EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La défense extérieure contre l'incendie (DECI) vise à garantir l'alimentation en eau des moyens des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) par l'intermédiaire de points d'eau identifiés à cette fin. Cette politique publique a longtemps été encadrée seulement par voie réglementaire, via quatre circulaires successivement parues en 1944, 1951, 1957 et 1967. Sa réforme est intervenue, il y a dix ans, par voie législative avec la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration du droit.

Privilégiant une approche décentralisée, cette réforme a placé les maires au coeur du dispositif. Les communes sont en effet chargées du service public de DECI et compétentes à ce titre pour la création, l'aménagement et la gestion des points d'eau nécessaires à l'alimentation en eau des SDIS. Le cadre légal permet aux communes de mutualiser cette compétence au niveau de l'établissement public de coopération intercommunale. Les maires des communes membres peuvent également transférer au président de cet établissement des attributions lui permettant de réglementer cette activité, exception faite des syndicats des eaux.

Attendue par les élus locaux, cette réforme devait apporter une réponse mieux territorialisée et plus adaptée aux enjeux des communes. À des mesures à caractère national destinées à s'appliquer indifféremment sur l'ensemble du territoire, elle substituait un cadre territorial dans lequel les départements et les communes avaient vocation à s'inscrire en faisant valoir leurs spécificités locales. En ce sens, elle correspondait aux souhaits des maires désireux de protéger leur population contre le risque incendie, mais aussi demandeurs d'éléments de souplesse pour le faire dans de meilleures conditions règlementaires, techniques et budgétaires.

Cette réforme n'a pas répondu aux attentes des élus. De nombreuses critiques et un fort mécontentement de la part des maires ont en effet accompagné l'entrée en vigueur de celle-ci.

Conscient de cette situation, le Président du Sénat a saisi la Délégation du Sénat aux collectivités territoriales et à la décentralisation d'une mission d'information, dont les conclusions ont été rendues le 8 juillet 2021 par les Sénateurs Hervé MAUREY et Franck MONTAUGÉ, dans le rapport n° 760 (2020-2021), « Défense extérieure contre l'incendie : assurer la protection des personnes sans nuire aux territoires » 1 ( * ) .

Intervenant dix ans après la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011, ce premier bilan a mis en évidence l'absence d'évaluation de la réforme.

À l'initiative des auteurs de la présente proposition de loi, l'article 32 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification prévoit que le Gouvernement doit procéder à l'évaluation des règles départementales en matière de défense extérieure contre l'incendie au plus tard le 1 er juillet 2022.

Les travaux des rapporteurs ont d'ores et déjà permis d'établir le caractère très inégal de la qualité de la concertation menée conformément au décret n° 2015-235 du 27 février 2015 relatif à la défense extérieure contre l'incendie auprès des élus en amont de l'édiction des règlements départementaux. Dans un certain nombre de départements, celle-ci a été très insatisfaisante, voire inexistante.

L'élaboration de ces règlements n'a, par ailleurs, pas donné lieu dans la plupart des cas à la réalisation d'études d'impact permettant de mesurer les conséquences, notamment financières, pour les collectivités concernées et d'évaluer les solutions alternatives à des règles trop strictes.

Cette situation a conduit à l'édiction de règles complexes et rigides (spécialement la règle dite, selon les cas, des « 200 mètres » ou des « 400 mètres »), qui mettent en difficulté les communes, notamment les plus petites caractérisées par des moyens financiers et d'expertise très limités.

Les conséquences financières de la plupart des règlements de défense extérieure contre l'incendie sont particulièrement pénalisantes. Ce sont parfois des investissements de plusieurs centaines de milliers d'euros qui sont nécessaires à des communes de petite taille pour se mettre en conformité, contraignant les maires à devoir renoncer à des investissements importants sur lesquels ils s'étaient pourtant engagés lors des élections municipales.

À titre d'exemple, la commune des Bottereaux, située dans le département de l'Eure, compte 380 habitants et dispose d'un budget d'investissement de 210 000 euros, évalue les dépenses nécessaires à 3,6 millions d'euros.

En outre, l'absence de couverture en DECI amène fréquemment les maires des communes concernées à devoir refuser la délivrance de permis de construire ou autres autorisations d'urbanisme.

Le développement de ces territoires et leur attractivité se retrouvent ainsi fortement pénalisés par l'application rigide de ces règles, alors que, dans le même temps, la ruralité connaît un regain d'intérêt de la part de nos concitoyens.

Ce chaînage défaillant en matière de DECI aboutit à un constat alarmant : on estime que dans notre pays quelque 7 millions de nos concitoyens ne sont pas couverts aujourd'hui de manière satisfaisante au regard des normes en vigueur. Cette situation d'insécurité, aussi bien matérielle pour les habitants que juridique pour les maires, n'est bien évidemment pas acceptable.

Malgré la mobilisation des élus pour assouplir ces règles dans un certain nombre de départements, ceux-ci n'ont pas obtenu du Préfet, seul à pouvoir le décider, leur révision.

Le Ministre de l'Intérieur a mandaté la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises pour la réalisation d'un audit dont la publication est attendue mais sur le fond le débat organisé au Sénat le 5 janvier 2022 n'a pas permis d'obtenir des engagements précis du Gouvernement pour prendre en compte les constats et les propositions du rapport sénatorial. Il a en revanche mis en exergue la déconnexion du Gouvernement quant à la réalité de la situation sur le sujet.

Comme l'a souligné Madame Françoise GATEL, Présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation en conclusion de ce débat, au représentant du Gouvernement : « vous ne prenez pas la mesure de ce dont nous parlons ».

« Ce que nous demandons, avec les rapporteurs, c'est qu'une injonction soit adressée à tous les préfets de France. Voici ce qu'il faut leur dire : il est nécessaire de procéder à l'évaluation des dispositions mises en oeuvre, à la révision de ces schémas et, dans tous les départements de France, au recensement exhaustif des points d'eau ».

La présente proposition de loi vise donc à répondre aux difficultés d'application des règles en matière de défense extérieure contre l'incendie rencontrées sur certains territoires.

L'article unique prévoit une révision des règlements départementaux de défense extérieure contre l'incendie (RDDECI) dans les 6 mois suivants la promulgation de la présente proposition de loi et après chaque révision du Schéma départemental d'analyse et de couverture des risques (SDACR). Cette obligation de révision ne s'impose pas si ce règlement a déjà fait l'objet d'une modification dans les 5 dernières années.

Cet article précise que la DECI intègre une logique de proportionnalité entre les règles visant à couvrir le risque incendie et leurs conséquences pour les communes en termes de budget, d'urbanisme et de développement, et inscrit dans le processus d'élaboration des règles de DECI les principes de concertation avec les élus locaux et d'étude d'impact permettant d'apprécier cette proportionnalité.

Il prévoit enfin que les associations départementales de maires et le Conseil départemental se prononcent sur le projet de RDDECI.


* 1 Rapport disponible à cette adresse : http://www.senat.fr/notice-rapport/2020/r20-760-notice.html

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