, qui ne représente que 3 % du marché du médicament à usage humain. De surcroît, la nouvelle redevance annuelle de pharmacovigilance perçue par l'EMA vise à couvrir les frais de maintenance de la base de données des produits de l'Union et de la base de pharmacovigilance, ces bases de données traitant de l'ensemble des médicaments vétérinaires autorisés dans l'Union européenne, quelle que soit la procédure d'octroi de l'autorisation, qu'elle fasse ou non intervenir l'EMA. Le montant global qui sera perçu pour cette redevance par l'EMA est estimé à 3 millions d'euros annuel. Pour l'ANMV, ce montant apparaît disproportionné par rapport au besoin à couvrir.
- Un impact négatif sur la disponibilité des médicaments, la médicalisation des animaux et l'investissement
Selon le SIMV, cette augmentation des redevances pourrait avoir plusieurs impacts négatifs. Tout d'abord, elle pourrait conduire à une rationalisation des portefeuilles de médicaments impliquant le retrait du marché des présentations à faible volume. De même, elle pourrait conduire à privilégier les médicaments pour animaux de compagnie au détriment des médicaments pour animaux d'élevage pour lesquels les obligations sont plus nombreuses, incluant notamment la détermination d'une limite maximale de résidus (LMR). Globalement, l'augmentation des taxes engendrera une augmentation des coûts de mise sur le marché des produits pouvant aboutir à une moindre médicalisation des animaux dont les coûts sont supportés par les propriétaires, avec les risques que cela peut engendrer pour la santé humaine. Enfin, ces nouvelles taxes pourraient également avoir un impact négatif sur les budgets consacrés à la recherche et développement et retarder l'arrivée de nouveaux produits sur le marché, les demandes d'AMM se faisant en priorité sur d'autres marchés.
- Maintenir une industrie du médicament vétérinaire innovante sur le territoire de l'Union
Pour les rapporteurs, des redevances trop importantes sont de nature à remettre en cause la souveraineté sanitaire de l'Union dans le domaine vétérinaire.
Dès lors, les rapporteurs proposent de supprimer la taxe annuelle de pharmacovigilance instituée au profit de l'EMA pour les médicaments vétérinaires qui ne relèvent pas de la procédure centralisée et de revoir à la baisse les montants des redevances proposés notamment pour une première mise sur le marché ou une modification de l'autorisation de mise sur le marché des médicaments vétérinaires au regard de la taille du marché afférent.
Les rapporteurs proposent également de prévoir un délai de 18 mois à compter de l'entrée en vigueur de ce règlement pour son application aux entreprises du médicament vétérinaire.
Ce délai pourrait également être porté à 12 mois pour les médicaments à usage humain, l'ANSM (Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé) estimant également que le délai de 6 mois proposé par la Commission est trop court.
3/ Accroître la participation de l'Union dans le budget de l'EMA
a/ Un système de redevances qui traduit une vision purement comptable
La Commission européenne a réalisé un important travail d'évaluation des coûts pour présenter cette proposition de règlement. L'EMA et les ANC ont été entendues et ont fourni de nombreuses données sur lesquelles s'est fondée la Commission pour déterminer le montant des redevances, des droits et des rémunérations.
L'article 67 du règlement n° 726/2004 prévoit que le budget de l'EMA est équilibré en recettes et en dépenses. Les recettes sont principalement composées de redevances payées par les entreprises et de financements de l'Union européenne.
Ces financements de l'Union sont déterminés dans le cadre financier pluriannuel. Ils peuvent également être liés à des projets particuliers pour lesquels l'Union prévoit un financement spécifique en dehors du cadre financier pluriannuel. Lorsqu'ils le jugent nécessaire, le Parlement européen et le Conseil, sur proposition de la Commission, réexaminent le niveau des contributions de l'Union sur la base d'une évaluation des besoins et compte tenu du niveau des redevances.
C'est dans le but de satisfaire l'objectif d'équilibre financier des comptes de l'EMA que la Commission a travaillé. Si la détermination du montant des redevances est basée sur l'évaluation des coûts supportés par l'EMA et les ANC, elle prend également en compte la participation de l'Union au budget de l'EMA fixée dans le cadre financier pluriannuel pour 2021- 2027. Celle-ci est d'environ 250 millions d'euros sur 7 ans, en intégrant la subvention spécifique visant à réduire les redevances relatives aux médicaments orphelins, mais sans inclure les sommes versées à la suite de l'évolution des compétences de l'EMA en matière de préparation et de gestion de crises.
b/ Un financement public qui ne doit pas seulement prendre en compte la capacité de financement des entreprises
La Commission européenne estime que l'industrie du médicament est en mesure de payer un montant important en redevances, ce qui justifie à ses yeux de réduire la participation de l'Union au budget de l'EMA.
À cet égard, il peut être éclairant de comparer les budgets de l'Agence européenne du médicament, de l'Agence européenne des produits chimiques17(*) (ECHA) et de l'Agence européenne de sécurité des aliments18(*) (EFSA) pour 2022. Le tableau suivant, où figurent des montants exprimés en millions d'euros, en offre une synthèse :
Agence |
Budget total |
Financement public UE |
Financement privé |
Autre |
EMA |
417,5 |
55,2 (13,7 %) |
357,7 (85,6 %) |
4,6 (0,7 %) |
ECHA |
116,6 |
76 (65 %) |
36 (30 %) |
4,6 (5 %) |
EFSA |
134,8 |
131,5 (97,5 %) |
- |
3,3 (2,5 %) |
Ce tableau montre des différences significatives pour ce qui concerne la part de financements de l'Union dans les budgets de ces agences : elle représente 97,5 % du budget de l'EFSA et seulement 13,7 % du budget de l'EMA. La Commission le justifie au regard des capacités de financement dont disposent les entreprises auxquelles ces agences fournissent des prestations. Ainsi, elle explique que l'EFSA évalue le risque lors de la mise sur le marché de produits tels que les additifs alimentaires ou les contenants alimentaires, qui ne font généralement pas l'objet d'un brevet et dont les fabricants sont souvent des PME disposant de moins de ressources. En ce qui concerne l'ECHA, seules les substances chimiques non recensées avant le 31 mai 2018 doivent faire l'objet d'un enregistrement européen, ce qui limite donc mécaniquement les revenus perçus par l'agence auprès du secteur privé.
Il apparaît aux rapporteurs que la structure du financement de l'EMA doit répondre à un objectif politique. En effet, le montant des redevances doit pouvoir être diminué pour créer des incitations particulières. Ceci est possible sur le plan réglementaire dès lors que le règlement n° 726/2004 ne fixe pas les parts respectives des sources de financement publiques et privées et ne s'oppose pas à ce que la Commission propose au Conseil et au Parlement européen de financer certaines réductions de redevances.
c/ Un financement privé dont le montant dépend de l'activité des entreprises
À titre de comparaison, on peut s'interroger sur la manière dont est structuré le financement des ANC. Selon la Cour des comptes19(*), il est difficile d'établir une comparaison entre les différentes agences des États membres tant les compétences de celles-ci peuvent être différentes. Ainsi, en Allemagne, l'Institut fédéral des médicaments et des dispositifs médicaux, le BfArM, n'est en charge que de l'autorisation de mise sur le marché des médicaments à usage humain et vétérinaires, ainsi que des dispositifs médicaux : il ne traite pas des vaccins et des biomédecines et ne dispose pas de compétences d'inspection et de contrôle qui sont exercées par les Länder. L'agence néerlandaise, la MEB, autorise, quant à elle, la mise sur le marché des médicaments à usage humain et des médicaments vétérinaires mais pas des dispositifs médicaux.
En France, l'Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM) délivre l'autorisation de mise sur le marché et assure la surveillance des médicaments à usage humain comme des dispositifs médicaux. Et c'est l'Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV) qui est chargée au sein de l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) de remplir la même mission pour les médicaments vétérinaires.
Sans ignorer ces différences nationales, on peut constater qu'en 2018, le budget des agences française, allemande et néerlandaise était le suivant, en millions d'euros :
France |
Allemagne |
Pays-Bas |
|
Agence |
ANSM |
BfArM |
MEB |
Budget total |
125,9 |
82 |
84,4 |
Redevances |
0 |
72,2 |
45,6 |
Financement étatique |
116 ,6 |
0 |
30,6 |
Participation européenne20(*) |
7,8 |
6,7 |
4,8 |
Autres |
1,5 |
3,1 |
3,4 |
Pour ce qui concerne la FDA (Food and drug administration) aux États-Unis, les activités liées aux médicaments à usage humain sont financées pour un tiers par des fonds publics et pour deux tiers par un système de redevances.
En France, le financement entièrement public de l'ANSM a été décidé à la suite du scandale autour du Médiator : l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), devenue l'ANSM, avait alors été mise en cause pour ne pas avoir retiré ce médicament suffisamment tôt du marché. L'ANSES est quant à elle financée pour les deux tiers de son budget par des subventions de l'État.
Sauf le cas de l'Allemagne où l'absence de financements étatiques peut s'expliquer par la contribution des Länder qui sont en charge de la surveillance des médicaments mis sur le marché, la part de fonds étatiques dans le budget des agences n'est jamais inférieure à 30 %.
Or, l'étude d'impact de la Commission européenne anticipe de ramener cette contribution à 34 millions d'euros en 2024 sur un budget total de l'EMA de 443 millions d'euros, ce qui y cantonnerait la part de fonds publics à moins de 7,5 %.
Pour l'ANSM, l'équilibre budgétaire de l'EMA est particulièrement dépendant de l'activité des entreprises du médicament (qu'il s'agisse de mise sur le marché ou de retrait de produits), ce qui fait peser un risque sur son équilibre budgétaire et le maintien de certaines activités. En outre, l'ANMV a expliqué aux rapporteurs que le règlement (UE) n° 2019/6 a élargi les possibilités d'accès à la procédure centralisée. Or, en raison de l'augmentation importante des coûts envisagée pour les procédures centralisées, les procédures nationales risquent d'être privilégiées, engendrant donc un manque à gagner pour le budget de l'EMA.
d/ L'EMA comme pivot de la politique de santé de l'Union
En 2022, ont été adoptés plusieurs règlements qui attribuent à l'EMA de nouvelles missions qui ne correspondent pas à des services rendus au secteur privé.
C'est le cas du règlement (UE) n° 2022/12321(*) qui prévoit que l'Agence devra assurer une surveillance continue de tout événement susceptible d'entraîner une urgence de santé publique. De surcroît, un groupe de pilotage sur les pénuries de médicaments et un autre sur les pénuries de dispositifs médicaux sont institués au sein de l'Agence avec pour mission respective de recenser les médicaments et les dispositifs médicaux nécessaires pour répondre à une urgence de santé publique. Par ailleurs, le règlement (UE) n° 2022/237222(*) prévoit la participation de l'EMA aux travaux de l'HERA, l'Autorité européenne de préparation et de réaction en cas d'urgence sanitaire.
Certes, la Commission a doté l'EMA de fonds supplémentaires pour ces missions jusqu'en 2027. Celles-ci ayant vocation à être pérennes dans le but de renforcer les mécanismes européens de réaction face aux crises sanitaires à long terme, il importe de pouvoir garantir leur financement.
En outre, les pénuries de médicaments se multiplient au sein de l'Union européenne et l'EMA pourrait être amenée à jouer un rôle plus important dans la lutte contre celles-ci. Ceci serait envisageable sans délai si le budget de l'Union prenait en charge la baisse du montant des redevances préconisée précédemment par les rapporteurs.
Dès lors, un financement de l'EMA s'appuyant essentiellement sur les seules redevances risque de l'empêcher de mener à bien l'ensemble des missions qui sont les siennes aujourd'hui ou qui pourraient lui être confiées à l'avenir. Les rapporteurs plaident donc pour une plus grande contribution budgétaire de l'Union au financement de l'EMA.
4/ Promouvoir un réseau européen d'expertise pour permettre un accès plus rapide aux médicaments
a/ Une expertise qui conditionne l'accès aux médicaments
Les entreprises du médicament sont naturellement libres de choisir les marchés sur lesquels elles souhaitent commercialiser leurs produits. Ainsi, les entreprises, notamment les plus innovantes, peuvent choisir de déposer une demande d'AMM pour un nouveau médicament aux États-Unis ou au Japon seulement. Au sein même de l'Union, lorsque la procédure centralisée n'est pas obligatoire, les entreprises peuvent préférer déposer une demande d'AMM auprès des agences des États membres, ce qui ne permet pas la mise sur le marché du médicament dans tous les États membres.
Il est donc nécessaire, pour permettre aux patients européens de disposer rapidement des innovations dans tous les États membres de l'Union, de rendre plus attractif le dépôt de demandes d'AMM directement auprès de l'EMA. À cet effet, il convient de faire en sorte que la capacité d'expertise de l'EMA soit mieux reconnue. En effet, comme l'atteste l'étude transmise aux rapporteurs par le SIMV et réalisée auprès de ses membres pour déterminer les critères qui les poussent à choisir telle ou telle agence pour le dépôt des demandes d'AMM, la qualité de l'expertise et l'accompagnement proposé aux entreprises apparaissent comme essentiels.
b/ Pour une répartition équitable du montant des redevances avec les ANC
Comme indiqué par le gouvernement français au Conseil, les ANC ne doivent pas être présentées comme des prestataires de services de l'EMA mais bien comme des contributeurs majeurs aux travaux du réseau d'expertise européen. Si l'EMA assure l'animation et la coordination des travaux, les ANC apportent assurément leur capacité d'expertise.
Dans ce contexte, une répartition équitable du montant des redevances entre l'EMA et les ANC est souhaitable. Pour les entreprises du médicament, une distribution équitable des fonds devrait tenir compte du temps et de l'expertise que les ANC apportent aux activités de l'EMA. En outre, les travaux menés par les ANC au profit de l'EMA ne devraient pas conduire à diminuer les ressources nécessaires aux processus réglementaires nationaux.
En 2022, l'EMA estime que 143,1 millions d'euros seront versés sur son budget aux ANC. À la suite de l'adoption de la proposition de règlement, le montant de ces indemnisations devrait augmenter pour atteindre, selon l'étude d'impact de la Commission, 167 millions d'euros en 2024, soit une hausse de 17 %.
Ces montants dont la proposition de règlement entend faire bénéficier les ANC sont jugés insuffisants par l'ANSM et l'ANMV. Compte tenu de l'inflation et du fait que les études de coûts ont été réalisées par la Commission avant la pandémie de COVID-19, l'ANSM et l'ANMV estiment que les montants des rémunérations proposés ne sont pas à la hauteur des coûts qu'elles supportent actuellement pour l'expertise fournie à l'EMA, d'autant plus que les produits les plus innovants demandent une évaluation de plus en plus pointue.
L'ANSM pointe plusieurs redevances pour lesquelles le montant de la rétribution accordée aux ANC lui semble insuffisant. Il s'agit notamment de celles liées aux avis scientifiques, aux autorisations de mise sur le marché des médicaments génériques, aux modifications d'AMM, aux inspections sur site, à la rédaction des rapports périodiques actualisés de sécurité et à la pharmacovigilance.
Pour sa part, l'ANMV explique que les données sur les coûts transmises à la Commission en 2018 ne sont plus représentatives de la réalité des coûts en 2023, en raison aussi de l'entrée en vigueur en janvier 2022 du règlement (UE) n° 2019/6 impliquant de nouvelles procédures. En outre, les activités liées à l'investissement des experts de l'Agence dans les groupes de travail de l'EMA et en particulier dans le groupe de travail relatif à la pharmacovigilance ne sont pas prises en compte.
L'ANSM comme l'ANMV déplore que la participation aux groupes de travail - scientifiques ou non - ne fasse pas l'objet de versement par l'EMA aux ANC, si l'on excepte la prise en charge des frais de déplacements afférents. Cette participation est pourtant importante pour le réseau des agences afin de confronter leurs avis et positions, de former de nouveaux experts et de garantir le niveau d'expertise et la continuité du réseau d'experts des États membres.
Pour les rapporteurs, la Commission ne devrait pas seulement prendre en compte les coûts des services fournis par les rapporteurs et les co-rapporteurs des ANC mais l'ensemble des coûts des missions effectuées par le personnel de ces agences au service du réseau européen.
c/ Une attente d'expertise au service de l'innovation
Les représentants de l'industrie du médicament à usage humain (EFPIA) se sont particulièrement inquiétés d'une diminution du montant des redevances et de la part revenant aux ANC en ce qui concerne les conseils scientifiques. Il s'agit de conseils délivrés en vue de déterminer les essais cliniques nécessaires à la mise sur le marché d'un médicament, conformément à l'article 57, paragraphe 1, point n, du règlement n° 726/2004.
Ces conseils sont indispensables pour soutenir l'innovation sur le territoire de l'Union. Les représentants des entreprises du médicament craignent que la diminution du montant des redevances et de la rémunération des ANC n'ait un impact sur la motivation des experts à s'engager sur ces missions.
Le montant actuel des redevances pour ces conseils n'est pas jugé élevé par l'EFPIA dans la mesure où les entreprises du secteur sont prêtes à payer le prix pour une expertise de qualité. Néanmoins, si elles ne s'opposent pas à une augmentation du montant de la redevance associée à ces conseils, elles souhaitent que cette augmentation s'accompagne d'une expertise plus pointue dans des délais plus courts. Pour elles, il ne serait pas justifié d'augmenter le montant des redevances pour simplement permettre de diminuer la participation de l'Union européenne au budget de l'EMA.
Pour les rapporteurs, les montants des redevances liées aux conseils scientifiques ne devraient pas être fixés en deçà de leur niveau actuel.
Liste des personnes auditionnées :
Pour préparer cette proposition de résolution, les rapporteurs ont entendus :
- La Commission européenne : M. Sylvain Giraud, chef d'unité produits médicaux et innovation à la direction générale « santé » accompagné de MM. Miroslav Griva, Marco Capellino et Luben Goranov de la même unité ;
- Le Syndicat de l'industrie du médicament et du diagnostic vétérinaires (SIMV) : M. Jean-Louis Hunault, président, Mme Marie-Anne Barthélémy, secrétaire général et Mme Anne-Marie Viallet, chargée des affaires techniques et réglementaires.
Ont répondu à un questionnaire écrit : l'Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV), l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), les entreprises du médicament (Leem) et la Fédération européenne des associations et industries pharmaceutiques (EFPIA), Générique mêmes médicaments (Gemme) et Medecines for Europe.
L'Agence européenne des médicaments n'a pas souhaité être entendue, renvoyant vers la Commission européenne.
À la suite de ces auditions et pour les raisons exposées ci-dessus, à l'invitation des rapporteurs, la commission des affaires européennes a conclu au dépôt de la proposition de résolution qui suit :
* 1 COM(2020) 761 final
* 2 Règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 établissant des procédures de l'Union pour l'autorisation et la surveillance des médicaments à usage humain et instituant une Agence européenne des médicaments
* 3 Cette procédure est définie par le règlement n° 726/2004 du Parlement européen et permet la mise sur le marché de médicaments sur tout le territoire de l'Union
* 4 Il s'agit de s'assurer que les conditions de l'autorisation de mise sur le marché des médicaments sont respectées (bonnes pratiques de fabrication, conditionnement, ...)
* 5 Il s'agit de surveiller les éventuels effets indésirables des médicaments
* 6 Règlement (CE) n° 297/95 du Conseil du 10 février 1995 concernant les redevances dues à l'agence européenne pour l'évaluation des médicaments
* 7 Règlement (UE) n° 658/2014 du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 relatif aux redevances dues à l'Agence européenne des médicaments pour la conduite d'activités de pharmacovigilance concernant les médicaments à usage humain
* 8 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux redevances et aux droits dus à l'Agence européenne des médicaments, modifiant le règlement (UE) n° 2017/145 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant le règlement (CE) n° 297/95 du Conseil et le règlement (UE) n° 658/2014 du Parlement européen et du Conseil
* 9 Règlement (UE) n° 2016/792 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relatif aux indices des prix à la consommation harmonisés et à l'indice des prix des logements, et abrogeant le règlement (CE) n° 2494/95 du Conseil
* 10 Modifications dites mineures
* 11 SWD(2022) 414 final
* 12 Il s'agit du mode d'absorption du médicament (oral, dermique, inhalé, ...)
* 13 Il s'agit de la forme du médicament (comprimé, gélule, crème, ...)
* 14 Règlement (CE) n° 2049/2005 de la Commission du 15 décembre 2005 arrêtant, conformément au règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, les dispositions relatives aux redevances versées par les micros, petites et moyennes entreprises à l'Agence européenne des médicaments et à l'aide administrative que celle-ci leur accorde.
* 15 Règlement (CE) nº 141/2000 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1999 concernant les médicaments orphelins
* 16 Règlement (UE) n° 2019/6 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relatif aux médicaments vétérinaires et abrogeant la directive 2001/82/CE
* 17 L'ECHA met en oeuvre la législation de l'Union sur les produits chimiques afin de protéger la santé et l'environnement
* 18 L'EFSA a pour mission de garantir la sécurité de la chaîne alimentaire de la ferme à la table
* 19 Communication de la Cour des comptes à la commission des affaires sociales du Sénat sur l'Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé de novembre 2019
* 20 Il s'agit des redevances versées par l'EMA aux agences nationales
* 21 Règlement (UE) n° 2022/123 du Parlement européen et du Conseil du 25 janvier 2022 relatif à un rôle renforcé de l'Agence européenne des médicaments dans la préparation aux crises et la gestion de celles-ci en ce qui concerne les médicaments et les dispositifs médicaux
* 22 Règlement (UE) n° 2022/2372 du Conseil du 24 octobre 2022 relatif à un cadre de mesures visant à garantir la fourniture des contre-mesures médicales nécessaires en cas de crise dans l'éventualité d'une urgence de santé publique au niveau de l'Union