EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
L'été 2022, marqué par plusieurs épisodes caniculaires et une sécheresse sans précédent, a été le plus chaud jamais enregistré en Europe, d'après les données du service européen sur le changement climatique Copernicus, qui relève qu'une « série intense de canicules à travers l'Europe, couplée à des conditions de sécheresse inhabituelles, a conduit à un été d'extrêmes, avec des records en matière de températures, de sécheresse et d'incendies ». Par ailleurs, les incendies « hors normes » de l'été 2022, notamment en Gironde, ont marqué les esprits par leur intensité, leur vitesse de propagation, leur durée et les surfaces brûlées 1 ( * ) .
Ces phénomènes climatiques extrêmes ne feront que s'accentuer, aggravés par le réchauffement climatique que l'Accord de Paris de 2015 souhaite limiter le réchauffement climatique à un niveau bien inférieur à 2, de préférence à 1,5 degré Celsius, par rapport au niveau préindustriel d'ici 2100.
Au regard de cette urgence climatique, la nécessaire transition écologique et énergétique passera aussi bien par une évolution de nos modèles de production que de consommation. Mais cette évolution majeure nécessite d'accroître les investissements publics et privés dédiés. En France comme en Europe, les investissements nécessaires sont ainsi estimés entre 2,5 et 4 % du PIB, soit un montant entre 62 et 100 milliards d'euros pour notre pays. Le plan France Relance et le plan d'investissements France 2030 ont permis d'accentuer l'effort en faveur de la transition écologique. Pour autant, les montants mobilisés restent en deçà des besoins colossaux d'investissements pour répondre aux urgences climatiques et environnementales et favoriser la résilience des territoires. De tels investissements pourraient être co-financés par les pouvoirs publics, afin de remédier aux défaillances du marché ou à des situations d'investissement non optimales, afin d'attirer les investisseurs privés au lieu de se substituer à eux avec l'objectif d'éviter de favoriser des effets d'aubaine tout en bénéficiant de puissants effets de levier.
De tels investissements sont aujourd'hui impossibles en raison de nos règles de comptabilité nationale et européenne qui considèrent le déficit public comme un besoin net de financement et ne distinguent pas, à la différence du régime applicable aux entreprises, les dépenses de fonctionnement des dépenses d'investissement. Il serait souhaitable que ces dernières puissent être amorties sur plusieurs années. La comptabilité nationale, en ne prenant pas en compte l'amortissement des investissements, mais en assimilant le montant des investissements pour une année donnée à un besoin de financement, conduit donc à un sous-investissement chronique.
La présente résolution propose ainsi d'exclure du calcul du déficit les fonds publics affectés aux investissements de transition écologique et énergétique.
Au niveau national, cela reviendrait à demander à l'Insee de corriger le calcul du déficit en excluant le montant net des investissements dédiés à la transition écologique et énergétique et en y incluant les charges d'intérêt et la dépréciation du capital.
Au niveau européen, cela reviendrait à utiliser les mécanismes de flexibilité existants. Tout d'abord, la prise en compte de l'investissement public de transition relève des objectifs politiques de l'Union européenne (UE) en matière d'environnement exprimés à l'article 3 du traité sur l'Union européenne. Par la suite, un assouplissement de la clause d'investissement permettant une déviation temporaire de l'objectif de moyen terme en raison d'investissements spécifiques ayant des effets budgétaires de long terme positifs pourrait être envisagé. Enfin, consciente d'un sous-investissement durable en Europe malgré des liquidités suffisantes, la Commission européenne a fait de la transition écologique du continent une priorité et de la neutralité carbone une cible à l'horizon 2050. Pour ce faire, plusieurs programmes et trains de mesures en assurent les déclinaisons opérationnelles, au travers notamment du pacte vert pour l'Europe, du plan de relance Next Generation UE et du mécanisme pour une transition juste, afin d'assurer l'équité de la transition vers une économie climatiquement neutre.
La présente proposition de résolution pourrait ainsi s'envisager dans le cadre de nouveaux dispositifs de flexibilité conduisant à ne pas tenir compte des investissements dans l'évaluation de l'objectif budgétaire de moyen terme d'un État. La solution proposée par la présente résolution représenterait également un outil national rapidement opérationnel pour la déclinaison nationale des ambitieuses cibles climatiques et environnementales définies par la Commission européenne, dans une logique de subsidiarité.
Cette proposition de résolution propose enfin une solution alternative aux augmentations de fiscalité liée au carbone et à l'énergie et à l'origine du mouvement des gilets jaunes, les recettes fiscales supplémentaires n'ayant pas été orientées vers le financement de la transition écologique, mais vers des allégements de la fiscalité pesant sur d'autres produits, travaux ou revenus.
* 1 Ainsi que l'a montré en août 2022 le rapport d'information Feux de forêt et de végétation : prévenir l'embrasement, de Jean BACCI, Anne-Catherine LOISIER, Pascal MARTIN et Olivier RIETMANN, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et de la commission des affaires économiques.