EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi a pour objectif de lutter contre la consommation de protoxyde d'azote à des fins psychoactives.

Le protoxyde d'azote (NO2) est utilisé dans le milieu médical pour ses propriétés anesthésiques et analgésiques. Pour cette utilisation par les professionnels de santé, il fait l'objet d'un classement dans la liste 1 des substances vénéneuses et son usage est strictement encadré .

Mais le protoxyde d'azote est également utilisé par les producteurs de siphons culinaires (généralement employé pour la fabrication de crème chantilly) et pour cet usage, il ne fait l'objet d'aucune restriction hormis celles posées par ma proposition de loi promulguée le 1 er juin 2021 .

C'est bien à partir des contenants proposés sur le marché pour un usage culinaire (cartouches, bonbonnes...) qu'est extrait de manière détournée le protoxyde d'azote à des fins psychoactives.

Depuis quelques années, un phénomène croissant de consommation du protoxyde d'azote afin d'en obtenir des effets psychoactifs est apparu alors que trop souvent ce « gaz hilarant » est présenté aux consommateurs comme une « drogue récréative ». La consommation du protoxyde d'azote à des fins psychoactives a des effets directs désastreux sur le comportement des consommateurs ainsi que sur leur état de santé .

L'association française des centres d'addictovigilance n'a de cesse d'alerter sur les caractéristiques cliniques et l'ampleur des complications sanitaires graves de cet usage détourné du protoxyde d'azote.

Ainsi, les pharmacologues constatent que le nombre de cas évalués par le réseau d'addictovigilance a été multiplié par 10 depuis 2019 . Ils relèvent chez les consommateurs des symptômes psychiatriques anxieux, thymiques, psychotiques et des troubles du comportement, mais aussi des conséquences sur les déficits sensitivo-moteurs (sensibilité, la marche...) avec nécessité d'une rééducation très longue.

Quand le consommateur est interrogé, l'effet recherché est souvent d'abord l'euphorie, jusque l'anxiolyse et enfin la défonce.

C'est pourquoi, face au phénomène croissant de consommation de cette drogue qui ne porte pas son nom, le présent texte prévoit tout d'abord d'interdire toute consommation de ce produit, article 1 er . Concrètement, c'est la consommation dans le but d'obtenir des effets psychoactifs qui sera incriminée.

Comme pour toute consommation de stupéfiant, la présente proposition de loi prévoit que la consommation de protoxyde d'azote pour en obtenir des effets psychoactifs sera désormais punie de six mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende.

Cependant, dans un souci d'efficacité de la réponse pénale, une sanction par application de l'amende forfaitaire , comme en cas de consommation de stupéfiants, sera possible.

Ainsi, l'action publique pourra être éteinte par le versement d'une amende forfaitaire d'un montant de 200 €. Si l'amende est réglée sous quinze jours, elle est minorée à 150 €. Au-delà de 45 jours, le contrevenant devra payer une amende majorée de 450 €.

L'article 2 du texte vise à rééquilibrer les sanctions appliquées à l'incitation de l'usage détourné du N2O. Pour ce faire, le texte prévoit d'étendre aux majeurs le délit de provocation à l'usage détourné d'un produit de consommation courante.

L'idée poursuivie est d'aligner le régime d'encadrement et de sanctions de la consommation de NO2 sur celui propre à l'usage de stupéfiants.

L'article prévoit également d'aggraver les peines en cas de provocation d'un mineur par un majeur à consommer du protoxyde pour obtenir des effets psychoactifs.

Pour cette provocation sur mineurs, il prévoit désormais des circonstances aggravantes permettant un jugement par comparution immédiate.

Le présent texte propose donc de porter ces peines à six mois d'emprisonnement et 30 000 € d'amende , dès lors qu'au moins une des conditions suivantes est remplie : la provocation est suivie d'effet, le mineur a moins de 15 ans, la provocation a lieu à proximité ou dans un établissement scolaire, et/ou public, ou lors d'un rassemblement festif.

Déjà interdite à la vente dans les débits de boissons et de tabacs, ainsi que les discothèques - et ce grâce à notre précédente loi d'encadrement - l'évolution actuelle de la consommation de NO2 requiert une interdiction dans de nouveaux lieux propices à son usage récréatif.

C'est pourquoi l'article 3 prévoit d'élargir le périmètre de l'interdiction de céder (par offre ou vente) du protoxyde d'azote, aux « rave parties », dans les points de vente de carburants et sur la voie publique , et d'interdire tout paiement du produit vendu.

L'article 4 vise à renforcer le dispositif pénal relatif à la quantité détenue et vendue de contenants de protoxyde d'azote et aux « crackers ».

Pour les contenants (cartouches, bonbonnes...), le présent article prévoit qu'un particulier détenant ou transportant ce produit en quantité supérieure au maximum fixé par voie règlementaire et composé à plus de 40 % de protoxyde d'azote est puni de 3 750 € d'amende.

En outre, le fait d'offrir ou de vendre à un particulier un produit en quantité dépassant le maximum fixé par voie règlementaire et composé à plus de 40 % de protoxyde d'azote est puni de trois mois d'emprisonnement et de 7 500 € d'amende.

Comme pour l'article 1 er de la présente proposition et par souci d'efficacité de la réponse pénale, il est prévu la possibilité que l'action publique soit éteinte par le versement d'une amende forfaitaire d'un montant de 200 €.

De plus, la finalité du cracker est de permettre de se « shooter », la loi le définissant comme tel : « produit spécifiquement destiné à faciliter l'extraction de protoxyde d'azote afin d'en obtenir des effets psychoactifs ».

Nul ne peut donc défendre que s'il détient un cracker, ce soit pour un usage avouable. Par conséquent, le présent texte propose que la détention ou le transport de plusieurs crackers soit passible d'une amende de 3750 €. Pour garantir une échelle dans la gravité de la sanction, le fait de fabriquer des crackers sera passible d'une amende de 7 500 € et de trois mois d'emprisonnement.

L'article 5 prévoit la possibilité de frapper d'une fermeture administrative provisoire les établissements dont les exploitants ne respectent pas les dispositions de la loi.

En effet, comme pour la consommation de produits stupéfiants, il convient de prévoir la possibilité pour le préfet (dans la limite de trois mois) ou le ministre de l'Intérieur (dans la limite d'un an), de procéder à la fermeture administrative provisoire des établissements (débits de boissons, discothèques...) qui auront délibérément laissé cette infraction se commettre.

Afin de faciliter les contrôles, l'article 6 habilite les agents déjà habilités à constater la provocation ou l'offre illégale de protoxyde d'azote, à constater les nouvelles infractions créées par le présent texte de loi.

Dans la continuité de l'infraction prévue par l'article 1 er , l'article 7 vise à faciliter la procédure judiciaire. Pour ce faire il applique à cette nouvelle infraction qu'est la consommation de NO2, les dispositions du code de procédure pénale prévues pour permettre un jugement plus facile de l'usage de stupéfiants (possibilité de jugement par juge unique, possibilité de recourir à l'ordonnance pénale).

Enfin, L'article 8 traite de la question majeure de la conduite sous l'empire de N2O. Face à l'accroissement des accidents suite à une prise de protoxyde au volant, le présent texte propose de créer un délit de conduite sous l'empire du N2O et la mise en place de mesures complémentaires.

Pour ce faire, celle-ci sera assimilée à une conduite sous l'empire de stupéfiants, créant ainsi un délit de conduite sous l'empire d'effets psychoactifs de NO2 , passible des mêmes peines que la mise en danger délibérée d'autrui, soit un an d'emprisonnement et 15 000 € d'amende .

À ce jour, il n'est pas possible de détecter la consommation de protoxyde d'azote dans le sang. Le présent texte propose donc que la preuve soit rapportée par un « faisceau d'indices », comme cela fut longtemps le cas pour la conduite en état d'ivresse avant les éthylotests. Cette liste, non exhaustives, comprend notamment les aveux du conducteur, les témoignages des passagers ou passants, l'état manifestement parlant, la présence de bonbonnes dans l'habitacle... Ainsi, des indices concordants pourront établir que le délit est constitué .

De plus, si le conducteur était également sous l'empire d'un état alcoolique et/ou sous l'empire de produits stupéfiants, ces circonstances aggravantes pourront être retenues contre lui.

S'ajoute en mesures complémentaires, afin de répondre à la gravité de l'acte, et comme en cas d'usage de stupéfiants au volant : la rétention immédiate du permis de conduire, la suspension du permis par le préfet (6 mois maximum, mais jusqu'à un an possible en cas d'homicide ou accident corporel).

Cette proposition de loi tend ainsi à lutter contre l'usage du protoxyde d'azote à des fins psychoactives . Le dispositif apporte une réponse forte, mais nécessaire, afin de mettre fin à ce phénomène massif et croissant de consommation de cette « drogue » qui malheureusement ne porte pas son nom.

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