EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le 12 février 2020 le Gouvernement a déposé au Sénat un projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière.
L'objet de la présente lettre rectificative est d'insérer à ce projet de loi deux articles : l'un visant à adapter la réglementation française au droit de l'Union européenne afin d'harmoniser les conditions d'utilisation, d'accès et de vente des médicaments vétérinaires sur le marché intérieur (article 22) ; l'autre habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnances diverses mesures rendues nécessaires à la fin de la période de transition prévue à l'article 126 de l'accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne et de la Communauté européenne de l'énergie atomique (article 23).
L' article 22 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures permettant l'adaptation du code rural et de la pêche maritime, du code de la santé publique et du code de la consommation à l'évolution de la réglementation européenne dans le domaine des médicaments vétérinaires qui résulte, à titre principal, du règlement (UE) 2019/6 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relatif aux médicaments vétérinaires, ainsi que du règlement (UE) 2019/5 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 modifiant le règlement (CE) 726/2004 établissant des procédures communautaires pour l'autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire et du règlement (UE) 2019/4 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 concernant la fabrication, la mise sur le marché et l'utilisation d'aliments médicamenteux pour animaux.
Ces textes, qui procèdent à la révision du dispositif régissant les médicaments vétérinaires et les aliments médicamenteux pour animaux, actuellement fixé par des directives qu'ils abrogent, visent notamment à améliorer le fonctionnement du marché intérieur, à accroître la disponibilité des médicaments vétérinaires dans l'Union européenne, à alléger la charge administrative et à favoriser l'innovation. Ces trois règlements entrent en application le 28 janvier 2022.
L' article 23 a pour objet, dans le contexte de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, d'habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnances diverses mesures rendues nécessaires pour tirer les conséquences de la fin de la période de transition prévue à l'article 126 de l'accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne et de la Communauté européenne de l'énergie atomique.
Lors du référendum sur l'appartenance du Royaume-Uni à l'Union européenne organisé le 23 juin 2016, 51,89 % des votants se sont déterminés en faveur du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne.
Conformément à ce vote, le Premier ministre britannique a formellement notifié, par lettre adressée le 29 mars 2017 au Président du Conseil européen, l'intention du Royaume-Uni de se retirer de l'Union européenne et d'Euratom, sur le fondement de l'article 50 du Traité sur l'Union européenne (TUE).
Le 17 octobre 2019, le Conseil européen, réuni en format « article 50 » à 27 États membres, a approuvé l'accord de retrait tel qu'il a été convenu par les négociateurs des deux parties ainsi qu'une déclaration politique sur le cadre des futures relations entre l'Union européenne et le Royaume-Uni. L'accord de retrait a été signé par les représentants des deux parties le 24 janvier 2020 puis approuvé par le Parlement européen, le 29 janvier suivant. Le 30 janvier 2020, le Conseil a adopté la décision relative à la conclusion de l'accord de retrait au nom de l'Union européenne. Cet accord est entré en vigueur le 31 janvier 2020 à minuit. Depuis cette date, le Royaume-Uni n'est plus un État membre de l'Union européenne ; il est devenu, à son égard, un pays tiers.
L'accord de retrait assure un retrait ordonné du Royaume-Uni de l'Union. Il porte sur les droits des citoyens, le règlement financier, une période de transition, les protocoles sur l'Irlande et l'Irlande du Nord, Chypre et Gibraltar, la gouvernance et d'autres questions relatives à la séparation.
L' article 126 de l'accord de retrait instaure une période de transition, laquelle a commencé à la date d'entrée en vigueur de cet accord et s'achèvera le 31 décembre 2020.
Tout au long de la période de transition et sauf disposition contraire de l'accord de retrait, le droit de l'Union européenne demeure applicable au Royaume-Uni et sur son territoire. La situation des citoyens, consommateurs, entreprises, investisseurs, étudiants ou encore chercheurs demeure inchangée à cet égard, tant dans l'Union européenne qu'au Royaume-Uni. Le Royaume-Uni aura accès, durant cette période de transition, au marché intérieur et à l'Union douanière, comme il en a manifesté le souhait.
Cette période de transition vise en particulier à permettre aux citoyens, aux entreprises et aux administrations publiques de s'adapter aux conséquences de la fin de l'application du droit de l'Union au Royaume-Uni à la fin de la transition.
Pendant cette période, le Royaume-Uni, devenu pays tiers, n'est plus représenté au sein des institutions de l'Union et ne prend plus part, sauf disposition contraire, à son processus décisionnel.
En vertu de l'article 132 de l'accord de retrait, la période de transition peut être prolongée une fois pour une durée d'un ou deux ans, à condition que les deux parties, réunies au sein d'un comité mixte, en conviennent avant le 1 er juillet 2020.
L'Union européenne et le Royaume-Uni négocient désormais un nouveau partenariat pour l'avenir, qui définira la relation future entre l'Union européenne et le Royaume-Uni, conformément aux grands principes fixés par la déclaration politique agréée conjointement avec l'accord de retrait, en vue d'aboutir à un « partenariat ambitieux, large, approfondi et souple en matière de coopération commerciale et économique - avec en son centre un accord de libre-échange complet et équilibré -, de services répressifs et de justice pénale, de politique étrangère, de sécurité et de défense, ainsi que dans des domaines de coopération plus larges » . La déclaration politique sur les relations futures précise également que « les relations futures reposeront sur un équilibre entre droits et obligations, compte tenu des principes propres à chaque partie. Cet équilibre doit préserver l'autonomie décisionnelle de l'Union et être compatible avec les principes de l'Union, eu égard en particulier à l'intégrité du marché unique et de l'union douanière, et à l'indivisibilité des quatre libertés . ». Par ailleurs, « la période d'appartenance du Royaume-Uni à l'Union a donné lieu à un niveau élevé d'intégration entre les économies de l'Union et du Royaume-Uni, ainsi qu'à un entrelacement du passé et de l'avenir des peuples et des priorités de l'Union et du Royaume-Uni. Les relations futures devront inévitablement tenir compte de ce contexte unique. Bien que les relations futures ne sauraient équivaloir aux droits et obligations découlant du statut d'État membre, les parties conviennent que celles-ci devraient être envisagées avec une ambition élevée pour ce qui est de leur portée et de leur profondeur, et elles sont conscientes que cette approche pourrait évoluer au fil du temps. Il convient par-dessus tout que ces relations servent les intérêts des citoyens de l'Union et du Royaume-Uni, aujourd'hui et à l'avenir. »
Cette négociation est conduite au nom de l'Union et des États membres par la Commission européenne, comme ce fut le cas de la négociation de l'accord de retrait. Cette négociation, qui pourra ainsi couvrir des domaines de compétence relevant de l'Union comme des États membres, est conduite sur le fondement des directives de négociation adoptées par le Conseil (Affaires générales) le 25 février 2020.
Si la relation future entre en vigueur avant la fin de la période de transition (fin 2020 ou fin 2021 ou 2022 en cas de prolongation de cette période), le cadre de la relation future entre l'Union européenne et Royaume-Uni prendra la suite des dispositions régissant la période de transition. La relation future, quelle qu'elle soit, se traduira par des changements qu'il convient d'anticiper.
Le scénario dans lequel un accord sur la relation future ne pourrait entrer en vigueur avant la fin de la période de transition doit cependant être également anticipé. Dans ce cas, aucun accord ne définirait la relation entre l'Union européenne et le Royaume-Uni. Les relations économiques seraient par exemple régies par le cadre prévu par l'Organisation mondiale du commerce.
Dans l'une ou l'autre de ces hypothèses, les acquis de l'accord de retrait perdureront, notamment pour ce qui concerne la protection des droits des citoyens européens et britanniques ayant exercé leur droit de résider ou travailler respectivement au Royaume-Uni et dans l'Union européenne avant la fin de la période de transition.
Dans tous les scenarios, et même avec un cadre établissant une relation la plus complète et étroite possible, le statu quo ne sera ni possible, ni recherché, comme l'indique le paragraphe 5 de la déclaration politique sur les relations futures. Par exemple, des formalités et contrôles douaniers seront remis en place dans tous les cas de figure, comme conséquences de la sortie du Royaume-Uni de l'Union douanière et du marché intérieur.
La période de transition donne le temps aux entreprises et aux particuliers pour anticiper ces changements qui se produiront à la fin de la transition.
Cette situation est différente de la période qui a précédé la conclusion de l'accord de retrait. Par la loi n° 2019-30 du 19 janvier 2019, le Parlement avait habilité le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures de préparation au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne. Plusieurs ordonnances, décrets et arrêtés avaient été pris, afin de préparer la France au scénario d'un retrait du Royaume-Uni sans accord. Ces mesures ne sont pas entrées en vigueur, du fait de l'entrée en vigueur de l'accord de retrait. De même, l'Union européenne avait pris, à son niveau, des mesures d'urgence visant à assurer certains éléments de continuité, lorsqu'ils étaient strictement nécessaires aux personnes et aux entreprises. Son plan d'action couvrait notamment la pêche, le statut des étudiants ERASMUS ou encore la sécurité sociale et la connectivité minimale concernant les transports.
L'objectif du Gouvernement français est d'aboutir à un accord sur les relations futures qui entrerait en vigueur dès la fin de la période de transition et couvrirait l'ensemble des domaines mentionnés par la déclaration politique sur les relations futures.
Le Gouvernement français se doit en tout état de cause de préparer la fin de la période de transition, avec ou sans cadre sur la relation future, et de se préparer à réagir à toutes les éventualités.
L'ensemble des mesures prévues par cet article d'habilitation vise ainsi à permettre au Gouvernement de tirer les conséquences de la fin de la période de transition instituée par l'accord de retrait, et donc de la fin de l'application du droit de l'Union européenne au Royaume-Uni, en adoptant certaines mesures relevant de la compétence des États membres et, en ce qui concerne la France, du domaine de la loi et justifiées par la protection des intérêts de la France.
Ces mesures pourront être nécessaires dans le cas où le cadre d'une relation future serait défini entre l'Union et le Royaume-Uni, si celui-ci rendait nécessaire l'adaptation en conséquence de normes nationales de niveau législatif. Des mesures pourront également être nécessaires dans des champs qui ne seraient pas couverts par le cadre d'une relation future entre l'Union européenne et le Royaume-Uni, que cela découle d'un échec des négociations entre les parties ou de l'incapacité à faire entrer en vigueur un accord avant la fin de la période de transition.
Ces mesures ne pourront pas viser à se substituer à la nécessaire préparation des entreprises et des particuliers, l'objet de la période de transition étant de donner le temps de cette préparation.
Il convient de souligner que le contenu des mesures qui seront finalement adoptées dépendra de l'issue des négociations en cours, qu'il n'est pas possible à ce stade d'anticiper. Le Gouvernement pourra notamment renoncer à l'adoption de telles mesures si les conditions ne sont pas réunies pour leur adoption, en fonction des circonstances et notamment des mesures réciproques adoptées par le Royaume-Uni.
Ces mesures ne pourront intervenir dans un domaine de compétence de l'Union européenne. Elles ne pourront empiéter sur les directives de négociations adoptées par le Conseil (Affaires générales) le 25 février 2020, qui ont confié un mandat de négociation à la Commission européenne, ni ne contrevenir aux dispositions de l'accord de retrait.
Leur adoption fera l'objet, le cas échéant, d'une concertation préalable étroite avec la Commission européenne, dans le plein respect du principe de coopération loyale qui résulte de l'article 4, paragraphe 3, TUE, ainsi que d'une coordination préalable complète avec les autres États membres de l'Union.
Les dispositions adoptées par ordonnance sur le fondement de cet article devront l'être dans un délai de trente mois à compter de sa publication. Ce délai permettra au Gouvernement de prendre les mesures nécessaires quel que soit le terme effectif de la période de transition, lequel pourrait intervenir au plus tôt le 31 décembre 2020 mais pourrait également être fixé au 31 décembre 2021 ou au 31 décembre 2022 si le comité mixte institué par l'accord de retrait prenait une telle décision avant le 1 er juillet 2020, conformément à l'article 132 de cet accord.
Ces mesures concernent les domaines suivants :
1° la désignation de l'autorité nationale de sécurité au sens de la directive (UE) 2016/798 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative à la sécurité ferroviaire, pour la partie de la concession du tunnel sous la Manche située en territoire français.
Des dispositions pourraient être nécessaires pour régler les conséquences de la perte, par la commission intergouvernementale du tunnel sous la Manche, de sa qualité d'autorité nationale de sécurité dans l'hypothèse où la directive (UE) 2016/798 ne serait pas modifiée afin de lui permettre de conserver cette qualité ou si les conditions fixées par cette directive modificative n'étaient pas remplies à cette date, en raison par exemple de l'absence d'accord avec le Royaume-Uni sur ce point.
Dans ces hypothèses, une modification de l'article L. 2221-1 du code des transports serait alors nécessaire et aurait pour objet de désigner l'établissement public de sécurité ferroviaire comme autorité de sécurité.
2° le sort des licences et autorisations de transfert de produits et matériels à destination du Royaume-Uni, délivrées en application des articles L. 2335-10 et L. 2335-18 du code de la défense avant la fin de la période de transition.
À l'issue de la période de transition prévue par l'accord sur le retrait, et indépendamment de la conclusion ou non d'un accord portant sur la relation future entre l'Union et le Royaume-Uni, lequel, en tout état de cause, ne régira pas ce sujet, les licences individuelles et les licences globales de transfert, délivrées à destination du Royaume-Uni en application de l'article L. 2335-10 du code de la défense avant le retrait du Royaume-Uni, ne seront plus valables.
En effet, les flux à destination de ce pays ne relèveront plus du régime de l'article L. 2335-9 du code de la défense, mais de celui de l'article L. 2335-2 du même code. Le changement de la base légale de ces licences est donc nécessaire. Or l'autorité administrative ne peut apporter elle-même de telles modifications aux licences en cours sur le fondement de l'article L. 2335-12.
Compte tenu du nombre estimé de licences en vigueur, de l'ordre de 1 800, de l'impact économique qu'aurait une rupture des échanges qu'elles assurent, de la durée du cycle d'exportation de ces produits (une licence doit être délivrée avant que l'exportateur ne prospecte ses clients potentiels, et fixe généralement un plafond exécuté en plusieurs tranches), du besoin de sécurité juridique des exportateurs et de la complexité administrative qu'imposerait une nouvelle adoption simultanée de l'ensemble des licences à destination du Royaume-Uni, la mesure prise par le Gouvernement consistera à opérer une transformation de ces licences de transfert intra-communautaire en licences d'exportation, jusqu'au terme de ces licences.
En outre, les autorisations de transfert de matériels spatiaux à destination du Royaume-Uni délivrées avant la fin de la période de transition en application de l'article L. 2335-18 du code de la défense ne seront également plus valables à partir de cette date. Une transformation analogue est donc nécessaire.
3° les conditions d'exécution des contrats d'assurance conclus avant la fin de la période de transition avec des entités établies au Royaume-Uni
À compter de la fin de la période de transition instituée par l'accord de retrait, le droit de l'Union européenne ne sera plus applicable aux organismes d'assurance établis au Royaume-Uni, lesquels ne disposeront plus du « passeport européen » qui leur permet d'exercer leur activité sur le territoire de l'Union sous réserve d'une simple notification à l'autorité compétente de l'État d'accueil. Il convient de souligner que, pour la grande majorité des contrats en cours, cela ne soulèvera pas de difficulté juridique dans la mesure où ils devraient être transférés vers des entités relevant du droit de l'Union, conformément à la solution préconisée par les régulateurs européens et nationaux. Néanmoins, afin de protéger les assurés français, et en l'absence d'indication sur les mesures que pourrait comporter sur ce point le partenariat futur en cours de négociation par l'Union européenne avec le Royaume-Uni, une mesure législative pourrait se révéler nécessaire pour sécuriser les transferts ou sécuriser les conditions d'exécution des contrats en cours.
En outre, il est essentiel de garantir que l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution pourra bien continuer à exercer ses pouvoirs de supervision quant à l'exécution de ces contrats et que les procédures d'enquête en cours vis-à-vis d'organismes établis au Royaume-Uni se poursuivront après la fin de la période de transition.
4° l'adaptation des règles pour la gestion de placements collectifs et pour les plans d'épargne en actions dont l'actif ou l'emploi respecte des ratios ou règles d'investissement dans des entités européennes.
La protection des intérêts des épargnants en France pourrait également justifier l'adoption de dispositions législatives permettant de maintenir l'éligibilité de certains titres britanniques à l'actif d'organismes de placement collectif ou de plans d'épargne en actions (y compris les plans d'épargne en actions destinés au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire) dont l'actif ou l'emploi doit respecter des ratios ou règles d'investissement dans des entités européennes.
Eu égard aux incertitudes ouvertes par la fin de la période de transition, le Gouvernement estime par ailleurs indispensable d'être mis en mesure de prendre toute autre mesure législative permettant d'en tirer les conséquences, avec pour seule finalité de sauvegarder les intérêts de la France et sous réserve que de telles mesures ne puissent être prises au niveau de l'Union elle-même. Ces mesures auraient pour objet de régir la situation des ressortissants britanniques résidant en France ou y exerçant une activité, celle des personnes morales établies au Royaume-Uni ou des personnes morales de droit britannique exerçant une activité en France ou encore la situation des personnes morales établies en France dont tout ou partie du capital social ou des droits de vote est détenu par des personnes établies au Royaume-Uni. Tel est l'objet des dispositions figurant au II de cet article.
Enfin, le III fixe à six mois le délai dans lequel des projets de lois de ratification doivent être déposés devant le Parlement à compter de la publication des ordonnances.