TEXTE SOUMIS À LA DÉLIBÉRATION
DU CONSEIL DES MINISTRES
ÉTUDE D'IMPACT
PROJET DE LOI
visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires
NOR : IOMD2327297L/Bleue-1
15 novembre 2023
TABLEAU SYNOPTIQUE DES CONSULTATIONS 28
TABLEAU SYNOPTIQUE DES MESURES D'APPLICATION 30
TABLEAU D'INDICATEURS D'IMPACTS 32
TITRE IER - DISPOSITIONS RELATIVES À LA LUTTE CONTRE LES DÉRIVES SECTAIRES 35
CHAPITRE IER - FACILITER ET RENFORCER LES POURSUITES PÉNALES 35
Article 1er - Singulariser le délit d'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de faiblesse résultant d'un état de sujétion et créer un délit autonome permettant de réprimer les agissements qui ont pour effet de créer cet état de sujétion 35
Article 2 - Introduire une circonstance aggravante de sujétion psychologique ou physique pour le meurtre, les actes de torture et de barbarie, les violences et les escroqueries 55
CHAPITRE II - RENFORCER L'ACCOMPAGNEMENT DES VICTIMES 64
Article 3 - Etendre les catégories d'associations pouvant se constituer partie civile en matière d'emprise sectaire 64
CHAPITRE III - PROTÉGER LA SANTÉ 72
Article 4 - Réprimer la provocation à l'abandon ou l'abstention de soins ou à l'adoption de pratiques dont il est manifeste qu'elle expose la personne visée à un risque grave pour sa santé 72
Article 5 - Faciliter les sanctions disciplinaires par l'instauration dans le code de procédure pénale d'une obligation d'information des ordres professionnels de santé, par les parquets et par écrit lorsque des professionnels de santé sont condamnés ou placés sous contrôle judiciaire à raison de certaines infractions 82
CHAPITRE IV - ASSURER L'INFORMATION DES ACTEURS JUDICIAIRES SUR LES DÉRIVES SECTAIRES 99
Article 6 - Permettre aux services de l'État compétents d'être sollicités par le parquet ou la juridiction des instances relatives à des sujétions psychologiques ou physiques pour leur apporter toute information utile de nature à les éclairer 99
INTRODUCTION GÉNÉRALE
I. La lutte contre les dérives sectaires, un combat de plusieurs décennies
1.1. Un phénomène de société aux conséquences souvent dramatiques appréhendé par des travaux parlementaires successifs
La prise de conscience du danger représenté par les dérives sectaires en France et dans d'autres Etats européens remonte au début des années 1970, dans le contexte à la fois du développement en France de la « Fédération des familles pour la paix mondiale et l'unification » (« Family Federation for World Peace and Unification »), surnommée « l'Eglise Moon » et d'événements survenus à l'étranger qui ont marqué les esprits, en particulier la mort de 923 membres du Temple du Peuple à Georgetown (Guyana) en 19781(*).
A la suite de la mobilisation d'associations, le rapport2(*) du député Alain Vivien remis au Premier Ministre en 1983 a présenté pour la première fois un état des lieux du phénomène sectaire en décrivant une dizaine de groupes présentant un danger pour les personnes et leur patrimoine et recommandait la création d'un observatoire interministériel sur les sectes, qui fut installé auprès du Premier ministre en 1996, puis prit le nom de « Mission interministérielle de lutte contre les sectes » (MILS).
En 1994 et 1995, une vague de suicides collectifs et très probablement de meurtres organisés par des adeptes de « l'Ordre du Temple solaire » au Canada, en Suisse et en France, faisant, au total, 74 victimes, dont 22 en France a profondément marqué l'opinion publique et a entraîné la constitution de la première commission d'enquête parlementaire consacrée aux sectes3(*).
En 1999, une deuxième commission d'enquête parlementaire étudie l'ampleur de la dimension prise par les dérives sectaires sur les plans économique et financier. Le rapport intitulé « Les sectes et l'argent »4(*), s'attache à montrer qu' « au-delà d'un discours d'inspiration ésotérique ou religieuse [...], le phénomène sectaire s'appuie sur une organisation destinée à assurer l'opacité et la rentabilité de ses activités » et sur des pratiques frauduleuses.
En 2006, une troisième commission d'enquête parlementaire se consacre « à l'influence des mouvements à caractère sectaire et aux conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs ». Intitulé « L'enfance volée, les mineurs victimes de sectes »5(*), le rapport montre que les enfants sont une proie facile pour certaines organisations et constate que les administrations concernées sont engagées de manière inégale dans la lutte contre l'influence des mouvements à caractère sectaire à l'égard des mineurs.
Les travaux parlementaires ont ainsi largement contribué à la sensibilisation du public au problème des dérives sectaires et à la mobilisation des pouvoirs publics dans ce domaine. Cette impulsion du Parlement a été constante à cet égard : en 2013, la commission d'enquête du Sénat sur l'influence des mouvements à caractère sectaire a rendu public un rapport intitulé « Dérives thérapeutiques et dérives sectaires : la santé en danger »6(*). Cette commission a relevé que la maladie et la quête du bien-être pouvaient exposer au risque de dérive sectaire et que l'existence de dérives thérapeutiques dues à des pratiques commerciales proches de la charlatanerie, peuvent compromettre des chances de guérison.
1.2. Un phénomène qui a conduit à l'adoption de mesures pénales spécifiques et à la mise en oeuvre d'une politique publique de lutte contre les dérives sectaires
Cette mobilisation des pouvoirs publics s'était concrétisée par la loi du 12 juin 2001, dite loi About-Picard7(*), visant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales votée à l'unanimité par les députés de l'Assemblée nationale, et née de la volonté du législateur de tirer toutes les conclusions des constats des années antérieures et de renforcer la prévention et la répression des agissements portant atteinte aux droits et libertés des individus.
Deux incriminations relatives aux dérives sectaires ont été instituées : l'une, infraction spécifiquement créée, vise à limiter la promotion, auprès de la jeunesse, des mouvements sectaires8(*) ; l'autre, infraction de droit commun aménagée, vise à étendre l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de faiblesse9(*).
C'est à la suite de ce texte que l'Etat s'est doté d'un outil de connaissance et de prévention de la dérive sectaire avec la création en 2002 de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES)10(*) , succédant à la MILS. Le choix des autorités françaises de ne plus appréhender cette politique publique par le biais de la lutte contre « les sectes » mais d'adopter la dénomination de « dérives sectaires » traduisait la volonté de « recentrer l'attention et l'action uniquement sur les comportements et pratiques d'un groupement en évitant tout jugement à l'égard de sa doctrine ou de son idéologie »11(*).
Ce décret a confié à la nouvelle mission interministérielle le soin « d'observer et d'analyser le phénomène des mouvements à caractère sectaire dont les agissements sont attentatoires aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales, constituent une menace à l'ordre public, ou sont contraires aux lois et règlements »12(*).
La circulaire du 27 mai 2005 relative à la lutte contre les dérives sectaires13(*) définit, elle, les dérives sectaires comme « des atteintes pouvant être portées, par tout groupe ou tout individu, à l'ordre public, aux lois et aux règlements, aux libertés fondamentales et à la sécurité ou à l'intégrité des personnes, par la mise en oeuvre de techniques de sujétion, de pressions ou de menaces, ou par des pratiques favorisant l'emprise mentale et privant les personnes d'une partie de leur libre arbitre pour les amener à commettre des actes dommageables pour elles-mêmes ou pour la société ». Les dérives sectaires peuvent donc être à l'origine de dommages pour les personnes, qu'il s'agisse d'atteintes patrimoniales (ex. escroqueries, remises de biens ou de fonds dans le cadre d'un abus de faiblesse, etc.) ou personnelles (emprise mentale, ruptures familiales, professionnelles ou amicales, violences, agressions sexuelles, provocation au suicide, homicide...).
Si ce corpus juridique a permis de poser les bases pénales de la lutte contre les dérives sectaires, l'évolution des menaces de trouble à l'ordre public et d'atteinte au droit des personnes a conduit récemment à l'adoption de plusieurs dispositions législatives, susceptibles d'être mobilisées dans la prévention des dérives sectaires ou leur répression :
- La loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance punit les comportements qui, dans les écoles publiques et les établissements publics locaux d'enseignement, à leurs abords immédiats et pendant toute activité liée à l'enseignement, sont constitutifs de pressions sur les croyances des élèves ou de tentatives d'endoctrinement14(*) ;
- La loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a renforcé l'encadrement de l'instruction en famille, en soumettant cette possibilité à une autorisation préalable délivrée par les services académiques15(*). La loi a également renforcé le régime de fermeture administrative des établissements d'enseignement privés16(*). Cette même loi a renforcé les sanctions applicables aux auteurs de l'infraction prévue par l'article 31 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat, qui prévoit désormais une peine d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende pour ceux qui, « soit par menaces contre un individu, soit en lui faisant craindre de perdre son emploi ou d'exposer à un dommage sa personne, sa famille ou sa fortune, agissent en vue de le déterminer à exercer ou à s'abstenir d'exercer un culte, à faire partie ou à cesser de faire partie d'une association cultuelle, à contribuer ou à s'abstenir de contribuer aux frais d'un culte ».
1.3. La sujétion psychologique ou physique, marqueur fondamental de la dérive sectaire
La première approche de l'Etat face à la menace des dérives sectaires avait été momentanément une approche par organisation, consistant à détecter et désigner des « sectes », c'est-à-dire des courants idéologiques ou convictionnels qui favoriseraient des engagements auto-lésionnels pour les individus et pour la société. Cette réponse a été très marquée par les massacres et suicides collectifs des années 1970 aux années 1990, mais d'une part pouvait porter atteinte à la liberté de conscience et, d'autre part, ne permettait pas d'atteindre la diversité du phénomène. Pour cette raison a émergé la notion de « dérive sectaire », qui s'attache à identifier les atteintes aux droits et libertés des individus avec comme point saillant l'abus de faiblesse.
La France s'est dotée, par le vote de la loi About-Picard, d'un texte qui a pour ambition de s'attaquer spécifiquement à la menace des dérives sectaires. Derrière l'évidence de l'utilité de l'action publique contre des mouvements qui tuent, permettent des agressions physiques ou sexuelles, s'enrichissent aux dépens des adeptes et nuisent à la santé publique et à la cohésion sociale, les autorités publiques sont confrontées à la question fondamentale de la liberté de conscience et à la nécessité de tracer une ligne entre ce qui relève de la volonté des personnes, y compris d'auto-aliénation et ce qui relève d'une légitime intervention des pouvoirs publics pour défendre les droits des individus et ceux de la société. C'est pour cette raison que la lutte contre les dérives sectaires s'attache aux conséquences matérielles et aux moyens mis en oeuvre par les mouvements à caractère sectaire pour commettre leurs agissements.
La politique française de lutte contre les dérives sectaires ne vise ainsi pas des groupes particuliers ou des croyances (cf. art. 1er de la Constitution : « La France (...) respecte toutes les croyances »), mais des comportements consistant, pour des auteurs d'infractions pénales communément appelés « gourous », à assujettir, asservir des adeptes, par diverses pressions et mécanismes de manipulation mentale, afin de se livrer à leur préjudice à des prédations financières ou sexuelles ou des atteintes personnelles diverses (ex. travail non rémunéré, isolement continu, embrigadement de mineurs...).
En cohérence avec l'analyse faite dans les années 1990 du fonctionnement des groupes à caractère sectaire, assimilées à des organisations visant à réaliser en premier lieu des captations financières, la loi About-Picard a permis de réprimer l'abus de faiblesse causé par un état de sujétion psychologique ou physique et conduisant à un acte ou abstention gravement préjudiciables, principalement sur le plan patrimonial17(*).
Cette réalité est toujours actuelle mais après plus de vingt ans d'analyse du phénomène des dérives sectaires, notamment à l'occasion des procédures et condamnations judiciaires intervenues18(*), plusieurs constats peuvent être rappelés :
- les dérives sectaires ne sont pas l'apanage des groupes organisés : les « gourous », dans le domaine de la santé ou du bien-être par exemple, peuvent exercer directement leur emprise sur des individus, hors de tout groupe ;
- les victimes d'une emprise sectaire ne disposent pas toutes d'un patrimoine important et peuvent cependant être placées dans un état de sujétion psychologique ou physique particulièrement délétère ;
- la sujétion n'est pas seulement un moyen d'abuser d'une personne ; ses effets constituent également en eux-mêmes l'un des principaux préjudices subis par les victimes, en plus de tous les autres (conséquences traumatiques d'une agression sexuelle, perte de chance d'être soigné voire de survivre à une maladie, perte de chance de s'instruire et de se développer harmonieusement pour les mineurs vivant dans des groupes sectaires, ruptures familiales, amicales, professionnelles...).
Certains auteurs19(*), en particulier nord-américains20(*), ont également mis en lumière les dangers auxquels un groupement trop isolé expose ses adeptes, qu'il s'agisse de la violence envers ses membres21(*), de la « paranoïa collective » qu'il peut susciter22(*), de la répétition d'abus sur les enfants qu'il entraîne23(*), ou encore de la frontière qu'il érige entre les enfants victimes de maltraitance et les agents de protection de l'enfance24(*).
Mais c'est finalement à travers la notion de sujétion (psychologique ou physique) que peut être approchée en effet la dérive sectaire, celle qui consiste soit à abuser d'un état de faiblesse préexistant, soit, le plus souvent, à agir de manière à créer cet état de faiblesse qui permet d'une personne. Le service central du renseignement criminel de la gendarmerie, dans son rapport de 2023 sur le phénomène sectaire montre l'importance de ce facteur : les mouvements à caractère sectaire se caractérisent surtout par leurs manoeuvres « pour créer un état de faiblesse [...] chez la personne avant son recrutement. Elle devient systématiquement faible une fois adepte, et le gourou met en place des stratégies qui accentueront cet état en cas de sortie ».
L'état de faiblesse, qui est créé, entretenu et exploité, par les mouvements sectaires, jusqu'à assujettir les personnes est communément qualifié d'emprise mentale, phénomène psychologique, qui a fait l'objet de définitions telles que celle du Professeur Philippe-Jean Parquet, qui propose neuf critères25(*), dont cinq au moins sont réunis pour qualifier une dérive sectaire :
- rupture imposée avec les modalités antérieures des comportements, des conduites, des jugements, des valeurs, des sociabilités individuelles, familiales et collectives ;
- occultation des repères antérieurs et rupture dans la cohérence avec la vie antérieure, acceptation par une personne que sa personnalité et sa vie sociale soient modelées par les injonctions et les doctrines imposées par un tiers, ceci conduisant à une délégation générale et permanente à un modèle imposé ;
- adhésion et allégeance inconditionnelle à une personne, un groupe ou une institution, ceci conduisant à une loyauté exigeante et complète laissant penser que le nouveau mode de vie est le seul légitime ;
- mise à disposition complète, progressive et extensive de sa vie à une personne ou à une institution ;
- sensibilité accrue dans le temps à un « corpus doctrinal » (idées, concepts, prescriptions, injonctions et ordres) éventuellement utilisés dans une démarche prosélyte ;
- dépossession des compétences d'une personne avec anesthésie affective, altération du jugement, perte des repères, des valeurs et du sens critique ;
- altération de la liberté de choix avec perte progressive du libre-arbitre ;
- imperméabilité aux avis, attitudes, valeurs de l'environnement avec impossibilité de se remettre en cause et de promouvoir un changement ;
- induction et réalisation d'actes gravement préjudiciables à la personne, actes qui antérieurement ne faisaient pas parti de la vie du sujet.
La sujétion des personnes peut conduire notamment à des prédations financières ou sexuelles, mais il peut également causer de multiples autres dommages : perte de chance de s'instruire et de se développer harmonieusement pour les mineurs vivant dans des groupes sectaires, ruptures familiales, amicales, professionnelles, perte de chance d'être soigné voire de survivre à une maladie pour des personnes qui auront été contraintes à subir des pratiques qui peuvent s'avérer dangereuses, comme le jeûne.
Mais assujettir une personne conduit fréquemment à une altération de sa santé mentale ; les séquelles peuvent se manifester de multiples manières : syndrome post-traumatique, syndrome dépressif, séquelles à distance, comme la perte d'autonomie (ce point est détaillée dans la partie consacrée à l'article 1er).
Exemple du caractère central de l'abus de faiblesse dans la dérive sectaire
Le « gourou », mis en examen en décembre 2021 (viols, abus frauduleux de l'état de faiblesse par sujétion psychologique sur cinq femmes et un homme), proposait à ses adeptes des stages d'initiation (de 180 à 240 euros/week-end et 1 000 euros pour un stage d'été). Le régime alimentaire était exclusivement végétarien voire végétalien avec des portions réduites. Les prières et les méditations à effectuer à différentes heures de la journée et de la nuit privaient de sommeil les stagiaires. L'imprégnation du discours du gourou était renforcée par l'état de faiblesse physique et psychique des adeptes.
Schémas classiques de mouvements à caractère sectaire
Les groupements à caractère sectaire présentent le plus souvent une organisation pyramidale, qui permet « une hiérarchisation du savoir, du pouvoir et des bénéfices », avec une autorité sommitale classiquement qualifiée de « gourou26(*) » par les observateurs. Néanmoins le phénomène s'appuie parfois sur des schémas organisationnels plus atomisés, schéma que l'on retrouve classiquement dans les mouvements anti-système, qui se recombinent dans le temps en fonction des adhésions des adeptes à différents combats.
Le service de renseignement criminel de la Gendarmerie nationale analyse le mouvement à caractère sectaire comme un « système de pouvoir27(*) ». « Le gourou, et éventuellement son adjoint, détiennent toutes les fonctions de l'Etat de droit :
- Législatif, exécutif et judiciaire : ils dictent les lois, sont juges et bourreaux en cas de transgression ;
- Administratif, tel que l'état civil, le régime matrimonial ou la filiation (les adeptes ont une nouvelle identité, des couples sont formés d'autorité, les enfants appartiennent au groupe et peuvent être redistribués). »
1.4. La MIVILUDES : administration pilote de la politique nationale de lutte contre les dérives sectaires
La MIVILUDES est une organisation administrative singulière qui traduit la nécessité de mobiliser une grande variété de compétences et d'une mobilisation de l'ensemble des ministères.
Elle joue un rôle d'interface avec le public et en particulier avec les victimes et leurs familles. Elle reçoit ainsi des demandes d'assistance ou d'information, essentiellement par l'intermédiaire de son site internet. Elles proviennent de particuliers, d'institutions, d'administrations centrales, d'associations, etc. Selon la thématique abordée, chaque saisine est attribuée au pôle compétent de la mission interministérielle (pôle Santé, pôle Sécurité, pôle Éducation-Jeunesse, pôle Économie, Finances, Travail, Emploi et Formation Professionnelle).
Il revient donc aux conseillers de procéder à l'analyse du dossier et d'y apporter une réponse adaptée à la demande et ce, soit par voie écrite, soit par voie d'échange téléphonique. S'il est conseillé souvent aux personnes sollicitant la MIVILUDES de s'adresser aux associations d'aide aux victimes, en fonction des éléments dont dispose la mission interministérielle, les saisines peuvent être transmises aux services compétents, notamment au titre de leurs prérogatives de contrôle (agence régionale de santé, services du ministère en charge de l'économie et des finances, direction de la protection judiciaire de la jeunesse, etc. : 391 transmissions aux services compétents ont ainsi été effectuées en 202128(*), et cinq informations préoccupantes au président du conseil départemental sur la situation d'un mineur), et lorsque des infractions sont susceptibles d'être relevées le procureur de la République est systématiquement saisi. En 2021, la MIVILUDES a ainsi transmis 20 signalements au titre de l'article 40 du code de procédure pénale29(*). 13 réquisitions ont été adressées par un service enquêteur dans le cadre d'une procédure judiciaire.
En outre, en 2021 la MIVILUDES a organisé 59 sessions de formation et de sensibilisation, touchant ainsi 2 000 personnes.30(*)
En 2020, la MIVILUDES a été rattachée au ministère de l'intérieur, sous l'autorité du secrétaire général du comité interministériel de la prévention de la délinquance et de la radicalisation31(*) (SG-CIPDR).
Comparaisons internationales
La MIVILUDES présente un statut particulier au regard de services analogues au sein d'autres Etats, compte tenu notamment de son caractère pleinement interministériel qui implique la mise à disposition de conseillers des ministères en charge de l'Intérieur, de la Justice, de l'Education nationale, de la Santé ou de l'Economie et des Finances. Cependant, existent à l'étranger des organismes étatiques et des associations, aux prérogatives plus ou moins étendues selon les pays.
L'organisation la plus proche de celle mise en place en France est en Belgique. L'Etat belge a créé en 1998 le Centre d'information et d'avis sur les organisations sectaires nuisibles (CIAOSN). Placé sous la tutelle du ministère de la Justice, il dispose dans l'ensemble des mêmes prérogatives que la MIVILUDES. A l'instar de la France, la Belgique se refuse à catégoriser des « sectes » à proprement parler au nom de la liberté de culte mais définit une « organisation sectaire nuisible » comme « tout groupement à vocation philosophique ou religieuse, ou se prétendant tel, qui, dans son organisation ou sa pratique, se livre à des activités illégales dommageables, nuit aux individus ou à la société ou porte atteinte à la dignité humaine »32(*). Il existe dans le code pénal belge une circonstance aggravante en cas de « pressions répétées, qu'elles soient d'ordre physique ou psychologique »33(*).
S'agissant du droit pénal spécifiquement applicable aux dérives sectaires, le Luxembourg et l'Espagne ont des dispositions identiques ou proches du droit français :
- le code pénal du Luxembourg prévoit des incriminations identiques à celles du code pénal français sur l'abus de faiblesse de personnes en état de sujétion psychologique34(*) ;
- en Espagne, le code pénal prévoit des sanctions pour les « associations illicites » qui « utilisent des moyens violents ou des moyens d'altération ou de contrôle de la personnalité pour atteindre un but ».
L'Autriche et l'Allemagne se sont dotées d'organismes fédéraux chargés notamment de surveiller l'activité de « groupes religieux minoritaires » et d'en vérifier la conformité vis-à-vis des textes suprêmes.
Enfin, s'agissant des associations oeuvrant pour la prévention des dérives sectaires, il faut souligner une initiative à l'échelle internationale : la Fédération européenne des centres de recherche et d'information sur le sectarisme (FECRIS), qui regroupe les associations de trente pays, dont cinq non-européens. Elle rassemble des intervenants qui sont préoccupés par les risques liés aux dérives sectaires en Europe et les représente auprès des institutions européennes.
Les principales associations en matière de prévention et de lutte contre les dérives sectaires
L'UNADFI
L'Union nationale des associations de défense des familles et de l'individu victimes de sectes est une association loi 1901 reconnue d'utilité publique, ce qui en fait à ce jour la seule association du domaine des dérives sectaires capable de se constituer partie civile lors d'un procès. Elle est agréée par l'Education nationale pour ses actions de prévention en direction de la jeunesse, de l'éducation populaire, de l'enseignement scolaire et de la vie associative. L'UNADFI a été créée en 1982 pour prévenir les agissements des mouvements à caractère sectaire et apporter du soutien aux victimes.
L'UNADFI, dont le siège est en région parisienne (78), regroupe les associations départementales pour la défense des familles et de l'individu victimes de sectes (ADFI), qui exercent au niveau local. A l'instar de la MIVILUDES, l'UNADFI n'émet pas de jugements moraux sur les croyances, mais axe son action sur les dérives sectaires répréhensibles.
L'UNADFI coordonne 29 ADFI et 18 antennes. Elle est membre du réseau d'associations européennes FECRIS et participe à des travaux de recherche auprès du conseil de l'Europe.
Le CCMM
Le Centre contre les manipulations mentales, aussi appelé Centre Roger-Ikor, est une association créée en 1981 pour faire de la prévention sur les phénomènes de dérives sectaires et apporter de l'aide aux victimes. L'association « s'oppose à toute action, collective ou individuelle, qui tend, par quelque moyen que ce soit, à pénétrer, domestiquer ou asservir les esprits, notamment ceux des jeunes ». Pour ce faire, elle organise des conférences, des débats, participe à des projets de recherche, de formations, etc.
Le CCMM dispose d'un agrément délivré par le Ministère de la Jeunesse et reçoit des subventions publiques.
Le CCMM, dont le siège est à Paris (20e), a des antennes locales dans toutes les régions françaises (exception faite de la Corse) et en outre-mer.
Le CAFFES
Le Centre national d'accompagnement familial face à l'emprise sectaire est une association dont le siège est à Lille, qui accompagne les personnes et proches victimes de dérives sectaires.
Il sensibilise également le grand public, les jeunes et les professionnels à l'appréhension de ces phénomènes. Pour ce faire, il organise des rendez-vous, du suivi psychothérapeutique, un accompagnement juridique, des modules de sensibilisation, des conférences et des bandes dessinées à destination du jeune public.
Le GEMPPI
Le Groupe d'étude des mouvements de pensée en vue de la protection de l'individu a été créé en 1988. Il est spécialisé dans le domaine des croyances religieuses et « thérapeutiques holistiques ». Il donne sa propre définition des dérives sectaires : « agissements, pratiques et enseignements utilisés dans des mouvements ou groupes à prétentions religieuses, philosophiques ou thérapeutiques holistiques nuisant ou étant dommageables aux individus et à la société, en usant notamment de divers procédés déloyaux ou illégaux. Il s'agit de groupes sectaires lorsque ces faits sont constants, répétés, ou structurels ».
Le GEMPPI, dont le siège est à Marseille, dispose de correspondants dans une vingtaine de départements français. L'association travaille sur des projets concrets relatifs aux dérives sectaires : une série de formations certifiantes, un DVD de 4 films d'une quinzaine de minutes pour développer son esprit critique, un bulletin trimestriel contenant des dossiers thématiques, ou encore l'organisation d'un festival de courts-métrages, le « Sectival » à Marseille, permettant de sensibiliser le grand public à cette problématique.
France Victimes
France Victimes est une association créée en 1986. Elle regroupe 132 associations d'aide aux victimes d'infractions pénales, avec pour missions principales l'écoute, l'information juridique, le soutien psychologique et l'accompagnement des victimes.
Ces associations interviennent à titre gratuit, dans un cadre confidentiel et officiel sur mandat du ministère de la Justice pour apporter aide et soutien aux victimes d'infractions.
II. Des dérives sectaires qui s'amplifient et se diversifient ces dernières années
La dynamique du phénomène sectaire peut se mesurer à l'aune de l'évolution du nombre et de la qualité des saisines de la MIVILUDES qui a reçu 4 020 demandes d'assistance ou d'information en 2021, soit une augmentation d'un tiers depuis 2020 (3 008), et un quasi-doublement depuis 2015 (2 160). Elle publie chaque année un rapport annuel disponible sur son site internet.
2.1. Plusieurs facteurs de fond favorisent l'émergence de dérives sectaires
La désaffiliation religieuse est un mouvement de fond des sociétés européennes, et largement documenté, récemment encore par une étude de l'INSEE35(*) mais aussi par des sondages réguliers en population générales qui, tous, documentent une diminution structurelle de long terme de l'affiliation religieuse en France, mais également partout en Europe. Ce mouvement de fond majeur cache en réalité des phénomènes contrastés entre les différents mouvements et tendances religieux, qui pour certains conservent une dynamique. Cette évolution laisse une place plus importante pour l'offre de croyances qui ne s'inscrivent pas dans un héritage familial et dans de grandes institutions religieuses.
Les sociétés occidentales modernes se caractérisent notamment par la reconfiguration des structures collectives, telles que la famille ou les espaces de vie en commun (quartier, village, associations...), qui constituaient des facteurs de solidarité dont l'affaiblissement laisse les individus fragilisés quand ils subissent une épreuve. Ils sont dès lors plus réceptifs à des discours qui promettent de recréer une « communauté » de substitution à ces institutions historiques.
Dans ce contexte, le rapport à la vérité s'est radicalement modifié. Les sociétés modernes sont passées en seulement quelques décennies d'une situation dans laquelle la notion de vérité était implicitement ou explicitement acceptée et ses « dépositaires » traditionnels respectés (Etat, école, églises, etc.), à une situation dans laquelle toute vérité, y compris scientifiquement étayée, est contestable. Le bouleversement de l'information, avec l'effondrement de la presse écrite traditionnelle au profit des réseaux sociaux36(*) qui se caractérisent par la dilution de la parole d'experts au profit de celle de commentateurs, a créé les conditions d'un débat confus et relativiste, des personnalités charismatiques aux discours volontiers prophétiques ou apocalyptiques, qui trouvent dans la libération sans précédent des moyens de communication, via les plateformes numériques, une caisse de résonnance inédite37(*).
Ces phénomènes facilitent la survenance de situations de vulnérabilité pour de nombreux individus.
Si la MIVILUDES observe une hausse de ses signalements qui lui sont adressés, il y a lieu de présumer qu'un grand nombre de victimes ne se manifestent pas, à l'instar de victimes d'autres infractions pour lesquelles ce phénomène est mis en évidence par des enquêtes de victimation. Plongées dans un état de dépendance et de perte d'autonomie psychique, ces victimes n'ont pas conscience de faire l'objet d'une manipulation et ne peuvent se prévaloir du statut de victime pour entamer les démarches nécessaires à la reconnaissance et à la protection de leurs droits.
Comme le montre le graphique infra, le nombre de signalements38(*) et de demandes d'avis39(*) à la MIVILUDES est en régulière hausse depuis 2010 et atteint le nombre de 4 020 en 2021, année record : + 33 % entre 2020 et 2021 (soit 1 012 dossiers supplémentaires), + 44 % entre 2018 et 2021 et + 86 % entre 2015 et 2021. Ces saisines proviennent essentiellement de particuliers, majoritairement par l'intermédiaire de son site internet40(*).
Graphique n°1
Source : rapports d'activité de la MIVILUDES
Graphique n°2
Source : Rapport d'activité de la MIVILUDES 2021
Le nombre qui préoccupe aussi bien les institutions que les associations d'aide aux victimes est celui des victimes qui demeurent isolées et ne les saisissent pas par ignorance de leur état, par peur de représailles, par honte d'avoir pris part à une telle dérive ou encore parce qu'elles en sont empêchées. C'est le nombre de celles et ceux qui sont abusés, violentés, manipulés, parfois jusqu'à ce qu'ils en meurent, sans que la justice n'en ait été avertie.
Enfin, la crise sanitaire COVID 19 a mis à l'épreuve et parfois fragilisé la vie sociale et familiale d'un grand nombre de personnes. Son ampleur mondiale et les fragilités sociales qu'elle a révélées et dans certains cas aggravées ont pu nourrir chez certains des questions existentielles ou renforcer un besoin de spiritualité. Dans le contexte d'une éco-anxiété plus fréquente, d'une contestation parfois intense des institutions ou des autorités scientifiques, des discours millénaristes et pseudo-scientifiques se sont développés.
2.2 Une diversification des champ d'intervention des dérives sectaires et des signalements en nombre croissant
Si la menace de groupes sectaires à prétention religieuse persiste, le cadre des dérives sectaires se diversifie, notamment à la faveur du développement des communications numériques et l'investissement d'autres champs de la vie sociale. Cette évolution de la nature des dérives sectaires en France est observée depuis plusieurs années : le président de la MIVILUDES déclarait ainsi à la représentation nationale dès 2013 que « les dérives sectaires dans les grands groupes religieux ou prétendus tels, [...], ou dans certaines communautés religieuses, issues des grandes religions traditionnelles, sont aujourd'hui devenues minoritaires par rapport aux dérives sectaires constatées dans le domaine de la santé, de la formation professionnelle ou de l'éducation des mineurs »41(*).
Sur l'ensemble des saisines arrivées à la MIVILUDES en 2021, 1 515 ont été attribuées au pôle Sécurité, 1 011 au pôle Santé, 670 au pôle Économique et Financier, 493 au pôle Éducation-Jeunesse42(*).
S'agissant de la nature des signalements, le domaine de la santé y tient une place particulière, compte tenu des risques particuliers qu'il représente pour les personnes. Le graphique infra montre l'augmentation nette du nombre de signalements et de demandes d'avis à la MIVILUDES dans le domaine de la santé.
Graphique n°3
Source : rapports d'activité de la MIVILUDES
Déjà en 2013, la commission d'enquête du Sénat sur l'influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé établissait, après avoir procédé à 72 auditions (cf. rapport précité p. 9 et 10), des constats alarmants: « Le corps et la santé sont omniprésents dans les conceptions des mouvements susceptibles de dérives sectaires. La mise en pratique de ces conceptions se traduit parfois, pour les adeptes, par de mauvais traitements qui dégradent leur état physique et mental. Elle peut aussi conduire à une privation de soins (...). Dans certains cas, les « thérapeutes » qui pratiquent ces « soins » étranges vont au-delà de la charlatanerie et exercent une forme d'emprise qui, comme les mouvements susceptibles de dérives sectaires, peut aller jusqu'à la privation de soins et, parfois, à la mort ».
La commission sénatoriale avait très clairement mis en exergue la problématique intrinsèque des dérives sectaires en matière de santé : « Dans tous les cas, il est impossible d'appréhender la situation des victimes si l'on s'en tient à la logique du « consentement éclairé » : des personnes fragiles et vulnérables comme peuvent l'être les malades peuvent effectivement se laisser persuader d'adopter des comportements irrationnels sous l'influence de promesses de guérison ». Ce rapport pointait également « une réponse globalement insuffisante des pouvoirs publics face à un danger démultiplié ».
Cette particularité du phénomène des dérives thérapeutiques à caractère sectaire appelle nécessairement une adaptation du droit pour prendre en compte cette menace. Le risque des dérives sectaires en matière de santé apparaît renforcé auprès de publics très vulnérables connus des ordres des professionnels de santé, qu'il s'agisse notamment de personnes en récidive de cancer ou souffrant de troubles psychiatriques.
Déjà des facteurs à l'origine du développement des dérives sectaires dans le domaine de la santé étaient identifiés dans le rapport de cette commission d'enquête sénatoriale dès 2013, qui jugeait ainsi « très alarmant le fait que l'image de la médecine classique, dont les indéniables progrès ont permis une augmentation considérable de l'espérance de vie, soit altérée par l'inquiétude et le climat anxiogène résultant - de manière compréhensible - de scandales récents », - dont la liste s'est depuis allongée.
Plus récemment, l'Ordre national des médecins43(*), a rappelé les facteurs de défiance à l'égard des autorités sanitaires et de la médecine dite « conventionnelle » depuis en particulier la crise sanitaire et les périodes de confinement : « L'emballement médiatique durant la crise sanitaire, les prises de paroles d'« experts » autoproclamés du Covid-19 et de scientifiques aux positions contradictoires, et l'incertitude autour de l'évolution de cette pandémie : tout cela a contribué à une certaine méfiance de la population envers la médecine conventionnelle, favorisant ainsi l'attrait et le détournement de certains patients vers les pratiques de soins non conventionnelles (PSNC) ».
D'autres facteurs, tout aussi puissants et rappelés également dans le rapport précédemment cité, sont à l'oeuvre pour favoriser l'émergence de ces PSNC44(*), notamment la croissance des demandes de soins au regard de l'offre ou l'évolution culturelle vers de nouvelles offres de bien-être individualisées.
Mesurer aujourd'hui l'ampleur du recours aux pratiques de soins dites « non conventionnelles » est une tâche difficile, dans la mesure où celles-ci ne sont pas dénombrées précisément, faute d'obligation de déclaration de ces pratiques. Le Conseil de l'ordre national des médecins rappelle que 71% des Français y auraient déjà eu recours45(*), ce qui rejoint les résultats d'autres enquêtes46(*).
Ces évolutions ont pu apporter un bien-être supplémentaire aux patients48(*), dès lors cependant que ces pratiques ne se substituent aux soins prodigués par des médecins et plus largement par des professionnels de santé.
Face à ces évolutions en effet, c'est souvent la compatibilité de certaines de ces nouvelles pratiques non réglementées avec les prescriptions des professionnels de santé qui se pose pour ces praticiens, et dans un grand nombre de cas, c'est la continuité même des soins conventionnels qui est menacée, lorsque des personnes, parfois très vulnérables et parfois sous emprise, se laissent persuader de l'abandon des traitements médicaux prescrits, ce qui les prive d'une chance de guérison et dans le meilleur des cas, retarde la prise en charge médicale.
Sur ce plan, certaines spécialités, comme la cancérologie sont particulièrement concernées. Ainsi, la Ligue contre le Cancer met en garde les patients, en rappelant que de nombreuses personnes « peu scrupuleuses » intègrent parfois les centres anticancéreux et met en exergue deux critères qui doivent immédiatement susciter la méfiance : « une demande d'arrêt total des traitements conventionnels, une demande répétée de sommes d'argent importantes »49(*).
Dans le domaine de la santé, mais également au-delà, le développement des réseaux sociaux accroît considérablement la « surface d'exposition des victimes des mouvements à caractère sectaire50(*) », des gourous 2.0 développent dans le cyberespace et avec les codes des « influenceurs » ses méthodes propres à obtenir la sujétion des individus.
La situation actuelle est donc marquée par la rencontre de moyens technologiques de communication avec de nouveaux champs d'action, dans lesquels la prescription se fait moins religieuse en apparence, et davantage concentrée sur des modes de vie remettant en cause certains des présupposés étayés par la science ou le consensus social. Ainsi, la communication numérique, par son horizontalité, permet d'opposer des « vérités alternatives » simples aux faits établis par la science. Les mouvances anti-système font ainsi partie des champs d'action des mouvements à caractère sectaire, qui fondent sur la contestation de la science un système de valeurs et de croyances alternatives, qui est le terreau de comportement qui peuvent être gravement lésionnels pour les individus.
Pour mesurer cette amplification du phénomène des dérives sectaires, le décompte statistique des procédures judiciaires n'apparaît pas actuellement suffisant : seul le délit d'abus de faiblesse de personne en état de sujétion psychologique ou physique (cas particulier prévu dans l'article plus général de l'abus d'ignorance ou de faiblesse de l'article 223-15-2 du code pénal) permet de donner une qualification légale à ce phénomène, et cette infraction est difficile à caractériser, comme détaillé infra.
Le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) décompte ainsi sur la période 2016-2022, soit dans une période de sept ans :
- 878 infractions d'abus frauduleux de l'ignorance ou de la faiblesse d'une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de pression ou technique de nature à altérer le jugement, ayant causé 1 065 victimes de ces infractions ;
- 49 cas d'abus frauduleux de l'ignorance ou de la faiblesse d'une personne par dirigeant d'un groupement poursuivant des activités créant maintenant ou exploitant la sujétion psychologique ou physique des participants, ayant causé 91 victimes de ces infractions51(*).
Or, les praticiens constatent que de nombreuses condamnations judiciaires pour des infractions de droit commun se rapportent à des contextes de dérives sectaires, à l'exemple de la société Espace Librairie (SEL) qui a été condamnée par arrêt de la 11ème chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Paris en date du 2 février 2012 pour escroqueries en bande organisée.
Dans la période récente, des condamnations judiciaires sont intervenues régulièrement, à la suite de la commission d'infractions de droit commun dans un contexte de dérives sectaires, d'atteintes aux personnes, notamment des violences ou des atteintes sexuelles, ou encore d'atteintes aux biens comme l'abus de confiance, l'escroquerie ou le vol. Les exemples présentés ci-après démontrent la diversité des situations et des champs d'intervention :
- à Pau, un « thérapeute énergéticien » a été condamné le 3 octobre 2023 à 13 ans de réclusion criminelle pour quatre viols et douze agressions sexuelles, ainsi que des atteintes à la vie privée par captation d'images52(*) ;
- la cour d'assises de Bordeaux a condamné le 18 septembre 2023 un magnétiseur de 77 ans à 15 ans de réclusion criminelle, pour viols et agressions sexuelles sur 16 femmes53(*) ;
- dans l'Allier, un « prêtre païen », spécialiste en mythologie nordique, a été condamné le 6 juillet 2023 à trois ans d'emprisonnement pour « abus frauduleux de l'ignorance ou de la faiblesse d'une personne en état de sujétion psychologique ou physique » à l'encontre d'une dizaine de victimes, dont certaines ont été ruinées, mais aussi pour « provocation à l'usage illicite ou au trafic de stupéfiants »54(*).
De nombreuses affaires judiciaires récentes et non encore jugées, qui ont dû faire l'objet pour certaines d'entre elles de communications du parquet dans un contexte de fort retentissement médiatique, portent également sur des infractions très diversifiées :
- d'homicide involontaire, d'abus de faiblesse, de mise en danger de la vie d'autrui et d'exercice illégal de la médecine qui ont été reprochées à un naturopathe, suite au décès de plusieurs personnes qui auraient suivi des stages de « jeûne hydrique » (janvier 2023) ;
- d'abus de confiance, blanchiment et travail dissimulé concernant un prédicateur, pour un préjudice qui serait de l'ordre de deux millions d'euros (septembre 2023) ;
- de viols, violences et abus de faiblesse de personnes en état de sujétion psychologique reprochées au fondateur du mouvement « La famille de Nazareth » dans l'Essonne (juin 2023),
- d'exercice illégal de la médecine et de la pharmacie, faux et usage de faux, pratiques commerciales trompeuses, blanchiment, abus de biens sociaux et abus de faiblesse concernant un « crudivoriste » dans les Pyrénées-Orientales (mars 2023).
Les ordres des professionnels de santé sont également très régulièrement amenés à prendre des sanctions disciplinaires à l'encontre de praticiens qui se sont livrés à des pratiques déviantes, dont certaines peuvent revêtir les caractéristiques d'une dérive sectaire. Dans le cadre de l'affaire de l'« hydrotomie percutanée », douze infirmiers ont été ainsi sanctionnés en appel pour avoir pratiqué des soins non validés par les autorités scientifiques et l'inventeur de cette technique a fait l'objet d'une radiation selon le communiqué de la chambre disciplinaire de première instance du conseil de l'Ordre des médecins de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (juin 2023).
D'après le service central de renseignement criminel de la Gendarmerie55(*), les principaux domaines d'infiltration des mouvements à caractère sectaire sont : le monde du travail et les formations, l'enfance (notamment les enfants ayant des difficultés scolaires), les salons et conférences, la santé via les associations d'aide et de soutien, et l'écologie et l'humanitaire.
III. Une stratégie nationale qui propose notamment une réforme législative
Face à ce phénomène, le Gouvernement a pris plusieurs mesures destinées à adapter les moyens de lutte contre les dérives sectaires.
3.1. L'accroissement des moyens d'enquête
Il a d'abord renforcé les ressources affectées aux investigations : cellule d'assistance et d'interventions en matière de dérives sectaires (CAIMADES) au sein de l'office central pour la répression des violences aux personnes (OCRVP) depuis 2009 et pôle atteintes aux personnes et dérives sectaires du service central du renseignement criminel de la direction générale de la gendarmerie (DGGN).
Les services d'enquête comme les parquets confirment la difficulté, avec les moyens d'enquête classiques, à réunir des preuves permettant d'établir l'infraction d'abus de faiblesse dans un cadre sectaire compte tenu de l'opacité, de l'enfermement et de la discrétion des groupes sectaires. Les auteurs s'emploient à dissimuler leurs agissements et les victimes ne réalisent pas, du fait de l'emprise mentale, qu'une infraction est commise à leur encontre.
Les agissements sectaires se caractérisant, d'une part, par la complexité des montages juridiques des structures, des méthodes d'approche et d'embrigadement des victimes et, d'autre part, par la gravité des faits commis à l'encontre des victimes de dérives sectaires (agressions sexuelles, viols, violences psychologiques et physiques, mise en péril de la santé et de la moralité des mineurs, etc.). Face à cette difficulté d'établir la preuve, le Parlement a adopté l'article 16 de la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur qui prévoit la possibilité pour les enquêteurs d'avoir recours à certaines techniques spéciales d'enquête56(*) dans le cadre d'investigations relatives à l'abus de faiblesse dans un contexte sectaire.
Cette évolution législative a été validée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2022-846 DC du 19 janvier 2023 (§68 à §77), par laquelle il a jugé que « (...) eu égard à la gravité et à la complexité de ces infractions, le législateur a pu prévoir, pour la recherche de leurs auteurs, la mise en oeuvre de techniques spéciales d'enquête ainsi que le recours à la garde à vue selon les modalités dérogatoires prévues à l'article 706-88 du code de procédure pénale. ».
3.2. Les assises nationales des dérives sectaires : un temps de concertation et d'échanges
Les évolutions précitées ont conduit le Gouvernement à organiser la réunion des premières assises nationales de la lutte contre les dérives sectaires les 9 et 10 mars 2023. Ces assises ont eu pour objet de tracer les lignes d'une stratégie nationale de lutte, d'adapter les moyens d'action des pouvoirs publics et de les inscrire dans la durée.
Elles ont réuni plus de 200 acteurs : les services concernés de l'État, des partenaires institutionnels, des parlementaires, des avocats, des médecins, des représentants et membres d'associations d'aide aux victimes, des représentants des grandes plateformes du numérique, ainsi que des acteurs européens et nationaux, experts et personnalités qualifiées. Les représentants des principaux cultes en France ont également pris part à leurs travaux.
L'objectif était de mobiliser tous les acteurs concernés, d'établir un diagnostic précis de l'évolution du phénomène et de proposer des mesures nouvelles. Un projet de stratégie nationale de la lutte contre les dérives sectaires a été défini pour les années à venir grâce aux travaux menés par sept commissions : l'évolution du droit et des réponses judiciaires en matière de santé ; la coopération inter-services ; le partenariat entre l'Etat et le monde associatif ; la lutte contre les dérives sectaires en Europe ; le droit du numérique ; les liens entre discours complotistes et dérives sectaires et l'accompagnement des victimes.
Ces commissions, étaient composées notamment de députés et sénateurs, des membres de directions ministérielles, de préfectures et d'académies, de magistrats, de présidents d'ordres de professionnels de santé, ainsi que de présidents d'associations.
Cette diversité a permis à la MIVILUDES de conduire une véritable concertation sur le sujet, qui fondent les mesures prises relatives à la lutte contre les dérives sectaires sur les différents thèmes évoqués.
A la suite de ces assises, la MIVILUDES a poursuivi les échanges avec ces différents partenaires en organisant des visioconférences sur plusieurs de ces thèmes : l'évolution du droit pénal et du droit de la santé pour mieux lutter contre les dérives sectaires, la coopération inter-services, le partenariat entre l'Etat et le monde associatif, l'accompagnement des victimes, la prévention et la lutte contre les dérives sectaires sur Internet et les réseaux sociaux.
A l'issue de cet exercice, le Gouvernement a entendu susciter un débat public en diffusant un compte-rendu vidéo des assises nationales de la lutte sur les dérives sectaires sur le site internet du ministère de l'Intérieur et des Outre-mer et sur les réseaux sociaux57(*) et en présentant le 11 juillet 2023 à la presse et aux parlementaires les axes de la future stratégie nationale de la lutte contre les dérives sectaires.
La stratégie nationale de la lutte contre les dérives sectaires Le présent projet de loi s'inscrit dans une perspective globale de prévention et de lutte contre les dérives sectaires. La première stratégie nationale de lutte contre les dérives sectaires vise à mobiliser les pouvoirs publics pour : - prévenir plus efficacement les risques de dérives sectaires (1.) ; - mieux accueillir, soutenir et accompagner les personnes subissant ou ayant subi une expérience sectaire (2.) ; - et renforcer l'arsenal juridique et les bonnes pratiques (3.). 1. La prévention des risques de dérives sectaires, premier axe de la stratégie nationale, nécessite de mieux connaître le phénomène pour mieux mesurer l'efficacité de la politique publique en la matière, mais également de sensibiliser et informer le public, notamment par le biais d'une campagne nationale, ainsi que les élus, comme les professionnels, par des actions ciblées et coordonnées. Trois actions thématiques devront être menées plus spécifiquement pour : - lutter contre les dérives sectaires sur Internet et les réseaux sociaux, notamment par la mise en place d'un circuit de signalements de contenus illicites ou encore l'éducation à l'esprit critique, - faire émerger une stratégie nationale de protection des enfants exposés à des dérives sectaires, en renforçant notamment les remontées d'informations et la mobilisation des acteurs, - agir à l'échelon européen, par des actions de coopération, notamment dans le cadre d'un observatoire européen des dangers liés aux organisations à caractère sectaire. 2. Mieux accueillir, soutenir et accompagner les personnes subissant ou ayant subi une expérience sectaire implique d'organiser et de faire vivre, sous l'impulsion des préfectures, un réseau territorial permettant de repérer et de prendre en charge les situations avérées ou à risque de dérives sectaires, de mieux accueillir et aider les personnes subissant ou ayant subi une expérience sectaire, notamment en améliorant la compréhension du phénomène, l'indemnisation des victimes et en renforçant les partenariats associatifs avec les associations spécialisées et les élargir aux acteurs généralistes de l'aide aux victimes. 3. Le renforcement de l'arsenal juridique par le présent projet de loi sera complété par le partage de bonnes pratiques, notamment dans le domaine de la santé : le comité d'appui à l'encadrement des pratiques de soins dites « non conventionnelles », piloté par le ministère de la Santé et de la Prévention, vise à dégager un consensus scientifique pour mieux lutter contre les dérives thérapeutiques, notamment à caractère sectaire et une stratégie pragmatique sera adoptée pour s'assurer de la prise en compte des enjeux de la prévention et la lutte contre les dérives sectaires (ex. EU internet forum ; groupe de travail sur les agressions sexuelles) au sein des différentes instances et groupes de travail de la Commission européenne. |
IV. De nouvelles mesures législatives pour faire face à ces nouvelles menaces
Les assises nationales de la lutte contre les dérives sectaires ont contribué à faire émerger le présent projet de loi, qui représente la première initiative législative d'ampleur depuis la loi About-Picard de 2001 et la création de la MIVILUDES en 2002.
Les travaux de ces assises ont mis en évidence des axes d'amélioration de notre droit pénal :
- la qualification d'abus d'ignorance ou de faiblesse par sujétion psychologique ou physique apparaît particulièrement complexe;
- cette infraction est mal connue et mal comprise ;
- le droit applicable ne permet pas une indemnisation du préjudice des victimes dans des conditions satisfaisantes : une condamnation pour abus de faiblesse de personne en état de sujétion psychologique ou physique permet de démontrer que son auteur a abusé de cet état de sujétion de la victime, mais ne permet pas de démontrer qu'il est à l'origine de cet état de sujétion, alors que pourtant, en pratique, ceux qui ont abusé de cet état de sujétion sont presque systématiquement ceux qui en sont à l'origine ;
- les acteurs associatifs spécialisés dans le domaine de la lutte contre les dérives sectaires sont insuffisamment nombreux, puisque actuellement seule l'UNADFI58(*) dispose de la qualité requise (la reconnaissance d'utilité publique) pour agir en justice ;
- le recours systématique aux infractions de droit commun en matière de dérives sectaires ne permet pas de faire connaître le phénomène des dérives sectaires en l'absence d'infraction dédiée et de statistiques fiables. Dès lors, il existe encore, dans une très large mesure, une forme « d'invisibilité légale » du phénomène qui notamment fragilise la méthodologie du recueil d'informations sur les dérives sectaires pour la MIVILUDES, qui se voit contrainte de se fonder davantage sur des signalements que sur des condamnations judiciaires, faute de capacité à consolider suffisamment les données en matière pénale ;
- enfin, dans le domaine des dérives thérapeutiques à caractère sectaire, les ordres des professionnels de santé s'estiment dans certains cas informés trop tardivement des manquements du professionnel et souhaiteraient disposer le plus tôt possible de la copie des pièces judiciaires utiles pour engager sans délai des poursuites disciplinaires contre leurs auteurs.
Le présent projet de loi vise en conséquence à :
- faciliter les procédures judiciaires notamment pénales ;
- adapter la réponse des pouvoirs publics aux nouvelles formes des dérives sectaires, notamment sur le plan numérique ;
- faciliter la réparation des dommages subis par les victimes et la constitution de partie civile des associations.
Le chapitre Ier du projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires a pour objectif de faciliter et renforcer les poursuites pénales.
Pour ce faire, l'article 1er du présent projet de loi crée dans le code pénal un nouveau délit de placement dans un état de sujétion psychologique ou physique (nouvel article 223-15-3 du code pénal) réprimant, outre le fait d'abuser de l'état d'ignorance ou de faiblesse d'autrui résultant de la situation de sujétion psychologique ou physique59(*), le fait de placer ou de maintenir autrui dans cette situation.
Toujours dans l'objectif de renforcer les poursuites pénales contre les auteurs de dérives sectaires, une circonstance aggravante de placement en état de sujétion psychologique ou physique est introduite par l'article 2 du projet de loi qui permettra de sanctionner plus durement les crimes et délits les plus graves ou les plus fréquemment rencontrés dans un contexte sectaire (meurtre, actes de torture et de barbarie, violences et escroquerie), ce contexte ayant été créé à dessein par l'auteur pour les commettre.
Le chapitre II du projet de loi a pour objectif de renforcer l'accompagnement des victimes de dérives sectaires. Il s'agit, à travers l'article 3 de permettre à davantage d'associations de se constituer partie civile pour lutter contre les dérives sectaires, ces associations jouant un rôle particulièrement déterminant dans l'aide aux victimes. Reprenant le schéma adopté dans d'autres cas, à l'instar notamment des cas d'accidents survenus dans les transports collectifs, de la protection du patrimoine ou de la lutte contre la corruption, cette possibilité de se constituer partie civile pourra être ouverte à d'autres associations d'aide aux victimes de dérives sectaires à l'issue d'une procédure d'agrément sous la responsabilité du ministère de la Justice.
Le chapitre III du projet de loi vise à protéger la santé de nos concitoyens face aux risques et à la dangerosité des dérives sectaires. En effet, la santé est devenue, notamment du fait de la crise sanitaire de 2020/2021 et du développement du numérique et des réseaux sociaux, un des sujets majeurs de préoccupation en matière de lutte contre les dérives sectaires. Ainsi, 25% des saisines de la MIVILUDES en 2021 concernent le domaine de la santé (1011 sur 4020).
Il apparaît aujourd'hui essentiel de protéger la santé publique et de sanctionner les pratiques les plus dangereuses pour la santé des personnes, en particulier s'agissant de pratiques qui, présentées comme thérapeutiques ou relevant simplement du bien-être ou de soins, peuvent avoir des conséquences dramatiques pour les personnes. L'article 4 du projet de loi y contribuera fortement en créant deux délits de provocation à l'abandon ou à l'abstention d'un traitement médical thérapeutique ou prophylactique d'une part, à l'adoption de pratiques présentées comme ayant une finalité thérapeutique ou prophylactique et comme bénéfiques pour la santé d'autre part, quand il est manifeste que cette provocation expose la personne visée à des conséquences graves pour sa santé.
En effet, les contenus relatifs à la santé, diffusés principalement en ligne, permettent à des tiers non qualifiés dangereux pour la santé des personnes atteintes de pathologie, parce qu'ils les détournent de traitements qui sont nécessaires à leur santé. L'infraction nouvelle doit faciliter la poursuite et la répression de ces comportements, sans pour autant interdire de promouvoir des pratiques alternatives qui relèvent de la liberté individuelle, ni de lancer des alertes.
Ce chapitre du projet de loi est complété par un article 5 qui vise à faciliter les sanctions disciplinaires de praticiens déviants notamment dans le domaine des dérives sectaires, en prévoyant dans le code de procédure pénale l'obligation d'information par le ministère public des ordres professionnels concernés s'agissant des condamnations ou placements en contrôle judiciaires visant des professionnels de santé, afin de permettre aux ordres de prendre le cas échéant des mesures conservatoires voire disciplinaires à leur encontre.
Enfin, le chapitre IV du présent projet de loi vise à assurer l'information des acteurs judiciaires et du public sur les dérives sectaires. L'article 6 du projet de loi permet ainsi au ministère public ou à la juridiction de solliciter tout service de l'Etat, tel que la MIVILUDES, dont la compétence pourrait l'éclairer utilement dans les dossiers en instance relevant des dérives sectaires (principe de l'amicus curiae).
Cet article permet de conforter le travail de la MIVILUDES en garantissant son information au sujet des procédures relatives à des dérives sectaires, et par conséquent de fiabiliser les informations délivrées à son tour par la mission au public dans le cadre de son rapport public, qui serait ainsi fondé non seulement sur des signalements mais également sur des décisions de justice, dans les conditions prévues par la loi60(*).
TABLEAU SYNOPTIQUE DES CONSULTATIONS
Article |
Objet de l'article |
Consultations obligatoires |
Consultations facultatives |
1er |
Singulariser le délit d'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de faiblesse résultant d'un état de sujétion et créer un délit autonome permettant de réprimer les agissements qui ont pour effet de créer cet état de sujétion |
Néant |
Néant |
2 |
Introduire une circonstance aggravante de placement en état de sujétion psychologique ou physique pour le meurtre, les actes de torture et de barbarie, les violences et les escroqueries |
Néant |
Néant |
3 |
Etendre les catégories d'associations pouvant se constituer partie civile en matière d'emprise sectaire |
Néant |
Néant |
4 |
Réprimer la provocation à l'abandon ou l'abstention de soins ou à l'adoption de pratiques dont il est manifeste qu'elle expose la personne visée à un risque grave pour sa santé |
Néant |
Néant |
5 |
Faciliter les sanctions disciplinaires par l'instauration dans le code de procédure pénale d'une obligation d'information des ordres professionnels de santé, par les parquets et par écrit lorsque des professionnels de santé sont condamnés ou placés sous contrôle judiciaire à raison de certaines infractions |
Néant |
Néant |
6 |
Permettre aux services de l'État compétents d'être sollicités par le parquet ou la juridiction des instances relatives à des sujétions psychologiques ou pour leur apporter toute information utile de nature à les éclairer |
Néant |
Néant |
TABLEAU SYNOPTIQUE DES MESURES D'APPLICATION
Article |
Objet de l'article |
Textes d'application |
Administration compétente |
1er |
Singulariser le délit d'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de faiblesse résultant d'un état de sujétion et créer un délit autonome permettant de réprimer les agissements qui ont pour effet de créer cet état de sujétion |
Néant |
Sans objet |
2 |
Introduire une circonstance aggravante de placement en état de sujétion psychologique ou physique pour le meurtre, les actes de torture et de barbarie, les violences et les escroqueries |
Néant |
Sans objet |
3 |
Etendre les catégories d'associations pouvant se constituer partie civile en matière d'emprise sectaire |
Décret en Conseil d'Etat |
Ministère de la justice |
4 |
Réprimer la provocation à l'abandon ou l'abstention de soins ou à l'adoption de pratiques dont il est manifeste qu'elle expose la personne visée à un risque grave pour sa santé |
Néant |
Sans objet |
5 |
Faciliter les sanctions disciplinaires par l'instauration dans le code de procédure pénale d'une obligation d'information des ordres professionnels de santé, par les parquets et par écrit lorsque des professionnels de santé sont condamnés ou placés sous contrôle judiciaire à raison de certaines infractions |
Néant |
Sans objet |
6 |
Permettre aux services de l'État compétents d'être sollicités par le parquet ou la juridiction des instances relatives à des sujétions psychologiques ou physiques pour leur apporter toute information utile de nature à les éclairer |
Arrêté |
Ministère de la justice Ministère de l'intérieur Ministère de la santé Ministère chargé de la cohésion sociale |
TABLEAU D'INDICATEURS D'IMPACTS
Indicateurs |
Objectifs et modalités de l'indicateur |
Objectif visé (en valeur et/ou en tendance) |
Horizon temporel et périodicité |
Identification et objectif des dispositions concernées |
Nombre d'infraction d'abus de faiblesse (simple et aggravé) traité par les parquets (avec ou sans poursuites) |
Suivi statistique des infractions dans la base de données du ministère de la justice |
Mesure en valeur absolue et en tendance |
Evaluation annuelle dans le rapport de politique pénale du garde des sceaux |
Article 1er Singulariser dans un délit à part l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de faiblesse qui résulte d'un état de sujétion et créer un délit autonome permettant de réprimer les agissements qui ont pour effet de créer cet état de sujétion |
Nombre de mises en causes traitées par les parquets pour les infractions concernées (avec ou sans poursuites) |
Mesure le nombre d'infractions de cette nature enregistrée dans le système CASSIOPEE du ministère de la justice |
Mesure le nombre de faits pour lesquels cette qualification est retenue |
12 mois après l'entrée en vigueur, puis tous les ans dans le rapport de politique pénale du ministère public |
Article 1er Singulariser dans un délit à part l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de faiblesse qui résulte d'un état de sujétion et créer un délit autonome permettant de réprimer les agissements qui ont pour effet de créer cet état de sujétion |
Nombre d'infractions d'abus de faiblesse (simple et aggravé) traitées par les parquets (avec ou sans poursuites) |
Suivi statistique des infractions dans la base de données du ministère de la justice |
Mesure en valeur absolue et en tendance |
Evaluation annuelle dans le rapport de politique pénale du garde des sceaux |
Article 1er Singulariser dans un délit à part l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de faiblesse qui résulte d'un état de sujétion et créer un délit autonome permettant de réprimer les agissements qui ont pour effet de créer cet état de sujétion |
Nombre de transmissions d'information par les parquets aux ordres professionnels de la santé |
La transmission devenant systématique, le nombre devrait augmenter |
Augmentation |
A partir de l'entrée en vigueur de l'article 11-2-1 du code de procédure pénale |
Article 5 Faciliter les sanctions disciplinaires par l'instauration dans le code de procédure pénale d'une obligation d'information des ordres professionnels de santé, par les parquets et par écrit lorsque des professionnels de santé sont mis en examen ou poursuivis |
Nombre de mesures prises par les ordres professionnels de la santé à l'encontre des personnes dont l'activité professionnelle ou sociale est placée sous leur contrôle ou leur autorité ayant fait l'objet d'une information du parquet |
La transmission devenant systématique, le nombre devrait augmenter |
Augmentation |
A partir de l'entrée en vigueur de l'article 11-2-1 du code de procédure pénale Evaluation annuelle dans les rapports d'activité des ordres médicaux. |
Article 5 Faciliter les sanctions disciplinaires par l'instauration dans le code de procédure pénale d'une obligation d'information des ordres professionnels de santé, par les parquets et par écrit lorsque des professionnels de santé sont mis en examen ou poursuivis |
Nombre de sollicitations reçues par la MIVILUDES |
Permet d'identifier les besoins de la Justice et l'appropriation du sujet par les services judiciaires |
Augmentation |
Evaluation annuelle dans les rapports d'activité des services de l'Etat concernés (neuf mois après l'entrée en vigueur du décret d'application), évaluation annuelle dans les rapports d'activité de la MIVILUDES et des autres services |
Article 6 Permettre aux services de l'État compétents d'être sollicités par le parquet ou la juridiction des instances relatives à des sujétions psychologiques ou physiques pour leur apporter toute information utile de nature à les éclairer |
Nombre de participation des services de l'Etat compétents à des audiences pénales comme amicus curiae |
Permet d'identifier l'implication de MIVILUDES et son activité |
Augmentation |
Dans le premier rapport d'activités de la MIVILUDES ou des autres services publié après l'entrée en vigueur, puis à chaque rapport |
Article 6 Permettre aux services de l'État compétents d'être sollicités par le parquet ou la juridiction des instances relatives à des sujétions psychologiques ou physiques pour leur apporter toute information utile de nature à les éclairer |
TITRE IER - DISPOSITIONS RELATIVES À LA LUTTE CONTRE LES DÉRIVES SECTAIRES
CHAPITRE Ier - FACILITER ET RENFORCER LES POURSUITES PÉNALES
Article 1er - Singulariser le délit d'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de faiblesse résultant d'un état de sujétion et créer un délit autonome permettant de réprimer les agissements qui ont pour effet de créer cet état de sujétion
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
L'article 223-15-2 du code pénal réprime « l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse soit d'un mineur, soit d'une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur, soit d'une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l'exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement, pour conduire ce mineur ou cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables ».
Les assises nationales des dérives sectaires tenues en mars 2023 ont permis d'établir que cette infraction était insuffisamment connue et exploitée par les juridictions et les professionnels de justice en général. Si les nouvelles possibilités d'enquête ont été saluées (notamment l'ouverture des techniques spéciales d'enquête par la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur - LOPMI61(*)), il a été rappelé qu'en dehors de l'Office central pour la répression des violences aux personnes (OCRVP), il n'existe pas de service enquêteur spécialisé dans les phénomènes sectaires. L'article 223-15-2 du code pénal rassemble dans la même disposition des phénomènes qui semblent proches mais dont les implications, les modes opératoires et les préjudices peuvent en réalité être radicalement différents. En effet, l'abus de faiblesse « simple » ne relève pas des mêmes mécanismes que l'abus de faiblesse « sectaire » (voir infra, « nécessité de légiférer »). D'après les statistiques du SSMSI (service statistique ministériel de la sécurité intérieure), les décomptes des victimes d'abus de faiblesse de personne en état de sujétion psychologique enregistrées sur la période 2016-2022 sont les suivants :
- 1065 victimes d'abus frauduleux de l'ignorance ou de la faiblesse d'une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de pression ou technique de nature à altérer le jugement ;
- 91 victimes d'abus frauduleux de l'ignorance ou de la faiblesse d'une personne par dirigeant d'un groupement poursuivant des activités créant maintenant ou exploitant la sujétion psychologique ou physique des participants ;
- 878 cas d'abus frauduleux de l'ignorance ou de la faiblesse d'une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de pression ou technique de nature à altérer le jugement ;
- 49 cas d'abus frauduleux de l'ignorance ou de la faiblesse d'une personne par dirigeant d'un groupement poursuivant des activités créant maintenant ou exploitant la sujétion psychologique ou physique des participants.
Les statistiques de la Chancellerie permettent de constater les données suivantes62(*) avec cette limite qu'elles ne distinguent pas entre les cas et les circonstances de commission de l'infraction :
Tableau 2 : condamnations prononcées pour les délits d'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de faiblesse d'une personne en état de sujétion psychologique ou physique
Source : SDSE-Tables statistiques du casier judiciaire national, traitement DACG-PEPP (pour les données de 2004 à 2016) et SG-SDSE SID/CASSIOPEE-Traitement DACG/PEPP (pour les données de 2017 à 2022
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
Les sanctions pénales prévues dans notre ordonnancement juridique doivent obéir à certains principes fondamentaux : légalité criminelle, nécessité et proportionnalité des peines. Ces principes régissent également la possibilité qu'a le législateur de distinguer, à partir de faits de même nature, des infractions pénales différentes selon les situations.
1.2.1. Le respect du principe de légalité criminelle
Principe fondamental du droit pénal moderne exprimé par la formule « Nullum crimen, nulla poena sine lege », le principe de légalité des délits et des peines signifie qu'il ne saurait y avoir de crimes, de délits et de contraventions sans une définition préalable de ces infractions, contenue dans un texte fixant leurs éléments constitutifs et la peine applicable.
1/ Ce principe implique ainsi que les infractions les plus graves soient définies par la loi ; les valeurs essentielles protégées par le droit pénal ne peuvent être déterminées que par les représentants de la Nation. Ainsi, conformément à l'article 34 de la Constitution, l'article 111-2 du code pénal prévoit, dans son alinéa 1, que : « La loi détermine les crimes et délits et fixe les peines applicables à leurs auteurs. »
Si l'article 37 de la Constitution permet que les contraventions soient déterminées par le règlement, celles-ci restent soumises à la loi : « Le règlement détermine les contraventions et fixe, dans les limites et selon les distinctions établies par la loi, les peines applicables aux contrevenants. »
2/ Le principe de légalité criminelle induit également qu'un individu ne peut être poursuivi et condamné que par l'application d'une loi préexistante à l'acte qui lui est reproché.
L'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (DDHC) de 1789 précise ainsi que : « nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée. » ;
De même, l'article 111-3 du code pénal dispose que : « Nul ne peut être puni pour un crime ou pour un délit dont les éléments ne sont pas définis par la loi, ou pour une contravention dont les éléments ne sont pas définis par le règlement. Nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi, si l'infraction est un crime ou un délit, ou par le règlement, si l'infraction est une contravention. »
3/ Enfin, le principe de légalité implique, selon le Conseil constitutionnel, que la loi soit définie « en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l'arbitraire »63(*).
Dans sa décision n° 2012-240 QPC du 4 mai 2012, le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions de l'article 222-33 du code pénal : « Considérant que l'article 222-33 du code pénal permet que le délit de harcèlement sexuel soit punissable sans que les éléments constitutifs de l'infraction soient suffisamment définis ; qu'ainsi, ces dispositions méconnaissent le principe de légalité des délits et des peines et doivent être déclarées contraires à la Constitution ».
1.2.2. Le respect du principe de nécessité et de proportionnalité des peines
Parce que les sanctions pénales ne doivent pas porter une atteinte excessive au respect des libertés fondamentales, elles doivent être strictement nécessaires et proportionnées. Ainsi, l'article 8 de la DDHC de 1789 énonce que « les lois ne doivent établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ».
Se fondant sur ce texte, le Conseil constitutionnel n'hésite pas à censurer des dispositions législatives prévoyant des peines disproportionnées au regard du comportement qu'elles sanctionnent (Décision n° 80-127 DC des 19 et 20 janvier 1981).
Si le Conseil constitutionnel n'a jamais eu à se prononcer sur la conformité à la Constitution du délit d'abus frauduleux de l'état de faiblesse ou d'ignorance, c'est parce que la chambre criminelle de la Cour de cassation a refusé de transmettre deux QPC :
- Dans un arrêt du 4 mai 2017 n° 16-85.919, la chambre criminelle de la Cour de cassation a refusé de renvoyer devant le Conseil constitutionnel une QPC relative à l'article 223-15-2 du code pénal, estimant : « que la question posée ne présente pas un caractère sérieux, dès lors que les dispositions légales critiquées sont rédigées en termes suffisamment clairs et précis, notamment en ce qu'elles concernent les notions d'acte ou d'abstention « gravement préjudiciables », qui visent, comme le retient la jurisprudence, toutes les natures de préjudice, patrimoniales ou extra-patrimoniales, pour permettre leur interprétation, qui entre dans l'office du juge pénal, sans risque d'arbitraire ».
- Dans un arrêt du 9 avril 2014, la chambre criminelle de la Cour de cassation avait déjà refusé de renvoyer devant le Conseil constitutionnel une QPC relative à l'article 223-15-2 du code pénal, estimant cette dernière comme dépourvue de caractère sérieux aux motifs que : « La disposition législative en cause est rédigée en termes suffisamment clairs et précis pour permettre son interprétation et sa sanction, qui relèvent de l'office du juge pénal, sans risque d'arbitraire ».
Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a déjà admis que deux incriminations distinctes puissent être identifiées à partir d'un seul et même délit. Ainsi dans sa décision n° 2021-823 DC du 13 août 2021, il a déclaré le nouvel article 433-3-1 du code pénal64(*) conforme à la Constitution et écarté le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi pénale en jugeant que « Si les dispositions contestées répriment des faits susceptibles d'entrer dans le champ d'application de l'incrimination prévue au dernier alinéa de l'article 433-365(*), ces deux incriminations se différencient tant au regard de l'intention particulière exigée de l'auteur des faits que des personnes qui sont l'objet des menaces, violences ou autres actes d'intimidation. »
Au cas présent, il est procédé de la même manière, à partir de l'actuel article 223-15-2, à la distinction entre l'abus frauduleux simple et les agissements conduisant au placement en situation de faiblesse et à l'abus de ce même état. De cette sorte, l'abus de faiblesse commis dans un cadre sectaire, s'il correspond à un mécanisme similaire à l'abus de faiblesse « simple », est suffisamment singularisé pour échapper à la qualification simple : la sujétion est une circonstance si particulière qu'elle ne peut être confondue avec l'abus d'une faiblesse « organique » ou préalable de la victime (âge, handicap, etc.). Les deux infractions ne se chevauchent pas et répondent ainsi aux critères fixés par le Conseil constitutionnel.
Enfin, le Conseil constitutionnel, considérant que la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, n'exerce qu'un contrôle restreint en matière d'échelle des peines, et ne censure les dispositions que lorsqu'il existe une disproportion manifeste entre la gravité du comportement réprimé et la gravité de la peine encourue.66(*)
1.2.3. La liberté de conscience, autonomie personnelle et protection de la dignité des personnes
S'il peut être considéré que chaque personne est libre de se soumettre à l'emprise d'individu ou de groupes, faisant à cet égard usage de son libre arbitre et sa liberté de conscience, la conception française de l'ordre public considère en revanche qu'il appartient à la puissance publique de protéger la personne humaine contre les atteintes à sa dignité, quand bien même cette personne pourrait être elle-même à l'origine de sa propre mise en danger.
A titre d'exemple peuvent être citées les décisions relatives à :
- l'obligation pour l'Etat de protéger les conducteurs en leur imposant le port de la ceinture67(*) ;
- l'interdiction du lancer de nain68(*) ;
- la validation par le Conseil constitutionnel de la loi contre le proxénétisme69(*) : « D'une part, il ressort des travaux préparatoires que, en faisant le choix par les dispositions contestées de pénaliser les acheteurs de services sexuels, le législateur a entendu, en privant le proxénétisme de sources de profits, lutter contre cette activité et contre la traite des êtres humains aux fins d'exploitation sexuelle, activités criminelles fondées sur la contrainte et l'asservissement de l'être humain. Il a ainsi entendu assurer la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre ces formes d'asservissement et poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et de prévention des infractions.
- Si le législateur a réprimé tout recours à la prostitution, y compris lorsque les actes sexuels se présentent comme accomplis librement entre adultes consentants dans un espace privé, il a considéré que, dans leur très grande majorité, les personnes qui se livrent à la prostitution sont victimes du proxénétisme et de la traite et que ces infractions sont rendues possibles par l'existence d'une demande de relations sexuelles tarifées. En prohibant cette demande par l'incrimination contestée, le législateur a retenu un moyen qui n'est pas manifestement inapproprié à l'objectif de politique publique poursuivi. (...) les griefs tirés de la méconnaissance de la liberté d'entreprendre et de la liberté contractuelle doivent être écartés. »
Ainsi, si la liberté de conscience a été largement consacrée, elle ne saurait prévaloir par principe et il appartient au législateur d'opérer une conciliation entre ce principe et l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et de prévention des infractions et la sauvegarde de la dignité de la personne humaine. conçue comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République70(*), la liberté de conscience est désormais rattachée à l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 178971(*).
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Le principe de légalité criminelle découle de plusieurs textes supranationaux :
- L'article 7 de Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CESDH) selon lequel « 1. Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d'après le droit national ou international. De même il n'est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise » ;
- L'article 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne selon lequel : « 1. Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d'après le droit national ou le droit international. De même, il n'est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise. Si, postérieurement à cette infraction, la loi prévoit une peine plus légère, celle-ci doit être appliquée ».
- L'article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDC) aux termes duquel « 1. Nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui ne constituaient pas un acte délictueux d'après le droit national ou international au moment où elles ont été commises. De même, il ne sera infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise. Si, postérieurement à cette infraction, la loi prévoit l'application d'une peine plus légère, le délinquant doit en bénéficier ».
Par ailleurs, l'objectif répressif poursuivi par le législateur en instituant une peine doit être concilié avec le respect des droits et libertés fondamentales, tels que la liberté religieuse (article 9 CESDH), la liberté d'expression (article 10 CESDH) ou encore la liberté de réunion (rattachée aux articles 10 et 11 de la DDHC).
La liberté de conscience est par ailleurs protégée à l'échelle supranationale. L'article 9 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales de 1950 consacre la liberté de conscience, à l'instar des articles 8 et 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966. On mentionnera que le PIDCP, le seul à hiérarchiser les droits et libertés qu'il proclame, érige à son article 4 la liberté de conscience dans le bloc de supra-libertés, protégées, y compris en « cas où un danger public exceptionnel menace l'existence de la nation », prohibant « des mesures [y] dérogeant ».
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Le délit d'abus de faiblesse prévu par l'article 223-15-2 du code pénal, introduit dans le code pénal il y a plus de vingt ans par la loi About-Picard72(*), bien que rédigé en des « termes suffisamment clairs et précis pour permettre son interprétation et sa sanction, qui relèvent de l'office du juge pénal, sans risque d'arbitraire »73(*) rend difficile dans sa rédaction actuelle de sanctionner le fait de placer ou maintenir autrui dans une situation de sujétion psychologique ou physique, seul l'abus de l'état de faiblesse causé par un état de sujétion étant explicitement prévu. Le délit est par ailleurs constitué non pas lorsque la santé psychologique ou physique est gravement altérée, mais lorsque la situation de faiblesse a causé des actes ou abstentions gravement préjudiciables.
Or, cette absence d'incrimination du placement ou du maintien d'autrui en situation de sujétion a des conséquences tant sur le plan de la responsabilité pénale des auteurs et du quantum des peines appliquées, que sur celui de la responsabilité civile, puisqu'elle prive les victimes de la possibilité de demander la réparation intégrale de l'ensemble des dommages causés par le placement ou le maintien de cette situation de sujétion. Les victimes ne peuvent solliciter des dommages et intérêts que sur le fondement d'une « abstention ou d'un acte gravement préjudiciables », résultant d'un abus de faiblesse (cf. article 223-15-2 du code pénal), ce qui ne permet pas de couvrir l'entièreté des dommages résultant d'une dégradation grave de leur santé psychologique ou physique.
A titre de comparaison, le harcèlement moral est réprimé depuis une loi du 17 janvier 200274(*), compte tenu de ses effets délétères sur la santé des victimes (avec d'ailleurs des éléments constitutifs moins exigeants sur le plan probatoire que la sujétion psychologique). La même logique de répression en cas de dégradation grave de la santé physique ou psychique devrait être retenue en cas de placement, de maintien ou d'abus d'une situation de sujétion.
En incluant les cas où la sujétion a provoqué une dégradation grave de la santé physique ou mentale, le texte issu du présent article facilitera les poursuites et unifiera les pratiques, en particulier pour tous les cas d'atteintes aux personnes causées par une emprise exercée dans le cadre d'une dérive sectaire. En effet, il existe actuellement des décisions des juges du fond adoptant des positions différentes, sur le point de savoir si les juridictions peuvent ou non qualifier d'« abstention » ou d'« acte gravement préjudiciable » un élément en réalité constitutif de la sujétion psychologique, comme la rupture avec la famille. La circulaire de politique pénale du 19 septembre 201175(*) précise que les actes ou abstentions visés peuvent concerner « le patrimoine des victimes, leur santé, leur activité professionnelle mais aussi leur vie familiale et affective ». Cependant, l'interprétation des décisions des juridictions du fond n'apparaît pas uniforme sur ce point76(*).
Il n'en est pas de même des atteintes aux biens, au sujet desquelles les condamnations pour abus de faiblesse de personne en état de sujétion psychologique apparaissent plus fréquentes77(*).
La qualification de l'abus de faiblesse de personne en état de sujétion psychologique ou physique ne permet pas non plus de distinguer les faits selon le contexte particulier dans lequel ils s'inscrivent. En effet, l'abus de faiblesse « simple » du premier alinéa correspond à des hypothèses de droit commun largement connues et sans difficulté particulières : une personne vulnérable est abusée par un proche (descendant, chargé de soins, auxiliaire de vie, curateur) ou par des tiers (marchands de matelas, « arnaques au rétroviseur », faux agents de toutes sortes).
Or, les abus commis dans des univers sectaires sont très différents, tant par le contexte que par leur nature et leur gravité. Outre les abus relatifs aux biens, ils peuvent concerner des actes sexuels, des pratiques dangereuses pour la santé physique ou mentale, voire des actes extrêmes tels que le suicide, le viol ou le meurtre. Ils sont souvent répétés dans le temps, à l'issue d'un processus progressif de sujétion qui place certaines victimes en position d'auteur pour les victimes suivantes, et laisse des séquelles durables pour les personnes qui ont été entrainées dans la dérive sectaire.
En outre, dans le cas de figure de l'abus de faiblesse simple, la « faiblesse » découle d'une caractéristique de la victime (minorité, particulière vulnérabilité de la victime en raison de son âge, son état de santé, de grossesse, cf. art. 223-15-2), alors que dans le cas spécifique propre aux dérives sectaires, la faiblesse est causée par la sujétion psychologique ou physique exercée sur la victime.
L'absence de distinction claire entre les deux cas crée de la confusion pour les praticiens, et ce d'autant plus que les enquêteurs et magistrats ayant à connaître de tels faits n'en ont souvent pas rencontré auparavant. La rédaction du texte doit donc être clarifiée pour rendre aux faits leur plus juste qualification devant les tribunaux et permettre au droit de rendre compte correctement du phénomène vécu par les victimes.
Afin de tenir compte des spécificités de l'emprise sectaire, en plus du délit d'abus de faiblesse causé par un état de « sujétion psychologique » dont les acquis, importants, sont conservés, un nouveau délit apparaît nécessaire pour définir plus simplement les situations de sujétion psychologique ou physique qui caractérisent l'emprise sectaire.
La mécanique sectaire repose en effet sur une forme d' aliénation suscitée ou entretenue qui est bien documentée78(*) et repose sur ce que la loi qualifie de « pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer [le] jugement79(*) ». Il s'agit de l'usage de techniques manipulatoires qui mobilisent une gamme large d'agissements reposant sur des mécanismes psychologiques d'engagement80(*) et de conformation au comportement du groupe, accompagnés de pressions qui dégradent l'estime de soi, induisent de la peur et de l'incompréhension et qui ont pour effet de placer l'individu dans une situation d'altération de son discernement.
Les études de psychologie qui ont été conduites ont démontré le caractère violent et nocif pour la santé de ces processus « d'embrigadement », en ce qu'ils opèrent une « déconstruction », fondée sur une déstabilisation de la personne, suivie d'une « reconstruction » où tout provient du groupe sectaire et de son autorité, communément qualifiée de « gourou ». La phase de déstabilisation est obtenue par diverses techniques de « conditionnement physique » (jeûne, régimes alimentaires modifiés, efforts physiques intenses, absence de sommeil, privations...) et de « conditionnement psychique » (pseudo-psychothérapies, induction de faux souvenirs, hypnose, substitution de langage, contrôle de la sexualité, rituels déstabilisants...). Cette phase, destinée à réduire le sujet à « l'état agentique81(*) », est destructrice pour la personnalité, au point que l'étude conduite par l'institut Georges Devereux (Université Paris 8) sur d'anciens adeptes de sectes a trouvé des états dépressifs chez 88% d'entre eux et des séquelles post-traumatiques dans 64% des cas.
Jusqu'à présent, l'infraction pénale « sectaire » introduite par la loi dite « About-Picard » considérait cette phase de mise en état de sujétion ou de maintien de cet état comme un simple moyen de la commission de l'infraction réprimée, qui était l'abus frauduleux de cet état. Ce faisant, le champ des infractions était restreint et ne permettait pas de réprimer des comportements qui sont lésionnels pour autrui, et qui engendrent par eux-mêmes des dommages graves pour les personnes, sans qu'il soit besoin d'attendre un abus frauduleux de l'état de la victime.
Ce nouveau délit permettra de poursuivre des agissements dont la nature est déjà bien identifiée par le droit pénal depuis la loi « About-Picard » et qui ne soulève pas de difficulté de qualification pénale des faits. Il répond d'une part au besoin de poursuivre des actes qui portent atteinte au droit des personnes et à la société, d'autre part à une demande de réparation des victimes, qui, sous l'empire du droit pénal actuel, ne peuvent solliciter des dommages et intérêts que sur le fondement d'un acte ou d'une abstention gravement préjudiciables. Or, si cette demande de dommages et intérêts est adaptée pour toutes les atteintes aux biens, lorsque l'acte ou l'abstention conduit par exemple à la remise de biens, elle ne l'est pas pour lorsque la sujétion conduit à des séquelles psychologiques, puisque dans cette situation, les juridictions sont amenées à démontrer l'existence d'un acte ou d'une abstention, qui dans les faits participent de la sujétion psychologique (ex. rupture familiale, travaux pénibles non rémunérés, atteintes à la dignité de la personne, humiliations, brimades notamment sur le plan psychologique, etc.).
Même si bien évidemment, les victimes conservent aujourd'hui la possibilité de solliciter auprès des juridictions civiles une réparation de leur préjudice liée à l'altération de leur santé, dans les faits, elles se trouvent, comme dans le cadre d'autres contentieux (ex. violences, agressions sexuelles) le plus souvent tributaires des éléments de preuves recueillis dans le cadre de procédures pénales et des éléments permettant établir les dommages subis, en particulier des expertises médicales.
Ainsi, une personne subissant l'emprise d'une personne se présentant comme « thérapeute » pourra mettre en cause sa responsabilité pénale dès lors qu'une altération grave de sa santé physique ou mentale causée par une sujétion psychologique ou physique sera établie par des expertises psychiatriques ou psychologiques, alors que cela n'est pas le cas aujourd'hui sous l'empire de la loi About-Picard. Cette personne pourra également solliciter des dommages et intérêts en réparation de cette altération grave de sa santé.
De la même manière, une personne mineure ou adulte au moment des faits, ayant subi dans un groupe à caractère sectaire une sujétion psychologique ou physique (par exemple à la suite de privations de sommeil, de nourriture ou d'autres pressions psychologiques et physiques) et présentant en conséquence une altération grave de sa santé pourra plus facilement mettre en cause la responsabilité pénale du « gourou » et demander réparation de l'intégralité de son préjudice.
Actuellement, sous l'empire de la loi About-Picard, comme évoqué précédemment, une condamnation pénale du chef d'abus de faiblesse de personne en état de sujétion psychologique dans ce cas de figure est aléatoire car elle dépend notamment du fait que les autorités de poursuite (ministère public, juge d'instruction) considèrent - ce qui n'a rien d'évident82(*) - que des éléments à l'origine en réalité de la sujétion psychologique ou physique (ex. perte de sommeil, dénutrition, activités physiques excessivement pénibles, ou tout autre procédé de sujétion auquel la personne a participé) constituent des « actes » ou des « abstentions gravement préjudiciables ». En outre, même si la juridiction considère que tel est le cas, cette victime ne peut solliciter des dommages et intérêts qu'en réparation de cet acte ou de cette abstention, et non en réparation de l'intégralité de son préjudice (séquelles psychologiques ou autres éléments relevant du dommage corporel).
Des garanties suffisantes sont apportées par le fait que pour caractériser le délit, des éléments de preuve devront établir l'existence d'un état de sujétion, mais également une altération grave de la santé mentale ou physique.
Ce faisant, il permettra de cibler la mécanique néfaste de l'embrigadement sectaire, celle qui détruit des personnalités, coupe des personnes de leur environnement familial, ruine leur santé et in fine peut donner lieu aux pires abus (agressions sexuelles, etc.).
Cette évolution du paradigme répressif à l'encontre des mouvements sectaire est issu du constat dressé supra de l'ampleur des préjudices sociaux et personnels causés par les manoeuvres de placement ou de maintien en l'état de sujétion. Ces manoeuvres, évoquées sous le vocable bien stabilisé en droit pénal de « pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer [le] jugement », sont un élément essentiel de caractérisation de ce délit et permettent de s'assurer que la répression de ces comportements ne porte pas atteinte à la liberté de conscience, qui permet des décisions d'auto-aliénation. Le texte garantit qu'au nom d'une croyance ou d'une opinion, tout personne puisse prendre des décisions patrimoniales, mais aussi concernant son réseau relationnel ou familial, ou bien son mode de vie. Elle peut prendre ces décisions que la société puisse trouver radicales, pour peu qu'elles ne portent pas atteinte à l'ordre public et ne soient pas gravement préjudiciables pour les personnes, en particulier sur le plan de la santé. Ces décisions doivent être fondées sur le libre-arbitre et parfaitement éclairées, ce que précisément les manoeuvres manipulatoires ne permettent pas.
Le recours à un délit spécifique de placement ou de maintien en état de sujétion psychologique et psychique est ainsi justifié par un impératif de clarté et d'intelligibilité de la norme qui contribue à la prévisibilité et à la sécurité juridique imposée par l'article 8 de la DDHC.
Conformément à l'article 34 de la Constitution, l'article 111-2 du code pénal prévoit, dans son alinéa 1, que : « La loi détermine les crimes et délits et fixe les peines applicables à leurs auteurs. » Pour modifier des dispositions pénales relatives à l'abus de faiblesse et au délit de placement, maintien ou abus d'un état de sujétion, il faut donc un vecteur législatif.
Le champ d'application du nouveau délit paraît en outre suffisamment circonscrit. Ainsi, l'érémitisme, l'ascétisme, la vie monastique cloitrée, les voeux de pauvreté ne sauraient être réprimés, dès lors qu'ils sont pleinement consentis, que ce consentement est ferme et sans équivoque et que la renonciation à ces principes n'emporte pas les conséquences préjudiciables, en particulier sur le plan de la santé, exigé par le présent article.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
La création d'un nouveau délit de placement dans état de sujétion psychologique et psychique apparaît nécessaire à plusieurs titres :
- Pour permettre au juge de restituer aux faits leur exacte qualification : l'état de sujétion psychologique ou physique ne constitue actuellement qu'un élément constitutif du délit d'abus de faiblesse. La sujétion ne fait ainsi l'objet d'aucune incrimination autonome. La cour d'appel de Toulouse a ainsi pu définir que « l'état de sujétion psychologique, au sens de l'article 223-15-2 du code pénal, ne peut être que celui qui résulte de manoeuvres et techniques destinées à soumettre la victime à l'emprise de son auteur »83(*). D'autres jurisprudences ont considéré que la sujétion psychologique pouvait être caractérisée par « des allégations de visions angoissantes et de sorts maléfiques84(*) » ou encore par « les violences et la domination exercée sur une victime psychologiquement fragile85(*) ». Il importe de réprimer la sujétion en tant que tel et pas seulement l'abus de cet état, de la même manière que le harcèlement est réprimé en tant que tel, de façon autonome et non comme une simple modalité de la violence psychologique ;
- Pour garantir une meilleure indemnisation des victimes : l'incrimination du placement en état de sujétion permet de faire reconnaître la responsabilité pénale des auteurs de l'infraction, sur le fondement de laquelle les victimes pourront, notamment sur constitution de partie civile, demander réparation de l'ensemble de leurs dommages notamment corporels (sur le plan de leur santé psychologique comme physique). Actuellement, les victimes ne peuvent solliciter que la réparation des dommages causés par l'« acte » ou l'« abstention » « gravement préjudiciables » résultant de l'abus de l'état de sujétion, et non la réparation des dommages résultant directement de cet état ;
- Pour prévoir les poursuites des abus de faiblesse « simples » lorsqu'ils sont commis en bande organisée. La rédaction de l'article 223-15-2 ne permet de poursuivre ces infractions en bande organisée que dans le cas des groupements constitués, de type sectaire. Cependant, certains abus de faiblesse se commettent en bande organisée mais hors de tout univers de type sectaire.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Il aurait pu être envisagé de créer un délit autonome relatif à la sujétion, centré sur l'utilisation de manoeuvres évocatrices de l'emprise ou de la manipulation mentale à l'encontre d'une victime, sans que le résultat de ces manoeuvres ne soit pris en compte. L'absence d'éléments objectivables aurait cependant été source d'insécurité juridique. Cette solution a été écartée au profit d'éléments plus objectivables.
Il a également été envisagé de prévoir une incrimination stricte de l'abus de faiblesse reposant sur un état d'emprise psychologique. Cette solution a été écartée au profit d'une incrimination visant à réprimer spécifiquement les manoeuvres ayant abouti à cet état d'emprise, et non l'abus qui découle de cet état préexistant.
3.2. DISPOSITIF RETENU
Le choix a été fait de créer une infraction qui vise à spécifiquement réprimer la sujétion psychologique et physique, indépendamment de l'abus qui peut en découler.
Ce choix implique de déplacer de l'article en vigueur du code pénal (article 223-15-2) les incriminations qui ont trait à la « sujétion » dans un nouvel article dédié (223-15-3). L'article 223-15-2 ne comportera ainsi plus que l'infraction d'abus de faiblesse « simple », en dehors de tout cadre sectaire, et conserve la circonstance aggravante de bande organisée.
Le choix a également été fait de rédiger l'infraction avec un « tronc commun » autour de la notion de sujétion. Cette notion se manifeste par « l'exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer [le] jugement ».
A partir de ce tronc commun, deux branches s'ouvrent, correspondant à deux cas de figure couverts par la nouvelle rédaction :
- Une altération grave de la santé physique ou mentale, ou un acte ou une abstention gravement préjudiciables. Les manoeuvres doivent avoir pour effet de créer ce préjudice. Ce choix permet d'incriminer la sujétion de façon autonome y compris en l'absence d'un abus frauduleux, dès lors qu'un préjudice sur la santé est constatable. La rédaction est suffisamment exigeante pour que les préjudices qui ne se seraient pas réalisés aient une nature quasi inévitable ou en tout cas très prévisibles, s'agissant de préjudices graves pour la santé ;
- Une branche plus large, manifestée par le fait « d'abuser frauduleusement » de la situation de sujétion ainsi créée pour conduire la personne à un acte ou une abstention qui lui sont gravement préjudiciables. On retrouve ici la logique du texte actuel qui mentionne déjà l'abus frauduleux, et pour laquelle le préjudice n'a pas de nature prédéfinie.
La peine encourue est commune : trois ans d'emprisonnement et 375 000€ d'amende. Les circonstances aggravantes du II de l'article sont également communes, portant la peine à cinq ans et 750 000€ d'amende si les faits sont commis sur un mineur, une personne particulièrement vulnérable ou par le dirigeant de fait ou de droit d'un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d'exploiter la sujétion.
Les circonstances plus aggravantes du III sont également communes, portant la peine à 7 ans et 1 000 000€ d'amende lorsque deux circonstances aggravantes du II sont réunies ou lorsque les faits sont commis en bande organisée.
La présence de la circonstance aggravante de bande organisée dans le nouvel article implique une modification de coordination à l'article 706-73 du code de procédure pénale, pour maintenir le régime procédural de la criminalité organisée dans le cadre des abus de faiblesse à caractère sectaire commis en bande organisée.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
L'article modifie les articles 223-15-2 du code pénal et 706-73 du code de procédure pénale s'agissant des incriminations relatives à l'abus de faiblesse.
Il soustrait à l'actuel article 223-15-2 la partie incriminant les abus de faiblesses commis sur des personnes en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l'exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement.
Il supprime également le deuxième alinéa et une partie du troisième alinéa, relatifs à cette infraction commise par l'infraction commise par le dirigeant de fait ou de droit d'un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d'exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités (en bande organisée pour le troisième alinéa).
Ce faisant, il étend la possibilité de retenir l'abus de faiblesse en bande organisée y compris en dehors des groupements constitués à cet effet, ce qui est une nouveauté.
Les éléments soustraits de l'article 223-15-2 sont repris dans le nouvel article 223-15-3 que crée le projet de loi. Les articles 223-15-3 et 223-15-4 actuels deviennent respectivement 223-15-4 et 223-15-5.
La modification conduit à une extension du domaine de l'abus de faiblesse avec la création d'une incrimination spécifique à l'article 223-15-3 du code pénal.
Ces nouvelles dispositions, si elles constituent une évolution de la matière pénale, répondent aux exigences constitutionnelles rappelées au 1.2 en ce qu'elles sont claires, précises et proportionnées au but recherché.
Le nouvel article 223-15-3 reprend les éléments d'incrimination pour les abus de faiblesse commis sur une personne en état de sujétion psychologique ou physique par l'exercice direct de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement.
Il divise l'incrimination en deux alinéas correspondant à deux incriminations :
- d'une part, une infraction consistant dans le fait de placer ou maintenir une personne dans un état de sujétion résultant de l'exercice direct de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement. La condition de l'incrimination est que cette sujétion psychologique ait pour effet de causer une altération grave de sa santé physique ou mentale ou de conduire cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables.
Le placement ou le maintien dans état de sujétion psychologique est donc, sous ces conditions, incriminé directement et peut l'être même en l'absence d'un acte ou d'une abstention gravement préjudiciable à la victime, si une altération grave de sa santé en est résultée.
- D'autre part, la reprise de l'infraction déplacée de l'article 223-15-2, consistant à abuser frauduleusement de l'état de sujétion d'une personne résultant de l'exercice des pressions ou techniques mentionnées à l'alinéa précédent pour la conduire à un acte ou une abstention qui lui sont gravement préjudiciables. Il s'agit là du transfert de l'incrimination « historique », qui survit dans ce nouvel article.
Les quanta de peine prévus pour le nouvel article 223-15-3 sont eux aussi classiques et correspondent à une gradation habituelle du droit pénal : les seuils de cinq, sept et dix ans résultent de l'article 131-4 du code pénal qui fixe l'échelle des peines correctionnelles. Les critères d'aggravation retenus (peine simple, peine aggravée par une circonstance, peine plus aggravée par plusieurs circonstances ou par la bande organisée) relèvent également d'un mécanisme habituel en droit pénal (voir par exemple les violences avec ITT de l'article 222-12 du code pénal).
Ces quanta habituels échappent au grief de disproportion manifeste et donc au contrôle du conseil constitutionnel (voir 1.2 sur la proportionnalité des peines).
L'article 1er porte également des mises à jour de références au sein de l'article 704 du CPP, de l'article L. 444-6 du code de l'éducation, de l'article 19 de la loi n° 2001-504 du 12 juin 2001 pour prendre en compte le changement de numérotation. Il modifie également l'article 223-15-4 (nouveau) pour prendre en compte la scission des délits prévus entre les articles 223-152 et 223-15-3 (nouveaux).
Il prévoit également une mise à jour de l'article 706-73 du code de procédure pénale, pour prévoir l'extension du régime de la criminalité organisée aux infractions commises en bande organisée s'agissant des articles 223-15-2 et 223-15-3 dans leur nouvelle version.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Le cadre conventionnel rappelé au 1.3 présente les mêmes exigences que le cadre constitutionnel.
La dimension religieuse ou spirituelle est transparente ici : seules les manoeuvres, les abus et les conséquences pour les victimes sont prises en compte pour caractériser l'infraction. Le cadre exact dans lequel elles se déroulent (qu'il s'agisse d'un mouvement religieux bien établi, d'un mouvement spirituel ou religieux plus récent ou d'autres pratiques) est indifférent.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Néant.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Néant.
4.2.3. Impacts budgétaires
Néant.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Sans objet.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
Sans objet.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Les dispositions renforceront la protection de la société face aux dérives sectaires et la réponse pénale à l'égard de leurs auteurs.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Les personnes en situation de handicap sont incluses dans la définition des personnes vulnérables du code pénal (« due à une infirmité, à une déficience physique ou psychique »). Les nouvelles dispositions renforcent leur protection en prévoyant une circonstance aggravante du délit de sujétion psychologique préjudiciable, lorsque la victime est handicapée.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Néant.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Les personnes mineures sont incluses dans la définition des personnes vulnérables du code pénal (« Est puni de trois ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse soit d'un mineur [...] »). Les nouvelles dispositions renforcent leur protection en prévoyant une circonstance aggravante du délit de sujétion psychologique préjudiciable, lorsque la victime est mineure.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Le nouveau délit créé (article 223-15-3 du code pénal) peut potentiellement améliorer l'indemnisation des victimes de dérives sectaires en donnant lieu, dans certains cas, à réparation du préjudice notamment corporel causé à des victimes.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
La présente disposition ne requiert aucune consultation obligatoire et aucune consultation facultative autre que celles des assises nationales de la lutte contre les dérives sectaires de mars 2023 n'a été conduite.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
S'agissant de l'extension du champ pénal et du renforcement du quantum de peines, ils ne s'appliquent que pour l'avenir, en vertu de l'article 112-1 du code pénal.
5.2.2. Application dans l'espace
Les dispositions sont applicables sur le territoire de la République, et conformément aux dispositions des articles 113-1 à 113-14 du code pénal.
Ces dispositions seront applicables sans adaptation sur l'ensemble du territoire national, y compris dans les collectivités et départements d'outre-mer, par la mise à jour de l'article « compteur LIFOU » du code de procédure pénale (art. 804) et du code pénal (art. 711-1) prévue par l'article 7 du présent projet de loi.
5.2.3. Textes d'application
La présente disposition ne requiert aucune mesure d'application.
Article 2 - Introduire une circonstance aggravante de sujétion psychologique ou physique pour le meurtre, les actes de torture et de barbarie, les violences et les escroqueries
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
Le phénomène sectaire est un phénomène « total », qui doit être appréhendé dans sa globalité. Comme l'indiquait la Mission interministérielle de lutte contre les sectes dans la définition qu'elle donnait de la secte en 1999, cette dernière constitue une « association de structure totalitaire, déclarant ou non des objectifs religieux, dont le comportement porte atteinte aux droits de l'homme et à l'équilibre social.86(*) ».
La circonstance aggravante de vulnérabilité existe pour un grand nombre d'infractions, d'atteintes aux personnes ou aux biens. Les illustrations abondent dans le code pénal : article 222-24 (viol), article 221-4 (meurtre), article 222-3 (tortures et actes de barbarie), article 222-8 (violence ayant entraîné la mort), article 311-5 (vol), article 313-2 (escroquerie)... Celle-ci est toujours définie dans les mêmes termes : personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur.
Les circonstances aggravantes sont des éléments qui, fixés de façon limitative par la loi, sont rattachés à un comportement pénalement répréhensible et entraînent un accroissement de la sévérité des peines encourues dans des proportions également définies par le législateur. La ratio legis des circonstances aggravantes est de permettre au législateur de graduer le jugement de valeur porté sur une action déjà pénalement répréhensible. C'est cette aggravation du jugement de valeur en présence d'une circonstance spécifique qui justifie et explique l'accroissement de sévérité de la peine encourue. La circonstance aggravante fait l'objet d'une question à part entière lors des jugements en cour d'assises, non sur l'existence de l'infraction en elle-même mais sur son aggravation.
La jurisprudence a déjà admis que l'état de sujétion psychologique était une composante de la circonstance aggravante de vulnérabilité (TGI Bordeaux, 13 novembre 2012), en prononçant une condamnation pour des faits de séquestration et violences sur personnes vulnérables de plusieurs personnes placées dans un état de sujétion psychologique, en complément d'une condamnation pour des faits d'abus de faiblesse sur personne en état de sujétion psychologique. Mais la jurisprudence s'est avérée fluctuante. Par exemple, la Cour d'assises de Loire-Atlantique n'a pas retenu la circonstance aggravante de vulnérabilité pour des faits de viol et d'agression sexuelle alors même que le prévenu a été condamné pour abus de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse sur personne en état de sujétion psychologique, et alors même que la motivation de l'arrêt retenait que la victime était « isolée et hors de son domicile familial et sous emprise psychologique » de l'auteur.
Il existe donc une insécurité juridique pour la reconnaissance d'une circonstance aggravante des infractions commises à l'encontre de personnes placées dans un état de sujétion psychologique ou physique dans le cadre d'une emprise sectaire.
La circulaire du 27 mai 2005 relative à la lutte contre les dérives sectaires définit, elle, les dérives sectaires comme « des atteintes pouvant être portées, par tout groupe ou tout individu, à l'ordre public, aux lois et aux règlements, aux libertés fondamentales et à la sécurité ou à l'intégrité des personnes, par la mise en oeuvre de techniques de sujétion, de pressions ou de menaces, ou par des pratiques favorisant l'emprise mentale et privant les personnes d'une partie de leur libre arbitre pour les amener à commettre des actes dommageables pour elles-mêmes ou pour la société ». Les dérives sectaires peuvent donc être à l'origine de dommages pour les personnes, qu'il s'agisse d'atteintes patrimoniales (ex. escroqueries, remises de biens ou de fonds dans le cadre d'un abus de faiblesse, etc.) ou personnelles (emprise mentale, de manière très fréquente, ruptures familiales ou professionnelles, violences, agressions sexuelles, voire provocation au suicide, homicide).
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
Le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur la création de circonstances aggravantes et ne censure pas de nouvelles dispositions, tant qu'elles n'ont pas pour objet de définir les éléments constitutifs de l'infraction. Par ailleurs, les juges constitutionnels ont jugé que la création de nouvelles circonstances aggravantes ne méconnaissait pas le principe de légalité des délits et des peines tant qu'un élément constitutif de l'infraction n'est pas, dans le même temps, une circonstance aggravante87(*).
Dans le cadre de la création d'une circonstance aggravante relative aux faits commis sur les personnes en état de sujétion psychologique ou physique, il ne s'agit pas de définir de nouveaux éléments constitutifs de l'infraction, mais d'aggraver la peine encourue lorsque les faits sont commis dans un tel cadre.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Le principe de légalité criminelle découle de plusieurs textes supranationaux :
- L'article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales selon lequel « 1. Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d'après le droit national ou international. De même il n'est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise. » ;
- L'article 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne selon lequel « 1. Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d'après le droit national ou le droit international. De même, il n'est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise. Si, postérieurement à cette infraction, la loi prévoit une peine plus légère, celle-ci doit être appliquée. » ;
- L'article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques aux termes duquel « 1. Nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui ne constituaient pas un acte délictueux d'après le droit national ou international au moment où elles ont été commises. De même, il ne sera infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise. Si, postérieurement à cette infraction, la loi prévoit l'application d'une peine plus légère, le délinquant doit en bénéficier. »
- Enfin, l'objectif répressif poursuivi par le législateur en instituant une peine doit être concilié avec le respect des droits et libertés fondamentales, tels que la liberté religieuse (article 9 CESDH), la liberté d'expression (article 10 CESDH) ou encore la liberté de réunion (rattachée aux articles 10 et 11 de la DDHC).
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Il est artificiel de distinguer les agissements de droit commun commis sur les victimes et l'état de sujétion dans lesquelles elle ont été placées et qui les a, en réalité, rendues possibles. L'agissement sectaire est un tout, il ne saurait y avoir actes de torture ou violence sans sujétion, et ces mêmes agissements contribuent à renforcer cette situation d'emprise. L'introduction d'une circonstance aggravante de sujétion psychologique ou physique apparaît nécessaire pour permettre de dire le droit en restituant leur exacte qualification aux actes commis et réprimer les agissements à la mesure de l'atteinte sociale constatée.
La création des circonstances aggravantes relevant du domaine de la loi conformément à l'article 34 de la Constitution, il est nécessaire de légiférer par un vecteur législatif.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
La création d'une circonstance aggravante du fait d'un sujétion psychologique ou physique permettra aux victimes d'être mieux reconnues comme telles pour les infractions commises dans un cadre sectaire, qui peuvent être distinctes de celle de l'abus de faiblesse. A ce jour, la condition de simple vulnérabilité n'est pas toujours reconnue par la jurisprudence pour des infractions de droit commun, telles que les atteintes à la vie ou à l'intégrité physique. Il s'agit donc d'aggraver les peines encourues pour les auteurs et d'assurer à la société et aux victimes une meilleure répression de ces faits et une reconnaissance par la justice.
L'application d'une nouvelle circonstance aggravante pour certaines infractions permettra d'augmenter les quanta de peines encourues et de rendre plus visibles lesdites infractions commises dans le cadre de l'emprise sectaire. Les victimes bénéficieront d'une meilleure reconnaissance des infractions subies dans ce cadre (violences, meurtre, escroquerie).
De même, à ce jour, il est impossible pour les services statistiques d'avoir des données fiables et précises sur le nombre de condamnations prononcées dans ce cadre. La création d'une circonstance aggravante correspondant au cadre de la sujétion permettra la création d'un code NATINF (Nature d'infraction) spécifique, facilitant ainsi le comptage de celles-ci, donc la mesure du phénomène.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Il a d'abord été envisagé d'adosser la circonstance aggravante de l'état de sujétion psychologique ou physique à la circonstance aggravante de vulnérabilité, pour l'ensemble des infractions du code pénal concernées par cette dernière. Il s'agissait de compléter tous les alinéas relatifs à la vulnérabilité afin de venir préciser cette notion, par les termes « au fait d'être placée dans un état de sujétion psychologique ou physique » après les mots « à une déficience physique ou psychique ». Il résultait alors que l'état de vulnérabilité découlait de l'état de sujétion psychologique ou physique ; ainsi, en matière probatoire, il aurait fallu prouver la vulnérabilité de la personne, qui devait nécessairement résulter d'un état de sujétion.
Cette extension a été jugée trop large (car s'appliquant sans distinction à toutes les infractions du code pénal concernant la vulnérabilité) et difficilement applicable dans la mesure où il aurait été nécessaire pour les juges de démontrer que l'état de particulière vulnérabilité était dû à un état de sujétion psychologique ou physique préexistant à l'infraction commise. Le caractère général de la circonstance aggravante aurait pu conduire à l'envisager pour des infractions ou des situations dans laquelle elle aurait été inopérante.
Le choix a donc été fait de créer une nouvelle circonstance aggravante, applicable à une liste limitée de délits.
3.2. OPTION RETENUE
L'option retenue est donc de créer une nouvelle circonstance aggravante « bis » à la suite de celle de vulnérabilité, pour un nombre restreint d'infractions : meurtre (article 221-4), tortures et actes de barbarie (article 222-3), tortures et actes de barbarie en bande organisée (article 222-4), violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner (article 222-8), violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente (article 222-10), violences ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours (article 222-12), violences ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure à huit jours ou n'ayant entraîné aucune incapacité totale de travail (article 222-13), violences habituelles sur mineur ou personne vulnérable (article 222-14) et escroquerie (article 313-2 du code pénal).
Les infractions sexuelles n'ont pas été retenues dans la liste dans la mesure où l'état de contrainte dans lequel se trouve la victime est déjà pris en compte dans la caractérisation des éléments constitutifs de l'infraction (par exemple l'agression sexuelle, les atteintes sexuelles sur mineurs et le viol88(*)). Il en va de même pour l'extorsion.
La liste des crimes et délits concernés est restreinte, mais tient compte de leur gravité et du nombre de ces infractions commises au sein de groupes sectaires : le meurtre, les actes de torture et de barbarie, les violences et l'escroquerie.
La condition selon laquelle cette vulnérabilité particulière liée à l'état de sujétion psychologique ou physique doit être connue de l'auteur a été conservée. Par construction, elle permet d'incriminer celui qui est à l'origine de cette vulnérabilité, qu'il ne peut ignorer.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Conformément à la jurisprudence rappelée supra (voir 1.1)89(*), la création d'une circonstance aggravante relative aux faits commis sur les personnes en état de sujétion psychologique ou physique est conforme aux exigences constitutionnelles, dans la mesure où il ne s'agit pas de définir de nouveaux éléments constitutifs de l'infraction, mais d'aggraver la peine encourue lorsque les faits sont commis dans un tel cadre.
L'article crée une nouvelle circonstance venant aggraver le montant des peines lorsque les faits ont été commis par une manoeuvre de sujétion psychologique ou physique de la personne, pour les infractions suivantes:
- le meurtre prévu par l'article 221-4 du code pénal ;
- les actes de torture et de barbarie prévus aux articles 222-3 et 222-4 du code pénal ;
- les violences prévues par les articles 222-8, 222-10, 222-12, 222-13 et 222-14 du code pénal ;
- l'escroquerie prévue par l'article 313-2 du code pénal.
Ces articles sont modifiés en conséquence.
La circonstance aggravante créée fait passer la peine encourue de :
- trente ans à la perpétuité pour le meurtre prévu par l'article 221-4 du code pénal ;
- quinze ans à vingt ans pour les actes de torture et de barbarie prévus aux articles 222-3 et de trente ans à la perpétuité pour ceux de l'article 222-4 du code pénal ;
- les violences prévues par les articles 222-8, 222-10, 222-12, 222-13 et 222-14 du code pénal montent un palier de peine en cas de circonstance aggravante ;
- Cinq ans à sept ans pour l'escroquerie prévue par l'article 313-2 du code pénal.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Le principe de légalité criminelle découle de plusieurs textes supranationaux :
- L'article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales selon lequel « 1. Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d'après le droit national ou international. De même il n'est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise. » ;
- L'article 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne selon lequel « 1. Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d'après le droit national ou le droit international. De même, il n'est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise. Si, postérieurement à cette infraction, la loi prévoit une peine plus légère, celle-ci doit être appliquée. » ;
- L'article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques aux termes duquel « 1. Nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui ne constituaient pas un acte délictueux d'après le droit national ou international au moment où elles ont été commises. De même, il ne sera infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise. Si, postérieurement à cette infraction, la loi prévoit l'application d'une peine plus légère, le délinquant doit en bénéficier. »
Enfin, l'objectif répressif poursuivi par le législateur en instituant une peine doit être concilié avec le respect des droits et libertés fondamentales, tels que la liberté religieuse (article 9 CEDH), la liberté d'expression (art. 10 CEDH) ou encore la liberté de réunion (rattachée aux art. 10 et 11 de la DDHC).
En l'espèce, la création d'une circonstance aggravante pour plusieurs infractions ne pose pas de difficultés au plan conventionnel, étant rappelé que les Etats membres de l'UE disposent d'une autonomie procédurale, encadrée par le respect des principes de nécessité et des libertés fondamentales.90(*)
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Néant.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Néant.
4.2.3. Impacts budgétaires
Néant.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Sans objet.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
Sans objet.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Les dispositions renforceront la protection de la société face aux dérives sectaires et la réponse pénale à l'égard de leurs auteurs.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Les personnes en situation de handicap sont incluses dans la définition des personnes vulnérables du code pénal (« due à une infirmité, à une déficience physique ou psychique »). Les nouvelles dispositions renforcent leur protection en prévoyant une circonstance aggravante du délit de sujétion psychologique préjudiciable, lorsque la victime est handicapée.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Les présentes dispositions ne requièrent aucune consultation obligatoire et aucune consultation facultative n'a été conduite.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
En application de la règle de la non rétroactivité de la loi pénale plus sévère, cette disposition sera applicable uniquement aux faits commis à partir de l'entrée en vigueur de la loi.
5.2.2. Application dans l'espace
Les dispositions sont applicables sur le territoire de la République, et conformément aux dispositions des articles 113-1 à 113-14 du code pénal.
Ces dispositions seront applicables sans adaptation sur l'ensemble du territoire national, y compris dans les collectivités et départements d'outre-mer, par la mise à jour de l'article « compteur LIFOU » du code de procédure pénale (art. 804) et du code pénal (art. 711-1) prévue par l'article 7 du présent projet de loi.
5.2.3. Textes d'application
La présente disposition ne requiert aucune mesure d'application.
CHAPITRE II - RENFORCER L'ACCOMPAGNEMENT DES VICTIMES
Article 3 - Etendre les catégories d'associations pouvant se constituer partie civile en matière d'emprise sectaire
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
En application de l'article 2 du code de procédure pénale, l'action civile n'appartient qu'à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction.
Des exceptions sont prévues par les articles 2-1 à 2-24 du code de procédure pénale, permettant, dans certains cas, et pour certaines infractions, à des associations et des fondations de se constituer partie civile. Peuvent ainsi se constituer partie civile, à l'occasion d'actes commis par toute personne physique ou morale dans le cadre d'un mouvement ou organisation ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d'exploiter une sujétion psychologique ou physique, les associations reconnues d'utilité publique régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits, qui se proposent par leurs statuts de défendre et d'assister l'individu ou de défendre les droits et libertés individuels et collectifs, en vertu de l'article 2-17 du code précité.
En l'état du droit, les conditions de déclaration d'utilité publique sont restrictives, comme le prouve la répartition entre les associations déclarées, les associations déclarées d'utilité publique (ARUP) et les fondations reconnues d'utilité publique (FRUP) :
Association simplement déclarées : 1.6 M actives et 1.8 M déclarées
* ARUP : 1776
* FRUP : 65391(*)
Les conditions de la déclaration d'utilité publique92(*), par décret en conseil d'Etat93(*) pour les associations sont les suivantes :
- Être d'intérêt général ;
- Avoir une influence et un rayonnement qui dépasse le cadre local ;
- Avoir un nombre minimum d'adhérents (au moins 200), une activité effective et une réelle vie associative (c'est-à-dire une participation incontestable de la majorité des adhérents aux activités de votre association) ;
- Avoir un fonctionnement démocratique et organisé en ce sens par vos statuts ;
- Avoir une solidité financière sérieuse (c'est à dire un montant minimum de ressources annuelles de 46 000 €, un montant de subventions publiques inférieur à la moitié du budget et des résultats positifs au cours des 3 derniers exercices).
Un organisme est d'intérêt général s'il remplit les trois conditions suivantes :
- Il n'exerce pas d'activité lucrative ;
- Sa gestion est désintéressée ;
- Il ne fonctionne pas au profit d'un cercle restreint de personnes.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
Le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur la constitutionnalité de l'article 48-2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse qui permet à « toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, qui se propose, par ses statuts, de défendre les intérêts moraux et l'honneur de la Résistance ou des déportés peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne l'apologie des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité ou des crimes ou délits de collaboration avec l'ennemi et en ce qui concerne l'infraction prévue par l'article 24 bis ».
La disposition a été déclarée non-conforme à la Constitution car « il ne ressort ni des dispositions contestées ou d'une autre disposition législative ni des travaux préparatoires de la loi du 13 juillet 1990 l'existence de motifs justifiant de réserver aux seules associations défendant les intérêts moraux et l'honneur de la Résistance ou des déportés la faculté d'exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne l'apologie des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité ; que, par suite, les dispositions contestées, en excluant du bénéfice de l'exercice des droits reconnus à la partie civile les associations qui se proposent de défendre les intérêts moraux et l'honneur des victimes de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité autres que ceux commis durant la seconde guerre mondiale, méconnaissent le principe d'égalité devant la justice ; que les mots : « des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité ou » figurant à l'article 48-2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse doivent être déclarés contraires à la Constitution »94(*).
Le présent article respecte la Constitution en ce qu'il ne restreint pas de façon excessive la possibilité pour les associations d'ester en justice dans le domaine des dérives sectaires. Au contraire, l'obligation d'agrément qui vient remplacer celle de la reconnaissance d'utilité publique est une modalité plus libérale.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
L'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme dispose que : « 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. [...] ».
Le droit d'accès au juge emporte plusieurs conséquences. Il implique en premier lieu que soit garantie à toute personne la possibilité de saisir un tribunal. Cela se traduit par l'exclusion de tout recours imposé à des modes alternatifs de règlement des litiges95(*). En second lieu, le droit d'accès au juge doit être effectif, ce qui signifie que rien dans les faits ne doit y faire obstacle. Enfin, le droit à un tribunal inclut le droit d'exercer un recours. Le droit au recours effectif est toutefois spécifiquement prévu par l'article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Le conditionnement de la constitution de partie civile au critère de la reconnaissance d'utilité publique n'est exigé que dans le cadre des affaires relatives aux dérives sectaires. Dans les autres types d'affaires pénales où sont admises les constitutions de partie civile des associations sans préjudice personnel, seule les conditions d'agrément et / ou d'ancienneté et de spécialité des statuts sont exigées (voir articles 2-1 à 2-25 du CPP). Cette restriction est difficilement justifiable au regard d'autres contentieux de sensibilité comparable96(*) pour lesquels les associations doivent simplement être « régulièrement déclarées » (articles 2 et suivants du code de procédure pénale).
La procédure pénale relevant du domaine de la loi au sens de l'article 34 de la Constitution et l'article à modifier (2-17 du CPP) étant contenu dans la partie législative du code de procédure pénale, il est nécessaire de passer par un vecteur législatif.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
La procédure d'agrément, plus souple que celle de reconnaissance d'utilité publique, doit permettre à des associations investies dans la lutte contre les dérives sectaires de se constituer partie civile, donc de renforcer la défense des victimes, quand bien même elles ne rempliraient pas toutes les conditions de la reconnaissance d'utilité publique.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Il aurait pu être envisagé d'ouvrir la possibilité de constitution de partie civile pour les associations sous la seule condition que les statuts correspondent à ce contentieux, sans condition d'ancienneté ni contrôle du ministère public.
Cette option a été écartée pour éviter le dévoiement de la constitution de partie civile par certaines associations « cache-nez » de mouvements à caractère sectaire. Ce motif était d'ailleurs déjà évoqué dans le rapport de la commission des lois du Sénat lors des débats de la loi About-Picard97(*). Le caractère fantaisiste de certaines constitutions de parties civiles dans des procès médiatiques récents 98(*)99(*) renforce l'idée qu'il convient d'encadrer la possibilité d'une telle constitution.
L'impossibilité pour les juridictions de déclarer ces constitutions irrecevables ab initio, avant d'avoir établi les responsabilités pénales et les préjudices qui en découlent (ce qui conditionne, au fond, l'accueil de la victime comme partie civile) justifie qu'un agrément soit nécessaire, afin de faire obstacle aux constitutions de partie civile dolosives sans avoir à attendre la fin des débats.
3.2. OPTION RETENUE
Le dispositif retenu prévoit d'ouvrir la constitution de partie civile dans les contentieux mettant en jeu des dérives sectaires aux associations agréées par le ministère de la justice (et non plus seulement aux associations reconnues d'utilité publique), régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits et se proposant par ses statuts de défendre et d'assister l'individu ou de défendre les droits et libertés individuels et collectifs.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
La présente disposition modifie l'article 2-17 du code de procédure pénale pour prévoir l'extension du dispositif aux associations agréées, et renvoie à un décret en Conseil d'Etat la fixation des conditions dans lesquelles les associations peuvent être agréées.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
La jurisprudence conventionnelle ne s'est pas penchée sur la question des limites posées aux associations pour se constituer partie civile100(*).
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Néant.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Néant.
4.2.3. Impacts budgétaires
Néant.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Néant.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
Le ministère de la Justice sera chargé d'agréer, par décret, les associations pouvant se constituer partie civile en cette matière. Un impact sur ses services est donc prévisible.
De même, il est prévisible que certaines associations liées à des organisations de type sectaire tenteront d'obtenir un tel agrément et que les refus qui leur seront opposés feront l'objet d'un contentieux devant le juge administratif.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Une représentation facilitée des victimes de dérives sectaires à titre collectif est recherchée. La volumétrie n'en est pas encore connue, mais l'impact devrait consister en une meilleure prise en charge des victimes et une augmentation de la qualité de leur accompagnement.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Une meilleure défense de toute personne victime de dérive sectaire, notamment en situation de handicap, devrait résulter du présent article.
4.5.3. Impacts sur la jeunesse
Une meilleure défense de toute personne victime de dérive sectaire, notamment jeune, devrait résulter du présent article.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
L'impact sur les particuliers devrait consister en une meilleure prise en charge des victimes et une augmentation de la qualité de leur accompagnement.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Les présentes dispositions ne requièrent aucune consultation obligatoire et aucune consultation facultative autre que celle des assises nationales de la lutte contre les dérives sectaires de mars 2023 n'a été conduite.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Ces dispositions de procédure seront immédiatement applicables aux instances en cours, conformément à l'article 122 du code de procédure pénale101(*).
Une disposition transitoire prévue au II permet également de préserver les possibilités d'agir des associations reconnues d'utilité publique en la matière, en attendant la publication du décret définissant les modalités de l'agrément. Ces associations pourront continuer à exercer les droits reconnus à la partie civile dans les conditions prévues par cet article dans les instances introduites avant cette entrée en vigueur ainsi que dans celles introduites jusqu'à neuf mois après l'entrée en vigueur du décret mentionné par le dernier alinéa du I du présent article, qui fixera les conditions de l'agrément.
5.2.2. Application dans l'espace
Les dispositions sont applicables sur le territoire de la République, et conformément aux dispositions des articles 113-1 à 113-14 du code pénal.
Ces dispositions seront applicables sans adaptation sur l'ensemble du territoire national, y compris dans les collectivités et départements d'outre-mer, par la mise à jour de l'article « compteur LIFOU » du code de procédure pénale (art. 804) et du code pénal (art. 711-1) prévue par l'article 7 du présent projet de loi.
5.2.3. Textes d'application
Un décret en Conseil d'Etat sera nécessaire pour déterminer les conditions de l'agrément permettant de se constituer partie civile, délivré par le ministre de la justice.
Ce décret devrait encadrer, sur le modèle de ceux existants, les modalités suivantes : nombre d'années d'existence, activité effective et publique (appréciée notamment en fonction de l'utilisation majoritaire de ses ressources pour l'exercice de cette activité, de la réalisation et de la diffusion de publications, de l'organisation de manifestations et la tenue de réunions d'information dans ces domaines), nombre de membres suffisant, caractère désintéressé et indépendant de ses activités et des ressources dont elle dispose, fonctionnement régulier et conforme aux statuts, possibilité pour le ministère de retirer l'agrément en cas d'abus, etc.
CHAPITRE III - PROTÉGER LA SANTÉ
Article 4 - Réprimer la provocation à l'abandon ou l'abstention de soins ou à l'adoption de pratiques dont il est manifeste qu'elle expose la personne visée à un risque grave pour sa santé
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
La santé est un sujet de préoccupation majeure en matière de lutte contre les dérives sectaires puisqu'elle représentait un quart des saisines reçues par la MIVILUDES en 2021 (1011 sur 4020)102(*). Près de 70 % de ces saisines concernent les pratiques de soins non conventionnelles telles que la naturopathie, le reiki, la nouvelle médecine germanique, etc.
Il apparaît donc nécessaire de proposer une mesure à la hauteur de l'enjeu de santé publique que représentent les dérives sectaires dans les domaines de la santé, du bien-être et des soins.
L'utilisation accrue d'internet et des réseaux sociaux depuis les périodes de confinement a accompagné l'émergence de nouvelles formes de spiritualité, le développement de « coachs » dans tous les domaines de la vie professionnelle, familiale ou personnelle, mais aussi une offre croissante de pratiques de « bien-être », souvent présentées - explicitement ou non - comme alternatives à la médecine « conventionnelle ». A titre d'exemple, la chaîne Youtube du « crudivoriste » Thierry Casanovas a réuni plus de 500 000 « followers », pour la promotion de « thérapies alternatives » (stages de jeûnes, jus de légumes etc.) même pour des pathologies lourdes (ex. cancers), l'intéressé, ayant fait l'objet de plus de 700 demandes d'assistance ou d'informations auprès de la MIVILUDES.
Dans son rapport sur les pratiques de soins non-conventionnelles et leurs dérives103(*), le Conseil national de l'ordre des médecins (CNOM) alerte sur le risque de dérives sectaires, d'endoctrinement, de dérives thérapeutiques et d'emprise mentale qui peuvent découler de telles pratiques.
Il cible particulièrement certaines pratiques « alternatives » qui prétendent dépasser le cadre scientifique de la médecine pour utiliser des approches « holistiques » ou spirituelles. La liste de ces pratiques, reprise par le rapport du CNOM, montre la diversité et l'ambivalence des termes qui peuvent servir de point d'entrée à des dérives sectaires ou des pratiques dangereuses pour la santé.
Le Conseil national de l'Ordre des médecins met en avant l'urgence de sensibiliser aux dangers que peuvent comporter les abus liés à des pratiques de soin non conventionnelles104(*), de plus en plus nombreuses et variées. Pour lui, l'enjeu est que soient identifiées les dérives de ces offres de soins qui mettent en danger physiquement et psychiquement le patient. En effet, l'Ordre des médecins s'inquiète des conséquences de la multiplication, sans contrôle, ni cadre, de ces pratiques non conventionnelles. Ces nouvelles prises en charge sont en plein essor pour des raisons sociétales : des tensions sur l'offre de soins, une défiance envers les professionnels de santé qui manquent de temps médical, et une inégalité d'accès aux soins.
Le rapport constate que si ces pratiques s'installent, les risques, à travers elles, d'exercice illégal de la médecine, de dérives thérapeutiques voire sectaires, deviendront un important problème de santé publique. Le Conseil national de l'Ordre des médecins met en place des actions pour limiter ces pratiques de soins non conventionnelles notamment en travaillant de concert avec le Gouvernement et l'administration (notamment la MIVILUDES, par le biais d'une convention de travail) pour une meilleure identification de ces pratiques, de leur formation et de leur exercice.
A titre d'exemple, les enquêtes de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) menées en 2018105(*) sur les pratiques non conventionnelles de soins ont montré que plus des deux tiers des 675 « praticiens » contrôlés présentaient au moins un manquement, majoritairement des défauts d'information, mais aussi dans certains cas des pratiques commerciales trompeuses voire présentant des risques pour les patients106(*). Des allégations thérapeutiques ou « de santé », non fondées sur les compétences des professionnels, ont fréquemment été constatées107(*). En 2020 et 2021, la DGCCRF a constaté qu'environ 40% des Français avaient recours à des « traitements alternatifs » et a relevé un taux d'anomalie analogue de 66 % »108(*), sur un nombre plus important de pratiques.
Les pratiques du « coaching » sont également propices, en l'absence de tout encadrement, à de nombreuses dérives. En 2021 et 2022, la DGCCRF a mené une enquête sur les pratiques du « coaching bien-être »109(*), surtout en lien avec l'équilibre physiologique ou mental (gestion du stress, perte de poids, lutte contre certaines addictions, etc.) et le développement personnel. Sur 165 professionnels et établissements de formation contrôlés, près de 80 % présentaient au moins une anomalie concernant l'information délivrée aux consommateurs en matière de compétences, de titres professionnels et de mentions valorisantes.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
1.2.1. Principe de nécessité des délits et des peines
En vertu de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d`une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Il découle du principe de nécessité des délits et des peines qu'une même personne ne peut faire l'objet de plusieurs poursuites tendant à réprimer les mêmes faits qualifiés de manière identique par des sanctions de même nature, aux fins de protéger les mêmes intérêts sociaux.
1.2.2. Liberté de communication et liberté d'expression
La liberté d'expression et de communication est protégée par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; « tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la loi ». En application de la jurisprudence constitutionnelle, les atteintes portées à la liberté d'expression doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées110(*), et le Conseil constitutionnel reconnait qu'il est « loisible d'instituer des dispositions destinées à faire cesser des abus de la liberté d'expression et de communication qui portent atteinte à l'ordre public et aux droits des tiers »111(*).
En revanche, la liberté de communication est encadrée et ne saurait aller jusqu'à provoquer à des comportements dangereux pour soi-même. C'est ainsi à la suite de la parution du livre Suicide, mode d'emploi, écrit par Claude Guillon et Yves Le Bonniec, paru en 1982 aux éditions Alain Moreau qu'a été adoptée la loi du 31 décembre 1987 tendant à réprimer la provocation au suicide, désormais codifiée aux articles 223-13 et suivants du code pénal.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
La liberté d'expression est protégée par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme et par l'article 11 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui admettent certaines restrictions si elles sont prévues par la loi, et constituent des « mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale [...] ».
La Cour européenne des droits de l'homme estime qu'il ne lui revient pas de se prononcer sur les éléments constitutifs du délit de provocation, et qu'il revient aux autorités nationales, et notamment aux tribunaux, d'interpréter et d'appliquer le droit national. La CEDH a seulement pour mission de vérifier, sous l'angle de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme sur la liberté d'expression, les décisions rendues par les juridictions nationales112(*). La jurisprudence européenne n'est donc pas fournie en la matière.
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Le cadre légal actuel ne comporte pas de dispositions contre le fait de détourner des malades d'un traitement dont il a été médicalement constaté qu'ils en avaient besoin et dont l'abandon constitue un risque grave pour leur santé.
Le cadre existant de l'exercice illégal de la médecine s'avère insuffisant dans la mesure où, aidés par les nouvelles technologies de la communication, les nouveaux « influenceurs » peuvent diffuser des appels plus ou moins ciblés envers un public très large, afin de les détourner des traitements médicaux. Contrairement au médecin qui use d'un « colloque singulier113(*) » avec son patient et a une relation directe, les influenceurs peuvent ainsi diffuser un message de façon large, sans personnalisation, mais en retirer néanmoins personnellement les fruits, par l'audience que cela leur procure et par la vente de produits dérivés. Ils échappent sur ce point à l'incrimination d'exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie qui requièrent, un tel colloque, mais leur action peut porter préjudice à un public large.
A cet égard, la limitation apportée en l'espèce est nécessaire compte tenu des enjeux de santé publique qu'elle emporte. Elle est proportionnée dans la mesure où, contrairement également au délit d'exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie, elle ne concerne que des cas où le préjudice pouvant en découler est grave, caractérisé par une situation médicalement constatée. La disposition pénale ne limite pas la liberté de communication pour la promotion de diverses pratiques « alternatives » en dehors de ces limites strictes : risque de préjudice grave et détournement d'un traitement dont la nécessité est médicalement acquise.
Cette limitation, s'agissant d'une infraction pénale, relève du domaine de la loi au sens de l'article 34 de la Constitution et de l'article 111-2 du code pénal qui prévoit, dans son premier alinéa, que : « La loi détermine les crimes et délits et fixe les peines applicables à leurs auteurs. »
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
L'objectif du dispositif est de disposer d'un corpus pénal clair en ce qui concerne la promotion de certaines pratiques abusivement présentées comme bénéfiques pour la santé, ou la promotion de l'abandon de traitement médicaux. En effet, certains contenus relatifs à la santé, diffusés principalement en ligne, permettent à des personnes non qualifiées médicalement de bénéficier d'une large audience et de convaincre certains d'adopter telle pratique, ou de consommer tel produit, qui peuvent s'avérer dangereux pour la santé, notamment lorsqu'ils les détournent de traitements qui sont nécessaires à leur santé.
Les infractions de mise en danger de la vie d'autrui, aujourd'hui activées contre les influenceurs les plus dangereux, nécessitent des preuves plus directes du lien entre le comportement reproché et le risque qui est encouru par la victime. L'infraction nouvelle doit donc faciliter la poursuite de ces comportements, sans pour autant interdire de promouvoir des pratiques alternatives qui relèvent de la liberté individuelle ni des lancements d'alerte.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
A l'occasion des assises nationales de la lutte contre les dérives sectaires, certains participants ont défendu l'idée de pénaliser toute promotion de pratiques de soins non conventionnelles. Cependant, cette option se heurtait à plusieurs obstacles tant pratiques que légaux et constitutionnels : l'effet de ces méthodes est variable d'un patient à l'autre, et la notion même de pratiques « non conventionnelles » est trop difficile à définir. L'atteinte à la liberté d'expression et le risque de créer légalement une sorte de « vérité médicale figée » étaient ainsi trop importants. Enfin, certaines pratiques dites « non conventionnelles » n'ont pas d'effet négatif pour la santé et peuvent être utilisées en accompagnement de traitements conventionnels.
La promotion des pratiques dangereuses a également été envisagée pour le volet pénal, mais se heurtait là aussi à une difficulté de définition de ces pratiques et à un manque de proportionnalité.
3.2. OPTION RETENUE
Le présent article réprime la provocation à l'abandon ou à l'abstention de suivre un traitement médical thérapeutique ou prophylactique lorsque cet abandon ou cette abstention est présenté comme bénéfique pour la santé des personnes visées alors qu'il est, en l'état des connaissances médicales, manifestement susceptible d'entraîner pour elles, compte tenu de la pathologie dont elles sont atteintes, des conséquences graves pour leur santé physique ou psychique. De plus, il vise à réprimer la provocation à adopter des pratiques présentées comme ayant une finalité thérapeutique ou prophylactique pour les personnes visées et comme bénéfiques pour la santé, alors qu'il est, en l'état des connaissances médicales, manifeste que ces pratiques les exposent à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente.
Ce choix permet de s'écarter des difficultés que posaient les autres options : plutôt que de partir de la pratique non-conventionnelle, difficile à cerner et à définir, l'infraction a pour point de départ le besoin médicalement constaté, pour le patient, de suivre un traitement médical. Porter gravement atteinte à la santé du patient en le détournant de ce traitement devient un fait objectif, ce qui répond au besoin de précision de la loi pénale.
De même, l'exigence du caractère manifeste des conséquences de la pratique en cause ainsi que la nécessité d'un risque grave pour la santé permettent de circonscrire l'infraction. Ce point répond au besoin de proportionnalité. Le nouveau délit se différencie du délit d'exercice illégal de la médecine prévu par l'article L. 4161-1 du code de la santé publique. En effet, il ne nécessite pas de colloque singulier entre l'auteur et la victime. En outre, la provocation à l'abandon de soins exige des conséquences graves sur la santé physique ou psychique de l'individu, à la différence du délit d'exercice illégal de la médecine. De la même façon, la provocation à adopter des pratiques présentées comme ayant une finalité thérapeutique ou prophylactique et comme bénéfiques pour la santé exige un risque manifestement immédiat de mort ou de blessures, ce qui n'existe pas non plus pour l'exercice illégal de la médecine.
Enfin, la présente disposition précise que lorsque les faits sont commis par voie de presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables. Cette précision permet d'utiliser la responsabilité « en cascade » du droit de la presse, qui va du directeur de la publication jusqu'à l'auteur des propos.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
La disposition proposée crée un nouvel article 223-1-2 du code pénal, introduit dans le chapitre III : « De la mise en danger de la personne (Articles 223-1 à 223-21) ».
Cette incrimination correspond à une limite, pénalement sanctionnée, à la liberté d'expression. Elle renvoie de façon classique aux règles du droit de la presse en ce qui concerne la détermination des responsables en matière de publications.
Conformément au cadre constitutionnel développé au 1.2, la limitation apportée en l'espèce est nécessaire compte tenu des enjeux de santé publique en cause. Elle est proportionnée dans la mesure où elle ne concerne que des cas où le préjudice pouvant en découler est grave, caractérisé par une situation médicalement constatée. La disposition pénale ne limite pas la liberté de communication pour la promotion de diverses pratiques « alternatives » en dehors de ces limites strictes : risque de préjudice grave et détournement d'un traitement dont la nécessité est médicalement acquise.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Le cadre conventionnel rappelé au 1.3 présente les mêmes exigences que le cadre constitutionnel. Le principe de légalité criminelle découle de plusieurs textes supranationaux :
- L'article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales selon lequel « 1. Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d'après le droit national ou international. De même il n'est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise. » ;
- L'article 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne selon lequel « 1. Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d'après le droit national ou le droit international. De même, il n'est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise. Si, postérieurement à cette infraction, la loi prévoit une peine plus légère, celle-ci doit être appliquée. » ;
- L'article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques aux termes duquel « 1. Nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui ne constituaient pas un acte délictueux d'après le droit national ou international au moment où elles ont été commises. De même, il ne sera infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise. Si, postérieurement à cette infraction, la loi prévoit l'application d'une peine plus légère, le délinquant doit en bénéficier. »
Enfin, l'objectif répressif poursuivi par le législateur en instituant une peine doit être concilié avec le respect des droits et libertés fondamentales, tels que la liberté religieuse (article 9 CEDH), la liberté d'expression (art. 10 CEDH) ou encore la liberté de réunion (rattachée aux articles 10 et 11 de la DDHC).
En l'espèce, la création d'une infraction d'expression ne pose pas de difficulté, étant rappelé que les États membres de l'UE disposent d'une autonomie procédurale, encadrée par le respect des principes de nécessité et des libertés fondamentales114(*) et que la CEDH estime qu'il ne lui revient pas de se prononcer sur les éléments constitutifs du délit de provocation (voir 1.3).
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Sans objet.
4.2.3. Impacts budgétaires
Sans objet.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Sans objet.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
Les juridictions et services enquêteurs pourrait constater une nouvelle activité portant sur cette infraction. Le volume prévisible reste cependant modéré, dans la mesure où l'infraction est suffisamment circonscrite pour ne pas risquer de viser l'ensemble des expressions tournant autour du bien-être et de la santé.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Conformément à l'objectif poursuivi, la neutralisation de certaines pratiques particulièrement nocives pour la santé publique et la santé individuelle est attendu.
En outre, réprimer la provocation à l'abandon ou l'abstention de soins ou à l'adoption de pratiques dont il est manifeste que, présentée comme bénéfique pour la santé, elle expose la personne visée à un risque immédiat de mort ou de blessures, devrait permettre de faire reculer l'influence et les points d'entrée de certains mouvements sectaires. Un recul ou au moins une fixation du phénomène sectaire est ainsi envisagé.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
Les personnes ayant été victimes de ces provocations (ou leurs proches) pourront se constituer partie civile devant les tribunaux et obtenir indemnisation de leur préjudice, sous les conditions procédurales habituelles (intérêt à agir, démonstration du préjudice et du lien de causalité avec l'infraction).
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Sans objet.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
La présente disposition ne requiert aucune consultation obligatoire et aucune consultation facultative n'a été conduite.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
En application de la règle de la non rétroactivité de la loi pénale plus sévère, cette disposition sera applicable uniquement aux faits commis à partir de l'entrée en vigueur de la loi.
5.2.2. Application dans l'espace
Les dispositions sont applicables sur le territoire de la République, et conformément aux dispositions des articles 113-1 à 113-14 du code pénal.
Ces dispositions seront applicables sans adaptation sur l'ensemble du territoire national, y compris dans les collectivités et départements d'outre-mer, par la mise à jour de l'article « compteur LIFOU » du code de procédure pénale (art. 804) et du code pénal (art. 711-1) prévue par l'article 7 du présent projet de loi.
5.2.3. Textes d'application
La présente disposition ne requiert aucune mesure d'application.
Article 5 - Faciliter les sanctions disciplinaires par l'instauration dans le code de procédure pénale d'une obligation d'information des ordres professionnels de santé, par les parquets et par écrit lorsque des professionnels de santé sont condamnés ou placés sous contrôle judiciaire à raison de certaines infractions
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
1.1.1. Le principe du secret de l'enquête et de l'instruction
L'article 11 du code de procédure pénale, qui consacre le principe du secret de l'enquête et de l'instruction, dispose que : « sauf dans le cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l'enquête et de l'instruction est secrète ».
Ce principe vise à éviter la divulgation d'informations sensibles ou pouvant porter atteinte à l'ordre public et social tout comme aux parties ayant intérêt à la procédure. Il vise également à permettre le bon déroulement des enquêtes et à assurer la protection de la présomption d'innocence de la personne mise en cause ou mise en examen tant que l'enquête ou l'instruction n'est pas close.
Y sont soumises les personnes qui ont accès au dossier et aux informations judiciaires, soit le ou les magistrats instructeurs, les greffiers, les policiers ou gendarmes qu'ils soient officiers ou agents de police judiciaire, les avocats (sur un autre fondement) mais également les interprètes qui assistent les parties ou encore les experts.
Le secret est opposable aux tiers étrangers à la conduite de l'enquête et de l'instruction et notamment aux autorités administratives. En conséquence, ces dernières n'ont en principe pas le droit d'utiliser des informations relatives à des procédures judiciaires en cours dont elles auraient eu connaissance.
1.1.2. La dérogation au secret de l'enquête et de l'instruction pour les rapports de l'administration avec ses agents ou les personnes qu'elle contrôle
1° Principe de la transmission d'information
L'article 11-2 du code de procédure pénale, dont les modalités d'application ont été précisées par le décret n° 2016-612 du 18 mai 2016115(*), a instauré une procédure facultative suivant laquelle l'autorité judiciaire peut être amenée à informer une administration des décisions pénales prises contre un agent qu'elle emploie (I. -, alinéa 1 de l'article 11-2) ou une personne placée sous son contrôle (I. -, alinéa 6 du même article). Cet article prévoit cette information aux personnes publiques, personnes morales de droit privé chargées d'une mission de service public ou aux ordres professionnels.
L'article D. 1-13 du code de procédure pénale précise les formes de la transmission de l'information par le ministère public, les modalités de transmission des décisions à l'issue des procédures et les modalités de suppression de l'information en cas de non-lieu, relaxe ou acquittement.
L'information est facultative et à l'initiative du ministère public. Celui-ci ne peut décider de transmettre une information à une autorité administrative « que s'il l'estime nécessaire, en raison de la nature des faits ou des circonstances de leur commission, pour mettre fin ou prévenir un trouble à l'ordre public ou pour assurer la sécurité des personnes ou des biens ».
Dans ce cadre, les décisions susceptibles d'être transmises sont les suivantes : les condamnations, même non définitives, les saisines d'une juridiction de jugement par le procureur de la République ou par le juge d'instruction ainsi que les mises en examen.
Cette faculté du procureur est strictement encadrée.
L'article 11-2 prévoit, tout d'abord, que seules les décisions judiciaires concernant un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement peuvent donner lieu à information de l'administration, ce qui exclut les procédures concernant les délits punis d'une seule peine d'amende ainsi que les contraventions.
Ensuite, comme précisé dans la circulaire du ministre de la justice du 4 août 2016116(*), « aucune information ne peut [désormais] intervenir avant la mise en mouvement de l'action publique, notamment au cours de l'enquête. Il n'est donc plus possible d'informer une administration au stade de la garde à vue, contrairement aux pratiques antérieures, que consacrait notamment la circulaire du 16 septembre 2015, qui doit donc être considérée comme abrogée sur ce point précis. »
Enfin, lorsque les poursuites ont été engagées par la partie civile117(*) et non par le ministère public, aucune information ne saurait être communiquée, sauf en cas de mise en examen ou de condamnation, faute avant cela de décision prise sur l'action publique.
De plus, outre les cas de condamnations prononcées publiquement, la loi n° 2016-457 du 14 avril 2016 relative à l'information de l'administration par l'autorité judiciaire et à la protection des mineurs rappelle le caractère confidentiel de la transmission qui conduit à un « secret partagé ».
Ainsi, l'autorité administrative destinataire de l'information n'est autorisée à communiquer l'information qu'aux personnes compétentes pour faire cesser ou suspendre l'exercice de la personne en cause (article 11-2, II, alinéa 3).
2° Informations transmises sur le fondement de l'article 11-2
L'article D. 1-13 du code de procédure pénale précise que l'information donnée par le procureur de la République ou le procureur général, sur le fondement de l'article 11-2, consiste en la transmission d'une fiche qui comporte les informations suivantes :
- L'identité et l'adresse de la personne ;
- La nature de la décision judiciaire la concernant ;
- La qualification juridique détaillée des faits reprochés, leur date et lieu de commission, et leur description sommaire ;
- La nature et le lieu d'exercice de l'activité professionnelle ou sociale ayant justifié la transmission de l'information à l'administration ou à l'autorité compétente ;
- Le nom de l'employeur.
En outre, il est prévu au même article que lorsque l'information porte sur une condamnation, même non définitive, le ministère public adresse, outre les informations susmentionnées :
- soit la copie de la décision,
- soit un avis de condamnation comportant le dispositif de la décision ;
- également, il est précisé si le délai de recours n'est pas expiré, si un recours a été exercé contre la décision ou si celle-ci est définitive.
Lorsque l'administration ou l'autorité compétente le demande, la transmission d'une copie de la décision de condamnation est de droit.
De plus, le même article prévoit qu'« en cas de condamnation, même non définitive, de saisine d'une juridiction par le parquet ou le juge d'instruction ou de mise en examen, peut également être adressée, d'office ou à la demande de l'administration ou de l'autorité compétente, copie de tout ou partie des pièces de la procédure utiles pour permettre à cette autorité de prendre les décisions relevant de sa compétence. »
Enfin, l'article D. 1-13 prévoit que « Lorsque le ministère public notifie à l'administration une décision définitive de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement, il lui rappelle son obligation de supprimer de tout dossier relatif à l'activité de la personne concernée les éléments d'information déjà transmis, sauf si est intervenue une décision prononçant une sanction légalement fondée sur ces éléments. Si ces informations figurent dans des documents écrits ou tous autres supports matériels, ceux-ci doivent être détruits. Si ces informations figurent dans un traitement automatisé de données, elles doivent en être effacées. »
1.1.3. Le cas particulier de l'article 706-47-4 du code de procédure pénale pour la protection des mineurs victimes d'infractions de nature sexuelle
A titre dérogatoire, l'autorité judiciaire a l'obligation, et non plus seulement la faculté, d'informer l'administration « d'une condamnation, même non définitive, pour une ou plusieurs des infractions mentionnées au II du présent article, prononcée à l'encontre d'une personne dont il a été établi au cours de l'enquête ou de l'instruction qu'elle exerce une activité professionnelle ou sociale impliquant un contact habituel avec des mineurs et dont l'exercice est contrôlé, directement ou indirectement, par l'administration », en vertu de l'article 706-47-4 du code de procédure pénale.
Le même article prévoit l'information de l'administration pour les contrôles judiciaires qui interdisent à ses agents d'exercer une activité impliquant un contact habituel avec les mineurs, au sens du 12° bis de l'article 138 du code de procédure pénale.
Cet article a inspiré la rédaction de l'article 5 du présent projet de loi.
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
Le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur la question des informations transmises par l'autorité judiciaire aux autorités administratives118(*). Dans cette décision, il a estimé que, si aucune norme constitutionnelle ne s'oppose par principe à l'utilisation à des fins administratives de données nominatives recueillies dans le cadre d'activités de police judiciaire, cette utilisation méconnaîtrait les exigences résultant des articles 2 (sûreté), 4 (liberté), 9 (présomption d'innocence) et 16 (garantie des droits et séparation des pouvoirs) de la Déclaration de 1789 si, par son caractère excessif, elle portait atteinte aux droits ou seulement aux intérêts légitimes des personnes concernées.
Au regard des exigences constitutionnelles, la question se pose ainsi différemment selon qu'il s'agit d'informations concernant des personnes condamnées ou concernant des personnes suspectées ou poursuivies.
Dans le premier cas, comme l'a reconnu le Conseil d'Etat dans un avis du 19 novembre 2015119(*), il n'y a pas de difficulté : la transmission ne porte pas atteinte à la présomption d'innocence ou au respect de la vie privée, dès lors que cette condamnation a été prononcée publiquement.
En revanche, dans le second cas, ainsi que le souligne le Conseil d'Etat dans son avis, la transmission d'informations nominatives à caractère pénal par le ministère public doit être justifiée par des impératifs protégeant d'autres droits ou intérêts de même valeur avec lesquels les droits ou intérêts légitimes de la personne concernée doivent se concilier.
En fonction des risques encourus dans un domaine d'activité déterminé, le maintien de l'ordre public, la sécurité des personnes ou des biens ou le bon fonctionnement du service public peuvent justifier la transmission à l'administration ou à l'autorité chargée du contrôle de cette activité d'informations nominatives à caractère pénal.
Saisi d'une QPC portant sur l'article 11 du code de procédure pénale, le Conseil constitutionnel a indiqué, dans sa décision du 2 mars 2018120(*), qu'en instaurant le secret de l'enquête et de l'instruction, le législateur a entendu d'une part, garantir le bon déroulement de l'enquête et de l'instruction poursuivant ainsi les objectifs de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions, tous deux nécessaires à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle. Il a entendu, d'autre part, protéger les personnes concernées par une enquête ou une instruction, afin de garantir le droit au respect de la vie privée et de la présomption d'innocence, qui résulte des articles 2 et 9 de la Déclaration de 1789. Il a estimé que cette disposition ne portait pas une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression et de communication.
Dans une décision 2022-1021 QPC du 28 octobre 2022, le Conseil constitutionnel a rappelé que le secret de l'enquête et de l'instruction participe à la poursuite des objectifs de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions121(*).
Ainsi imposée par la préservation d'intérêts supérieurs, la protection du secret de l'instruction est énoncée à l'article 11 du code de procédure pénale, selon lequel « Sauf dans le cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l'enquête et de l'instruction est secrète. Toute personne qui concourt à cette procédure est tenue au secret professionnel dans les conditions et sous les peines des articles 226-13 et 226-14 du code pénal. »
Il en résulte plusieurs conséquences.
D'abord, ce principe n'est pas absolu. Le secret est limité aux actes d'enquête et d'instruction, d'une part, et ne s'applique qu'aux personnes impliquées dans la procédure, d'autre part. Concourent à la procédure les magistrats, policiers, greffiers, experts ou interprètes. Il ressort de la jurisprudence de la Cour de cassation que « ne concourent pas à la procédure » au sens de l'article 11 du code de procédure pénale (CPP) les personnes mises en examen, la partie civile, les témoins et leurs avocats122(*). Cela ne signifie pas que ces tiers ne soient pas tenus au principe du secret fixé de manière large par le premier alinéa de l'article 11, mais qu'elles ne pourront pas être sanctionnées pour violation de ce secret, aux termes des articles 226-13 et 226-14 du code pénal, lorsqu'il y a été porté atteinte pour les besoins de la défense.
En revanche, dans le cas où l'information aurait été obtenue par une personne « concourant à la procédure », ceux-ci pourront être condamnés pour recel de violation de ce secret123(*). A cet égard, il convient de préciser le cas particulier des journalistes dont les sources sont protégées par l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Il en résulte une impossibilité de déterminer si la personne ayant communiqué l'information était soumise au secret professionnel et, par conséquent, si le journaliste peut être poursuivi au titre du recel. Afin de limiter ce type de poursuites, sans pour autant les exclure, le législateur a prévu, depuis la loi du 4 janvier 2010 relative à la protection des sources journalistiques124(*), qu'il « ne peut pas être porté atteinte directement ou indirectement au secret des sources que si un impératif prépondérant d'intérêt public le justifie et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées but légitime poursuivi » (article 2 alinéa 3 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse). Précisons enfin que la jurisprudence125(*) s'est attachée à poursuivre les journalistes sur le fondement du recel de violation du secret de l'enquête et de l'instruction, et de recel de violation du secret professionnel, en raison de la protection des sources journalistiques.
Ensuite, le secret peut être limité par la loi. De manière générale, le législateur a prévu certaines atteintes au secret de l'enquête : le procureur de la République possède ainsi la faculté de rendre publics des éléments objectifs tirés de la procédure afin d'éviter la propagation de rumeurs ou pour mettre fin à un trouble à l'ordre public (article 11 alinéa 3 du CPP). Plus récemment, il a apporté plusieurs dérogations spécifiques, comme la possibilité pour le procureur de la République d'informer l'administration qui emploie un agent condamné, poursuivi ou mis en examen dans une procédure pénale afin de permettre d'éventuels mesures disciplinaires à son égard (dérogations prévues aux articles 11-2 et 706-47-4 du CPP).
Tous ces aménagements du secret de l'enquête de l'instruction au nom d'autres impératifs de valeur égale assurent une conciliation équilibrée entre les impératifs répressifs, le respect de la liberté d'expression et de communication, la présomption d'innocence et la nécessité de protéger les personnes de certains comportements commis par des personnes mises en cause dans une enquête pénale.
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Les exigences constitutionnelles relatives au respect de la présomption d'innocence se retrouvent dans les exigences conventionnelles, en application de l'article 6.2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. ».
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
La question de la transmission d'informations par l'autorité judiciaire est abordée, selon les pays, sous des angles très différents.
En effet, s'il existe dans plusieurs pays des dispositions sur la transmission d'informations par la justice à certaines autorités ou certains particuliers, afin de leur permettre, le cas échéant, de prendre des dispositions qui ont pour finalité la protection des mineurs, il existe dans certains pays une réglementation relative à la communication entre l'institution judiciaire et le monde extérieur, sur des procédures pénales en cours, qui répond à d'autres finalités que la protection des mineurs. En effet, la communication d'informations judiciaires aux administrations peut avoir des objectifs multiples qui ne sont pas liés exclusivement à la protection d'un mineur : il peut s'agir aussi de permettre à une administration, suite au comportement d'un agent qui est mis en cause dans une procédure pénale, de prendre des mesures disciplinaires - telles que la suspension d'activité - (Allemagne, Italie), ou encore d'aider des autorités à mieux contrôler les conditions d'exercice d'une profession et les aptitudes de certaines personnes à exercer leurs missions (Allemagne).
Certains pays n'envisagent, toutefois, la question de la transmission d'information que dans le cadre de la protection des mineurs.
Au Royaume-Uni, la communication d'informations judiciaires concerne essentiellement des délinquants sexuels ; elle n'a donc pour finalité que la protection des mineurs. Il en est de même en Espagne.
Sur cette thématique, on peut mesurer la diversité entre les systèmes juridiques, en s'intéressant, pour chacun d'entre eux, à la nature et à la finalité des informations qui sont transmises, à leurs destinataires, et au caractère facultatif ou obligatoire de la communication d'information. Dans l'ensemble des systèmes, les destinataires de l'information transmise par l'autorité judiciaire sont tenus à une obligation de confidentialité.
En Allemagne, il existe des dispositions générales sur la transmission d'informations, qui ont pour finalité d'inciter - ou de contraindre - l'autorité judiciaire à porter à la connaissance des responsables de certaines branches professionnelles (professions réglementées, fonctionnaires, etc.) les agissements de leurs membres qui ont fait l'objet d'une procédure pénale, ainsi que des dispositions spécifiques à la protection des mineurs qui imposent également la transmission d'informations. Dans la majorité des cas, l'administration est le destinataire principal de l'information.
· Transmission obligatoire :
- Contrôle des professions
Lorsque certains professionnels font l'objet d'une procédure pénale ou d'un jugement de condamnation, l'information doit en être donnée par l'autorité judiciaire (parquet ou juridiction dans le cas d'une condamnation) à l'autorité administrative qui est en charge de leur contrôle. Cette obligation instituée par le règlement « MiStra » de 2007 concerne un grand nombre de professions ainsi que les membres du clergé. Le contenu de l'information varie selon la profession et la nature de l'infraction.
- Protection des mineurs
Une obligation générale impose d'informer l'autorité administrative de contrôle compétente de toute information recueillie dans une procédure pénale, dès lors qu'il apparaît que des mineurs sont exposés à un danger important qu'il convient de faire cesser, quelle que soit la nature de l'infraction reprochée.
· Transmission facultative :
- Contrôle des professions
L'autorité judiciaire dispose d'une faculté d'information relative à une procédure pénale lorsque l'infraction a été commise dans le cadre d'une activité professionnelle entraînant un doute quant à l'aptitude à exercer la profession. Cette disposition peut dépasser la sphère de la fonction publique.
- Protection des mineurs
L'autorité judiciaire peut informer des tiers d'une procédure pénale en cours lorsque cette information est nécessaire en vue faire cesser un danger important auquel sont exposés des mineurs.
En Italie, il n'existe qu'une seule disposition générale du code de procédure pénale, laquelle ne concerne pas spécifiquement la protection des mineurs. L'autorité judiciaire est tenue d'informer l'administration - seule destinataire de l'information - de toute procédure diligentée à l'encontre de l'un de ses agents. En vertu de l'article 129 du code de procédure pénale italien intitulé « l'information sur l'action pénale », lorsque le ministère public exerce l'action pénale à l'encontre d'un agent de l'État ou d'une collectivité publique, il doit informer l'autorité dont dépend l'agent sur la qualification retenue. Lorsqu'il s'agit d'agent des services secrets policiers ou militaires, il en informe également le comité parlementaire compétent.
Ainsi, le système allemand contient à la fois des dispositions générales et des dispositions spéciales, tandis que le système italien ne contient qu'une disposition spécifique, et les deux systèmes ont vocation à dépasser le seul objectif de la protection des mineurs. En outre, la réglementation allemande peut contraindre ou parfois inciter l'autorité judiciaire à communiquer des informations, tandis que le code de procédure pénale italien oblige la communication d'informations, et ce quelle que soit l'infraction commise. Le plus souvent, s'agissant de ces deux pays, c'est l'administration qui est le destinataire des informations. Dans l'ensemble des situations, au sein de l'institution judiciaire, le parquet ou la juridiction de jugement est systématiquement l'acteur de la transmission d'information.
Au Royaume-Uni
Le système est assez différent de ces deux précédents pays, et ce, pour plusieurs raisons :
Les dispositifs mis en place en matière de communications d'informations de nature judiciaire concernent essentiellement les délinquants sexuels et ont pour objectif quasi-exclusif la protection des mineurs ;
- le contenu des informations est très vaste et peut dépasser le cadre d'une procédure en cours (par exemple, des informations peuvent être communiquées sur les antécédents d'une personne) ;
- les destinataires de l'information sont très nombreux et il peut s'agir de particuliers : un certain nombre de personnes sont informées de manière confidentielle de la présence ou de l'installation de délinquants sexuels dans les alentours de leurs lieux de travail. Les informations sont spécialement communiquées aux personnes concernées par le bien être d'un enfant.
En Espagne
Le système relatif à la transmission d'informations de la part de l'autorité judiciaire aux administrations est peu développé. Les seules dispositions sont relatives à la protection des mineurs. Le cas concret de communication d'informations de nature judiciaire à l'administration est relatif à la nécessité d'informer l'administration d'une décision de condamnation assortie de l'interdiction d'exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs.
Etude des différents systèmes
En Italie
Une disposition générale prévoit une obligation d'information de l'administration : il s'agit de l'article 129 disp. att. du code de procédure pénale italien intitulé « l'information sur l'action pénale ». Elle n'est donc pas limitée à la protection des mineurs et s'applique quelle que soit l'infraction. Cette formalité est souvent considérée par les praticiens comme une « routine ».
Cet article prévoit deux cas d'information :
- Lorsque le ministère public exerce l'action pénale à l'encontre d'un agent de l'État ou d'une collectivité publique, il doit informer l'autorité dont dépend l'agent sur la qualification retenue. Lorsqu'il s'agit d'agent des services secrets policiers ou militaires, il en informe également le comité parlementaire compétent. Pour mémoire, l'exercice de l'action pénale s'exerce à la fin de l'enquête préliminaire, et est l'équivalent de la citation ou du réquisitoire définitif de renvoi par le parquet voire de l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel ;
- Lorsqu'une personne est placée en détention ou aux arrêts domiciliaires, cette information est également communiquée.
Le texte précité prévoit également que dans le cas de la mise en cause d'un prélat ou d'un religieux du culte catholique, l'information soit transmise à l'Ordre du Diocèse auquel il appartient. Dans cette information, le ministère public précise les textes de loi qui auraient été violés. Cette information a pour but principal la mise en oeuvre d'éventuelles sanctions disciplinaires telles que la suspension de l'activité.
Au Royaume-Uni
Les informations concernant les délinquants sexuels font l'objet d'un traitement particulier ; elles sont beaucoup plus largement communiquées qu'en France, y compris à des particuliers :
- Transmission d'informations sur la présence de délinquants sexuels dans une zone géographique. Un certain nombre de personnes sont informées de manière confidentielle de la présence ou de l'installation de délinquants sexuels dans les alentours de leurs lieux de travail. Il s'agit des directeurs d'école, des docteurs, des directeurs de clubs de sport, des responsables de groupes/d'associations impliquant des jeunes et également des propriétaires de logements ;
- Transmission d'informations sur des personnes condamnées ou suspectées de pédophilie. En vertu du Child Sex Offender Disclosure Scheme, certaines personnes concernées par le bien être d'un enfant sont en droit de se faire communiquer les antécédents d'une personne de l'entourage de l'enfant. La personne qui se voit communiquer ces éléments doit respecter une clause de confidentialité. Ce système s'applique pour toute infraction qui pourrait conduire la personne suspectée à être un danger pour l'enfant.
Ce système a été mis en place dans le début des années 2000, à la suite de l'assassinat de la petite Sarah Payne par un pédophile récidiviste.
En Allemagne
La transmission d'informations par les autorités judiciaires aux autorités administratives est prévue dans deux sources législatives :
- La Anordnung über Mitteilungen in Strafsachen (« MiStra ») (soit le Réglement relatif à la transmission d'informations en matière pénale) du 20 juin 2007 entrée en vigueur le 1er juin 2008 ;
- La Einführungsgesetz zum Gerichtsverfassungsgesetz (EGGVG) (soit la loi d'introduction au code de l'organisation judiciaire) en date du 27 janvier 1877, modifié pour la dernière fois le 31 août 2015.
Le règlement relatif à la transmission d'informations en matière pénale (« MiStra ») énumère un grand nombre de groupes de personnes, classifiés par type de profession, (n° 15 à 29) à l'égard desquelles la mise en oeuvre de l'action publique, la requête aux fins de placement en détention provisoire, le placement en détention provisoire, le renvoi devant une juridiction de jugement, la condamnation pénale ou la décision prononcée à l'issue du procès pénal doivent donner lieu à une information à l'autorité administrative compétente pour le contrôle des professions concernées. Il s'agit, notamment, des magistrats, des professions réglementées, des fonctionnaires ou personnes employées au sein de la fonction publique, des membres du clergé, des militaires, des experts, des professions financières, des professions médicales ou para-médicales, des enseignants, des éducateurs, des employés ou dirigeants de structures accueillant des personnes âgées ou handicapées. Le contenu de l'information varie selon la profession considérée et parfois de la nature de l'infraction reprochée. En outre, la décision relative à la transmission d'information incombe, soit à la juridiction ayant prononcée une décision dans le cadre de la procédure pénale, soit au parquet.
Le n° 35 du règlement relatif à la transmission d'informations en matière pénale (« MiStra ») vise à la protection plus particulière des mineurs en imposant d'informer l'autorité administrative de contrôle compétente de toute information recueillie dans une procédure pénale, dès lors qu'il apparaît que des mineurs sont exposés à un danger important qu'il convient de faire cesser, quelle que soit la nature de l'infraction reprochée.
En application de l'article 14 EGGVG, la juridiction du siège ou le parquet ont une faculté d'information relative à une procédure pénale en cours lorsqu'il apparaît que cette information est nécessaire en vue de :
- l'exercice de ses prérogatives par l'autorité administrative compétente pour le contrôle de certaines professions relevant de la fonction publique, en cas de commission de faits impliquant une violation des obligations professionnelles de l'intéressé et entraînant un doute quant à son aptitude à exercer sa profession ;
- la mise en oeuvre de mesures disciplinaires, voire du licenciement ou de l'interdiction d'exercer certaines professions ou certaines activités, en ce qui concerne des personnes exerçant une activité professionnelle ne relevant pas de la fonction publique, en cas de commission de faits impliquant une violation des obligations professionnelles de l'intéressé et entraînant un doute quant à son aptitude à exercer sa profession.
L'article 17 EGGVG comporte une disposition plus générale permettant d'informer des tiers d'une procédure pénale en cours lorsque cette information est nécessaire en vue faire cesser un danger important auquel sont exposés des mineurs.
Dans tous les cas de figure envisagés, la personne titulaire de l'information est tenue au secret professionnel.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Aux termes de l'article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant la procédure pénale. La mesure envisagée concernant la procédure pénale et venant ajouter un article dans la partie législative du code de procédure pénale apportant une dérogation au principe du secret de l'enquête et de l'instruction prévu à l'article 11 du code de procédure pénale, une loi est nécessaire.
En effet, certaines des informations que l'autorité judiciaire doit pouvoir transmettre aux personnes publiques, aux personnes morales de droit privé chargées d'une mission de service public ou aux ordres professionnels compétentes sont couvertes par le secret de l'enquête ou de l'instruction prévu par l'article 11 du code de procédure pénale.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
Le présent article a pour objectif de faciliter pour les ordres la prise de mesures conservatoires et de sanctions disciplinaires par l'instauration, dans le code de procédure pénale, d'une obligation d'information (et non d'une simple faculté, par dérogation au dernier alinéa de l'article 11-2 du même code), par écrit, des ordres professionnels de santé, par les parquets, lorsque des professionnels de santé sont condamnés ou placés sous contrôle judiciaire pour une infraction liée à une dérive sectaire et mentionnée par l'article 2-17 du code de procédure pénale . Actuellement, cette information n'est que facultative. Seront ainsi transmises les décisions de condamnation, même non définitives et les décisions de contrôle judiciaire sur le fondement du 12° et du 12° bis de l'article 138 du code de procédure pénale.
Les ordres professionnels de santé informés sont ceux mentionnés à la quatrième partie du code de la santé publique qui sont des institutions de droit privé chargée d'une mission de service public, et sont les suivants :
- le conseil national de l'ordre des médecins (articles L. 4121-1 et suivants du CSP) ;
- l'ordre national des pharmaciens (articles L. 4231-1 et suivants du CSP) ;
- le conseil national de l'ordre des sages-femmes (articles L. 4152-1 et suivants du CSP) ;
- l'ordre national des chirurgiens-dentistes (articles L. 4142-1 et suivants du CSP) ;
- l'ordre national des infirmiers (articles L. 4312-1 et suivant du CSP) ;
- l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes (articles L. 4321-13 et suivants du CSP) ;
- l'ordre national des pédicures-podologues (articles L. 4322-6 et suivants du CSP).
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Il a été envisagé de rendre obligatoire, pour le procureur de la République, la transmission d'informations aux ordres des professionnels de santé dès lors qu'un de leurs membres se trouvait mis en cause ou en examen dans une enquête pénale, afin d'accélérer le traitement des dérives de ces professionnels s'apparentant à des dérives sectaires.
Cependant, la volonté de limiter l'atteinte ainsi créée au secret de l'enquête et à la présomption d'innocence pour les personnes mises en cause a conduit à limiter le dispositif pour ne rendre obligatoires ces communications qu'une fois que des éléments suffisamment probants ont été rassemblés. Ce caractère suffisant est manifesté par le prononcé d'une condamnation, même non définitive, ou d'un contrôle judiciaire par un magistrat du siège, en lien avec l'exercice professionnel de la personne.
3.2. DISPOSITIF RETENU
La présente disposition crée dans le code de procédure pénale un article 11-2-1 rendant obligatoire, et non plus facultative, la transmission aux ordres professionnels de santé, par le procureur de la République, des informations relatives aux placements sous contrôle judiciaire avec interdiction d'exercer l'activité professionnelle à l'occasion de laquelle les faits auraient été commis et aux condamnations même non définitives prononcées contre une personne placée sous leur contrôle, lorsque les faits en cause font partie des infractions listées par l'article 2-17 du code de procédure pénale.
Ces infractions sont les infractions contre l'espèce humaine, d'atteintes volontaires ou involontaires à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique de la personne, de mise en danger de la personne, d'atteinte aux libertés de la personne, d'atteinte à la dignité de la personne, d'atteinte à la personnalité, de mise en péril des mineurs ou d'atteintes aux biens prévues par les articles 214-1 à 214-4, 221-1 à 221-6, 222-1 à 222-40, 223-1 à 223-15, 223-15-2, 224-1 à 224-4, 225-5 à 225-15, 225-17, 226-1 à 226-23, 227-1 à 227-27, 311-1 à 311-13, 312-1 à 312-12, 313-1 à 313-3, 314-1 à 314-3, 324-1 à 324-6 et 511-1-2 du code pénal, les infractions d'exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie prévues par les articles L. 4161-5 et L. 4223-1 du code de la santé publique, et les infractions de publicité mensongère, de fraudes ou de falsifications prévues par les articles L. 121-6 et L. 213-1 à L. 213-4 du code de la consommation.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Sur le plan constitutionnel, la mesure envisagée effectue une conciliation entre, d'une part, la protection des personnes concernées par une enquête ou une instruction, afin de garantir le droit au respect de la vie privée et de la présomption d'innocence, qui résulte des articles 2 et 9 de la Déclaration de 1789, et d'autre part, la prévention et la protection contre les dérives sectaires. En outre, elle précise que la transmission d'information judiciaire ne peut être effectuée lorsque cette information est susceptible de porter atteinte au bon déroulement de la procédure judiciaire.
De plus, la mesure envisagée crée un article 11-2-1 du code de procédure pénale apportant une dérogation au principe du secret de l'enquête et de l'instruction prévu à l'article 11 et au caractère facultatif de l'information des ordres prévu au dernier alinéa du I de l'article 11-2 du même code.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
La mesure envisagée respecte les exigences conventionnelles relatives au respect de la présomption d'innocence, en application de l'article 6.2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Néant.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Néant.
4.2.3. Impacts budgétaires
Néant.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Néant.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS ET JUDICIAIRES
Dès lors que la mesure envisagée rend obligatoire la transmission d'informations judiciaires par écrit des ordres professionnels de santé, par les parquets, elle représentera une charge de travail pour les parquets et les ordres.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
En facilitant les sanctions disciplinaires à l'encontre de praticiens qui se seraient livrés à des pratiques déviantes pouvant revêtir les caractéristiques d'une dérive sectaire par l'instauration, dans le code de procédure pénale, d'une obligation de transmission d'informations judiciaires, par écrit, des ordres professionnels de santé, la mesure envisagée renforcera la protection de la société face au phénomène sectaire.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
En facilitant les sanctions disciplinaires à l'encontre de praticiens qui se seraient livrés à des pratiques déviantes pouvant revêtir les caractéristiques d'une dérive sectaire par l'instauration, dans le code de procédure pénale, d'une obligation de transmission d'informations judiciaires, par écrit, des ordres professionnels de santé, la mesure envisagée renforcera la protection des personnes en situation de handicap, souvent ciblées en raison de leur vulnérabilité.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
En facilitant les sanctions disciplinaires à l'encontre de praticiens qui se seraient livrés à des pratiques déviantes pouvant revêtir les caractéristiques d'une dérive sectaire par l'instauration, dans le code de procédure pénale, d'une obligation de transmission d'informations judiciaires, par écrit, des ordres professionnels de santé, la mesure envisagée renforcera la protection des mineurs, souvent ciblées en raison de leur vulnérabilité.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Dès lors que la mesure prévoit la communication d'informations judiciaires aux ordres professionnels de santé, elle a un impact sur les professions réglementées de santé, notamment sur les procédures disciplinaires et l'information relative aux procédures pénales.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
En facilitant les sanctions disciplinaires à l'encontre de praticiens qui se seraient livrés à des pratiques déviantes pouvant revêtir les caractéristiques d'une dérive sectaire par l'instauration, dans le code de procédure pénale, d'une obligation de transmission d'informations judiciaires, par écrit, des ordres professionnels de santé, la mesure envisagée renforcera la protection des particuliers.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
La transmission des informations judiciaires par écrit s'effectue soit par voie postale, nécessitant une impression papier, soit par voie dématérialisée.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
La présente disposition ne requiert aucune consultation obligatoire et aucune consultation facultative autre que celle des assises nationales de lutte contre les dérives sectaires n'a été conduite
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Conformément à l'article 112-2 du code de procédure pénale, les lois fixant les modalités des poursuites et les formes de la procédure sont applicables immédiatement à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur.
5.2.2. Application dans l'espace
Les dispositions sont applicables sur le territoire de la République, et conformément aux dispositions des articles 113-1 à 113-14 du code pénal.
Ces dispositions seront applicables sans adaptation sur l'ensemble du territoire national, y compris dans les collectivités et départements d'outre-mer, par la mise à jour de l'article « compteur LIFOU » du code de procédure pénale (art. 804) et du code pénal (art. 711-1) prévue par l'article 7 du présent projet de loi.
5.2.3. Textes d'application
La présente disposition ne requiert aucune mesure d'application.
CHAPITRE IV - ASSURER L'INFORMATION DES ACTEURS JUDICIAIRES SUR LES DÉRIVES SECTAIRES
Article 6 - Permettre aux services de l'État compétents d'être sollicités par le parquet ou la juridiction des instances relatives à des sujétions psychologiques ou physiques pour leur apporter toute information utile de nature à les éclairer
1. ÉTAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
La présente disposition a pour but de décliner la fonction de l'amicus curiae dans le cadre d'une procédure pénale. Il permettra aux services de l'État compétents, notamment la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES) et certains services de santé, de transmettre à l'autorité judiciaire toute information générale utile sur les phénomènes sectaires dans le cadre de procédures en cours concernant des personnes soupçonnées de placer des victimes dans un état de sujétion psychologique ou physique. Ces informations pourront éclairer des phénomènes tels que les mécanismes d'emprise, les exemples historiques de dérives sectaires, les effets de court et de long terme sur les adeptes, les mécanismes de la déprise126(*), la perpétuation des sévices par d'anciens adeptes sur les nouveaux. Cet apport sera très utile dans la mesure où la circonstance aggravante de sujétion physique ou psychologique (qui correspond au phénomène sectaire) sera retenue par les juges ou les parquets poursuivants.
Cette faculté doit s'analyser au regard du principe de secret de l'enquête et de l'instruction et des obligations d'information de l'administration par la Justice.
1.1.1. Le secret de l'enquête et de l'instruction
Le principe du secret de l'enquête et de l'instruction
L'article 11 du code de procédure pénale, qui consacre le principe du secret de l'enquête et de l'instruction, dispose que « sauf dans le cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l'enquête et de l'instruction est secrète ».
Ce principe vise à éviter la divulgation d'informations sensibles ou pouvant porter atteinte à l'ordre public et social127(*) tout comme aux parties ayant intérêt à la procédure. Il vise également à permettre le bon déroulement des enquêtes et à assurer la protection de la présomption d'innocence de la personne mise en cause ou mise en examen tant que l'enquête ou l'instruction n'est pas close128(*).
Il ressort de la jurisprudence de la Cour de cassation que « ne concourent pas à la procédure » au sens de l'article 11 du code de procédure pénale les personnes mises en examen, la partie civile, les témoins et leurs avocats129(*) . Cela ne signifie pas que ces tiers ne soient pas tenus au secret posé de manière large par le premier alinéa de l'article 11, mais qu'ils ne pourront pas être sanctionnés pour violation de ce secret, aux termes des articles 226-13 et 226-14 du code pénal, lorsqu'il y a été porté atteinte pour les besoins de la défense. En revanche, dans le cas où l'information aurait été obtenue par une personne « concourant à la procédure », celle-ci pourra être condamnée pour recel de violation de ce secret130(*) . A cet égard, il convient de préciser le cas particulier des journalistes dont les sources sont protégées par l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Il en résulte une impossibilité de déterminer si la personne ayant communiqué l'information était soumise au secret professionnel et, par conséquent, si le journaliste peut être poursuivi au titre du recel. Afin de limiter ce type de poursuites, sans pour autant les exclure, le législateur a prévu, depuis la loi du 4 janvier 2010 relative à la protection des sources journalistiques, qu'il « ne peut pas être porté atteinte directement ou indirectement au secret des sources que si un impératif prépondérant d'intérêt public le justifie et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées but légitime poursuivi »131(*) . Enfin, une analyse de la jurisprudence montre que les journalistes peuvent être poursuivis sur le fondement du recel de violation du secret de l'enquête et de l'instruction, et de recel de violation du secret professionnel.
D'abord, ce principe n'est pas absolu. Le secret ne s'applique qu'aux personnes impliquées dans la procédure. Les personnes qui y sont soumises sont toutes celles ayant accès au dossier et aux informations judiciaires, soit le ou les magistrats instructeurs, les greffiers, les policiers ou gendarmes (qu'ils soient officiers ou agents de police judiciaire), les avocats132(*) mais également les interprètes qui assistent les parties ou encore les experts.
Le secret est opposable aux tiers étrangers à la conduite de l'enquête et de l'instruction et notamment aux autorités administratives. En conséquence, ces dernières n'ont, en principe133(*), pas le droit d'utiliser des informations relatives à des procédures judiciaires en cours dont elles auraient eu connaissance. Ensuite, le secret peut être limité par la loi. De manière générale, le législateur a prévu certaines atteintes au secret de l'enquête : le procureur de la République possède ainsi la faculté de rendre publics des éléments objectifs tirés de la procédure afin d'éviter la propagation de rumeurs, ou pour mettre fin à un trouble à l'ordre public (article 11 al 3 du code de procédure pénale). Plus récemment, le législateur a apporté plusieurs dérogations spécifiques, comme la possibilité pour le procureur de la République d'informer l'administration qui emploie un agent condamné, poursuivi ou mis en examen dans une procédure pénale afin de permettre d'éventuels mesures disciplinaires à son égard (articles 11-2 et 706-47-4 du code de procédure pénale).
Ces aménagements du secret de l'enquête de l'instruction au nom d'autres impératifs de valeur égale assurent une conciliation équilibrée entre les impératifs répressifs, le respect de la liberté d'expression et de communication, la présomption d'innocence et la nécessité de protéger les personnes de certains comportements commis par des personnes mises en cause dans une enquête pénale.
La dérogation au secret de l'enquête et de l'instruction pour les rapports de l'administration avec ses agents ou les personnes qu'elle contrôle
L'article 11-2 du code de procédure pénale, dont les modalités d'application ont été précisées par le décret n° 2016-612 du 18 mai 2016134(*), a instauré une procédure facultative suivant laquelle l'autorité judiciaire peut informer une administration des décisions pénales prises contre un agent qu'elle emploie, y compris à titre bénévole (I. -, al. 1 de l'art. 11-2 du code de procédure pénale) ou une personne placée sous son contrôle ou son autorité (I. -, al. 6 du même article). Il prévoit cette information aux personnes publiques, personnes morales de droit privé chargées d'une mission de service public ou aux ordres professionnels. Cette disposition a été ajoutée suite à deux rapports conjoints des inspections de l'éducation nationale et des services judiciaires, pour faire face à des cas de personnels de l'éducation nationale mis en cause dans des affaires d'atteintes aux mineurs dont l'administration n'avait pas connaissance, et qui ont été de nouveau mis en cause dans le cadre de leurs fonctions135(*).
L'information est facultative et à l'initiative du ministère public. Cette faculté du procureur est strictement encadrée.
Celui-ci ne peut décider de transmettre une information à une autorité administrative « que s'il l'estime nécessaire, en raison de la nature des faits ou des circonstances de leur commission, pour mettre fin ou prévenir un trouble à l'ordre public ou pour assurer la sécurité des personnes ou des biens ».
Dans ce cadre, les décisions susceptibles d'être transmises sont les suivantes :
- les condamnations, même non définitives ;
- les saisines d'une juridiction de jugement par le procureur de la République ou par le juge d'instruction ;
- les mises en examen.
L'article 11-2 du code de procédure pénale prévoit également que seules les décisions judiciaires concernant un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement peuvent donner lieu à information de l'administration, ce qui exclut les procédures concernant les délits punis d'une seule peine d'amende ainsi que les contraventions.
Ensuite, comme précisé dans la circulaire du ministre de la justice du 4 août 2016136(*), « aucune information ne peut [désormais] intervenir avant la mise en mouvement de l'action publique, notamment au cours de l'enquête. Il n'est donc plus possible d'informer une administration au stade de la garde à vue, contrairement aux pratiques antérieures, que consacrait notamment la circulaire du 16 septembre 2015, qui doit donc être considérée comme abrogée sur ce point précis. » Enfin, lorsque les poursuites ont été engagées par la partie civile et non par le ministère public, aucune information ne saurait être communiquée, sauf en cas de mise en examen ou de condamnation, faute avant cela de décision prise sur l'action publique.
L'article D. 1-13 du code de procédure pénale précise déjà les formes de la transmission de l'information par le ministère public, les modalités de transmission des décisions à l'issue des procédures et les modalités de suppression de l'information en cas de non-lieu, relaxe ou acquittement.
De plus, outre les cas de condamnations prononcées publiquement, la loi précitée n° 2016-457 du 14 avril 2016 rappelle le caractère confidentiel de la transmission qui conduit à un « secret partagé ». Ainsi, l'autorité administrative destinataire de l'information n'est autorisée à communiquer l'information qu'aux personnes compétentes pour faire cesser ou suspendre l'exercice de la personne en cause (article 11-2, II, al. 3).
Enfin, l'article D. 1-13 du code de procédure pénale précise les formes de la transmission de l'information par le ministère public, les modalités de transmission des décisions à l'issue des procédures et les modalités de suppression de l'information en cas de non-lieu, relaxe ou acquittement.
Le cas particulier de l'article 706-47-4 du code de procédure pénale pour la protection des mineurs victimes d'infractions de nature sexuelle
A titre dérogatoire, l'autorité judiciaire a l'obligation, et non plus seulement la faculté, d'informer l'administration « d'une condamnation, même non définitive, pour une ou plusieurs des infractions mentionnées au II du présent article, prononcée à l'encontre d'une personne dont il a été établi au cours de l'enquête ou de l'instruction qu'elle exerce une activité professionnelle ou sociale impliquant un contact habituel avec des mineurs et dont l'exercice est contrôlé, directement ou indirectement, par l'administration », en vertu de l'article 706-47-4 du code de procédure pénale.
1.1.2. Le recours à l'« amicus curiae »
Le terme d'amicus curiae (ami de la Cour) n'apparaît pas en tant que tel dans le droit français.
Il peut être défini comme un tiers à la procédure, dont la juridiction estime que la compétence ou les connaissances seraient de nature à l'éclairer utilement sur la solution à donner au litige. Il ne peut formuler que des observations d'ordre général (par exemple des points de droit), à l'exclusion de toute analyse ou appréciation de pièces du dossier.
En matière civile, l'article L. 431-3-1 du code de l'organisation judiciaire137(*) dispose que « lors de l'examen du pourvoi, la Cour de cassation peut inviter toute personne dont la compétence ou les connaissances sont de nature à l'éclairer utilement sur la solution à donner à un litige à produire des observations d'ordre général sur les points qu'elle détermine ». Cette transmission s'effectue par écrit dans ce cadre.
En matière administrative, l'article R. 625-3 du code de justice administrative138(*), dont s'inspire la présente disposition, permet à la formation chargée de l'instruction d'inviter toute personne, dont la compétence ou les connaissances seraient de nature à l'éclairer utilement sur la solution à donner à un litige, à produire des observations d'ordre général sur les points qu'elle détermine. L'avis est consigné par écrit. Il est communiqué aux parties. Dans les mêmes conditions, toute personne peut être invitée à présenter des observations orales devant la formation chargée de l'instruction ou la formation de jugement, les parties dûment convoquées. Ainsi, le tribunal administratif, la cour administrative d'appel ou le Conseil d'État peuvent recueillir l'avis d'un « amicus curiae », pour nourrir leur réflexion sur des questions particulièrement délicates et prendre aussi la mesure des enjeux en cause.
La demande adressée à l'amicus curiae ne peut porter que sur des observations d'ordre général sur les points qu'elle détermine, lesquels peuvent être des questions de droit, à l'exclusion de toute analyse ou appréciation de pièces du dossier139(*). Toutefois, le Conseil d'État admet que, lorsque l'avis a été demandé ou rendu en méconnaissance de ces principes, le juge n'entache pas sa décision d'irrégularité s'il se borne à prendre en compte les observations d'ordre général, juridiques ou factuelles, qu'il contient140(*).
1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL
Le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur la question des informations transmises par l'autorité judiciaire aux autorités administratives dans sa décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003 relative à la loi pour la sécurité intérieure.
Dans cette décision, il a estimé que, si aucune norme constitutionnelle ne s'oppose par principe à l'utilisation à des fins administratives de données nominatives recueillies dans le cadre d'activités de police judiciaire, cette utilisation méconnaîtrait les exigences résultant des articles 2, 4, 9 et 16 de la Déclaration de 1789 si, par son caractère excessif, elle portait atteinte aux droits ou seulement aux intérêts légitimes des personnes concernées.
Au regard des exigences constitutionnelles, la question se pose ainsi différemment selon qu'il s'agit d'informations concernant des personnes condamnées ou des personnes suspectées ou poursuivies.
Dans le premier cas, comme l'a reconnu le Conseil d'Etat dans un avis du 19 novembre 2015141(*), la transmission ne porte pas atteinte à la présomption d'innocence ou au respect de la vie privée, dès lors que cette condamnation a été prononcée publiquement. En revanche, il a estimé que la transmission, à des stades antérieurs de la procédure pénale, à une autorité, chargée par la loi du contrôle d'une activité, d'informations nominatives portant sur la mise en cause dans le cadre d'une procédure pénale d'une personne exerçant cette activité affecte des droits protégés par la Constitution et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Dans sa décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003 relative à la loi pour la sécurité intérieure, le Conseil constitutionnel considère que, si aucune norme constitutionnelle ne s'oppose par principe à l'utilisation à des fins administratives de données nominatives recueillies dans le cadre d'activités de police judiciaire, cette utilisation méconnaîtrait les exigences résultant des articles 2, 4, 9 et 16 de la Déclaration de 1789 si, par son caractère excessif, elle portait atteinte aux droits ou seulement aux intérêts légitimes des personnes concernées.
En fonction des risques encourus dans un domaine d'activité déterminé, le maintien de l'ordre public, la sécurité des personnes ou des biens ou le bon fonctionnement du service public peuvent justifier la transmission à l'administration ou à l'autorité chargée du contrôle de cette activité d'informations nominatives à caractère pénal.
Saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur l'article 11 du code de procédure pénale, le Conseil constitutionnel a indiqué, dans sa décision du 2 mars 2018142(*) , qu'en instaurant le secret de l'enquête et de l'instruction, le législateur a entendu d'une part, garantir le bon déroulement de l'enquête et de l'instruction poursuivant ainsi les objectifs de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions, tous deux nécessaires à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle. Il a entendu, d'autre part, protéger les personnes concernées par une enquête ou une instruction, afin de garantir le droit au respect de la vie privée et de la présomption d'innocence, qui résulte des articles 2 et 9 de la Déclaration de 1789. Il a estimé que cette disposition ne portait pas une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression et de communication.
En ce qui concerne le recours à l'avis d'un « amicus curiae », l'article L. 431-3-1 du code de l'organisation judiciaire n'a pas été examiné par le Conseil constitutionnel.
Le principe du contradictoire en matière judiciaire, corollaire des droits de la défense reconnus par l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen143(*), irrigue le code de procédure pénale :
- Article préliminaire : « La procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l'équilibre des droits des parties »
- Article 427 : « Hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide d'après son intime conviction. Le juge ne peut fonder sa décision que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats et contradictoirement discutées devant lui. »
Le principe du respect des droits de la défense fait partie, avec le droit à un recours juridictionnel effectif et le droit à un procès équitable, des droits constitutionnels processuels qui découlent de la garantie des droits prévue à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789144(*).
Le Conseil constitutionnel juge de manière constante que la garantie des droits « implique notamment qu'aucune sanction ayant le caractère d'une punition ne puisse être infligée à une personne sans que celle-ci ait été mise à même de présenter ses observations sur les faits qui lui sont reprochés »145(*) .
Le Conseil a précisé la portée du principe du contradictoire en matière pénale dans sa décision n° 2014-693 DC du 25 mars 2014. Il a jugé que « le principe du contradictoire et le respect des droits de la défense impliquent en particulier qu'une personne mise en cause devant une juridiction répressive ait été mise en mesure, par elle-même ou par son avocat, de contester les conditions dans lesquelles ont été recueillis les éléments de preuve qui fondent sa mise en cause »146(*). Le commentaire de cette décision précise qu'« une telle affirmation de principe n'implique pas que l'origine et les conditions de recueil de tous les renseignements obtenus dans le cadre de l'enquête ou de l'instruction, et qui permettent de l'orienter, soient versées au dossier et ainsi soumises au principe du contradictoire. Elle implique en revanche qu'une information mettant en cause une personne ne peut pas constituer un élément de preuve devant la juridiction répressive si la personne mise en cause est privée de la possibilité de contester les conditions dans lesquelles elles ont été recueillies ». À ce titre, le Conseil constitutionnel a censuré des dispositions qui autorisaient l'utilisation par la juridiction de jugement, comme éléments de preuve, d'informations de géolocalisation recueillies dans les conditions prévues à l'article 230-40 du code de procédure pénale, qui permettaient, en matière de criminalité organisée, de ne pas verser au dossier de la procédure les modalités d'installation d'un dispositif de géolocalisation. Auraient pu ainsi être écartées du débat contradictoire les informations relatives à la date, l'heure et le lieu où le moyen technique de géolocalisation avait été installé ou retiré, ainsi que l'enregistrement des données de localisation et les éléments permettant d'identifier une personne ayant concouru à l'installation ou au retrait de ce moyen.
L'exigence de respect des droits de la défense peut également s'étendre à certains actes d'enquête préalables à la mise en cause et à la sanction d'une personne, lorsque, notamment, il en va de la loyauté de la preuve. Ainsi, dans une décision n° 2013-679 DC du 4 décembre 2013, le Conseil a jugé que les services fiscaux ne sauraient, sans méconnaître les droits de la défense, se prévaloir de pièces ou documents obtenus par une autorité administrative ou judiciaire dans des conditions déclarées ultérieurement illégales par le juge147(*).
1.3. CADRE CONVENTIONNEL
Les exigences constitutionnelles relatives au respect du procès équitable se retrouvent évidemment dans les exigences conventionnelles, en application de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne a le droit d'être jugée équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un juge indépendant et impartial.
L'article 6 § 1 exige que les autorités de poursuite communiquent à la défense toutes les preuves pertinentes en leur possession, à charge comme à décharge148(*). À ce titre, des principes pertinents peuvent être tirés de l'article 6 § 3 b), qui garantit au requérant « du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense »149(*).
Les témoins de l'accusation et les témoins de la défense doivent être traités de la même manière : toutefois, le constat d'une violation dépend de savoir si le témoin a exercé en fait un rôle privilégié150(*). Dans l'arrêt Thiam c. France, du 18 octobre 2018 (définitif 18 janvier 2019), §§ 63-68, la Cour n'a pas vu dans la participation du Président de la République en qualité de victime et de partie civile dans la procédure une rupture dans l'égalité des armes, même si la Constitution lui interdisait d'être interrogé en tant que témoin. Elle a souligné qu'une telle interdiction constitutionnelle n'était pas en elle-même contraire à l'article 6. Elle a également noté en particulier que, pour condamner le requérant, les juridictions nationales n'ont fait référence à aucune preuve à charge déterminante que la partie civile aurait pu apporter et dont il aurait fallu vérifier la crédibilité et la fiabilité en auditionnant le Président. Elle a ajouté que la nature de l'affaire, les preuves disponibles et les versions non contradictoires du requérant, et de la partie civile n'imposaient pas l'audition de cette dernière en tout état de cause. Enfin, elle a retenu qu'aucun élément du dossier n'indiquait que l'intervention du Président en cours de procédure eût encouragé le ministère public à des agissements ayant pour but ou pour effet d'influencer indûment la juridiction pénale ou d'empêcher le requérant de se défendre efficacement.
Ainsi, la Cour statue sur l'équité du procès en appliquant les critères pertinents tirés de l'arrêt Murtazaliyeva c. Russie151(*), qui visent à déterminer :
1) si la demande d'audition d'un témoin était suffisamment motivée et pertinente au regard de l'objet de l'accusation ;
2) si les juridictions internes ont examiné la pertinence de cette audition et ont justifié par des raisons suffisantes leur décision de ne pas l'accorder ;
3) si le refus d'audition d'un témoin par les juridictions internes a nui à l'équité du procès dans son ensemble152(*).
Le principe de l'égalité des armes intervient aussi dans la désignation d'experts au cours de la procédure153(*). Le seul fait que l'expert en question soit employé par l'une des parties ne rend pas à lui seul la procédure inéquitable. La Cour estime que, si ce fait peut faire douter de la neutralité des experts, ceux-ci, s'ils ont une certaine importance, ne sont pas déterminants. Ce qui est déterminant, en revanche, c'est la position occupée par les experts tout au long de la procédure, la manière dont ils ont accompli leur tâche et la façon dont le juge a apprécié leur avis. La Cour analyse la position et le rôle des experts dans la procédure en tenant compte du fait que l'avis formulé par un expert désigné par un tribunal aura vraisemblablement un poids significatif dans l'appréciation par le juge des questions relevant de la compétence de l'expert154(*).
La Cour estime que, si un acte d'accusation repose sur le rapport d'un expert désigné pendant l'instruction par le procureur, la désignation de cette même personne en qualité d'expert par la juridiction de jugement risque de violer le principe de l'égalité des armes, ce qui peut toutefois être compensé par des garanties procédurales particulières155(*).
De la même manière, sur le terrain de l'article 6, la Cour n'a pas en principe pour tâche de se prononcer sur la fiabilité de telle ou telle expertise ordonnée par le juge interne. Ce dernier jouit normalement d'une grande latitude pour retenir, parmi des expertises divergentes, laquelle lui paraît cohérente et crédible. Toutefois, les règles d'admissibilité de la preuve ne doivent pas priver la défense de la possibilité de contester effectivement les conclusions d'un expert, notamment en produisant ou en obtenant des avis et rapports différents. Dans certains cas, le refus d'autoriser un autre examen par un expert de preuves matérielles peut s'analyser en une violation de l'article 6 § 1156(*) car il sera peut-être difficile de contester le rapport d'un expert sans l'aide d'un autre expert dans le domaine en question157(*).
1.4. ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ
Le recours à l'avis de l'amicus curiae158(*)
Cette institution est ancienne en droit anglais. Une décision de 1468 recourt simultanément aux termes d'amicus curiae et d'amicus juris et donne une première définition : « toute personne peut informer la cour dans l'affaire afin que la cour ne rende pas de décision sur un fondement insuffisant ».
Aux Etats-Unis, l'amicus curiae est une pratique éprouvée au sein de la Cour suprême, essentiellement selon la technique d'une intervention spontanée de la part d'un groupement qualifié qui a été agréé préalablement par la Cour. 90 % de ses décisions sont rendues selon cette pratique de l'amicus curiae. Cette pratique semble pouvoir être comparée avec les « contributions extérieures » du Conseil constitutionnel français.
En Afrique du Sud, la Cour constitutionnelle accueille des organisations non gouvernementales lors de grands débats sur les droits fondamentaux159(*).
Au Canada, ces deux formes de l'amicus curiae coexistent. Souvent, des avocats en remplissent la fonction traditionnelle, celle d'un invité, parfois même sur la proposition du ministère public160(*).
Enfin, les procédures conduites devant la Cour européenne des droits de l'homme révèlent une forte pratique fondée sur l'article 36.2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme selon lequel : « dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, le président de la Cour peut inviter toute Haute partie contractante qui n'est pas partie à l'instance ou toute personne intéressée autre que le requérant à présenter des observations écrites ou à prendre part aux audiences ». Ainsi, le représentant du British Trade Union Congress, confédération syndicale britannique, a été entendu à titre d'information sur la pratique du droit anglais relatif aux mécanismes et aux conditions d'adhésion syndicale161(*). L'ONG, Amnesty International, a été invité par la Cour pour recevoir de sa part une déclaration écrite162(*).
Aujourd'hui, de manière fréquente, les associations de défense des droits de l'homme, les syndicats professionnels ou les groupements économiques sont autorisés à présenter des observations écrites ou orales sur le fondement de l'article 36.2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
La possibilité de solliciter, pour les seules poursuites concernant l'article 223-15-3 du code pénal163(*) ou comportant une circonstance aggravante relative à l'état de sujétion psychologique ou physique de la victime, des services de l'État ayant une compétence utile pour la juridiction ou le ministère public est une modification de la procédure pénale, domaine de la loi au sens de l'article 34 de la Constitution.
La procédure pénale requiert habituellement des experts à condition que « se pose une question d'ordre technique164(*) » formulée par le magistrat , en application des articles 156 et suivants du code de procédure pénale, mais pas l'amicus curiae.
La loi peut en outre permettre à ces services d'éclairer l'autorité judiciaire en replaçant les faits jugés dans un contexte historique, scientifique et social que l'enquête ou les débats de l'audience ne pourraient appréhender avec suffisamment de surface ou de recul, et qui sont pourtant particulièrement utiles à la compréhension des dossiers d'abus en matière sectaire.
Pour l'ensemble de ces raisons, et la procédure pénale relevant de la loi en vertu de l'article 34 de la Constitution, il convient de légiférer pour établir, dans la procédure pénale, le rôle d'amicus curiae au profit de certains services de l'État.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
La présente disposition crée dans le code de procédure pénale un article 157-3 prévoyant la faculté pour le parquet ou la juridiction de solliciter par écrit un service de l'Etat dont la compétence serait de nature à l'éclairer utilement, sans toutefois produire une expertise au sens habituel sur une question technique. Cette faculté est circonscrite aux cas de poursuites exercées sur le fondement de l'article 223-15-3 du code pénal165(*) ou comportant une circonstance aggravante relative à l'état de sujétion psychologique ou physique de la victime.
Il s'agit d'un aménagement au secret de l'enquête de l'instruction très limité, pour les seules procédures concernant l'article 223-15-3 du code pénal ou comportant une circonstance aggravante relative à l'état de sujétion psychologique ou physique de la victime. Il répond à un impératif consistant à lutter contre les dérives sectaires, et à mieux faire connaître des acteurs judicaires ce phénomène et les dynamiques particulières qui le constituent.
En outre, la présente disposition apporte une innovation en procédure pénale par la possibilité du recours à l'avis d'un amicus curiae, déjà existant en procédure civile et procédure administrative.
3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Il a d'abord été envisagé de créer au profit de la MIVILUDES un droit d'observation devant les juridictions, notamment pénales, y compris au stade de la mise en examen.
En effet, le décret n° 2002-1392 modifié du 28 novembre 2002 a notamment confié à la MIVILUDES les missions d'observer et d'analyser les dérives sectaires et de « favoriser (...) la coordination de l'action préventive et répressive des pouvoirs publics à l'encontre des « agissements » illicites des mouvements sectaires.
Afin de pouvoir exercer ces missions, la MIVILUDES doit donc pouvoir être informée des décisions de justice qui ont été rendues et en particulier des jugements et arrêts définitifs de condamnation pour des faits d'abus de faiblesse de personne en état de sujétion psychologique ou physique. Aux termes de l'article 2 du décret précité, la mission est d'ailleurs « rendue destinataire par les différentes administrations concernées des informations que celles-ci détiennent sur les mouvements à caractère sectaire (...) ».
Cependant, ce simple droit de présenter des observations se heurtait à la difficulté pour la MIVILUDES de connaître des instances dans lesquelles un tel droit serait utile : l'enquête étant secrète et toutes les affaires n'étant pas médiatisées, il convenait de prévoir un mécanisme permettant l'intervention de la MIVILUDES s'agissant des instances ouvertes.
3.2. OPTION RETENUE
Pour satisfaire à ce besoin, une orientation proche a donc été retenue visant à permettre à certains services de mettre leur compétence à contribution pour éclairer les débats et favoriser la manifestation de la vérité, en cas de poursuites exercées sur le fondement de l'article 223-15-3 du code pénal ou comportant une circonstance aggravante relative à l'état de sujétion psychologique ou physique de la victime.
Le présent article permet ainsi au ministère public ou à la juridiction de solliciter par écrit tout service de l'Etat, figurant sur une liste établie par arrêté conjoint du ministre de la justice, du ministre de l'intérieur, du ministre chargé de la santé et du ministre chargé de la cohésion sociale, dont la compétence serait de nature à l'éclairer utilement. Ce service ne porte pas d'appréciation sur les faits reprochés à la personne poursuivie.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Sur le plan constitutionnel, la présente disposition effectue une conciliation entre, d'une part, la protection des personnes concernées par une enquête ou une instruction, afin de garantir le droit au respect de la vie privée et de la présomption d'innocence, qui résulte des articles 2 et 9 de la Déclaration de 1789, et d'autre part, la prévention et la protection contre les dérives sectaires. En outre, elle respecte le principe du contradictoire et le respect des droits de la défense qui découlent de la garantie des droits prévue à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dans la mesure où les observations de ce service seront sollicitées par le parquet ou la juridiction et nécessairement mises aux débats de l'instance.
La présente disposition insère un nouvel article 157-3 dans le code de procédure pénale.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
La mesure envisagée respecte les exigences conventionnelles relatives au respect de la présomption d'innocence, en application de l'article 6.2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que cette information est limitée au cas de poursuites exercées sur le fondement de l'article 223-15-3 du code pénal ou comportant une circonstance aggravante relative à l'état de sujétion psychologique ou physique de la victime. Elle respecte également le droit à un procès équitable au sens de l'article 6 § 1 de la Convention dans la mesure où les éléments qui seront apportés ne seront pas des élément d'incrimination et pourront être discutés par les parties devant la juridiction.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Sans objet.
4.2.2. Impacts sur les entreprises
Sans objet.
4.2.3. Impacts budgétaires
Néant.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Sans objet.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS ET JUDICIAIRES
Les sollicitations des services de la MIVILUDES et de certains services compétents de l'Etat devraient être accrues.
Cette disposition permettra ainsi d'éviter aux magistrats de recourir à la procédure juridiquement fragile de la commission d'expert pour solliciter la contribution de la MIVILUDES et de renforcer ainsi la compréhension du phénomène sectaire et/ou des ramifications internationales d'un mouvement sectaire.
Dès lors que la mesure envisagée prévoit la sollicitation de services de l'État par le procureur de la République ou les juridictions, elle aura un impact sur l'activité de ceux-ci.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Cette disposition permettra de renforcer la connaissance par les juridictions pénales des dérives sectaires. Informés des procédures en cours relatives aux infractions spécifiques de sujétion ou comprenant une circonstance aggravante de sujétion, les services tels que la MIVILUDES seront en mesure de fiabiliser les informations délivrées au public dans le cadre de leur rapport d'activité, en les fondant moins sur des signalements que sur des décisions de justice, dans les conditions prévues par la loi. Cette disposition permettra également à ces services de mieux faire connaître leur expertise et les éléments pertinents lors des procès en lien avec les dérives sectaires, y compris ceux bénéficiant d'une couverture médiatique, au service donc d'une meilleure sensibilisation du public.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
Sans objet.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Sans objet.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
Sans objet.
4.5.5. Impacts sur les professions réglementées
Sans objet.
4.6. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS
La présente disposition qui prévoit que des services spécialisés pourront éclairer les magistrats sur les dossiers en lien avec la sujétion psychologique ou physique sujets peut avoir un impact sur la décision prise à l'encontre de la personne poursuivie et sur les victimes de telles infractions, en renforçant la compréhension des tribunaux quant à ces infractions et aux préjudices qu'elles causent.
4.7. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
La transmission des sollicitations par écrit s'effectue soit par voie postale nécessitant une impression papier, soit par voie dématérialisée.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Les présentes dispositions ne requièrent aucune consultation obligatoire et aucune consultation facultative autre que celle des assises nationales de lutte contre les dérives sectaires de mars 2023 n'a été conduite.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
Conformément à l'article 112-2 du code de procédure pénale, les lois fixant les modalités des poursuites et les formes de la procédure sont applicables immédiatement à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur. S'agissant d'une disposition procédurale, elle sera immédiatement applicable, y compris aux instances en cours.
5.2.2. Application dans l'espace
Les dispositions sont applicables sur le territoire de la République, et conformément aux dispositions des articles 113-1 à 113-14 du code pénal.
Ces dispositions seront applicables sans adaptation sur l'ensemble du territoire national, y compris dans les collectivités et départements d'outre-mer, par la mise à jour de l'article « compteur LIFOU » du code de procédure pénale (art. 804) et du code pénal (art. 711-1) prévue par l'article 7 du présent projet de loi.
5.2.3. Textes d'application
Un arrêté conjoint des ministres de la justice, de l'intérieur, de la santé et de la cohésion sociale devra établir la liste des services pouvant être requis par les parquets ou les juridictions en matière d'infraction impliquant une sujétion psychologique ou physique.
* 1 Cf. en ce sens thèse soutenue le 21 octobre 2019 par Mme Laure Gicquel, Sciences sociales et politiques publiques : les dispositifs de lutte contre les sectes en France : histoire et sociologie d'une ingénierie de gouvernement.
* 2 Intitulé « S ectes en France : expression de la liberté morale ou facteurs de manipulation ? ».
* 3 Rapport n° 2468, commission d'enquête sur les sectes, Alain Gest et Jacques Guyard, 22 décembre 1995.
* 4 Rapport n° 1687, commission d'enquête sur la situation financière, patrimoniale et fiscale des sectes, ainsi que sur leurs activités économiques et leurs relations avec les milieux économiques et financiers, Jacques Guyard et Jean-Pierre Brard, 10 juin 1999.
* 5 Rapport n° 3507, commission d'enquête relative à l'influence des mouvements à caractère sectaire et aux conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs, Georges Fenech, Philippe Vuilque, 12 décembre 2006.
* 6 Rapport n° 480 (2012-2013) de la commission d'enquête mouvements à caractère sectaire, Jacques Mézard, déposé le 3 avril 2013.
* 7 Loi n° 2001-504 du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales.
* 8 Cf. article 19 de la loi précitée.
* 9 Article 223-15-2 du Code pénal.
* 10 Décret n° 2002-1392 du 28 novembre 2002 instituant une mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires.
* 11 Benjamin Mine, « La notion de « dérive sectaire » : quelle(s) implication(s) pour la régulation du « phénomène sectaire » ? », Champ pénal, 2009, mis en ligne le 24 octobre 2009.
* 12 Article 1er du décret n° 2002-1392 du 28 novembre 2002 instituant une mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires.
* 13 Circulaire du 27 mai 2005 relative à la lutte contre les dérives sectaires.
* 14 Article L. 141-5-2 du code l'éducation.
* 15 Article L. 131-5 du code de l'éducation.
* 16 Article 227-17-1 du code pénal.
* 17 L'article 223-15-2 du code pénal vise en effet l'abus frauduleux, qui se conçoit en principe comme visant à obtenir, par des moyens destinés à surprendre le consentement de la personne, un avantage indu ou réalisé avec l'intention d'échapper à l'application de la loi. Cet avantage apparaît essentiellement financier, dans la mesure où la peine encourue pour les agressions sexuelles est de cinq ans d'emprisonnement, hors les cas d'aggravation.
* 18 Plusieurs contentieux judiciaires ayant trait à des dérives sectaires ont été particulièrement marquantes sur ce plan :
- M. M. a été condamné en 2005 à la peine de trois ans d'emprisonnement avec sursis pour des faits d'abus de faiblesse de personnes en état sujétion psychologique ou physique (affaire dite Néo-Phare, du nom du groupe apocalyptique qu'il dirigeait) ;
- Mme D. du « Parc d'accueil » de Lisieux a été condamnée à la peine de cinq ans d'emprisonnement par un arrêt de la cour d'appel de Lisieux en 2013, notamment pour des abus de faiblesse de personnes en état de sujétion psychologique, en ayant imposé notamment des rapports sexuels parfois incestueux à ses adeptes ;
- M. T. a été condamné à la peine de 10 ans d'emprisonnement par la cour d'appel de Bordeaux en 2013 pour abus de faiblesse de personnes en état de sujétion psychologique ou physique, extorsion de fonds, escroqueries, séquestration avec actes de torture et de barbarie (affaire dite des reclus de Montflanquin) ;
- plus récemment, M. L. a été condamné à la peine de 15 ans de réclusion criminelle en juin 2022 par la cour criminelle de Loire-Atlantique pour des faits de viols et d'abus de faiblesse de personnes en état de sujétion psychologique ou physique, après une précédente condamnation pour des faits similaires en 2017.
* 19 Ex. Delphine Guérard, « Les spécificités des violences exercées à l'encontre des enfants dans les groupes sectaires », Rapport d'activité de la Miviludes, 2016-2017.
* 20 Cf. Lorraine Derocher, Intervenir auprès de groupes sectaires ou de communautés fermées - S'outiller pour protéger les enfants, 2018.
* 21 D. Casoni et L. Brunet, Processus groupal d'idéalisation et de violence sectaire, Déviance et société, 2005.
* 22 L. Bardin, Recognizing and working with a underserved culture : Child protection and cults, Journal of public child welfare, 2009.
* 23 A. Siskind, Child-rearing issues in totalist groups, dans B. Zblocki et T. Robbins, Misunderstanding cults : searching for objectivity in a controversial field, 2001.
* 24 Cf. ci-dessus note 21.
* 25 Rapport n° 480 (2012-2013) de M. Jacques MÉZARD, fait au nom de la Commission d'enquête Mouvements à caractère sectaire, déposé le 3 avril 2013. Audition de M. Philippe-Jean PARQUET, professeur de psychiatrie infanto-juvénile à l'université de Lille, spécialiste de l'emprise mentale.
* 26 Terme issu du Sanskrit, qui fait référence à une fonction religieuse, qui prend ici un autre sens s'agissant de dérives à caractère sectaire.
* 27 Voir Jean-Pierre Jougla, ancien avoué et fondateur de l'Association de défense de la famille et des individus (ADFI) - Montpellier (34), dans Revue Justice Actualités, n° 8, ENM, 2013, 161 p.p.
* 28 https://www.miviludes.interieur.gouv.fr/sites/default/files/publications/francais/MIVILUDES-RAPPORT2021_web_%2027_04_2023%20_0.pdf
* 29 Ibid.
* 30 Ibid.
* 31 Décret n° 2020-867 du 15 juillet 2020 modifiant le décret n° 2002-1392 du 28 novembre 2002 instituant une mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires.
* 32 https://www.ciaosn.be/loi.htm.
* 33 Article 442 quater de la loi modifiant et complétant le Code pénal en vue d'incriminer l'abus de la situation de faiblesse des personnes et d'étendre la protection pénale des personnes vulnérables contre la maltraitance.
* 34 Cf. article 493 du code pénal du Luxembourg.
* 35 La diversité religieuse en France : transmissions intergénérationnelles et pratiques selon les origines, mars 2022.
* 36 Cf. l'article de Gérald Bronner intitulé « L'approche sociologique des croyances radicales amplifiées par l'utilisation d'internet » permet de comprendre les mécanismes d'adhésion à un discours radical dans le rapport d'activité de la MIVILUDES en 2015.
* 37 En 2022, 28 % des 12 ans et plus ont passé au moins 8 heures par semaine à regarder des vidéos sur internet et ce chiffre monte à 41,6 % pour les 12 à 39 ans, qui rendent les facteurs anxiogènes plus présents. BAROMÈTRE DU NUMÉRIQUE -- édition 2022 -- RAPPORT (30 janvier 2023), p.150 : https://www.arcep.fr/uploads/tx_gspublication/rapport-barometre-numerique-edition-2022-Rapport.pdf.
* 38 Déclarations par lesquelles les personnes informent la MIVILUDES de l'existence ou d'un risque de dérives sectaires.
* 39 Interrogations sur l'éventuel lien existant entre un mouvement, une pratique ou un individu avec les dérives sectaires.
* 40 https://www.miviludes.interieur.gouv.fr/sites/default/files/publications/francais/MIVILUDES-RAPPORT2021_web_%2027_04_2023%20_0.pdf
* 41 Rapport n° 480 (2012-2013) de M. Jacques MÉZARD, fait au nom de la Commission d'enquête Mouvements à caractère sectaire, déposé le 3 avril 2013.
* 42 https://www.miviludes.interieur.gouv.fr/sites/default/files/publications/francais/MIVILUDES-RAPPORT2021_web_%2027_04_2023%20_0.pdf
* 43 Rapport sur les « pratiques de soins non conventionnelles et leurs dérives ». Conseil de l'Ordre national des médecins, Section santé publique. Juin 2023.
* 44 Quelques exemples de ces PSNC peuvent être cités, notamment l'apithérapie (thérapie par les piqûres d'abeille, lithothérapie (thérapie par les pierres), sylvothérapie (thérapie par les arbres), iridologie (thérapie par les signes relevés dans l'iris, les traitements naturels du cancer de la méthode Hamer, etc.
* 45 Quotidien Du Médecin.fr, Loan Tranthimy, « Les Français conservent leur confiance dans les médecines douces », 11 novembre 2019 : https:// www.lequotidiendumedecin.fr/liberal/exercice/les-francais-conserventleur-confiance-dans-les-medecines-douces.
* 46 Dans le cadre d'une enquête effectuée au mois de mai 2023 par l'Union nationale des associations de défense des familles et de l'individu victimes de sectes (UNADFI)47, 57% des personnes interrogées considèrent que la médecine alternative est, de façon générale, plus efficace ou au moins aussi efficace que la médecine conventionnelle.
* 48 Il en est ainsi notamment des soins de support en matière d'oncologie : l'instruction de 2017 de la direction générale de l'offre de soins (DGOS) et de l'INCA vise à présenter, les évolutions nécessaires de l'offre en soins de support pour cette pathologie mais nécessite notamment un niveau de preuve suffisant de leur efficacité en termes de survie et de qualité de vie.
* 49 Cf. La Ligue Contre le Cancer, Les soins de support - Pour mieux vivre les effets du cancer, décembre 2020.
* 50 Rapport 2023 du Service d'information criminelle de la Gendarmerie.
* 51 L'infraction d'abus d'ignorance ou de faiblesse par sujétion psychologique ou physique correspond à un code spécifique du référentiel NATINF (code d'infraction), alors que l'article 223-15-2 du code pénal vise dans sa rédaction plusieurs cas d'abus d'ignorance ou de faiblesse différents (en raison de la minorité de la victime, ou sa vulnérabilité en raison de son âge, d'une maladie, d'une déficience physique ou psychique, etc.
* 52 https://www.sudouest.fr/justice/pau-le-diable-qui-s-habillait-en-therapeute-condamne-a-13-ans-de-reclusion-pour-viols-et-agressions-sexuelles-16912839.php .
* 53 https://www.lefigaro.fr/bordeaux/bordeaux-un-magnetiseur-condamne-a-15-ans-de-prison-pour-viols-et-agressions-sexuelles-sur-16-femmes-20231002.
* 54 https://www.leparisien.fr/faits-divers/allier-le-pretre-paien-sir-shumule-condamne-a-trois-ans-de-prison-pour-abus-de-faiblesse-03-08-2023-GBIGDI6MFVD65PUASU2NGIEEFY.php.
* 55 Rapport 2023 précité.
* 56 Les techniques d'infiltration (articles 706-81 et 706-87 du CPP), filature et surveillance (article 706-80 du CPP), de sonorisation, captation d'images (article 706-96 et 706-96-1 du CPP) et les écoutes (article 706-95 du CPP).
* 57 cf. lien Youtube https://www.youtube.com/watch?v=1KmTJ_56NmQ&list=PLX3CQXaqcI-LCuSEVNB2F3Q-2y-yS5LFK, à partir duquel neuf vidéos, d'une durée totale de plus de 3 heures et 30 minutes ont été diffusées.
* 58 Union nationale des associations de défense des familles et de l'individu victimes de sectes.
* 59 Dans le même souci de lisibilité et d'intelligibilité, le terme de sujétion apparaît préférable à celui de sujétion, compte tenu des cas signalés de confusion avec le terme phonétiquement proche de « suggestion ».
* 60 Le rapport précité de la commission d'enquête du Sénat sur les dérives sectaires en matière de santé avait notamment recommandé de « renforcer le statut de la Miviludes, qui reposerait sur un fondement législatif (...) ».
* 61 Voir supra, présentation générale, IV. Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.
* 62 Les données chiffrées figurant dans les tableaux portent sur les trois infractions suivantes :
· abus frauduleux de l'ignorance ou de la faiblesse d'une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de pression ou technique de nature à altérer le jugement ;
· abus frauduleux de l'ignorance ou de la faiblesse d'une personne par dirigeant d'un groupement poursuivant des activités créant, maintenant ou exploitant la sujétion psychologique ou physique des participants ;
· abus frauduleux de l'ignorance ou de la faiblesse d'une personne, en bande organisée, par membre d'un groupement exploitant la sujétion psychologique ou physique des participants.
Les données chiffrées sont extraites du « Système d'information décisionnelle (SID) », source statistique produite par la sous-direction des statistiques et des études (SDSE, service statistique ministériel) du secrétariat général (SG) du ministère de la justice, à partir des données enregistrées par les utilisateurs de l'applicatif Cassiopée dans les juridictions de première instance, compétentes en matière délictuelle. En raison du principe du secret statistique, les données inférieures à 5 ne sont pas communicables en l'état.
* 63 Décision n° 80-127 DC du 20 janvier 1981.
* 64 Qui a pour objet de réprimer d'une peine de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende le fait, par des menaces, violences ou tout autre acte d'intimidation, de chercher à obtenir d'une personne participant à l'exécution d'une mission de service public, pour soi-même ou pour autrui, une exemption ou une application différenciée des règles de fonctionnement de ce service.
* 65 Le dernier alinéa de l'article 433-3 du code pénal punit de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende le fait d'user de menaces ou de violences, ou de commettre tout autre acte d'intimidation pour obtenir d'une personne investie d'un mandat électif public ou exerçant l'une des fonctions mentionnées aux trois premiers alinéas de ce même article « soit qu'elle accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat, ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat, soit qu'elle abuse de son autorité vraie ou supposée en vue de faire obtenir d'une autorité ou d'une administration publique des distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre décision favorable ».
* 66 Exemple récent : https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2022/2022988QPC.htm
* 67 Conseil d'Etat, 5 / 3 SSR, du 4 juin 1975, 92161.
* 68 Conseil d'État, 27 octobre 1995, Commune de Morsang-sur-Orge et Ville d'Aix-en-Provence.
* 69 https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2019/2018761QPC.html.
* 70 Décision n° 77-87 DC du 23 novembre 1977.
* 71 Voir, en particulier, les décisions n° 2013-353 QPC du 18 octobre 2013 et 2017-695 QPC du 29 mars 2018.
* 72 Loi n° 2001-504 du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales.
* 73 Crim. 9 avril 2014, n° 13-84.585. ; voir également Crim. 10 février 2016, n° 13-84.585.
* 74 Loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale.
* 75 Circulaire de politique pénale du 19 septembre 2011 relative à la vigilance et la lutte contre les dérives sectaires.
* 76 Ex. Un arrêt a retenu comme abstention ou actes gravement préjudiciables « un suivi régulier pendant des années de séances et de soins qui ne pouvaient en rien aboutir à une amélioration de leur état, au détriment de différentes branches de la médecine ou de la psychothérapie », ainsi que le travail non rémunéré pendant plusieurs années « en qualité d'employé de maison, de garde d'enfant, de responsable des bêtes et de secrétaire » au service exclusif de Mme B (CA Saint-Denis-de-la-Réunion, 17 septembre 2015, Mme B, décision non définitive), alors qu'inversement, des juridictions ont considéré qu'une rupture avec la famille ou les changements de comportement, voire même l'arrêt d'activité professionnelle ou une forme de désocialisation ne peuvent pas être considérés comme une abstention ou un acte préjudiciable (CA CAEN, 22 septembre 2021 concernant Alberto MAALOUF).
* 77 Ex. A titre d'exemple ont été considérés comme des actes ou abstentions gravement préjudiciables, « la remise inconsidérée de fonds, biens ou valeurs sans contrepartie réelle » (CA de Saint-Denis-de-la-Réunion, 17 septembre 2015, Mme B) ; « l'aliénation de biens et le versement de sommes d'argent » (Cour d'appel de Paris, 13 février 2015, S. et M-J . Y, décision définitive) ; des « pertes financières extrêmement importantes » ; « l'endettement pour acheter un véhicule automobile neuf à B, des remises de dons de toute nature, des paiements en espèce, des cadeaux et de multiples services rendus sans contrepartie » (Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 17 septembre 2015).
* 78 Voir « Victimes de dérives sectaires : place des expertises psychologiques et psychiatriques », Joktan Guivarch et Daniel Glezer, in L'information psychiatrique 2012 ; 88 : 467-75.
* 79 Article 223-15-1 code pénal, issu de la loi « About-Picard ».
* 80 Sont souvent mis en évidence « un enchaînement d'acquiescements successifs qui apparaîtront au sujet comme des choix déterminés et conscients », rapport de la MIVILUDES au Premier ministre, 2006.
* 81 L'aliénation sectaire, syndrome ethnique dans la mondialisation, Emmanuel Diet.
* 82 Cf. note 65.
* 83 CA Toulouse, 4 janvier 2005.
* 84 CA Paris 8 mars 2010.
* 85 Cass. Crim 27 octobre 2015 14-81.032.
* 86 https://www.senat.fr/rap/r12-480-2/r12-480-23.html.
* 87 Cons. const. 6 févr. 2015, n° 2014-448 QPC.
* 88 Les articles 222-22 et suivants mentionnent à ce titre les actes commis « par violence, contrainte, menace ou surprise ». L'article 222-22-1 précise que la contrainte prévue par le premier alinéa de l'article 222-22 peut être physique ou morale.
* 89 Cons. const. 6 févr. 2015, n° 2014-448 QPC.
* 90 https://www.conseil-constitutionnel.fr/nouveaux-cahiers-du-conseil-constitutionnel/constitution-souverainete-penale-droit-communautaire
* 91 Source : ministère de l'intérieur et des outre-mer, direction des libertés publiques et des affaires juridiques, bureau des associations et fondations.
* 92Source : DILA : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F1131.
* 93 Loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association.
* 94 Décision n° 2015-492 QPC du 16 octobre 2015, association communauté rwandaise de France [associations pouvant exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne l'apologie des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité].
* 95 CEDH, 27 février 1980 Deweer c/ Belgique.
* 96 Par exemple : défense des résistants et déportés (2-5 CPP), protection de l'environnement (article L.142-2 du code de l'environnement), lutte contre le racisme (2-9 CPP) victimes du terrorisme (2-9 CPP).
* 97 https://www.senat.fr/rap/l99-131/l99-1313.html#toc24.
* 98 https://www.sudouest.fr/justice/affaire-des-ecoutes-un-avocat-porte-plainte-contre-paul-bismuth-pour-escroquerie-et-abus-de-confiance-1657818.php.
* 99 https://www.dalloz-actualite.fr/flash/proces-bygmalion-premiers-affrontements-sur-terrain-de-procedure.
* 100 https://www.echr.coe.int/documents/d/echr/guide_art_6_criminal_fra.
* 101 Sont applicables immédiatement à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur :
1° Les lois de compétence et d'organisation judiciaire, tant qu'un jugement au fond n'a pas été rendu en première instance ; 2° Les lois fixant les modalités des poursuites et les formes de la procédure ; (...).
* 102 Rapport d'activité de la MIVILUDES, 2021 https://www.miviludes.interieur.gouv.fr/publications-de-la-miviludes/rapports-annuels/rapport-dactivit%C3%A9-2021.
* 103 https://www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/files/external-package/rapport/4xh6th/cnom_psnc.pdf.
* 104 Le rapport souligne que ces pratiques de soins non conventionnelles portent le nom de « médecine traditionnelle », « médecines alternatives », « médecines complémentaires », ou encore « médecines naturelles », « médecines douces » alors qu'elles ne sont pas reconnues sur le plan scientifique par la médecine conventionnelle et n'appartiennent pas à la formation initiale des médecins.
* 105 https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/medecines-douces-ou-alternatives-des-insuffisances-dans-le-respect-de-la-reglementation
* 106 https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/medecines-douces-ou-alternatives-des-insuffisances-dans-le-respect-de-la-reglementation
* 107 Sont notamment réputées trompeuses les pratiques commerciales qui ont pour objet « d'affirmer faussement qu'un produit ou une prestation de services est de nature à guérir des maladies, des dysfonctionnements ou des malformations ». Dans un certain nombre de cas ont été relevés des cas d'exercice illégal de la médecine, ce qui suppose de démontrer des rencontres physiques entre les prétendus soignant et patients ».
* 108 Principalement pour des faits de pratiques commerciales trompeuses ou des défauts d'information précontractuelle.
* 109 https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/secteur-du-coaching-bien-etre-lenquete-de-la-dgccrf-releve-80-danomalies-chez-les-0.
* 110 Conseil constitutionnel, décision n° 2012-647 DC du 28 février 2012.
* 111 Conseil constitutionnel, décision n° 2020-801 DC du 18 juin 2020.
* 112 CEDH, 24 juin 2003, Garaudy c/ France.
* 113 L'expression « colloque singulier » désigne en médecine la principale modalité de la relation médecin-patient, qui sous-tend une large part de la pratique médicale et protège en particulier le secret médical.
* 114 https://www.conseil-constitutionnel.fr/nouveaux-cahiers-du-conseil-constitutionnel/constitution-souverainete-penale-droit-communautaire.
* 115 Décret n° 2016-612 du 18 mai 2016 relatif aux informations communiquées par l'autorité judiciaire aux administrations, notamment en cas de procédures concernant des personnes exerçant une activité les mettant en contact habituel avec des mineurs.
* 116 Circulaire du 4 août 2016 de présentation des dispositions de procédure pénale de la loi n° 2016-457 du 14 avril 2016 relative à l'information de l'administration par l'autorité judicaire et à la protection des mineurs et de son décret d'application n° 2016-612 du 18 mai 2016.
* 117 En procédure pénale, il existe plusieurs voies de poursuites. L'une d'elles est la "citation directe" par la partie civile (389 et suivant du CPP), qui adresse au tribunal correctionnel une affaire sans qu'elle passe par le parquet ni par un service d'enquête. Dans ces cas-là, le parquet n'a "pas mis en mouvement l'action publique" (c'est à dire qu'il n'est pas poursuivant) et il ne peut donc pas être tenu d'informer les ordres de santé.
* 118 Décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003 relative à la loi pour la sécurité intérieure.
* 119 CE, avis de l'Assemblée générale, séance du 19 novembre 2015 sur le projet de loi relatif à l'information des administrations par l'institution judiciaire et à la protection des mineurs.
* 120 Le Conseil constitutionnel a été saisi le 28 décembre 2017 par le Conseil d'État d'une QPC posée par l'association de la presse judiciaire portant sur l'article 11 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes. L'association réquérante reprochait aux articles 11 et 56 du CPP tel qu'interprétés par la Cour de cassation d'interdire toute présence d'un journaliste ou d'un tiers lors d'une perquisition pour en capter l'image et le son même lorsque cette présence a été autorisée par l'autorité publique et la partie concernée, ce qui méconnaîtrait la liberté d'expression et de communication. Dans sa décision n° 2017-693 QPC du 2 mars 2018, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution le premier alinéa de l'article 11 du CPP, qui pose le principe du secret de l'enquête et de l'instruction.
* 121 Paragr. 13 : « En premier lieu, en application des articles 170 et 173 du code de procédure pénale, au cours de l'information, le juge d'instruction, le procureur de la République, les parties ou le témoin assisté peuvent saisir la chambre de l'instruction aux fins d'annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure. En réservant à ces personnes la possibilité de contester la régularité d'actes ou de pièces versés au dossier de la procédure, le législateur a entendu préserver le secret de l'enquête et de l'instruction et protéger les intérêts des personnes concernées par celles-ci. Ce faisant, il a poursuivi les objectifs de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions et entendu garantir le droit au respect de la vie privée et de la présomption d'innocence, qui résulte des articles 2 et 9 de la Déclaration de 1789. »
* 122 Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 9 octobre 1978, 76-92.075.
* 123 Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 14 mai 2013, 11-86.626.
* 124 Loi n° 2010-1 du 4 janvier 2010 relative à la protection du secret des sources des journalistes.
* 125 Crim. 3 avr. 1995, no 93-81.569 ; Crim. 9 juin 2015, n° 14-80.713.
* 126 Déprise : mécanisme de sortie d'un phénomène d'emprise. Correspond au processus de sortie du groupe sectaire pour les anciens adeptes.
* 127 Ordre social au sens de la confiance en certaines professions astreintes au secret (secret médical, des sources, de l'enquête, de la défense...).
* 128 https://www.conseil-constitutionnel.fr/publications/titre-vii/le-secret-dans-l-investigation-et-l-instruction (François Molins).
* 129 Cass, Crim. 9 octobre 1978.
* 130 Cass. Crim. 14 mai 2013.
* 131 Article 2 al. 3 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
* 132 Les avocats sont également liés par la confidentialité des échanges avec leur client. La règle de la confidentialité des relations client avocat revêt une portée très générale puisqu'elle s'applique « en toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou celui de la défense ». Consacrée aussi en droit européen (cf. CJCE, 18 mai 1982, AM et S Europe Limited, 155.79.).
* 133 Exceptions limitatives prévue aux articles R166 à R170 du CPP.
* 134 Décret n° 2016-612 du 18 mai 2016 relatif aux informations communiquées par l'autorité judiciaire aux administrations, notamment en cas de procédures concernant des personnes exerçant une activité les mettant en contact habituel avec des mineurs [NOR : JUSD1613076D].
* 135https://www.legifrance.gouv.fr/contenu/Media/Files/autour-de-la-loi/legislatif-et-reglementaire/etudes-d-impact-des-lois/ei_art_39_2015/ei_information_administration_protection_mineurs_cm_25.11.2015.pdf.
* 136 Circulaire du 4 août 2016 de présentation des dispositions de procédure pénale de la loi n° 2016-457 du 14 avril 2016 relative à l'information de l'administration par l'autorité judicaire et à la protection des mineurs et de son décret d'application n° 2016-612 du 18 mai 2016 [NOR : JUSD1622465C].
* 137 Créé par la loi no 2016-1547 de modernisation de la justice du XXIe siècle du 18 novembre 2016.
* 138 Créé par l'article 46 du décret no 2010-164 du 22 février 2010.
* 139 CE, 6 mai 2015, Caous, req., n° 375036.
* 140 Id.
* 141 CE, avis n° 390606, 19 novembre 2015, Avis sur un projet de loi relatif à l'information de l'administration par l'institution judiciaire et à la protection des mineurs.
* 142 Le Conseil constitutionnel a été saisi le 28 décembre 2017 par le Conseil d'État d'une QPC posée par l'association de la presse judiciaire portant sur l'article 11 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes. L'association requérante reprochait aux articles 11 et 56 du code de procédure pénale tel qu'interprété par la Cour de cassation d'interdire toute présence d'un journaliste ou d'un tiers lors d'une perquisition pour en capter l'image et le son même lorsque cette présence a été autorisée par l'autorité publique et la partie concernée, ce qui méconnaîtrait la liberté d'expression et de communication. Dans sa décision n° 2017-693 QPC du 2 mars 2018, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution le premier alinéa de l'article 11 du code de procédure pénale, qui pose le principe du secret de l'enquête et de l'instruction.
* 143 https://www.conseil-constitutionnel.fr/nouveaux-cahiers-du-conseil-constitutionnel/l-article-16-de-la-declaration-clef-de-voute-des-droits-et-libertes.
* 144 Décision n° 2006-535 DC du 30 mars 2006, Loi pour l'égalité des chances, cons. 24.
* 145 Décisions n° 2010-69 QPC du 26 novembre 2010, M. Claude F. (Communication d'informations en matière sociale), cons. 4, et n° 2019-781 QPC du 10 mai 2019, M. Grégory M. (Sanctions disciplinaires au sein de l'administration pénitentiaire), paragr. 4.34.
* 146 Décision n° 2014-693 DC du 25 mars 2014, Loi relative à la géolocalisation, cons. 25.
* 147 Décision n° 2013-679 DC du 4 décembre 2013, Loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, cons. 33.
* 148 Rowe et Davis c. Royaume-Uni [GC], 16 février 2000, § 60.
* 149 Leas c. Estonie, 6 juin 2012, § 80.
* 150 Bonisch c. Autriche, 6 mai 1985, § 32 ; voir a contrario Brandstetter c. Autriche, 28 août 1991, § 45.
* 151 Murtazaliyeva c. Russie, 18 décembre 2018.
* 152 Abdullayev c. Azerbaïdjan, 7 mars 2019, §§ 59-60.
* 153 Khodorkovskiy et Lebedev c. Russie (no 2), 14 janvier 2020, § 499.
* 154 Shulepova c. Russie, 11 décembre 2008, § 62 ; Poletan et Azirovik c. ex-République yougoslave de Macédoine, 12 mai 2016, § 94.
* 155 J.M. et autres c. Autriche, 1er juin 2017, § 121.
* 156 Stoimenov c. ex-République yougoslave de Macédoine, 5 avril 2007, § 38 ; Matytsina c. Russie, 27 mars 2014, § 169.
* 157 Khodorkovskiy et Lebedev c. Russie, 25 juillet 2013, § 187.
* 158 Source : Répertoire de procédure civile - Amicus curiae - Jean-Claude WOOG ; Yves LAURIN.
* 159 Y. L., Actualité et enseignements de la Cour constitutionnelle d'Afrique du Sud, Gaz. Pal. 16 et 17 mai 2007, p. 7.
* 160 Cour fédérale 651, la Reine c/ Rhine [1979] 2, et Cour fédérale 516, la Reine c/ Prytula [1979] 2.
* 161 Arrêt du 13 août 1981, n° 7601/76; 7806/77, aff. Young, James et Webster c. Royaume-Uni.
* 162 CEDH 7 juill. 1989, aff. Soerïng, série A, n° 161.
* 163 Article 223-15-3 du code pénal créé par l'article premier du présent projet de loi prévoyant un nouveau délit de placement dans un état de sujétion psychologique et physique.
* 164 Article 156 du CPP : « Toute juridiction d'instruction ou de jugement, dans le cas où se pose une question d'ordre technique, peut, soit à la demande du ministère public, soit d'office, ou à la demande des parties, ordonner une expertise. Le ministère public ou la partie qui demande une expertise peut préciser dans sa demande les questions qu'il voudrait voir poser à l'expert. »
* 165 Article 223-15-3 du code pénal créé par l'article premier du présent projet de loi prévoyant un nouveau délit de sujétion psychologique et physique.