EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs
La justice des mineurs concerne à la fois les mineurs en danger dans le cadre de la justice civile au titre des articles 375 et suivants du code civil, ainsi que les mineurs ayant commis des actes de délinquance dans le cadre de la justice pénale, au titre de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante.
Dans ces deux domaines, c'est le juge des enfants qui est compétent à ce jour pour prendre la décision judiciaire. Chaque année, près de 383.000 mineurs sont ainsi pris en charge par la justice.
À ce jour, le juge des enfants peut aussi bien connaître des infractions commises par un mineur que des situations où un mineur a besoin d'être protégé, ce qui n'est pas sans soulever des interrogations relatives à l'impartialité du juge et au respect des droits fondamentaux du mineur, notamment au droit d'avoir un procès équitable.
En effet, le même juge peut suivre des dossiers relatifs à un même mineur en matière d'assistance éducative et en matière pénale.
Il apparaît donc essentiel qu'un juge des enfants qui a suivi un mineur en assistance éducative ne soit pas le magistrat qui préside le tribunal pour enfants sur un dossier le concernant.
Le fait qu'un autre magistrat, bien sûr juge des enfants, puisse intervenir au moment du passage d'un mineur devant le tribunal pour enfants présenterait d'autres avantages que le simple respect des droits fondamentaux de ce dernier. En effet, si le mineur est toujours suivi par un même juge en assistance éducative, au pénal pendant la phase d'avant jugement, et à l'audience du tribunal pour enfants, aucun regard extérieur susceptible de repérer les éventuels manques ou défaillances n'est porté sur lui. Or dans ces domaines si délicats, il est peut-être plus qu'ailleurs indispensable que plusieurs magistrats, partageant la même spécialisation, se penchent à un moment ou un autre sur le même dossier. C'est justement parce que l'accompagnement des mineurs est une chose très délicate qu'il n'est pas souhaitable que sur le long terme un seul magistrat soit le maître de tout le processus, avec ses idées, ses options, son caractère, et sa subjectivité.
Par ailleurs, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel s'est prononcé en ce sens sur la composition du Tribunal des enfants dans sa décision du 8 juillet 2011 : il a censuré l'article L. 251-3 du code de l'organisation judiciaire qui permet au juge des enfants ayant instruit le dossier et renvoyé le mineur pour jugement, de présider ensuite le tribunal pour enfants.
Le juge constitutionnel a ainsi mis fin au possible cumul de fonctions d'instruction et de jugement du juge des enfants en matière correctionnelle, que l'on avait coutume de justifier par les particularités du droit pénal des mineurs.
Auparavant, quand un dossier pénal était ouvert auprès d'un juge des enfants, c'était très souvent le même magistrat qui, une fois la période d'investigations terminée, présidait le tribunal pour enfants, avec à ses côtés deux assesseurs non professionnels mais compétents dans le domaine de l'enfance.
Sur ce point, il appartient désormais au législateur de mettre la loi en conformité avec la décision du Conseil constitutionnel du 8 juillet 2011.
La présente proposition de loi relative aux compétences du juge des enfants a, par conséquent, pour objet de faire respecter les droits fondamentaux lors des procès concernant les mineurs, notamment le droit au procès équitable pour les mineurs en dissociant le magistrat en charge de l'instruction.
Ainsi, conformément à la décision n° 2011-147 QPC du 8 juillet 2011 du Conseil constitutionnel, le juge des enfants qui a instruit une affaire concernant un mineur au titre de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante ne peut pas présider le tribunal pour enfants sur cette même affaire ( article 1 er ).
De même, en raison de la complexité des affaires relatives aux mineurs, il est indispensable que plusieurs magistrats se penchent à un moment ou à un autre sur le dossier relatif à un mineur. Ainsi, pour éviter qu'un seul magistrat ne soit le maître de tout le processus concernant le dossier d'un mineur et pour garantir l'impartialité du juge, le juge des enfants qui suit un mineur en matière d'assistance éducative ne doit pas connaître les affaires de ce mineur relevant du pénal ( article 2 ).
En vertu de l'article L. 252-1 du code de l'organisation judiciaire, il y a au moins un juge des enfants au siège de chaque tribunal pour enfants. Les juridictions les plus modestes n'ont donc qu'un seul magistrat pour traiter toutes les affaires relatives aux mineurs. Ainsi afin de garantir l'efficience des articles précédents, l'article 3 de la présente proposition de la loi dispose que la présidence du tribunal pour enfants peut être assurée par un juge des enfants d'un tribunal pour enfants situé dans le ressort de la cour d'appel et désigné par ordonnance du premier président, lorsque le juge des enfants concerné par l'affaire est touché par une des incompatibilités visées aux articles 1 er et 2 de la proposition de la loi.