EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le droit de grève en France est un droit à valeur constitutionnel. Pourtant, le Préambule de la Constitution prévoit que ce droit « s'exerce dans le cadre des lois qui le règlementent ».
Dans certaines professions, ce droit de grève est bien trop souvent utilisé de manière abusive, pénalisant bon nombre de nos concitoyens. C'est la raison pour laquelle certaines lois viennent encadrer ce droit.
La loi n° 2007-1224 du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs permet de garantir aux usagers de ces transports, en cas de grève, un service réduit mais prévisible, tout en renforçant le dialogue social dans les entreprises concernées afin d'y prévenir le déclenchement des conflits. La présente proposition de loi a pour objectif d'adapter ce dispositif aux activités du déchet et de la propreté. Aussi, ce texte reprend la proposition de loi du 11 mars 2015 déposée à l'Assemblée nationale 1 ( * ) .
Alors que la loi du 21 août 2007 précitée visait à prévenir les graves conséquences que comportait pour l'économie française et pour nos concitoyens l'incapacité de ces derniers de se rendre à leur travail, il s'agit ici d'éviter qu'éclate de nouveau une crise sanitaire comme celle suscitée par la grève de mars 2023 à Paris ou à Marseille en janvier 2022.
Face à cette grève les rues se sont en effet retrouvées inondées d'immondices qui, non seulement encombrent la voie publique. Lundi 13février 2023 à Paris, quelque 7 600 tonnes d'ordures non ramassées ont été dénombrées par la Mairie de Paris. Ces grèves exposent les habitants à de graves risques sanitaires. Au-delà des odeurs, ces perturbations attirent les rats et constituent de véritables bouillons de culture propices à la prolifération des maladies. Contrairement à d'autres grèves, l'arrêt du nettoiement des rues et du ramassage des ordures constituent un véritable problème de santé publique.
Selon Romain Lasseur 2 ( * ) , docteur en toxicologie animale, « Il ne faut pas minimiser les risques microbiologiques, l'odeur même qui s'en dégage traduit une colonisation des poubelles par les bactéries. » Selon lui, le risque est même « préoccupant ».
Et les rats peuvent transporter avec eux un bon nombre de parasites et de maladies. La plus à craindre selon le scientifique est la leptospirose ou « maladie de l'égoutier » pour sa faculté à se répandre dans les milieux humides, il s'agit d'une maladie bactérienne bien connue des éboueurs et transmise à l'homme par certains mammifères. « C'est une maladie qui peut être mortelle. Sur les 700 cas constatés par an en France, près de 10 % mènent à un décès », s'est alarmé Romain Lasseur. Surtout, il s'agit d'une bactérie résistante. Selon l'expert, en milieu humide, elle peut rester active pendant près de six mois.
D'autres maladies telles que la salmonellose, des vers, la teigne ou des hantavirus peuvent être transmises par les rats. Pas seulement par les morsures mais par simple contact ou lorsque de la nourriture est souillée par de la salive, de l'urine ou des excréments du rat.
Aussi, avec l'accumulation de déchets alimentaires dans les rues, la prolifération des rats pourrait devenir très problématique : « Si les femelles sont bien nourries, on va constater un pic de population dans trois à quatre semaines », alerte le scientifique.
Face à une telle situation, le législateur doit prendre ses responsabilités en créant un véritable service minimum en matière de nettoiement et de collecte des déchets.
Les éboueurs et autres professions du déchet et de la propreté urbaine doivent privilégier le dialogue social, tout en respectant un service minimum au nom de la santé de nos concitoyens et de la salubrité de nos villes.
C'est pourquoi, ce texte s'articule autour de trois mesures :
• Prévoir l'obligation de négocier un accord de prévisibilité (article 1 er )
• Prévoir un véritable service minimum pour le domaine du déchet et de la propreté avec une possibilité de réquisition par l'autorité organisatrice de la collecte des déchets (article 2)
• Instaurer une obligation de négocier avant le dépôt de tout préavis de grève (article 3)
* 1 Proposition de loi (N° 2638) du 11 mars 2015 déposée par Valérie Boyer et plusieurs de ses collègues visant à renforcer le dialogue social et à établir un service minimum dans les activités du déchet et de la propreté urbaine https://www2.assembleenationale.fr/documents/notice/14/propositions/pion2638/(index)/propositions-loi/(archives)/index-proposition
* 2 https://www.20minutes.fr/paris/4027926-20230314-greve-eboueurs-risque-sanitaire-preoccupant-accroit-accumulation-dechets-paris