EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Fin 2021, en France métropolitaine, 74 700 mineurs et jeunes majeurs âgés de moins de 21 ans, soit près de 40 % de l'ensemble des jeunes confiés à l'aide sociale à l'enfance (ASE), sont accueillis par près de 38 000 assistants familiaux, d'après une étude publiée en décembre 2023 par la DREES (n°1291). Le nombre de mesures relevant du dispositif de protection de l'enfance est estimé à 341 000 jeunes et les enfants placés représentent 2 % à 3 % de la population globale. Dans ce contexte, nous devons réaffirmer la priorité accordée à l'accueil familial, en parfaite adéquation avec la Convention internationale des Droits de l'Enfant (CIDE), et les lignes directrices des Nations Unies sur la protection de remplacement, qui préconisent que le placement en institution constitue la solution de dernier recours. Malgré ces directives, seul un jeune sur deux bénéficiant d'une mesure de placement est actuellement pris en charge dans une famille d'accueil. Cette situation alarmante impose de reconsidérer et de redynamiser notre approche, en veillant à ce que chaque mineur bénéficie d'un environnement familial structurant, comme recommandé par les normes internationales.
En outre, le profil démographique des assistants familiaux en France révèle une situation préoccupante : en 2021, la moitié de ces professionnels avait 55 ans ou plus, et un quart avait même franchi le seuil des 60 ans. Cette pyramide des âges alarmante suggère d'importants défis à venir, avec l'approche imminente de nombreux départs à la retraite. Parallèlement, une tendance inquiétante se profile depuis ces dix dernières années : le nombre de familles d'accueil ne cesse de décroître. Cette double dynamique accentue les enjeux de renouvellement et de recrutement pour cette profession essentielle.
La loi dite « Loi Taquet » n° 2022-140 du 7 février 2022 relative à la protection des enfants a intégré plusieurs mesures importantes pour soutenir les assistants familiaux, dont celle de différer le départ à la retraite. En réponse aux difficultés posées par l'âge avancé de nombreux assistants, la loi a effectivement introduit une option pour prolonger l'activité au-delà de l'âge standard de retraite dans certaines circonstances, pour éviter les transitions brutales aux enfants pris en charge. Cependant, malgré ces avancées, ces mesures se révèlent insuffisantes pour contrer la tendance à la baisse du nombre de familles d'accueil observée sur la dernière décennie. Pour aborder concrètement cette carence, des stratégies plus globales et soutenues sont nécessaires, en facilitant l'accès à cette profession dans le but d'attirer de nouveaux entrants et d'assurer un renouvellement continu du personnel dédié à l'accueil familial.
Dès lors, la pénurie de familles d'accueil en France entraîne des conséquences directes et préjudiciables sur l'exécution des mesures judiciaires de placement d'enfants. L'insuffisance des foyers disponibles entrave sérieusement la capacité du système de protection de l'enfance à répondre aux besoins urgents de ces mineurs protégés, qui nécessitent pourtant un environnement familial sûr et stable. Cette situation met non seulement en péril la stabilité émotionnelle et développementale des enfants concernés, mais elle contrevient également à leurs droits fondamentaux tels que définis par la Convention internationale des droits de l'enfant. Les jeunes en attente de placement peuvent se retrouver dans des installations précaires, où les risques d'instabilité et de multiples déplacements aggravent les troubles comportementaux et émotionnels. Enfin, le manque de foyers accentue la charge sur les structures existantes, poussant les familles et les travailleurs sociaux à leurs limites. Cette conjoncture souligne l'urgence d'augmenter le nombre de familles d'accueil disponibles, en encourageant davantage de personnes à s'engager dans cette vocation, qui est essentielle pour le bien-être de nos enfants.
À ce titre, permettre à ceux qui travaillent à temps partiel, notamment dans la fonction publique, de cumuler leur emploi avec le rôle d'assistant familial ne peut que grandement renforcer l'attrait de ce métier. En s'alignant sur l'article L. 423-34 du code de l'action sociale et des familles, qui autorise déjà cette dualité d'emplois dans le secteur privé, cette adaptation législative est un vecteur essentiel pour uniformiser et améliorer la prise en charge des mineurs placés, en les intégrant efficacement dans un environnement familial. Le cumul des activités n'est envisageable que sous la condition d'un accueil à un unique enfant âgé de plus de trois ans. Cette politique vise à garantir que l'assistant familial puisse fournir un accompagnement de qualité et personnalisé, en focalisant ses ressources et son attention sur les besoins spécifiques d'un adolescent en pleine transformation. Aussi, en permettant aux assistants familiaux de maintenir une activité professionnelle, cette mesure favorise non seulement une diversité des expériences pour ces jeunes protégés, mais également une meilleure stabilité économique pour les familles d'accueil, ce qui constitue un élément clé pour une prise en charge saine et équilibrée.
La présente proposition de loi prévoit donc à l'article 1er de modifier le code général de la fonction publique pour assouplir les règles de cumul d'emplois des agents publics à temps partiel, leur permettant ainsi d'exercer également la profession d'assistant familial.
L'article 2 modifie le code de l'action sociale et des familles, en ajoutant un nouvel alinéa à l'article L. 421-5, disposant que tout assistant familial, également agent public conformément aux articles L. 123-5 et L. 123-7 du code général de la fonction publique, peut accueillir uniquement un mineur de trois ans ou plus relevant de la protection de l'enfance en suivant une formation minimale d'au moins soixante heures, dans une période de six mois après l'obtention de l'agrément.