EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Lors de ses opérations en Afghanistan l'armée française a recruté, comme les autres armées, des personnels contractuels recrutés locaux ou PCLR.

Les chiffres oscillent entre 800 et 1000 personnes dotées de contrats de travail, qui ont été interprètes, chauffeurs, cuisiniers.

Sans eux, l'armée française aurait été sourde et muette.

Certains sont arrivés, depuis le départ des troupes françaises, à rejoindre la France dans des conditions particulièrement difficiles puisque le programme d'accueil dédié a été supprimé, sans motif sérieux.

Délivrance de visas au compte-goutte après des délais de 5 à 7 ans, abandonnés à nos ennemis communs, les auxiliaires de l'armée française, considérés comme des traitres par leurs concitoyens, ont été menacés dans leur chair dès le premier jour du retrait de l'armée française.

Depuis lors ils n'ont cessé d'alerter sur leur situation pour demander l'aide et la protection de la France.

Or le choix des gouvernements français successifs a été d'ignorer ces appels au secours pour des motifs incompréhensibles, pourtant évoqués dans le livre les « Tarjuman une trahison française » des journalistes Quentin Muller et Brise Andlauer. (Extrait de l'ouvrage)

Cette situation n'a fait qu'empirer ces derniers mois et ces dernières semaines avec le retrait des troupes américaines.

La situation de sécurité des quelques 170 auxiliaires de l'armée française et de leurs familles, encore sur place, s'est encore dégradée augmentant les risques qu'ils courent.

Comme preuve, le communiqué de l'EI après l'attentat de l'aéroport de Kaboul le 26 août dernier mentionne clairement les objectifs poursuivis :

L'EI en Afghanistan explique que son kamikaze visait « les Américains mais aussi tous les collaborateurs et les... traducteurs afghans ».

Le sort des auxiliaires ne devrait surprendre personne, nombreux ont été victimes d'assassinats ciblées au fil des années, alors qu'ils mendiaient un visa pour la France en laquelle ils avaient eu confiance.

La prise de Kaboul par les Talibans aurait pu être l'occasion de rapatrier en priorité ces auxiliaires, or il n'en a rien été.

Une douzaine seulement a pu être rapatriée, selon de mystérieux critères.

Pour ceux et celles qui ont beaucoup travaillé sur ce dossier, les journalistes précités mais aussi les avocats de l'association des anciens interprètes de l'armée française, et pour tous les associatifs qui ont tenté d'aider les quelques rescapés, livrés à eux-mêmes à leur arrivée en France, c'est la colère, l'incompréhension et un sentiment de honte devant cette trahison organisée et assumée.

En effet au-delà de la trahison de centaines d'auxiliaires abandonnés à leurs bourreaux, se greffe un mensonge d'État.

Le porte-parole du ministre des Armées, les Ministres des Affaires étrangères et celui de la Défense, le Président de la République lui-même ont déclaré que tous les auxiliaires avaient été rapatriés, ce qui constitue une contre-vérité facile à démonter.

Ces allégations sont le prolongement logique des expressions du gouvernement interrogé régulièrement au Sénat sur cette question.

Dès 2019, Nathalie Goulet avait alerté plusieurs fois le gouvernement sur la situation des interprètes afghans :

- en 2019, youtube.com/watch?app=desk ;

- en 2020, youtu.be/6BU3spyf-VY ;

- en 2021, youtu.be/J4_iLmPlZ_g .

Le gap entre le discours officiel et la réalité sur le terrain est trop important pour laisser la représentation nationale indifférente.

Dès lors la demande de commission d'enquête est justifiée pour faire toute la lumière sur le sort des auxiliaires de l'armée française en Afghanistan.

Leur nombre exact, leur situation, les raisons qui ont permis leur rapatriement ou à l'inverse les critères utilisés pour rejeter leurs demandes.

La France porte encore les stigmates du traitement infligé aux Harkis lors de la guerre d'Algérie et n'a pas tiré les leçons de l'histoire.

Au-delà du nombre de personnes concernées, infime par rapport à la tragédie subie par le peuple Afghan, il s'agit d'une question de principe et d'honneur.

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