EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Face au risque que représente la sortie de détention, dans les prochaines années, de près de 500 détenus condamnés pour des faits en lien avec le terrorisme islamo-djihadiste , le Parlement a adopté le 27 juillet dernier, à la suite d'initiatives convergentes du Sénat 1 ( * ) et de l'Assemblée nationale 2 ( * ) , la loi instaurant des mesures de sûreté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes à l'issue de leur peine.
Compte tenu de la particulière dangerosité que peuvent présenter ces détenus et du risque élevé de récidive une fois leur peine d'emprisonnement accomplie , le législateur a en effet jugé nécessaire que des mesures de surveillance adaptées puissent leur être appliquées après leur sortie de détention . Pour ce faire, il s'est inspiré des dispositifs de rétention de sûreté et de surveillance de sûreté prévus par les articles 706-53-13 à 706-53-22 du code de procédure pénale, dont la conformité à la Constitution a été reconnue par le Conseil constitutionnel 3 ( * ) .
Dans sa décision n° 2020-805 DC du 7 août 2020, le Conseil constitutionnel, en dépit des nombreuses garanties prévues par le Parlement, mais sans remettre en cause le principe même d'une mesure de sûreté à l'égard de condamnés terroristes ayant purgé leur peine, a toutefois considéré que le dispositif retenu portait, en l'état de sa rédaction, une atteinte qui n'était ni adaptée, ni proportionnée aux droits et libertés constitutionnellement garantis. En conséquence, il a jugé contraires à la Constitution les articles 1 er , 2 et 4 de la loi adoptée par le Parlement, qui a donc été promulguée le 10 août 2020 sans ces dispositions.
Or, nonobstant cette appréciation du juge constitutionnel, demeure l'impérieuse nécessité d'un dispositif permettant d'assurer le suivi de personnes qui, libérées à l'issue de leur peine, peuvent continuer à constituer une grave menace pour la sécurité publique .
Ainsi que le Sénat et l'Assemblée nationale l'ont relevé au cours de l'examen de la loi du 10 août 2020, les mesures de police administrative aujourd'hui privilégiées par les autorités n'offrent pas, au regard de leur durée, un cadre de surveillance suffisant. Le renforcement des dispositifs de suivi judiciaire apparaît, en conséquence, comme la voie juridiquement la plus adaptée pour répondre à l'enjeu que représente, en termes de sécurité publique, la sortie de détention des condamnés terroristes, tout en offrant des garanties de réinsertion renforcées.
Dans cette perspective, la présente proposition de loi, prenant acte de la décision du Conseil constitutionnel, reprend le principe du dispositif adopté en juillet 2020 - celui d'un suivi judiciaire prononcé au stade post-sentenciel, d'une durée décorrélée des crédits de réduction de peine et conditionné à une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité appréciée en fin de peine -, tout en y apportant les aménagements destinés à le rendre pleinement compatible avec les motifs de cette décision .
Ainsi, en premier lieu, son article unique réduit la durée maximale de la mesure de sûreté , en la fixant à trois ans - au lieu de cinq ans - pour les personnes condamnées à moins de dix ans d'emprisonnement, et à cinq ans - au lieu de dix ans - au-delà. Serait également maintenue une atténuation en cas de minorité, avec des durées ne pouvant excéder respectivement deux et trois ans. Il fixe en outre la durée maximale de la mesure en fonction du quantum de la peine effectivement prononcée, et non de la peine encourue.
En deuxième lieu, le texte proposé exclut l'application de la mesure de sûreté aux personnes condamnées à une peine d'emprisonnement assortie d'un sursis probatoire , dès lors que celui-ci permet d'ores et déjà de soumettre le condamné aux mêmes obligations à l'issue de sa période de détention. Il limite par ailleurs le cumul de la mesure de sûreté avec une peine assortie d'un sursis simple . À cet effet, il maintient une possibilité de cumul uniquement lorsque la partie ferme de la peine est supérieure à trois ans d'emprisonnement : au-delà de cette durée, il apparaît en effet pertinent que la situation du condamné puisse être réexaminée. En revanche, en-deçà de trois ans, il peut être considéré qu'imposer une mesure de sûreté remettrait en cause le sens de la peine prononcée, alors considérée adéquate par le jugement de condamnation.
En troisième lieu, le texte proposé prévoit que la mesure ne pourra être prononcée que lorsque la personne a été mise en mesure de suivre un programme de réinsertion en détention , à l'instar d'autres mesures de surveillance judiciaire existantes.
En quatrième lieu, même si cette précision était sous-entendue dans la rédaction adoptée par le législateur, il dispose explicitement que le renouvellement de la mesure ne pourra être prononcé qu'à l'issue d'une évaluation établissant la dangerosité sur la base d'éléments actuels et circonstanciés .
Enfin, la proposition de loi introduit une gradation dans le prononcé des obligations susceptibles d'être imposées à la personne sortant de détention, afin de garantir que ne seront prononcées que des obligations strictement nécessaires et proportionnées à sa situation personnelle .
Ainsi, dans le cadre du dispositif prévu, la juridiction pourra imposer aux personnes concernées le suivi d'un certain nombre d'obligations, qui sont déjà applicables dans le cadre d'autres mesures de suivi judiciaire et qui relèvent, pour la plupart d'entre elles, d'un suivi social et d'un accompagnement personnalisé à la réinsertion. En revanche, le prononcé des obligations les plus attentatoires aux libertés individuelles - l'obligation de pointage, l'interdiction de paraître dans certains lieux et l'interdiction de fréquenter certaines personnes - serait réservé aux personnes pour lesquelles les premières obligations se révèleraient insuffisantes compte tenu de leur situation, de leur personnalité ou de leur niveau de dangerosité.
* 1 Proposition de loi n° 360 (2019-2020) de MM. Philippe BAS, Marc-Philippe DAUBRESSE et plusieurs de leurs collègues, déposée au Sénat le 4 mars 2020.
* 2 Proposition de loi n° 2754 (XVème lég.) de Mme Yaël BRAUN-PIVET, MM. Guillaume VUILLETET, Raphaël GAUVAIN et Gilles LE GENDRE, déposée à l'Assemblée Nationale le 10 mars 2020.
* 3 Décision n° 2008-562 DC du 21 février 2008, Loi relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.