EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
En 2018, les frais bancaires payés par les Françaises et les Français aux établissements bancaires s'élevaient à 6,5 milliards d'euros. Ces montants ont été prélevés par les banques directement sur les comptes de celles et de ceux qui ont du mal à terminer leurs fins de mois, et pour lesquels d'ailleurs la fin du mois commence de plus en plus tôt.
L'association 60 millions de consommateurs considérait en 2018 que ces frais liés aux incidents de paiement coûtaient chaque année, en moyenne, 34 € à chaque Français. Pour les Françaises et les Français qui rencontrent des difficultés financières persistantes, la facture est presque multipliée par dix et avoisine les 300 €.
Toujours selon cette étude, un foyer en difficulté financière sur cinq était prélevé à hauteur de 500 € par an. Une telle somme doit être mise en comparaison avec le montant perçu par un bénéficiaire du RSA, ou encore avec le niveau du seuil de pauvreté.
De tels prélèvements hypothèquent très largement toute possibilité de sortie des difficultés que rencontrent les personnes concernées. Le groupe socialiste et républicain du Sénat estime que cette situation n'est pas acceptable sur un plan tant politique que moral. En France, en 2019, 3,6 millions de personnes sont considérées comme étant en situation de fragilité bancaire, selon le l' Observatoire de l'inclusion bancaire . Ce sont ainsi autant de Français qui auraient dû bénéficier d'un plafonnement des frais bancaires.
D'après une étude d'octobre 2019, réalisée conjointement par l'association 60 millions de consommateurs et l' UNAF , 78 % des personnes en situation d'endettement n'ont bénéficié d'aucun plafonnement. De plus, 91 % des clients ayant moins de 1 800 € de revenus payaient plus de 40 € de frais pour incidents par mois.
Or, le Président de la République s'était engagé, le 11 décembre 2018, à plafonner les frais bancaires pour les plus fragiles de nos concitoyens. À ce jour, cette parole n'a pas été suivie d'effet. À l'heure où la pauvreté a augmenté dans notre pays, à hauteur de 0,6 % en 2018 d'après l'Insee, il est fondamental que le Sénat se saisisse de cette problématique. La présente proposition de loi s'inscrit donc dans cette démarche.
Nous souhaitons remédier à cette problématique. Nous voulons protéger nos concitoyens les plus fragiles en instaurant un plafonnement effectif et efficient des frais bancaires et de gestion.
Son article unique vise à modifier l'article L. 312-1-3 du code monétaire et financier. Plus précisément, il intègre dans les plafonnements définis par décret la problématique des frais bancaires, qui connaissent une croissance très soutenue ces dernières années et servent aux établissements bancaires de variables d'ajustement pour leurs marges. Ainsi, les plafonnements s'appliqueraient à la fois aux sommes perçues par les banques pour les incidents de paiement et pour la gestion des comptes bancaires. Ces derniers étant clairement définis par voie décrétale 1 ( * ) , il n'y a pas lieu d'intégrer dans la loi une liste précise et exhaustive de ces frais bancaires.
En deuxième lieu, l'article proposé vise à établir que les plafonds spécifiques dont peuvent disposer les personnes en situation de fragilité bancaire sont au maximum égaux au tiers du plafond général existant.
Enfin, dans la mesure où il est avéré que les établissements bancaires ne sont pas suffisamment coopératifs en matière de reconnaissance des personnes en situation de fragilité bancaire, l'article ouvre à la Banque de France, aux Présidents de conseil départemental, de centre communal d'action sociale ou de centre intercommunal d'action sociale la possibilité d'exiger d'un établissement bancaire, sous huitaine, l'application du statut de personne en situation de fragilité bancaire.
* 1 Décret n° 2014-373 du 27 mars 2014 relatif à la dénomination commune des principaux frais et services bancaires