EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L'activité législative soutenue du Conseil de l'Union européenne et du Parlement européen ces derniers mois s'est traduite par de substantielles obligations pour les États membres en termes d'adaptation de leur droit économique et financier à l'horizon des années 2020 et 2021.

Il s'agit de réformes essentielles pour consolider le marché intérieur, notamment par des mesures d'harmonisation visant à promouvoir les intérêts des consommateurs et assurer un niveau élevé de protection des consommateurs, et le système financier européen.

Le chapitre I er vise à transposer plusieurs directives et à mettre en conformité le droit national avec divers règlements de l'Union européenne récemment adoptés en matière de protection des consommateurs.

L'article 1 er concerne la transposition en droit interne des nouvelles règles européennes relatives aux contrats de vente de biens et de fourniture de contenus numériques et de services numériques. Il habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures législatives modifiant le code de la consommation et, le cas échéant, tout autre code, pour transposer en droit interne la directive (UE) 2019/770 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 relative à certains aspects concernant les contrats de fourniture de contenus numériques et de services numériques et la directive (UE) 2019/771 du 20 mai 2019 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 relative à certains aspects concernant les contrats de vente de biens, modifiant le règlement (UE) 2017/2394 et la directive 2009/22/CE et abrogeant la directive 1999/44/CE.

Ces deux directives sont fondées, en grande partie, sur le principe d'harmonisation maximale, laissant ainsi peu de marge de manoeuvre aux États membres. Il convient de souligner que les positions françaises pour préserver un niveau élevé de protection du consommateur ont été prises en compte.

La directive 2019/770 relative à la fourniture de contenus et de services numériques recouvre : les données produites et fournies sous forme numérique (par exemple de la musique, des vidéos en ligne, etc.), les services permettant de créer, traiter ou stocker des données sous forme numérique (par exemple le stockage dans le nuage), les services de partage de données ainsi que tout support durable utilisé exclusivement pour transporter un contenu numérique (par exemple, les DVD).

Cette directive instaure un régime analogue à la garantie de conformité des biens physiques pour les contenus et services numériques ne relevant pas du contrat de vente d'un bien. Les contenus numériques et les services numériques, y compris ceux fournis en l'absence de contrepartie financière, seront garantis contre tout défaut de conformité selon les critères prévus au contrat ou habituellement attendus par les consommateurs pour le même type de contenus ou services.

Le délai de garantie minimal est fixé à deux ans, cependant, le délai de présomption d'antériorité du défaut, pendant lequel la charge de la preuve incombe au professionnel, est fixé à un an, sans possibilité pour les États membres de l'étendre. Par ailleurs, les professionnels seront tenus à des obligations analogues à celles prévues par la directive 2019/771 sur la vente de biens, telle que la mise à jour des contenus et services. Les consommateurs bénéficieront de droits spécifiques en cas de modification du contenu ou du service numérique par le professionnel, ou encore s'agissant de la récupération des données lors de la résolution du contrat.

La directive 2019/771 relative à la vente de biens reprend pour l'essentiel les règles relatives à la garantie légale de conformité des biens fixées par la directive 99/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation et les enrichit en ce qui concerne les biens intégrant des éléments numériques. Ces nouvelles règles prévoient que le consommateur dispose, en cas de révélation d'un défaut de conformité d'un bien, d'un droit au remplacement ou à la réparation de ce bien ou lorsque ce n'est pas possible, à une réduction du prix du bien voire à la résolution du contrat- et ce, pendant une période minimale de deux ans. Enfin, la période de présomption d'antériorité du défaut de conformité peut être fixée à un an ou deux ans (au choix des États membres) à compter de la délivrance du bien, ce qui signifie que le délai de deux ans déjà en vigueur en droit national pourra être maintenu.

Cette directive inclut des règles spécifiques pour les biens numériques (définis comme des biens comprenant des contenus et services numériques embarqués, comme, par exemple, les réfrigérateurs intelligents ou les montres intelligentes) en cohérence avec les règles prévues par la directive idoine, qui visent plutôt les contenus et services autonomes. Dans le détail, le professionnel est responsable de la conformité des contenus et services embarqués, soit pendant le délai de garantie, soit durant la période contractuelle (en cas de fourniture « continue » d'un service, par exemple). Les critères de conformité incluent désormais une obligation de mise à jour, dont l'omission pourrait engager la responsabilité du professionnel.

Enfin, sont maintenues les règles nationales prévoyant des modes de dédommagement, non spécifiques aux contrats de consommation, pour les défauts de conformité qui n'étaient pas apparents lors de la conclusion du contrat de vente. Cela permet en particulier de préserver le régime des vices cachés du code civil dont les consommateurs continueront de bénéficier.

L'article 2 est consacré à une meilleure application des règles de protection des consommateurs de l'Union européenne après l'entrée en vigueur de la directive dite « omnibus ».

Il habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures législatives permettant la transposition en droit interne de la directive (UE) 2019/2161 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 modifiant la directive 93/13/CEE, la directive 98/6/CE, la directive 2005/29/CE et la directive 2011/83/UE en ce qui concerne une meilleure application et une modernisation des règles de l'Union en matière de protection des consommateurs.

Cette transposition conduira à introduire dans le code de la consommation plusieurs dispositions visant à une adaptation des règles de protection des consommateurs et à une meilleure effectivité de celles-ci. Il s'agit d'un ensemble de mesures révisant une partie de l'acquis européen en matière de protection des consommateurs présentées dans le cadre d'une « nouvelle donne pour les consommateurs ».

Pour l'essentiel, ces dispositions ont pour objet :

- de lutter plus efficacement contre la différence de qualité des produits de consommation au sein de l'Union européenne vendus sous une même marque par un aménagement sur ce point des règles interdisant les pratiques commerciales trompeuses ;

- d'homogénéiser et de renforcer les sanctions pour des infractions affectant plusieurs États membres et de nombreux consommateurs ;

- de permettre aux États membres de porter à trente jours le délai de rétractation pour certains contrats conclus hors établissements ;

- d'imposer aux places de marché des obligations d'information à l'égard des consommateurs ;

- d'étendre les règles d'information et de protection des consommateurs aux services numériques gratuits (réseaux sociaux) ;

- de renforcer la lutte contre les « faux avis » de consommateurs sur les plateformes ;

- d'encadrer les annonces de réduction de prix par la nécessité pour le professionnel de justifier d'un prix de référence ;

- d'informer le consommateur sur l'application d'un prix personnalisé à partir d'un algorithme.

L'article 3 procède à la mise en conformité du droit national avec le règlement (UE) 2018/302 du Parlement européen et du Conseil du 28 février 2018 visant à contrer le blocage géographique injustifié et d'autres formes de discrimination fondée sur la nationalité, le lieu de résidence ou le lieu d'établissement des clients dans le marché intérieur. L'article proposé vise à répondre à la mise en demeure de la Commission européenne (2019/2195) en créant, dans le code de la consommation, un régime de sanctions administratives ainsi que des habilitations pour les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes afin d'en contrôler l'application.

Par ailleurs, l'article 4 introduit dans le code de la consommation des dispositions visant à lutter, au niveau national, contre des pratiques de blocage géographique injustifié dont sont victimes des consommateurs eu égard à leur lieu de résidence, s'agissant, tout particulièrement de ceux résidant dans les outre-mer de la part de professionnels installés en métropole.

Ces mesures directement inspirées du règlement (UE) 2018/302 qui ne régit pas les situations purement nationales, tiennent compte de la recommandation n° 19 de l'avis 19-A-12 du 4 juillet 2019 de l'Autorité de la concurrence.

L'article 5 concerne la coopération administrative, au sein de l'Union européenne, entre les autorités nationales de contrôle compétentes en matière de protection des consommateurs. Il porte les dispositions d'adaptation du code de la consommation au règlement (UE) 2017/2394 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2017 sur la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l'application de la législation en matière de protection des consommateurs et abrogeant le règlement (CE) n° 2006/2004. Le règlement répond aux lacunes observées dans la lutte contre les infractions transfrontières commises sur le territoire de l'Union européenne et contribue à plus grande effectivité de la législation en matière de protection des consommateurs.

À cet égard, sa mise en oeuvre nécessite que pour prévenir tout risque de préjudice grave aux intérêts des consommateurs en cas d'infraction ou de manquement aux règles de protection des consommateurs et lorsqu'aucun autre moyen efficace n'existe pour faire cesser cette infraction ou ce manquement, l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation soit dotée du pouvoir d'ordonner des mesures de restriction d'accès à une interface en ligne ou qu'un message d'avertissement s'affiche clairement sur celle-ci, ainsi que d'enjoindre aux opérateurs de registre ou aux bureaux d'enregistrement de domaines de supprimer un nom de domaine complet et de permettre à une autorité compétente de l'enregistrer.

Le chapitre II contient de nouvelles dispositions relatives à la surveillance du marché et à la conformité des produits.

L'article 6 contient des mesures d'adaptation du code de la consommation avec les dispositions du règlement (UE) 2019/1020 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 sur la surveillance du marché prévoyant que les autorités nationales compétentes soient en mesure d'effectuer les inspections nécessaires sur place et d'être habilitées à accéder à tous les locaux, terrains et moyens de transport que l'opérateur économique utilise à des fins liées à son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale. À cette fin, l'article donne habilitation aux agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

Le chapitre III vise à transposer en droit interne une directive européenne et à mettre en conformité le droit national avec un règlement européen, récemment adoptés dans le but de garantir des relations interentreprises équilibrées et loyales.

L'article 7 habilite le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance les mesures législatives permettant, d'une part, de transposer la directive (UE) 2019/633 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur les pratiques commerciales déloyales dans les relations interentreprises au sein de la chaîne d'approvisionnement agricole et alimentaire, et, d'autre part, de mettre en oeuvre le règlement (UE) 2019/1150 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 promouvant l'équité et la transparence pour les entreprises utilisatrices de services d'intermédiation en ligne, dit « PtoB ».

La directive (UE) 2019/633, d'harmonisation minimale, a pour objectif de protéger les fournisseurs de la chaîne d'approvisionnement alimentaire des pratiques abusives. La transposition devrait conduire à modifier le titre IV du livre IV du code de commerce et, le cas échéant, tout autre code. Cette directive vise à lutter contre les pratiques commerciales déloyales entre acheteurs et fournisseurs de produits alimentaires ou agricoles. Pour l'essentiel, ses dispositions ont pour objet d'interdire ou de réputer déloyales certaines clauses entre un fournisseur PME et un acheteur de plus grande taille, jusqu'à un certain palier de chiffre d'affaires. La directive prévoit, par ailleurs, des dispositions pour renforcer la coopération entre les autorités des États membres et impose de désigner une autorité publique de contrôle chargée de faire recueillir les plaintes des fournisseurs, le cas échéant de manière anonyme, et de faire appliquer les principes de la directive en disposant notamment d'un pouvoir d'injonction et de sanction dissuasive.

Le règlement (UE) 2019/1150 s'applique aux services d'intermédiation en ligne et aux moteurs de recherche en ligne fournis ou proposés aux entreprises utilisatrices dont le lieu d'établissement ou de résidence se situe dans l'Union, et qui proposent des biens ou services à des consommateurs situés dans l'Union, quel que soit le lieu d'établissement ou de résidence des fournisseurs de ces services et quel que soit par ailleurs le droit applicable.

Ce règlement contient différentes obligations mises à la charge des plateformes en matière de transparence (contenu des conditions générales des plateformes, critères de classement, accès aux données, etc.), et de loyauté (modalités de changement des conditions générales, modalités de résiliation ou de suspension du service, interdiction des changements rétroactifs des conditions générales). Il contient également des dispositions relatives au traitement des plaintes des utilisateurs de la plateforme et au recours à la médiation.

En outre, certaines des obligations du règlement sont mises à la charge des États membres. Il s'agit notamment des mesures applicables aux manquements au règlement par les plateformes (sanctions effectives, dissuasives et proportionnées), mais également de la mise en place de procédures permettant aux utilisateurs du service d'intermédiation de saisir la justice pour faire cesser des manquements au règlement.

Les modifications envisagées du code de commerce sont donc destinées à assurer l'application des dispositions du règlement (habilitation de l'autorité administrative compétente), sanctions applicables, action en justice pour les entreprises utilisatrices), et ce de façon cohérente avec les dispositions et les sanctions qui existent par ailleurs en matière de pratiques restrictives de concurrence au niveau national.

Le droit français est doté depuis longtemps d'une réglementation en la matière transversale et plus protectrice que la directive 2019/633 et le règlement 2019/1150. Il est donc largement conforme aux standards européens résultant de ces deux textes. Toutefois leur transposition et mise en application respective nécessite de modifier les textes pour assurer une articulation technique conforme au droit de l'Union européenne sans affaiblir l'efficacité du dispositif national.

Le chapitre IV porte les dispositions d'adaptation du droit interne en matière de règlementation douanière.

L'article 8 est relatif à l'adaptation du code des douanes pour tenir compte du règlement (UE) n° 2015/1525 du Parlement Européen et du Conseil du 9 septembre 2015 modifiant le règlement (CE) n° 515/97 du Conseil relatif à l'assistance mutuelle entre les autorités administratives des États membres et à la collaboration entre celles-ci et la Commission en vue d'assurer la bonne application des réglementations douanière et agricole. L'article 10 modifie l'article 410 du code des douanes afin de renforcer les capacités de l'administration des douanes à sanctionner les manquements à l'obligation de notification des messages sur le statut des conteneurs, prévue par l'article 18 bis du règlement (CE) n° 515/97 du Conseil du 13 mars 1997 modifié, relatif à l'assistance mutuelle entre les autorités administratives des États membres et à la collaboration entre celles-ci et la Commission en vue d'assurer la bonne application des réglementations douanière et agricole. Cette mesure s'inscrit dans le cadre de la lutte contre les fraudes fiscales ayant un impact sur les intérêts financiers de l'Union européenne et notamment sur les ressources propres traditionnelles (droits de douane et droits anti-dumping notamment).

L'article 9 est relatif à l'adaptation du code général des impôts et du code rural et de la pêche maritime au règlement délégué 2018/273 de la Commission du 11 décembre 2017 portant sur l'autorisation de plantations de vigne, le casier viticole, les documents d'accompagnement et la certification, le registre des entrées et des sorties, les déclarations obligatoires, les notifications et la publication des informations notifiées, abrogeant le règlement (CE) n° 436/2009 de la Commission. Cet article a pour objet de sécuriser les procédures de déclaration exigées par le droit de l'Union et les dispositifs de sanctions encourues en cas de manquement à ces obligations déclaratives ou aux règles régissant la gestion du foncier vitivinicole en visant dans les dispositions nationales le texte européen en vigueur, de mettre en conformité le droit national au regard d'obligations résultant du droit européen et de procéder à une simplification administrative.

L'article 10 met en conformité les articles 86 à 94 du code des douanes avec l'article 18 du règlement (UE) n° 952/2013 du Parlement européen et du Conseil du 9 octobre 2013 établissant le code des douanes de l'Union (CDU), permettant à toute personne d'accomplir des formalités ou des actes liés à la réglementation douanière en représentation directe ou indirecte. Il est donc mis fin au monopole de certains actes de représentation en douane pour les professionnels du dédouanement disposant d'un agrément de commissionnaire en douane. Dorénavant, sous réserve de satisfaire aux conditions d'enregistrement préalable, toute personne peut devenir représentant en douane et agir au nom et pour le compte de la personne représentée.

L'article 11 est relatif à l'adaptation du code monétaire et financier avec le règlement (UE) 2018/1672 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2018 relatif aux contrôles de l'argent liquide entrant dans l'Union ou sortant de l'Union et abrogeant le règlement (CE) n° 1889/2005, « cash control ». L'article ainsi rédigé permettra de prévoir la sanction applicable en cas de non-exécution des obligations prévues par ce règlement, d'organiser les modalités de contrôle du respect des nouvelles obligations qu'il prévoit concernant les flux d'argents dits « non accompagnés » soit l'argent envoyé par la Poste par fret (y compris fret express) ou par transporteur et de renforcer les garanties encadrant la rétention administrative des sommes non déclarées ou mal déclarées. Les modifications du code monétaire et financier sont rendues applicables dans les collectivités d'outre-mer.

Le chapitre V porte les dispositions procédant à la transposition de directives ou à l'adaptation du droit interne en matière financière.

L'article 12 habilite le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance les mesures nécessaires à la mise en oeuvre de la directive n° 2019/2162 du Parlement Européen et du Conseil du 27 novembre 2019 concernant l'émission d'obligations garanties et la surveillance publique des obligations garanties et modifiant la directive 2009/65/CE et la directive 2014/59/UE qui a été publiée le 18 décembre2019.

Des modifications législatives, portant sur les règles essentielles des obligations garanties, sont nécessaires pour amender à la marge le code monétaire et financier, le droit français étant en grande partie conforme aux dispositions de cette directive qui, par ailleurs, a vocation à réaliser une harmonisation minimale.

L'article 13 habilite le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance les mesures nécessaires à la transposition de la directive (UE) 2019/2034 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 concernant la surveillance prudentielle des entreprises d'investissement et modifiant les directives 2002/87/CE, 2009/65/CE, 2011/61/UE, 2013/36/UE, 2014/59/UE et 2014/65/UE. La directive devra être transposée d'ici le 26 juin 2021.

Le droit français, en grande partie conforme aux dispositions de la directive, notamment en vertu du chapitre I er du titre I er du livre V, du titre III du livre V du code monétaire et financier sera modifié à la marge s'agissant, pour l'essentiel, de dispositions liées à la rémunération des preneurs de risque et des dirigeants effectifs des entreprises d'investissement.

L'article 14 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance les dispositions pour transposer en droit interne la directive (UE) 2019/1160 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 modifiant les directives 2009/65/CE et 2011/61/UE en ce qui concerne la distribution transfrontalière des organismes de placement collectif.

L'article 15 vient modifier le A du III de l'article 200 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises autorisant le Gouvernement à prendre par ordonnance les dispositions de transposition de directive n° 2019/878 du 20 mai 2019 du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2013/36/UE en ce qui concerne les entités exemptées, les compagnies financières holding, les compagnies financières holding mixtes, la rémunération, les mesures et pouvoirs de surveillance et les mesures de conservation des fonds propres, et de la directive n° 2019/879 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 modifiant la directive 2014/59/UE en ce qui concerne la capacité d'absorption des pertes et de recapitalisation des établissements de crédit et des entreprises d'investissement et la directive 98/26/CE. Cette modification vise à sécuriser le champ de l'habilitation par la mention de la référence au numéro du texte désormais publié des directives au Journal officiel de l'Union européenne.

L'article 16 rétablit une disposition du code de commerce portant sur la nullité de clauses interdisant la cession de créances, supprimée par l'ordonnance du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du code de commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées. Il est apparu postérieurement à l'entrée en vigueur de cette ordonnance que la disposition supprimée revêtait une importance pour les établissements du secteur financier opérant des cessions de créances, dans le cadre d'opérations de refinancement ou de crédit dans lesquelles la cession intervient à titre de garantie.

Le chapitre VI porte sur les dispositions améliorant le fonctionnement du marché intérieur visant la transposition d'une directive, la mise en conformité du droit national avec divers règlements de l'Union européenne récemment adoptés et l'extinction d'un précontentieux européen.

L'article 17 insère un nouvel article dans le livre des procédures fiscales permettant aux administrations fiscales (DGFiP et DGDDI), pour satisfaire à leurs obligations de transparence en matière d'aides d'État, d'être déliées du secret professionnel et lorsqu'elles sont tenues de transmettre certaines données fiscales en vue de leur publication en application des règlements d'exemption déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du TFUE ainsi qu'en application de la communication de la Commission européenne du 27 juin 2014 (2014/C 198/02) et des lignes directrices applicables aux différentes catégories d'aides d'État.

Il a pour objet de permettre aux administrations fiscales de respecter les obligations qui leur incombent en matière de transparence des dispositifs fiscaux qui constituent des aides d'État.

En effet, dans le cadre de sa politique de modernisation des aides d'État, la Commission européenne a introduit de nouvelles exigences en matière de transparence, qui constituent désormais un critère de compatibilité des aides d'État. En particulier, certaines informations relatives aux entreprises bénéficiaires d'aides d'un montant supérieur ou égal à 500 000 euros (ou d'un autre seuil applicable) doivent désormais être publiées.

Or l'obligation de secret professionnel en matière fiscale peut actuellement faire obstacle à la transmission de toute information recueillie par l'administration fiscale dans le cadre des opérations d'assiette, de contrôle, de recouvrement ou de contentieux des impôts, droits, taxes et redevances prévus au code général des impôts, sauf dans les cas prévus par la loi ou lorsque les normes européennes en matière de transparence sont d'effet direct. À cet égard, le droit interne empêche, lorsque l'obligation de transparence n'est pas d'effet direct, la publication d'informations relatives aux bénéficiaires d'aides fiscales.

L'article adapte donc cette obligation de secret professionnel dans la stricte mesure nécessaire à sa compatibilité avec les nouvelles exigences de la politique européenne de contrôle des aides d'État.

L'article 18 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures permettant l'adaptation du code rural et de la pêche maritime (CRPM) au règlement du règlement (UE) n° 2016/1012 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 relatif aux conditions zootechniques et généalogiques applicables à l'élevage, aux échanges et à l'entrée dans l'Union de reproducteurs de race pure, de reproducteurs porcins hybrides et de leurs produits germinaux (RZUE).

Ce règlement, a libéralisé le secteur de la génétique animale. Il prévoit notamment les conditions dans lesquelles sont agrées les organismes de sélection, ainsi que les conditions d'exercice par ces organismes de leurs activités.

Il impose aux États membres de prévoir plusieurs dispositions permettant d'assurer un contrôle effectif de sa mise en oeuvre. La règlementation nationale comporte, de ce point de vue, des lacunes relatives au pouvoir de contrôle des agents qui en sont chargés, et aux sanctions devant être prises en cas de constat de manquement, qui relèvent du pouvoir législatif. Par ailleurs, plusieurs dispositions du CRPM sont manifestement contraires aux dispositions du règlement RZUE. Or celui-ci est entré en application le 1 er novembre 2018.

En l'absence de mise en place de contrôles et de sanctions, le règlement RZUE prévoit un mécanisme de sanction des États membres, pouvant aller jusqu'à l'interdiction des échanges (après démonstration par la Commission européenne d'un risque de défaillance grave).

Il est donc nécessaire d'adapter les dispositions du livre VI du CRPM relatives à la génétique animale, pour tirer les conséquences de l'entrée en vigueur de ce règlement, et de prévoir les modalités de contrôle du respect de ses dispositions.

L'article 19 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures permettant l'adaptation du code rural et de la pêche maritime au règlement (UE) 2016/429 du Parlement Européen et du Conseil du 9 mars 2016 relatif aux maladies animales transmissibles et modifiant et abrogeant certains actes dans le domaine de la santé animale. Ce règlement fixe des règles générales et particulières pour la prévention et la lutte contre les maladies animales transmissibles et instaure une stratégie harmonisée en matière de santé animale dans l'ensemble de l'Union. Applicable à partir du 21 avril 2021, il abroge une trentaine de directives et règlements existants et nécessite de ce fait une révision de la partie législative du code rural et de la pêche maritime, notamment de son livre II.

L'article 20 modifie l'article L. 642-1-1 du code de l'énergie en supprimant le qualificatif d'entité centrale de stockage qui avait été attribué à la société anonyme de gestion des stocks de sécurité (SAGESS), entreprise industrielle et commerciale à vocation marchande, cette qualification n'ayant pas d'utilité dans le dispositif de gestion des stocks stratégiques pétroliers français et fragilisant sa souplesse de fonctionnement. Cette disposition résulte de la mise en oeuvre d'une option offerte aux États membres par la directive 2009/119/CE du Conseil du 14 septembre 2009 qui fait obligation aux États membres de maintenir un niveau minimal de stocks de pétrole brut et/ou de produits pétroliers que la France a attribué en 2012 à la SAGESS.

Le chapitre VII comprend des dispositions relatives à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme.

L'article 21 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi afin de transposer la directive 2019/1153 fixant les règles facilitant l'utilisation d'informations financières et d'une autre nature aux fins de la prévention ou de la détection de certaines infractions pénales, ou des enquêtes ou des poursuites en la matière pour laquelle la date limite de transposition est fixée au 1 er août 2021.

La directive 2019/1153 établit des mesures visant à faciliter l'accès aux informations financières et aux informations relatives aux comptes bancaires, ainsi que l'utilisation de ces informations, par les autorités compétentes, aux fins de la prévention ou de la détection d'infractions pénales graves, ou des enquêtes ou des poursuites en la matière. Elle favorise aussi l'accès des cellules de renseignement financier (CRF) aux informations en matière répressive pour prévenir et combattre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et les infractions sous-jacentes associées. Elle a pour objectif d'améliorer la coopération entre les CRF ainsi qu'entre les CRF et les différentes autorités chargées de la prévention ou de la détection des infractions pénales, ou des enquêtes ou des poursuites.

L'article 22 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures permettant l'adaptation du code rural et de la pêche maritime, du code de la santé publique et du code de la consommation à l'évolution de la réglementation européenne dans le domaine des médicaments vétérinaires qui résulte, à titre principal, du règlement (UE) 2019/6 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relatif aux médicaments vétérinaires, ainsi que du règlement (UE) 2019/5 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 modifiant le règlement (CE) 726/2004 établissant des procédures communautaires pour l'autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire et du règlement (UE) 2019/4 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 concernant la fabrication, la mise sur le marché et l'utilisation d'aliments médicamenteux pour animaux.

Ces textes, qui procèdent à la révision du dispositif régissant les médicaments vétérinaires et les aliments médicamenteux pour animaux, actuellement fixé par des directives qu'ils abrogent, visent notamment à améliorer le fonctionnement du marché intérieur, à accroître la disponibilité des médicaments vétérinaires dans l'Union européenne, à alléger la charge administrative et à favoriser l'innovation. Ces trois règlements entrent en application le 28 janvier 2022.

L'article 23 a pour objet, dans le contexte de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, d'habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnances diverses mesures rendues nécessaires pour tirer les conséquences de la fin de la période de transition prévue à l'article 126 de l'accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne et de la Communauté européenne de l'énergie atomique.

Lors du référendum sur l'appartenance du Royaume-Uni à l'Union européenne organisé le 23 juin 2016, 51,89 % des votants se sont déterminés en faveur du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne.

Conformément à ce vote, le Premier ministre britannique a formellement notifié, par lettre adressée le 29 mars 2017 au Président du Conseil européen, l'intention du Royaume-Uni de se retirer de l'Union européenne et d'Euratom, sur le fondement de l'article 50 du Traité sur l'Union européenne (TUE).

Le 17 octobre 2019, le Conseil européen, réuni en format « article 50 » à 27 États membres, a approuvé l'accord de retrait tel qu'il a été convenu par les négociateurs des deux parties ainsi qu'une déclaration politique sur le cadre des futures relations entre l'Union européenne et le Royaume-Uni. L'accord de retrait a été signé par les représentants des deux parties le 24 janvier 2020 puis approuvé par le Parlement européen, le 29 janvier suivant. Le 30 janvier 2020, le Conseil a adopté la décision relative à la conclusion de l'accord de retrait au nom de l'Union européenne. Cet accord est entré en vigueur le 31 janvier 2020 à minuit. Depuis cette date, le Royaume-Uni n'est plus un État membre de l'Union européenne ; il est devenu, à son égard, un pays tiers.

L'accord de retrait assure un retrait ordonné du Royaume-Uni de l'Union. Il porte sur les droits des citoyens, le règlement financier, une période de transition, les protocoles sur l'Irlande et l'Irlande du Nord, Chypre et Gibraltar, la gouvernance et d'autres questions relatives à la séparation.

L'article 126 de l'accord de retrait instaure une période de transition, laquelle a commencé à la date d'entrée en vigueur de cet accord et s'achèvera le 31 décembre 2020.

Tout au long de la période de transition et sauf disposition contraire de l'accord de retrait, le droit de l'Union européenne demeure applicable au Royaume-Uni et sur son territoire. La situation des citoyens, consommateurs, entreprises, investisseurs, étudiants ou encore chercheurs demeure inchangée à cet égard, tant dans l'Union européenne qu'au Royaume-Uni. Le Royaume-Uni aura accès, durant cette période de transition, au marché intérieur et à l'Union douanière, comme il en a manifesté le souhait.

Cette période de transition vise en particulier à permettre aux citoyens, aux entreprises et aux administrations publiques de s'adapter aux conséquences de la fin de l'application du droit de l'Union au Royaume-Uni à la fin de la transition.

Pendant cette période, le Royaume-Uni, devenu pays tiers, n'est plus représenté au sein des institutions de l'Union et ne prend plus part, sauf disposition contraire, à son processus décisionnel.

En vertu de l'article 132 de l'accord de retrait, la période de transition peut être prolongée une fois pour une durée d'un ou deux ans, à condition que les deux parties, réunies au sein d'un comité mixte, en conviennent avant le 1 er juillet 2020.

L'Union européenne et le Royaume-Uni négocient désormais un nouveau partenariat pour l'avenir, qui définira la relation future entre l'Union européenne et le Royaume-Uni, conformément aux grands principes fixés par la déclaration politique agréée conjointement avec l'accord de retrait, en vue d'aboutir à un « partenariat ambitieux, large, approfondi et souple en matière de coopération commerciale et économique - avec en son centre un accord de libre-échange complet et équilibré -, de services répressifs et de justice pénale, de politique étrangère, de sécurité et de défense, ainsi que dans des domaines de coopération plus larges ». La déclaration politique sur les relations futures précise également que « les relations futures reposeront sur un équilibre entre droits et obligations, compte tenu des principes propres à chaque partie. Cet équilibre doit préserver l'autonomie décisionnelle de l'Union et être compatible avec les principes de l'Union, eu égard en particulier à l'intégrité du marché unique et de l'union douanière, et à l'indivisibilité des quatre libertés. ». Par ailleurs, « la période d'appartenance du Royaume-Uni à l'Union a donné lieu à un niveau élevé d'intégration entre les économies de l'Union et du Royaume-Uni, ainsi qu'à un entrelacement du passé et de l'avenir des peuples et des priorités de l'Union et du Royaume-Uni. Les relations futures devront inévitablement tenir compte de ce contexte unique. Bien que les relations futures ne sauraient équivaloir aux droits et obligations découlant du statut d'État membre, les parties conviennent que celles-ci devraient être envisagées avec une ambition élevée pour ce qui est de leur portée et de leur profondeur, et elles sont conscientes que cette approche pourrait évoluer au fil du temps. Il convient par-dessus tout que ces relations servent les intérêts des citoyens de l'Union et du Royaume-Uni, aujourd'hui et à l'avenir. »

Cette négociation est conduite au nom de l'Union et des États membres par la Commission européenne, comme ce fut le cas de la négociation de l'accord de retrait. Cette négociation, qui pourra ainsi couvrir des domaines de compétence relevant de l'Union comme des États membres, est conduite sur le fondement des directives de négociation adoptées par le Conseil (Affaires générales) le 25 février 2020.

Si la relation future entre en vigueur avant la fin de la période de transition (fin 2020 ou fin 2021 ou 2022 en cas de prolongation de cette période), le cadre de la relation future entre l'Union européenne et Royaume-Uni prendra la suite des dispositions régissant la période de transition. La relation future, quelle qu'elle soit, se traduira par des changements qu'il convient d'anticiper.

Le scénario dans lequel un accord sur la relation future ne pourrait entrer en vigueur avant la fin de la période de transition doit cependant être également anticipé. Dans ce cas, aucun accord ne définirait la relation entre l'Union européenne et le Royaume-Uni. Les relations économiques seraient par exemple régies par le cadre prévu par l'Organisation mondiale du commerce.

Dans l'une ou l'autre de ces hypothèses, les acquis de l'accord de retrait perdureront, notamment pour ce qui concerne la protection des droits des citoyens européens et britanniques ayant exercé leur droit de résider ou travailler respectivement au Royaume-Uni et dans l'Union européenne avant la fin de la période de transition.

Dans tous les scenarios, et même avec un cadre établissant une relation la plus complète et étroite possible, le statu quo ne sera ni possible, ni recherché, comme l'indique le paragraphe 5 de la déclaration politique sur les relations futures. Par exemple, des formalités et contrôles douaniers seront remis en place dans tous les cas de figure, comme conséquences de la sortie du Royaume-Uni de l'Union douanière et du marché intérieur.

La période de transition donne le temps aux entreprises et aux particuliers pour anticiper ces changements qui se produiront à la fin de la transition.

Cette situation est différente de la période qui a précédé la conclusion de l'accord de retrait. Par la loi n° 2019-30 du 19 janvier 2019, le Parlement avait habilité le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures de préparation au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne. Plusieurs ordonnances, décrets et arrêtés avaient été pris, afin de préparer la France au scénario d'un retrait du Royaume-Uni sans accord. Ces mesures ne sont pas entrées en vigueur, du fait de l'entrée en vigueur de l'accord de retrait. De même, l'Union européenne avait pris, à son niveau, des mesures d'urgence visant à assurer certains éléments de continuité, lorsqu'ils étaient strictement nécessaires aux personnes et aux entreprises. Son plan d'action couvrait notamment la pêche, le statut des étudiants ERASMUS ou encore la sécurité sociale et la connectivité minimale concernant les transports.

L'objectif du Gouvernement français est d'aboutir à un accord sur les relations futures qui entrerait en vigueur dès la fin de la période de transition et couvrirait l'ensemble des domaines mentionnés par la déclaration politique sur les relations futures.

Le Gouvernement français se doit en tout état de cause de préparer la fin de la période de transition, avec ou sans cadre sur la relation future, et de se préparer à réagir à toutes les éventualités.

L'ensemble des mesures prévues par cet article d'habilitation vise ainsi à permettre au Gouvernement de tirer les conséquences de la fin de la période de transition instituée par l'accord de retrait, et donc de la fin de l'application du droit de l'Union européenne au Royaume-Uni, en adoptant certaines mesures relevant de la compétence des États membres et, en ce qui concerne la France, du domaine de la loi et justifiées par la protection des intérêts de la France.

Ces mesures pourront être nécessaires dans le cas où le cadre d'une relation future serait défini entre l'Union et le Royaume-Uni, si celui-ci rendait nécessaire l'adaptation en conséquence de normes nationales de niveau législatif. Des mesures pourront également être nécessaires dans des champs qui ne seraient pas couverts par le cadre d'une relation future entre l'Union européenne et le Royaume-Uni, que cela découle d'un échec des négociations entre les parties ou de l'incapacité à faire entrer en vigueur un accord avant la fin de la période de transition.

Ces mesures ne pourront pas viser à se substituer à la nécessaire préparation des entreprises et des particuliers, l'objet de la période de transition étant de donner le temps de cette préparation.

Il convient de souligner que le contenu des mesures qui seront finalement adoptées dépendra de l'issue des négociations en cours, qu'il n'est pas possible à ce stade d'anticiper. Le Gouvernement pourra notamment renoncer à l'adoption de telles mesures si les conditions ne sont pas réunies pour leur adoption, en fonction des circonstances et notamment des mesures réciproques adoptées par le Royaume-Uni.

Ces mesures ne pourront intervenir dans un domaine de compétence de l'Union européenne. Elles ne pourront empiéter sur les directives de négociations adoptées par le Conseil (Affaires générales) le 25 février 2020, qui ont confié un mandat de négociation à la Commission européenne, ni ne contrevenir aux dispositions de l'accord de retrait.

Leur adoption fera l'objet, le cas échéant, d'une concertation préalable étroite avec la Commission européenne, dans le plein respect du principe de coopération loyale qui résulte de l'article 4, paragraphe 3, TUE, ainsi que d'une coordination préalable complète avec les autres États membres de l'Union.

Les dispositions adoptées par ordonnance sur le fondement de cet article devront l'être dans un délai de trente mois à compter de sa publication. Ce délai permettra au Gouvernement de prendre les mesures nécessaires quel que soit le terme effectif de la période de transition, lequel pourrait intervenir au plus tôt le 31 décembre 2020 mais pourrait également être fixé au 31 décembre 2021 ou au 31 décembre 2022 si le comité mixte institué par l'accord de retrait prenait une telle décision avant le 1 er juillet 2020, conformément à l'article 132 de cet accord.

Ces mesures concernent les domaines suivants :

1° la désignation de l'autorité nationale de sécurité au sens de la directive (UE) 2016/798 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative à la sécurité ferroviaire, pour la partie de la concession du tunnel sous la Manche située en territoire français.

Des dispositions pourraient être nécessaires pour régler les conséquences de la perte, par la commission interGouvernementale du tunnel sous la Manche, de sa qualité d'autorité nationale de sécurité dans l'hypothèse où la directive (UE) 2016/798 ne serait pas modifiée afin de lui permettre de conserver cette qualité ou si les conditions fixées par cette directive modificative n'étaient pas remplies à cette date, en raison par exemple de l'absence d'accord avec le Royaume-Uni sur ce point.

Dans ces hypothèses, une modification de l'article L. 2221-1 du code des transports serait alors nécessaire et aurait pour objet de désigner l'établissement public de sécurité ferroviaire comme autorité de sécurité.

2° le sort des licences et autorisations de transfert de produits et matériels à destination du Royaume-Uni, délivrées en application des articles L. 2335-10 et L. 2335-18 du code de la défense avant la fin de la période de transition.

À l'issue de la période de transition prévue par l'accord sur le retrait, et indépendamment de la conclusion ou non d'un accord portant sur la relation future entre l'Union et le Royaume-Uni, lequel, en tout état de cause, ne régira pas ce sujet, les licences individuelles et les licences globales de transfert, délivrées à destination du Royaume-Uni en application de l'article L. 2335-10 du code de la défense avant le retrait du Royaume-Uni, ne seront plus valables.

En effet, les flux à destination de ce pays ne relèveront plus du régime de l'article L. 2335-9 du code de la défense, mais de celui de l'article L. 2335-2 du même code. Le changement de la base légale de ces licences est donc nécessaire. Or l'autorité administrative ne peut apporter elle-même de telles modifications aux licences en cours sur le fondement de l'article L. 2335-12.

Compte tenu du nombre estimé de licences en vigueur, de l'ordre de 1 800, de l'impact économique qu'aurait une rupture des échanges qu'elles assurent, de la durée du cycle d'exportation de ces produits (une licence doit être délivrée avant que l'exportateur ne prospecte ses clients potentiels, et fixe généralement un plafond exécuté en plusieurs tranches), du besoin de sécurité juridique des exportateurs et de la complexité administrative qu'imposerait une nouvelle adoption simultanée de l'ensemble des licences à destination du Royaume-Uni, la mesure prise par le Gouvernement consistera à opérer une transformation de ces licences de transfert intra-communautaire en licences d'exportation, jusqu'au terme de ces licences.

En outre, les autorisations de transfert de matériels spatiaux à destination du Royaume-Uni délivrées avant la fin de la période de transition en application de l'article L. 2335-18 du code de la défense ne seront également plus valables à partir de cette date. Une transformation analogue est donc nécessaire.

3° les conditions d'exécution des contrats d'assurance conclus avant la fin de la période de transition avec des entités établies au Royaume-Uni

À compter de la fin de la période de transition instituée par l'accord de retrait, le droit de l'Union européenne ne sera plus applicable aux organismes d'assurance établis au Royaume-Uni, lesquels ne disposeront plus du « passeport européen » qui leur permet d'exercer leur activité sur le territoire de l'Union sous réserve d'une simple notification à l'autorité compétente de l'État d'accueil. Il convient de souligner que, pour la grande majorité des contrats en cours, cela ne soulèvera pas de difficulté juridique dans la mesure où ils devraient être transférés vers des entités relevant du droit de l'Union, conformément à la solution préconisée par les régulateurs européens et nationaux. Néanmoins, afin de protéger les assurés français, et en l'absence d'indication sur les mesures que pourrait comporter sur ce point le partenariat futur en cours de négociation par l'Union européenne avec le Royaume-Uni, une mesure législative pourrait se révéler nécessaire pour sécuriser les transferts ou sécuriser les conditions d'exécution des contrats en cours.

En outre, il est essentiel de garantir que l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution pourra bien continuer à exercer ses pouvoirs de supervision quant à l'exécution de ces contrats et que les procédures d'enquête en cours vis-à-vis d'organismes établis au Royaume-Uni se poursuivront après la fin de la période de transition.

4° l'adaptation des règles pour la gestion de placements collectifs et pour les plans d'épargne en actions dont l'actif ou l'emploi respecte des ratios ou règles d'investissement dans des entités européennes.

La protection des intérêts des épargnants en France pourrait également justifier l'adoption de dispositions législatives permettant de maintenir l'éligibilité de certains titres britanniques à l'actif d'organismes de placement collectif ou de plans d'épargne en actions (y compris les plans d'épargne en actions destinés au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire) dont l'actif ou l'emploi doit respecter des ratios ou règles d'investissement dans des entités européennes.

Eu égard aux incertitudes ouvertes par la fin de la période de transition, le Gouvernement estime par ailleurs indispensable d'être mis en mesure de prendre toute autre mesure législative permettant d'en tirer les conséquences, avec pour seule finalité de sauvegarder les intérêts de la France et sous réserve que de telles mesures ne puissent être prises au niveau de l'Union elle-même. Ces mesures auraient pour objet de régir la situation des ressortissants britanniques résidant en France ou y exerçant une activité, celle des personnes morales établies au Royaume-Uni ou des personnes morales de droit britannique exerçant une activité en France ou encore la situation des personnes morales établies en France dont tout ou partie du capital social ou des droits de vote est détenu par des personnes établies au Royaume-Uni. Tel est l'objet des dispositions figurant au II de cet article.

Enfin, le III fixe à six mois le délai dans lequel des projets de lois de ratification doivent être déposés devant le Parlement à compter de la publication des ordonnances.

L'article 24 vise, d'une part, à permettre, pour le FEADER qui pourrait faire l'objet d'une ou plusieurs années de transition sur le format de l'exercice 2014-2020 d'assurer l'application des règles mises en place à compter de 2014 (application des dispositions de l'article 78 de la loi MAPTAM) pendant cette transition, et, d'autre part, à autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnance des dispositions relatives à la gestion du FEADER de façon à clarifier la répartition des responsabilités entre l'État et les régions dans la gestion de ce fonds et ainsi en améliorer l'usage pour la prochaine programmation.

L'article 25 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance diverses mesures destinées à mettre le droit français en conformité avec la directive visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en oeuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur (dite « directive ECN+ »).

Parmi ces mesures figurent notamment :

- la possibilité pour l'Autorité de la concurrence de rejeter les saisines ne correspondant pas à ses priorités, ce qui pourra contribuer à une meilleure allocation des ressources aux fins de traiter les infractions les plus graves pour le fonctionnement des marchés ;

- la possibilité pour l'Autorité de la concurrence de prononcer des injonctions structurelles dans le cadre de procédures contentieuses concernant des pratiques anticoncurrentielles ;

- la possibilité pour l'Autorité de la concurrence de se saisir d'office afin d'imposer des mesures conservatoires : cette disposition pourra permettre à l'Autorité de la concurrence d'intervenir plus rapidement, en particulier dans des secteurs où les conséquences d'une pratique anticoncurrentielle peuvent être extrêmement dommageables et rapides, tel que le secteur numérique ;

- la suppression de la notion d'« importance du dommage à l'économie », afin de lever toute ambigüité entre ce facteur de détermination des sanctions pécuniaires prononcées par l'Autorité de la concurrence et la notion de réparation d'un dommage subi par une victime d'une pratique anticoncurrentielle. Il s'agit également de reprendre les critères de la directive que sont la durée des pratiques et leur gravité.

Cet article vise également à renforcer l'efficacité de l'action de l'Autorité de la concurrence et des agents de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) qui interviennent soit en coordination avec l'Autorité de la concurrence, soit en application du code de la consommation, par des mesures complémentaires, en lien avec la transposition de la directive ECN+.

L'objectif de ces mesures est de :

- améliorer les procédures d'investigation en matière de détection des pratiques anticoncurrentielles. Cela passe par la simplification du régime juridique applicable en matière de visite et saisie en ce qui concerne la compétence du juge des libertés et de la détention et le recours aux officiers de police judiciaire ;

- réduire sensiblement les délais de traitement par l'Autorité de la concurrence des affaires contentieuses, dans le respect du principe du contradictoire, mais aussi clarifier le cadre juridique dans lequel opère l'Autorité de la concurrence.

Les mesures prévues sont la suppression de l'avis de clémence dans l'instruction des contentieux ouverts par une demande de clémence, l'extension du champ des actes susceptibles d'être adoptés par un seul membre du collège de l'Autorité de de la concurrence et le recours élargi à la procédure contentieuse simplifiée devant l'Autorité de la concurrence.

- faciliter le recours par la DGCCRF à des procédures d'injonction et de transaction pour le traitement des pratiques anticoncurrentielles commises par des petites et moyennes entreprises au moyen de la suppression du critère relatif au caractère local des pratiques.

Enfin, cet article comporte des mesures spécifiques à l'outre-mer destinées à assouplir l'exercice par l'Autorité de la concurrence des pouvoirs lui permettant d'agir sur la structure du marché (par des injonctions structurelles) et à stimuler la concurrence dans la distribution des produits lors qu'il existe une situation d'exclusivité d'importation. :

- il est ainsi prévu de permettre à l'Autorité de la concurrence d'enjoindre à tout distributeur agissant au stade du commerce de détail et abusant de sa position dominante ou d'un état de dépendance économique, de céder certains de ses actifs, non plus sous réserve d'avoir démontré une atteinte à la concurrence effective, mais après avoir caractérisé des préoccupations de concurrence résultant des prix, des marges ou des taux de rentabilité élevés pratiqués par l'entreprise. Le champ de l'injonction structurelle est étendu aux grossistes ;

- il est introduit une interdiction expresse des pratiques discriminatoires de la part d'une entreprise ou d'un groupe d'entreprises, au détriment de toute autre entreprise avec lequel elle n'a pas de lien de nature capitalistique ; cette interdiction des conditions discriminatoires s'applique aux grossistes-importateurs mais aussi aux distributeurs dès lors qu'il existe une situation d'exclusivité d'importation de fait des produits concernés.

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