EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La loi Climat-résilience a fixé un double objectif national, quantitatif et temporel, de baisse du rythme des consommations foncières : la réduction de moitié du rythme d'artificialisation des sols durant la période 2021-2031 par rapport à la décennie précédente et l'atteinte en 2050 d'une absence d'artificialisation nette (dite « zéro artificialisation nette » - ZAN).
Malgré les assouplissements apportés par la loi d'initiative sénatoriale visant à faciliter la mise en oeuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux du 20 juillet 2023 (loi « ZAN 2 »), des difficultés et blocages persistent dans de nombreux territoires, notamment ruraux. Le ZAN est devenu un sigle désespérant pour de nombreux élus locaux, synonyme de trajectoires de sobriété foncière imposées aux collectivités sans tenir compte des spécificités et des dynamiques territoriales.
Faisant suite aux conclusions du rapport d'information, issu des travaux du groupe de suivi des politiques de réduction de l'artificialisation des sols 1(*), la présente proposition de loi vise à renforcer l'acceptabilité et la soutenabilité d'une stratégie nationale de sobriété foncière pérenne, à un rythme compatible avec l'ensemble des stratégies sectorielles et transversales favorisant la transition écologique de notre pays.
Pour ce faire, elle simplifie les modalités de comptabilisation de l'artificialisation, assouplit la trajectoire de réduction pour l'horizon 2021-2031 et inverse la logique de territorialisation des objectifs, en partant des besoins et projets des collectivités locales, sans toutefois toucher à l'objectif final fixé par la loi Climat-résilience à l'horizon 2050.
L'article 1er pérennise la mesure de l'artificialisation par le décompte de la consommation d'espaces agricoles, naturels et forestiers (Enaf), comme c'est actuellement le cas jusqu'en 2031. Ce mode de comptabilisation, connu et compris des élus locaux, permet aux collectivités de mieux piloter leur artificialisation à travers leurs documents d'urbanisme et d'assurer un suivi en temps quasi réel des consommations foncières.
L'article 2 abroge l'objectif intermédiaire de réduction de moitié de l'artificialisation à l'échelle nationale sur la décennie 2021-2031 par rapport à la décennie précédente.
La fixation d'objectifs de réduction de l'artificialisation continuerait cependant à relever des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet) et autres documents de planification régionaux, à qui il serait loisible de fixer des objectifs plus ou moins ambitieux de réduction de la consommation d'Enaf, sans horizon temporel prédéfini.
Afin de permettre aux collectivités de mieux anticiper la baisse de leurs possibilités d'artificialisation, l'article 3 repousse les dates butoirs de 2027 et 2028 avant lesquelles doit intervenir la modification des documents d'urbanisme afin d'y inclure les objectifs de réduction de l'artificialisation des sols fixés par la loi Climat-résilience à respectivement 2031 pour les SCoT et 2036 pour les PLU(i) et cartes communales.
De même, les régions qui le jugeraient opportun pourraient procéder à une nouvelle modification de leur Sraddet afin d'adopter un objectif régional de trajectoire foncière tirant parti des souplesses apportées par la présente loi au-delà de la date-butoir du 22 novembre 2024 actuellement fixée à l'article 194 de la loi Climat-résilience, et jusqu'au 22 août 2026.
L'article 4 acte l'exclusion et la non-mutualisation des projets d'envergure nationale et européenne (« PENE ») au sein des enveloppes de consommation d'Enaf fixées aux niveaux régionaux et locaux, assurant ainsi que ces dernières ne seront pas grevées par des projets ne relevant pas de l'initiative de la région ou des collectivités locales. En l'absence d'enveloppe nationale de consommation d'Enaf, il reviendra à l'État de définir une trajectoire de réduction de l'artificialisation induite par les PENE sous maîtrise d'ouvrage de l'État ou de ses établissements publics compatible avec l'objectif chiffré défini pour l'horizon 2050.
L'article 5 modifie l'intitulé et la composition de la conférence régionale de gouvernance de la politique de réduction de l'artificialisation des sols afin d'en faire une véritable instance de dialogue, de concertation et de délibération, à qui il serait conféré un pouvoir décisionnel.
En sus de ses actuelles compétences, relatives notamment à la désignation des PENE, au suivi de la consommation à l'échelle régionale et à la possibilité de proposer toute mesure relative à la lutte contre l'artificialisation des sols, le rôle de cette conférence, qui se réunirait préalablement en formation départementale, à l'initiative de la région, serait renforcé afin de lui permettre :
- de répartir entre les collectivités territoriales l'enveloppe de consommation d'Enaf déterminée par la région, dans les régions qui ne souhaitent pas modifier leur Sraddet sur ce point au-delà de la date du 22 novembre 2024 ;
- de déterminer, en concertation avec l'ensemble des collectivités et de leurs groupements, et sur la base des remontées de besoins et projets faites par ces derniers, à la définition de cette enveloppe, puis à sa répartition.
Pour ce faire, les communes et EPCI compétents en matière d'élaboration des documents d'urbanisme, et disposant d'un tel document ou ayant engagé l'élaboration d'un tel document, seraient représentés au sein de la conférence, qui deviendrait l'instance de territorialisation de la sobriété foncière. Les collectivités membres d'un SCoT pourraient, si elles le souhaitent, être représentées à ce niveau.
Les prises de décision de la conférence régionale reposeraient sur le vote, selon des modalités propres à assurer une représentation équilibrée des différentes catégories de collectivités et de groupements ainsi qu'à préserver les intérêts des territoires ruraux.
Des formations départementales se réuniraient en amont de la conférence régionale afin de préparer ses travaux et de se prononcer sur les évolutions de l'enveloppe d'artificialisation.
En cas d'opposition d'une ou plusieurs formations départementales, les prises de décision de la conférence régionale se feraient à la majorité qualifiée.
La conférence se réunirait en outre tous les trois ans pour évaluer la consommation d'espaces agricoles, naturels et forestiers dans chaque département, et se prononcer sur la compatibilité du rythme de l'artificialisation avec la trajectoire fixée au niveau régional.
Elle serait dotée d'un secrétariat permanent pour assurer l'information de ses membres, organiser ses travaux et garantir la qualité délibérative de ses décisions.
Le représentant de l'État dans la région serait associé à ses travaux afin d'assurer la cohérence de la trajectoire définie au niveau régional avec l'objectif d'absence de consommation d'Enaf fixée à l'horizon 2050. Il émettrait également un avis sur la compatibilité de la consommation d'espaces agricoles, naturels et forestiers constatée par les formations départementales avec la trajectoire fixée au niveau régional.
* 1 Rapport d'information n° 19 (2024-2025), déposé le 9 octobre 2024, intitulé « Mettre en oeuvre les objectifs de réduction de l'artificialisation des sols à droit constant : la quadrature du cercle ? ».