EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Dès les premières manifestations contre la réforme des retraites - et particulièrement après l'usage de l'article 49 alinéa 3 de la constitution par le Gouvernement - le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a opéré un virage sécuritaire très préoccupant dans sa stratégie de maintien de l'ordre. Plusieurs organisations et institutions internationales, à l'instar de la Défenseure des Droits, le Conseil de l'Europe, l'ONU se sont inquiétés des violences commises par les forces de l'ordre envers les manifestants.
La répression à l'égard des journalistes et des manifestants s'illustre par des arrestations et placements en garde à vue arbitraires, des menaces, des violences physiques et mutilations qui ne sont pas acceptables dans un État de droit comme la France. Par des stratégies d'intimidation, la doctrine actuelle du maintien de l'ordre prive aujourd'hui les manifestants de la jouissance de leurs droits à la liberté de réunion et de manifestation, mais également les journalistes de leur liberté d'informer, ces derniers ne pouvant plus exercer leur métier sans crainte d'être blessés ou menacés.
Ces violences ne peuvent en aucun cas être la réponse du Gouvernement face à la grave crise sociale que traverse actuellement notre pays. Le fossé s'agrandit jour après jour dans les rapports entre la police et les françaises et français, arrivant à un niveau de défiance plus élevé que lors de la crise des gilets jaunes.
Surtout, la France est aujourd'hui le pays de l'Union européenne qui compte le plus de morts survenues lors de manifestations et lors de tirs policiers. Ce triste bilan oblige l'exécutif à revoir ses méthodes. La présente résolution souhaite donc rappeler que les forces de l'ordre, en assurant la sécurité, sont garantes de l'exercice des libertés individuelles des citoyens, et qu'il est nécessaire, dans un état démocratique, d'opérer une conciliation entre le respect des libertés et la sauvegarde de l'ordre public.
Par ailleurs, l'application du schéma de maintien de l'ordre actuel, avec la mise au contact toujours plus importante des forces de l'ordre avec les manifestants et la stratégie de montée en tension, met en danger les policiers et gendarmes eux-mêmes. Ces fonctionnaires et serviteurs de l'État n'ont pas à subir la violence inhérente à cette vision du maintien de l'ordre. Cette situation délétère contribue à une perte de sens du travail et à la démotivation des agents. Leurs souffrances au travail, la dégradation de leur état moral et de leur santé ne sont plus à prouver : les forces de l'ordre ont un taux de suicide anormalement élevé, supérieur de 36% à celui de la population. Changer de politique, c'est aussi mieux les protéger.
Parce que le recours à une violence disproportionnée de la part des forces de l'ordre lors d'évènements publics porte atteinte à notre état de droit, et qu'il est important de mener une réflexion sur la doctrine actuelle de maintien de l'ordre, les auteurs de la résolution invitent le Gouvernement à changer de paradigme pour maintenir la cohésion sociale et restaurer la paix civile dans notre pays.