EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis plusieurs années, les violences sexuelles perpétrées sur mineurs sont largement dénoncées, médiatisées et questionnées. La parole se libère dans tous les milieux, ce qui doit être salué. Cette prise de conscience était nécessaire, et il faut désormais soutenir les victimes, les accompagner, mais également renforcer la protection des mineurs.

Dans le milieu sportif, les témoignages se multiplient depuis une longue enquête publiée à la fin de l'année 2019 et les révélations de l'ancienne championne de patinage artistique, Sarah Abitbol, début 2020, mettent en lumière les manques existant dans la protection des mineurs.

Face à cette prise de conscience et aux manquements actuels soulignés par tous les acteurs, il est urgent de corriger et de mettre en oeuvre toutes les mesures nécessaires pour protéger les mineurs dans le cadre de leur pratique sportive, alors même qu'en 2018 on dénombrait plus de 8 millions de licenciés de moins de 20 ans, tous sports confondus.

Cette problématique n'épargne aucun sport. Elle rompt la confiance qui existe entre les familles et les clubs sportifs, responsables des enfants dans des temps hors de surveillance des parents - entraînements, déplacements, compétitions, tournois.

Une enquête nationale menée par le ministère des sports en 2008 estimait que 11,2 % des athlètes interrogés (sur 1400 personnes) avaient été victimes de violences sexuelles pendant leur carrière sportive, contre 6,6 % hors de la sphère sportive. De manière plus générale, l'association Colosse aux pieds d'argile estime que 10 % des sportifs et 13 % des sportives seraient touchés par des violences sexuelles.

L'enquête menée pendant huit mois par les journalistes de Disclose met en avant plusieurs caractéristiques inquiétantes des violences sexuelles commises sur mineurs dans le milieu sportif. Près d'une affaire sur deux serait un cas de récidive ; et dans de nombreux cas étudiés, l'agresseur aurait retrouvé une activité dans le milieu sportif malgré une condamnation pour une infraction à caractère sexuel.

En matière de prévention comme de signalement, les dispositifs actuels manquent de visibilité et de lisibilité. Une charte a pourtant été signée en 2008 par les fédérations sportives françaises. Un livret a été édité et réactualisé en 2018 par le ministère chargé des sports à destination des fédérations et des centres de formation, et une plaquette de prévention vient d'être établie. L'article 434-1 du code pénal prévoit en outre une obligation de dénonciation aux autorités judiciaires ou administratives pour toute personne ayant connaissance d'un délit ou d'un crime sexuel. Le code du sport interdit également pour une personne condamnée à un délit sexuel d'exercer les fonctions d'éducateur sportif à titre rémunéré ou bénévole.

Le cadre juridique mérite d'être renforcé. En 2018, le Sénat a lancé une mission commune d'information sur les politiques publiques de prévention, de détection, d'organisation des signalements et de répression des infractions sexuelles susceptibles d'être commises par des personnes en contact avec des mineurs dans le cadre de l'exercice de leur métier ou de leurs fonctions, présidée par la sénatrice Catherine Deroche. Dans ce cadre, la question des clubs sportifs avait été examinée, ainsi que l'ensemble des milieux dans lesquels évoluent les mineurs en dehors du cadre familial. Cette mission a fait 38 propositions concrètes visant à renforcer la protection des mineurs. Le Gouvernement a également présenté en novembre 2019 un plan de lutte contre les violences faites aux enfants, parmi lesquels les violences sexuelles dans le milieu sportif sont soulignées.

La présente proposition de loi s'appuie donc sur ces rapports référents, sur les recommandations issues de la tribune rédigée par des membres de la Commission des athlètes de haut niveau du Comité national olympique et sportif français et publiée le 4 février dernier suite aux révélations de Sarah Abitbol, sur l'enquête menée par Disclose et l'Équipe, ainsi que sur les diverses prises de position médiatiques et institutionnelles.

Cette proposition de loi vise ainsi à inscrire dans notre législation les mesures attendues et souhaitées par les acteurs du monde sportif, afin de protéger concrètement les mineurs dans le cadre de leur pratique d'activités physiques et sportives.

L'article 1 vise à systématiser le contrôle des antécédents judiciaires de tout adulte bénévole entrant en contact avec des sportifs mineurs dans le cadre de leurs fonctions.

Si l'article L. 212-9 du code du sport prévoit l'interdiction, pour une personne condamnée à un délit sexuel d'exercer les fonctions d'éducateur sportif à titre rémunéré ou bénévole, la demande de contrôle des antécédents judiciaires au sein du fichier national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAISV) ainsi que dans le casier judiciaire n'est aujourd'hui mise en oeuvre et obligatoire que pour les éducateurs sportifs rémunérés.

L'ajout d'un article L. 212-10 au code du sport et la modification des articles 706-53-7 et 776 du code de procédure pénale proposés rendent ainsi la consultation des fichiers systématique et obligatoire avant tout recrutement de bénévoles par les clubs sportifs, par symétrie avec ce qui est actuellement fait pour les éducateurs sportifs professionnels. Cette consultation s'opèrera par l'intermédiaire des administrations.

Cet article vient ainsi étendre et généraliser l'expérimentation actuellement menée par la Fédération française de football dans la ligue Centre-Val-de-Loire, dont les résultats sont d'ores et déjà concluants, comme l'a annoncé la ministre chargée des sports.

L'article 2 renforce le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAISV), en inscrivant au fichier tous les délits sexuels punis par la loi, y compris lorsque la peine d'emprisonnement est inférieure à cinq ans. Cette mesure vient inscrire au FIJAISV :

- l'exhibition sexuelle, passible d'un an d'emprisonnement ;

- le harcèlement sexuel, passible de deux ans d'emprisonnement voire de trois ans en cas de circonstance aggravante telle que le fait qu'il émane d'une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ou le fait que la victime soit un mineur de moins de quinze ans ;

- le recours à la prostitution d'une personne particulièrement vulnérable, passible de trois d'emprisonnement ;

- la tentative d'atteinte sexuelle sur un mineur et l'incitation à commettre un crime ou un délit contre des mineurs.

L'article 3 modifie le régime des peines complémentaires pour des faits d'infractions sexuelles afin de les rendre systématiques et définitives. Toute personne condamnée pour des faits d'infractions sexuelles se verra définitivement interdite d'exercer tout métier au contact de la jeunesse, quel que soit le domaine.

Cette préconisation a d'ores et déjà été présentée par le Sénat lors de l'examen de la proposition de loi de la sénatrice Catherine Troendlé visant à rendre effective l'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact avec des mineurs lorsqu'une personne a été condamnée pour des agressions sexuelles sur mineurs. Ces dispositions avaient été réintroduites lors de l'examen du projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes d'août 2018, avant d'être supprimées par l'Assemblée nationale.

L'article 4 inscrit dans la loi l'importance de la sensibilisation et de la prévention de la lutte contre les violences sexuelles sur mineurs, notamment dans le milieu sportif.

Il inscrit la lutte contre les violences sexuelles sur mineurs et leur prévention dans les principes fondamentaux de l'organisation du sport français, mais également dans les missions de l'Agence nationale du sport et des conférences régionales du sport.

Il rend également obligatoire la mise en place de séances annuelles de prévention et d'information à ce sujet dans le cadre du parcours scolaire.

Il vient enfin rendre obligatoire la mise en place d'enseignements sur la prévention et la lutte contre les violences sexuelles dans le sport, notamment à l'encontre des mineurs, dans les formations aux professions du sport.

L'article 5 complète les attributions de l'Observatoire national de la protection de l'enfance en consacrant explicitement son rôle dans la lutte contre les violences sexuelles, notamment dans le milieu sportif.

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