EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

I) La Commission européenne envisage de réviser le règlement (UE) 2019/1896 qui encadre l'organisation et le fonctionnement de l'agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, communément appelée « Frontex ».

Espace inédit de libre circulation sans frontières intérieures, l'espace Schengen regroupe aujourd'hui 26 États européens 1 ( * ) , avec une population d'environ 400 millions d'habitants. La liberté de circulation à l'intérieur de cet espace a pour corollaire une surveillance commune et efficace de ses frontières extérieures.

Dans ce cadre, l'agence européenne Frontex a été instituée en 2004 2 ( * ) pour apporter son soutien aux États membres (planification et coordination d'opérations de surveillance ou de retour conjointes ; actions de formation...) dans leur mission de surveillance des frontières extérieures de l'espace Schengen .

À la suite de la crise migratoire de 2015, qui avait conduit plus d'un million de migrants à rejoindre irrégulièrement l'Union européenne et entraîné des réactions dispersées des États membres, le mandat de l'agence a été renforcé à deux reprises, en 2016 et 2019 3 ( * ) , pour rétablir la confiance mutuelle entre États membres, préserver l'espace Schengen et apporter un soutien européen plus opérationnel aux États membres.

Aux termes du règlement (UE) 2019/1896 , les États membres demeurent les premiers responsables de la surveillance de leurs frontières mais Frontex :

- assure un rôle de veille permanente sur la situation aux frontières extérieures de l'Union européenne : elle a ainsi en charge l'administration du système de surveillance satellitaire Eurosur , qui permet de détecter en temps réel tout mouvement suspect aux frontières extérieures de l'Union européenne, et joue un rôle d'analyse sur les risques migratoires et « vulnérabilités » aux frontières ;

- peut intervenir en soutien à un État membre - par des équipes déployées sur le terrain - pour l'aider à surveiller les frontières extérieures de l'Union européenne (terrestres, maritimes et aériennes), à enregistrer et identifier les migrants irréguliers ayant franchi ces frontières 4 ( * ) , à organiser des opérations de retour de ces migrants dans leur pays d'origine, et, en lien avec Europol, à lutter contre la criminalité transfrontalière ;

- peut aussi aider des pays tiers ayant passé un accord avec l'Union européenne à surveiller leurs frontières et à juguler les flux migratoires irréguliers vers l'Europe . Ainsi, des équipes Frontex sont déployées aux frontières de l'Albanie, de la Moldavie, de la Serbie et du Monténégro.

Ainsi, Frontex dispose aujourd'hui de prérogatives de puissance publique inédites pour une agence de l'Union européenne, qu'elle exerce en soutien aux États membres. Alors qu'elle était auparavant essentiellement une agence de coopération et de soutien, les dernières révisions de son règlement ont acté sa transformation en une réelle entité opérationnelle. Selon la formule consacrée, Frontex est aujourd'hui le « bras armé » de la politique migratoire européenne.

Et pour permettre à Frontex d'assumer pleinement ses nouvelles missions, le législateur européen a significativement renforcé ses moyens : sur la période 2021-2027, l'agence doit bénéficier de 5,8 milliards d'euros , dont 544 millions en 2021, 709 en 2022 et 845 en 2023. Pour rappel, le budget annuel de l'agence se portait à 460 millions d'euros en 2020 et à 86 millions en 2012, soit une multiplication par 8,7 en l'espace de dix ans 5 ( * ) .

Surtout, Frontex est désormais dotée d'un contingent permanent, vêtu d'un uniforme aux couleurs européennes et bénéficiant du port d'armes, qui est composé à la fois de personnels propres à l'agence et d'experts nationaux détachés. La mise en place de cette capacité opérationnelle autonome est, là encore, une première pour une agence de l'Union et témoigne de l'importance donnée à Frontex par les partenaires européens dans le dispositif de gestion des frontières extérieures. Les effectifs dudit contingent, qui sont aujourd'hui de 1 900 personnels, doivent atteindre 10 000 en 2027 (dont 3 000 sous statut Frontex et 7 000 détachés par les États membres).

En contrepartie, Frontex doit veiller au respect des droits fondamentaux dans l'accomplissement de ses missions , par la nomination d'un officier aux droits fondamentaux , chargé d'élaborer une stratégie en la matière, l'adoption d'un code de conduite et la mise en place d'un mécanisme de traitement des plaintes .

II) Cette évaluation du règlement relatif à Frontex intervient dans une période de crise pour l'agence

Or, l'agence Frontex est aujourd'hui en crise. Cette dernière a atteint son paroxysme, le 28 avril dernier, avec la démission de M. Fabrice Leggeri, son directeur exécutif nommé en 2015 et renouvelé en 2020.

En moins de trois ans, dans un contexte difficile (covid-19 ; instrumentalisation des migrations par des pays tiers comme la Biélorussie...), l'agence a dû s'adapter à une exigence de montée en puissance rapide (recrutements ; mise en place de nouveaux outils...) tout en déployant une vingtaine d'opérations simultanées. Elle connaît donc une réelle « crise de croissance ». Comme l'a souligné le rapport spécial précité de la Cour des comptes européenne sur le fonctionnement de l'agence, si Frontex a fait preuve de solidité dans la maîtrise de ses opérations de surveillance maritime, elle n'est pas assez efficace dans son soutien aux États membres sur l'analyse des risques migratoires, d'une part, en raison de son déficit en expertise et, d'autre part, en raison d'une transmission d'informations lacunaire par ces mêmes États. Il en va de même dans son aide à la lutte contre la criminalité transfrontalière. En outre, l'agence est appelée à faire plus de transparence sur l'impact et le coût de ses opérations.

Mais Frontex subit également une « crise de confiance ». En effet, la pression de l'immigration irrégulière demeure forte aux frontières de l'Union européenne : selon les données de l'agence , au cours des dix premiers mois de l'année 2022, les franchissements irréguliers des frontières de l'Union européenne par des migrants ont atteint le nombre de 281 000 , soit une augmentation de 77 % par rapport à la même période en 2021 et la plus forte hausse constatée sur cette période depuis 2016 (les principales routes migratoires étant les Balkans occidentaux et la Méditerranée centrale).

Or, à la suite d'allégations portées par des organisations non gouvernementales (ONG) et de dénonciations internes, l'agence a été accusée, d'une part, d'irrégularités et de manquements dans son fonctionnement et, d'autre part, de « couvrir » des actions de refoulement des migrants en mer Égée et en mer Méditerranée. On rappellera que le principe du non-refoulement, consacré par la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés 6 ( * ) , interdit leur éloignement forcé vers un État où leur vie ou leur liberté serait menacée. Au nom de ce principe, la charte européenne des droits fondamentaux interdit plus généralement les expulsions collectives et précise que « nul ne peut être éloigné, expulsé ou extradé » vers un État où il existe un risque sérieux pour la vie de l'intéressé. Simultanément, Frontex doit faire respecter le « code frontières Schengen », qui interdit aux ressortissants de pays tiers d'entrer dans l'Union européenne sans document d'identité et en dehors des points de passage qu'il prévoit.

En conséquence de ces révélations, plusieurs enquêtes et audits ont été menés sur l'activité de Frontex en 2021. Le Médiateur européen, dans deux décisions notables 7 ( * ) , a ainsi émis plusieurs recommandations opérationnelles, en particulier pour que Frontex améliore son mécanisme de traitement des plaintes en cas de violation des droits fondamentaux.

Le Parlement européen a constitué un groupe de suivi interne sur Frontex qui a rendu un rapport en juillet 2021 8 ( * ) . Ce dernier avait alors reconnu ne pas avoir trouvé de preuves d'une implication directe de l'agence dans des actions de refoulement illégales. En revanche, il avait estimé que l'agence, alors qu'elle détenait des preuves de violations de droits fondamentaux dans des États membres au sein desquels elle participait à des opérations conjointes, n'avait ni empêché lesdites violations ni réduit le risque de leur reproduction future 9 ( * ) .

Estimant par la suite que les efforts de l'agence en matière de respect des droits fondamentaux n'étaient pas suffisants et que son ancienne direction avait commis des fautes de grande ampleur, le Parlement européen a alors placé l'agence Frontex sous surveillance renforcée et a refusé, à plusieurs reprises, de voter la décharge budgétaire.

Enfin, une enquête de l'Office européen de lutte antifraude (OLAF) a été ouverte pendant plusieurs mois sur le fonctionnement de l'agence. L'OLAF est en effet compétent pour procéder à des enquêtes administratives internes dans les institutions, les agences et les organes de l'Union européenne afin de défendre les intérêts financiers de l'Union 10 ( * ) .

Cette enquête, achevée en février 2022, a confirmé que Frontex avait couvert des actions de refoulement illégales en mer Égée et a conduit l'office à considérer que la direction de l'agence avait échoué à appliquer les procédures en vigueur et à assumer ses responsabilités managériales, tout en faisant preuve d'un manque de loyauté.

Ces enquêtes et audits ont conduit à la démission de M. Leggeri, le 28 avril 2022, à son remplacement par une direction intérimaire et à l'ouverture d'un long processus pour que la future direction soit désignée fin 2022.

Cette situation appelle deux remarques complémentaires :

- d'une part, au regard de la gravité des accusations portées et de l'importance de ses conséquences, il est étonnant et regrettable que le rapport d'enquête de l'OLAF, achevé en février 2022, n'ait toujours pas été rendu intégralement public, mais ait fait l'objet de « fuites » régulières dans la presse et d'une publication parcellaire, dans plusieurs journaux, le 13 octobre dernier ;

- en outre, l'agence Frontex ferait l'objet d'un combat feutré au sein des institutions européennes entre deux visions distinctes de ses priorités : la première, portée par les ONG de défense des migrants et par certains milieux économiques, estime, quand elle ne remet pas en cause l'existence même de l'agence, que Frontex devrait avant tout veiller au respect des droits fondamentaux des migrants gagnant l'Union européenne irrégulièrement afin de leur permettre, dès que possible, d'y demander l'asile. La seconde considère, au vu de la pression migratoire, que Frontex doit obtenir des résultats dans la lutte contre l'immigration irrégulière. Ainsi, dans sa lettre de démission, M. Leggeri estimait que les difficultés actuelles de l'agence résultaient du « glissement » opéré depuis 2019 au sujet de ses missions : « Nous sommes de plus en plus considérés comme un organisme de surveillance des droits fondamentaux aux frontières extérieures. »

Ce débat, qui existe bel et bien, est toutefois en grande partie artificiel : en effet, Frontex doit exercer ses missions dans le respect des droits de l'Homme mais sa mission première est bien de garantir un contrôle efficace des frontières extérieures contre l'immigration irrégulière, sous peine de n'avoir aucune raison d'être.

En réalité, ces divergences sont allées de pair avec des luttes d'influence personnelles au sein des institutions européennes pour le contrôle de l'agence opérationnelle la plus puissante de l'Union européenne.

III) Quelles priorités pour l'avenir de Frontex ?

Forts de ce constat préoccupant, les rapporteurs souhaitent se tourner vers l'avenir et tracer des perspectives de sortie de crise pour que Frontex puisse se remettre au travail et assurer efficacement ses missions dans un contexte de pression migratoire renouvelée vers l'Union européenne.

a) Un soutien réaffirmé à l'agence Frontex

La présente proposition de résolution européenne, après avoir rappelé son attachement à l'Espace Schengen, entend souligner la contribution déterminante de l'agence Frontex, en soutien aux États membres, au contrôle des frontières extérieures de l'Union européenne, ainsi qu'à la lutte contre l'immigration irrégulière et contre la criminalité transfrontalière.

Elle salue également la disponibilité et le professionnalisme des personnels de cette agence dans l'accomplissement de ces missions.

b) Vers un vrai pilotage politique de Frontex

La crise actuelle de Frontex résulte en grande partie de conflits personnels dans la chaîne hiérarchique administrative, d'une attitude de retrait du conseil d'administration et de l'absence de lignes directrices politiques suffisamment claires données par les États membres à Frontex.

En conséquence, la présente proposition de résolution européenne :

- déplore l'excessive longueur du processus en cours pour désigner le futur directeur exécutif de l'agence 11 ( * ) et l'absence de candidature française à ce poste, qui acte un recul de l'influence française, alors même que notre pays dispose de compétences et de talents reconnus dans les domaines de la surveillance des frontières et de la politique migratoire ;

- appelle, par défaut, le Gouvernement français à s'exprimer sur les candidatures demeurant en lice 12 ( * ) , au regard d'une triple exigence : leur compétence professionnelle, leur volonté affichée de préserver le rôle premier des États membres au sein du conseil d'administration de Frontex et leur détermination à conforter l'agence dans sa mission de surveillance des frontières extérieures de l'Union européenne ;

- préconise l'institution d'un véritable pilotage politique de l'agence Frontex, d'une part, par le plein respect de son mandat par le conseil d'administration de l'agence et la requalification nécessaire de sa composition et, d'autre part, par la définition régulière de lignes directrices pour Frontex par les ministres en charge des affaires intérieures lors des réunions du Conseil « Justice, Affaires intérieures ».

c) Une exigence de clarification des missions de Frontex dans le respect des droits fondamentaux

À cet égard, la proposition de résolution européenne :

- rappelle que la surveillance des frontières extérieures de l'Union européenne, mission première de Frontex, et le respect des droits fondamentaux ne sont pas contradictoires ;

- salue les mesures annoncées par la direction intérimaire de Frontex pour rendre effectifs sans délai les dispositifs et procédures de protection des droits fondamentaux prévus par le règlement 2019/1896, en particulier l'amélioration de l'accessibilité et de la publicité du mécanisme de traitement des plaintes en cas de violation des droits fondamentaux et la nomination de contrôleurs des droits fondamentaux en nombre suffisant ;

- estime que l'officier aux droits fondamentaux et les contrôleurs des droits fondamentaux devraient obligatoirement, avant leur nomination, attester d'une expérience opérationnelle dans le domaine de la surveillance des frontières et disposer des moyens adaptés à l'accomplissement de leurs missions ;

- souligne la nécessité de concilier la sérénité du travail de l'officier aux droits fondamentaux et l'exigence d'un dialogue permanent entre ce dernier et le directeur exécutif, afin de ne pas institutionnaliser deux chaînes hiérarchiques distinctes et structurellement rivales ;

- suggère, dans l'hypothèse où cela ne serait pas déjà le cas, une évaluation professionnelle annuelle de l'officier aux droits fondamentaux par le conseil d'administration de l'agence et l'émission d'un avis, également annuel, du Médiateur européen sur les décisions de cet officier, afin de garantir un contrôle externe de son action ;

- soutient la refonte, intervenue en avril 2021, de la procédure d'alerte en cas d'incident sérieux, en constatant qu'elle n'était pas assez précise et visiblement pas assez maîtrisée par les cadres de l'agence ; invite cependant à s'assurer que les modalités de déclenchement d'une alerte pour violation des droits fondamentaux - dès lors qu'il existerait une simple suspicion d'une telle violation - ne risquent pas de paralyser l'agence, du fait d'une possible instrumentalisation de la procédure par des parties hostiles à l'existence même de Frontex.

Enfin, dans le cadre des opérations conjointes menées par Frontex en partenariat avec un État membre, la proposition de résolution européenne rappelle que Frontex intervient exclusivement en réponse aux demandes d'un État membre et sous son autorité, selon le principe de coopération loyale. En conséquence, les rapporteurs estiment que ses personnels ne sauraient être tenus responsables d'éventuelles violations des droits fondamentaux commises par les services de l'État partenaire. La proposition de résolution européenne affirme avec force que l'agence n'a aucunement vocation à surveiller le respect des droits fondamentaux par les États membres.

d) Le maintien de l'efficacité opérationnelle de Frontex

Sur ce point, la proposition de résolution européenne souhaite d'abord renforcer les fonctions de soutien aux opérations de Frontex . À cet égard, elle :

- souligne que l'élargissement des compétences et l'accroissement du budget de l'agence Frontex doivent s'accompagner d'une augmentation proportionnelle de sa responsabilité, par un renforcement d'une part de son obligation de rendre compte de son activité à ses autorités de contrôle et d'autre part des exigences de transparence auxquelles est soumise ;

- appelle à l'amélioration des informations mises à disposition par Frontex sur les objectifs, l'impact et les coûts de ses opérations ; soutient également les efforts en cours pour professionnaliser la passation des marchés publics de l'agence et y organiser un processus d'audit interne ;

- souhaite le renforcement de l'expertise interne de Frontex en matière d'analyse des risques et des vulnérabilités aux frontières extérieures, en confortant l'attractivité des postes offerts par l'agence et en incitant les États membres à améliorer leurs transmissions d'informations à l'agence ;

- demande l'organisation régulière de formations et d'exercices opérationnels conjoints entre les personnels de l'agence Frontex et les services compétents des États membres.

La proposition de résolution européenne s'attache également à l'amélioration de la réponse opérationnelle de Frontex. Sur ce point, elle :

- constate avec satisfaction le déploiement actuel de plus de 2.000 membres du contingent permanent de Frontex dans dix-huit opérations et demande avec solennité le respect des engagements budgétaires et du calendrier prévus pour la mise en place d'un contingent permanent de 10.000 officiers, d'ici 2027 ;

- insiste sur l'importance stratégique des opérations de surveillance maritime et de sauvetage en mer déployées par Frontex sur les rives méditerranéennes de l'Union européenne, pour lutter contre l'immigration irrégulière et les réseaux criminels transfrontaliers ; salue en particulier l'efficacité du partenariat en cours avec la Grèce pour sécuriser les frontières extérieures et soutient le dialogue structuré en cours pour actualiser ce partenariat ;

- souligne la nécessité d'une pérennisation et d'un renforcement de la veille opérationnelle de Frontex pour la surveillance des côtes françaises et belges de la Manche et de la mer du Nord, alors même que ces côtes sont désormais des frontières extérieures de l'Union européenne et que les traversées maritimes irrégulières vers le Royaume-Uni ne cessent d'augmenter ;

- salue le déploiement rapide des équipes Frontex aux frontières extérieures de l'Union européenne avec l'Ukraine, constate la pertinence des accords de statut passés avec des pays tiers, à l'exemple de l'Albanie, pour autoriser le déploiement, dans ces pays, de moyens d'analyse des risques migratoires et de surveillance des frontières, et appelle à la conclusion prioritaire de tels accords dans les Balkans occidentaux, principale route des migrants irréguliers vers l'Union européenne à l'heure actuelle ;

- rappelle le rôle croissant de Frontex dans la préparation, l'organisation et l'accompagnement des opérations de retour et souligne son appui déterminant aux autorités françaises dans ce domaine ;

- encourage en revanche l'agence à renforcer sa lutte contre la criminalité transfrontalière, qui organise et exploite l'immigration irrégulière vers l'Union européenne, en lien avec les services compétents des États membres, ainsi qu'avec Eurojust et Europol ;

- salue la mise en oeuvre imminente d'un système européen de gestion intégrée des frontières avec la mise en place de la base de données relative aux entrées et sorties des ressortissants de pays tiers franchissant les frontières extérieures de l'Union européenne (EES) et du système électronique d'information et d'autorisation concernant les voyages (ETIAS), qui, après les vérifications nécessaires, délivrera une autorisation de voyage dans l'Union européenne aux ressortissants de pays tiers non soumis à visa, et se félicite de la responsabilité centrale qui sera celle de l'agence Frontex dans la gestion de l'unité centrale d'ETIAS.

e) La nécessaire association des parlements nationaux au contrôle de Frontex

La surveillance des frontières est une compétence partagée entre l'Union européenne et les États membres, lesquels gardent en la matière une compétence de premier ressort, l'agence ayant été conçue pour mener des opérations de soutien à leurs efforts en suivant leurs lignes directrices. Seul un contrôle parlementaire conjoint des parlements nationaux et du Parlement européen peut garantir la cohérence de cette coopération opérationnelle. Or les parlements nationaux sont tenus à l'écart du contrôle de Frontex. En réponse à cette anomalie, la proposition de résolution européenne :

- appelle que l'article 112 du règlement (UE) 2019/1896 prévoit un contrôle parlementaire conjoint de Frontex reposant sur la participation du Parlement européen et des parlements nationaux ;

- regrette cependant que, depuis plusieurs mois, le Parlement européen ait, de manière unilatérale, mis en place en son sein un groupe de travail et de suivi pour évaluer le fonctionnement de l'agence ;

- constate la nécessité et l'urgence d'un contrôle parlementaire conjoint de Frontex et appelle en ce sens à la mise en place d'un groupe de contrôle parlementaire conjoint sur le modèle de celui établi pour contrôler les activités d'Europol : réunions semestrielles ; coprésidence par le Parlement européen et le Parlement de l'État membre exerçant la présidence tournante du Conseil de l'Union européenne ; délégations de 4 membres par parlement national (et de 2 par chambre dans les parlements bicaméraux) et de plusieurs membres désignés par le Parlement européen ; droit pour le groupe d'auditionner les responsables de Frontex, d'être destinataire de ses rapports d'activités et d'opérations, de siéger au conseil d'administration 13 ( * ) .

f) L'absence de pertinence d'une révision du règlement Frontex de 2019 dans l'immédiat

La proposition de résolution européenne déplore le fait que, en raison d'un délai accordé par la Commission européenne manifestement irréaliste pour transmettre leurs contributions, les parlements nationaux n'aient pas été mis en condition de participer pleinement à l'évaluation du règlement (UE) 2019/1896 prévue par son article 121.

Prenant acte du fait que l'agence doit prioritairement pouvoir assumer l'intégralité de son mandat déjà élargi en 2019, la proposition de résolution européenne souhaite que l'agence dispose d'un délai raisonnable pour mettre en oeuvre l'intégralité de son mandat actuel et, en conséquence, appelle le Gouvernement à s'opposer à une éventuelle révision de ce mandat fin 2023.

À l'issue de cette analyse, la commission des affaires européennes a conclu au dépôt de la proposition de résolution européenne qui suit :


* 1 22 des 27 États membres ainsi que l'Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse. Au sein de l'Union européenne, la Bulgarie, Chypre, la Croatie, Malte et la Roumanie ont vocation à rejoindre cet espace. L'Irlande a souhaité ne pas participer au fonctionnement de cet espace, sauf en ce qui concerne les parties de l'acquis Schengen relatives au système d'information Schengen (SIS II) et à la coopération policière et judiciaire.

* 2 Règlement (CE) n° 2007/2004 du Conseil du 26 octobre 2004 portant création d'une agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures de l'Union européenne.

* 3 Règlement (UE) 2019/1896 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2019 relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes et abrogeant les règlements (UE) n° 1052/2013 et (UE) 2016/1624.

* 4 Dans ce cadre, Frontex participe au développement du système ETIAS, système européen d'information et d'autorisation concernant les voyages, qui sera en place fin 2023 et rassemblera, suivra et mettra à jour les informations nécessaires concernant les visiteurs, afin de déterminer s'il est sûr ou non qu'ils entrent dans les pays membres de l'espace Schengen. Frontex sera responsable de l'unité centrale d'ETIAS, opérationnelle en permanence, qui permettra de vérifier, si nécessaire, la conformité des autorisations d'entrée avec l'identité des voyageurs.

* 5 Cour des comptes de l'Union européenne, Rapport spécial du 7 juin 2021, « Soutien de Frontex à la gestion des frontières extérieures : pas assez efficace jusqu'ici. »

* 6 Article 33 de la Convention.

* 7 Décisions 01/5/2020/MHZ et 01/4/2021/MHZ.

* 8 Parlement européen, Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures, Tineke Strik pour le groupe de travail sur la surveillance de Frontex, « Report on the fact-finding investigation on Frontex concerning alleged fundamental rights violations » (14 juillet 2021).

* 9 En anglais dans le texte : « The FSWG did not find conclusive evidence on the direct performance of pushbacks and/or collective expulsions by Frontex in the serious incident cases that could be examined by the FSWG. However, the FSWG concludes that the Agency found evidence in support of allegations of fundamental rights violations in Member States with which it had a joint operation, but failed to address and follow-up on these violations promptly, vigilantly and effectively. As a result, Frontex did not prevent these violations, nor reduced the risk of future fundamental rights violations. »

* 10 Article 4 du Règlement (UE, EURATOM) n° 883/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 septembre 2013 relatif aux enquêtes effectuées par l'Office européen de lutte antifraude (OLAF) et abrogeant le règlement (CE) n° 1073/1999 du Parlement européen et du Conseil et le règlement (EURATOM) n° 1074/1999 du Conseil.

* 11 Depuis la démission de M. Fabrice Leggeri, le 28 avril 2022, Mme Aija Kalnaja assume l'intérim à la tête de l'agence. Le futur directeur exécutif doit être désigné par le conseil d'administration de l'agence, le 20 décembre prochain.

* 12 Au terme d'une première sélection, trois candidats peuvent être désignés au poste de directeur exécutif : Mme Aija Kalnaja, l'actuelle directrice par intérim, Mme Terezija Gras, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur de Croatie, et M. Hans Leijtens, actuel commandant de la maréchaussée néerlandaise.

* 13 En pratique, le Parlement européen dispose déjà d'un membre ayant statut d'observateur au sein du conseil d'administration.

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