EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Depuis le milieu des années 2000, la production, la diffusion et la consommation de contenus pornographiques se sont massifiées et banalisées, générant plus d'un quart du trafic mondial de vidéos en ligne. Des plateformes de partage de contenus en ligne, les messageries privées et réseaux sociaux sont également devenus les nouveaux vecteurs de diffusion de contenus à caractère sexuel.
Parallèlement, les contenus proposés aux consommateurs de pornographie sont de plus en plus violents et extrêmes, sans aucun contrôle ni considération pour les conditions dans lesquelles ils sont produits.
L'industrie mondialisée de la pornographie repose essentiellement sur des multinationales souvent basées dans des paradis fiscaux et génère plusieurs milliards d'euros de profits chaque année, dans des conditions souvent opaques. Elle a fait de l'exploitation et de la marchandisation du corps et de la sexualité des femmes un business à l'échelle internationale. Elle se distingue en effet de l'érotisme et du cinéma par l'exploitation commerciale de pratiques sexuelles non simulées.
En outre, la porosité entre industrie pornographique, proxénétisme et prostitution est aujourd'hui avérée.
Il est donc indispensable de prendre conscience de ce changement de paradigme et d'appréhender la pornographie comme une industrie qui contribue à banaliser socialement les actes sexuels violents envers les femmes et à ériger en norme ces violences systémiques.
Il faut également s'alarmer de l'accès facilité, démultiplié et massif des mineurs et jeunes adultes à des contenus pornographiques violents et toxiques. La pornographie, y compris celle qui délivre les contenus les plus extrêmes, est accessible gratuitement, depuis un ordinateur ou un terminal mobile, en quelques clics. Deux tiers des enfants de moins de 15 ans et un tiers de ceux de moins de 12 ans ont déjà été exposés, volontairement ou involontairement, à des images pornographiques. Chaque mois, près d'un tiers des garçons de moins de 15 ans se rend sur un site pornographique. C'est donc en violation totale du code pénal que les mineurs sont aujourd'hui massivement exposés à ces images.
Les conséquences sont multiples : traumatismes, troubles du sommeil, de l'attention et de l'alimentation, vision déformée et violente de la sexualité, difficultés à nouer des relations avec des personnes du sexe opposé, (hyper) sexualisation précoce, développement de conduites à risques ou violentes, etc. Elles ne se limitent pas au seul public mineur : la pornographie a un impact sur les adultes, leurs représentations d'eux-mêmes, des femmes et de la sexualité.
Pour la première fois en France, des violences commises dans un contexte de pornographie sur des femmes victimes de graves maltraitances sexuelles, physiques et psychologiques, perpétrées par des professionnels de l'industrie pornographique, font aujourd'hui l'objet de nombreuses mises en examen, pour viol, viol aggravé, complicité de viol avec acte de torture et de barbarie, traite des êtres humains aux fins de viol, proxénétisme...
La présente résolution invite le Gouvernement à faire de la lutte contre les violences commises par et dans l'industrie pornographique une priorité de politique publique. Cette priorité doit se traduire par des moyens d'enquête importants, adaptés et nouveaux. L'omerta qui pèse sur les violences commises dans un contexte de pornographie doit cesser.
Tel est le sens de la présente proposition de résolution, qui s'appuie sur les travaux menés par la délégation aux droits des femmes du Sénat et qui ont donné lieu à la publication d'un rapport intitulé « Porno : l'enfer du décor » 1 ( * ) .
* 1 http://www.senat.fr/notice-rapport/2021/r21-900-1-notice.html