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ETUDE D'IMPACT
PROJET DE LOI
prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions
NOR : PRMX2010645L/Bleue-1
2 mai 2020
TABLEAU SYNOPTIQUE DES CONSULTATIONS 7
TABLEAU SYNOPTIQUE DES MESURES D'APPLICATION 8
CHAPITRE I ER - DISPOSITIONS PROROGEANT L'ETAT D'URGENCE SANITAIRE ET MODIFIANT CERTAINES DISPOSITIONS RELATIVES À SON RÉGIME 9
Article 1 er - Prorogation de l'état d'urgence sanitaire 9
Articles 2 à 5 et 7- Modifications du régime de l'état d'urgence sanitaire 28
CHAPITRE II - DISPOSITIONS RELATIVES À LA CRÉATION D'UN SYSTÈME D'INFORMATION AUX SEULES FINS DE LUTTER CONTRE L'ÉPIDÉMIE DE COVID-19 35
Article 6 - Création d'un système d'information visant à lutter contre l'épidémie de covid-19 35
INTRODUCTION GÉNÉRALE
Depuis le début du mois de mars, notre pays est confronté à une crise sanitaire majeure, sans précédent dans son histoire récente, causée par l'épidémie de covid-19. Le régime de l'état d'urgence sanitaire créé par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, et directement déclaré par la même loi pour une durée de deux mois, sur l'ensemble du territoire national, a permis de prendre les mesures rendues nécessaires par ces circonstances.
La situation sanitaire reste toutefois critique, et l'épidémie meurtrière. Au 1er mai, 25 887 personnes sont hospitalisées pour infection au covid-19, pour un total de 92 087 hospitalisations recensées depuis le début de l'épidémie. Parmi les hospitalisations en cours, 3 879 cas graves nécessitent des soins lourds de réanimation. Au total, 24 594 décès ont été enregistrés, dont 15 369 en établissement hospitalier et 9 225 en établissement social ou médico-social. Si l'évolution de ces données depuis plusieurs jours témoigne d'un ralentissement de la progression de l'épidémie, le niveau de circulation du virus reste élevé et les risques de reprise épidémique sont avérés en cas d'interruption soudaine des mesures en cours. Une levée de l'état d'urgence le 23 mai serait donc prématurée.
Le comité de scientifique a été réuni en application de la loi du 23 mars 2020. Dans son avis du 28 avril 2020, le comité rappelle l'efficacité des mesures de confinement sur la dynamique de l'épidémie de covid-19, ainsi que la nécessité d'une sortie progressive et contrôlée du confinement. À l'unanimité, le comité a considéré que l'ensemble des dispositifs de lutte contre l'épidémie de covid-19, incluant ceux prévus par la loi sur l'état d'urgence sanitaire, restent nécessaires dans la situation sanitaire actuelle.
Cette prorogation donne l'occasion d'apporter des ajustements au cadre législatif de l'état d'urgence sanitaire, défini aux articles L. 3131-12 à L. 3131-20 du code de la santé publique, afin de lui permettre de continuer de répondre aux besoins dans le contexte de la poursuite de la crise avec toutes les garanties nécessaires dans les prochaines semaines.
L'article 1 er proroge l'état d'urgence sanitaire en vigueur pour une durée de deux mois, à compter du 24 mai 2020. Cette durée supplémentaire permettra de prévenir la levée pure et simple des mesures indispensables à la protection de la santé des Français, et de définir les modalités d'une reprise progressive des activités à compter du 11 mai, en adéquation avec l'évolution de la situation sanitaire.
L'article 2 précise et complète les dispositions de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, en premier lieu, en matière de règlementation des déplacements et des transports. Il permet ainsi au Premier ministre de réglementer la circulation des personnes et des véhicules, ainsi que l'accès et l'usage des moyens de transports. Il précise également que le Premier ministre peut, au-delà de l'ouverture d'une ou plusieurs catégories d'établissement recevant du public, également règlementer l'ouverture de tout autre lieu de regroupement de personnes, formulation plus précise que la formule actuelle visant tout autre lieu de réunion. L'article précise aussi que cette règlementation préserve l'accès aux biens ou services de première nécessité. Il modifie également le 7° de l'article L. 3131-15 afin de permettre la réquisition des personnes nécessaires à la lutte contre la catastrophe sanitaire, indépendamment de la réquisition de biens ou services nécessaire à leur usage et à leur fonctionnement
Cet article précise également les régimes de mise en quarantaine et de placement à l'isolement prévus aux 3° et 4° de l'article L. 313115 du code de la santé publique, en précisant les conditions dans lesquelles ces mesures peuvent être ordonnées par le Premier ministre, et décidées à titre individuel par le représentant de l'Etat. Un décret définit la durée de ces mesures, les lieux dans lesquels elles peuvent se dérouler, les conditions dans lesquelles sont assurées la poursuite de la vie familiale et la prise en compte la situation des mineurs, le suivi médical qui les accompagne ainsi que les conditions particulières de leur exécution, notamment les déplacements que les personnes concernées peuvent le cas échéant effectuer, ou à défaut les moyens par lesquels un accès aux biens et services de première nécessité leur est garanti. Ces conditions sont définies en fonction de la nature et des modes de propagation de l'infection, après avis du comité de scientifiques.
L'article 3 prévoit que les mesures individuelles de placement sont quant à elles prises par le représentant de l'État, sur proposition du directeur général de l'Agence régionale de santé et après constatation médicale de l'infection de la personne concernée. Elles ne peuvent s'appliquer qu'aux personnes entrant sur le territoire national ou arrivant dans un territoire d'outre-mer ou en Corse ou en provenance de ces collectivités. Lorsque les modalités particulières de la quarantaine ou de l'isolement interdisent toute sortie de l'intéressé hors du lieu où ces mesures se déroulent, les personnes qui en font l'objet peuvent exercer un recours devant le juge des libertés et de la détention qui statue dans les 72 heures. Celui-ci peut également s'en saisir de lui-même à tout moment. Enfin, ces mesures ne peuvent se poursuivre au-delà de quatorze jours, sauf si la personne concernée y consent ou accord du juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le représentant de l'État dans le département. La durée totale de ces mesures ne peut excéder un mois.
L'article 4 modifie l''article L. 3131-18 du code de la santé publique, définissant un bloc de compétence de la juridiction administrative pour les recours à l'encontre des mesures liées à l'état d'urgence sanitaire. Cet article est modifié par voie de conséquence pour exclure les mesures de mise en quarantaine et de placement à l'isolement, au profit du juge des libertés et de la détention.
L'article 5 modifie l'article L. 3136-1 pour étendre les catégories de personnes habilitées à constater la violation des dispositions prises sur le fondement de l'état d'urgence sanitaire. En premier lieu, les agents mentionnés aux 1°, 1° bis et 1° ter de l'article 21 du code de procédure pénale sont rendus compétents pour constater par procès-verbaux l'ensemble des contraventions résultant de la violation des interdictions et obligations édictées en application des articles L. 3131-1 et L. 3131-15 à L. 3131-17. En deuxième lieu, les agents mentionnés aux 4°, 5° et 7° du I de l'article L. 2241-1 du code des transports sont rendus compétents pour constater par procès-verbaux les contraventions consistant en la violation des interdictions ou obligations édictées en application des dispositions du 1° de l'article L. 3131-15, lorsqu'elles sont commises dans les véhicules et emprises immobilières des services de transport ferroviaire ou guidé et de transport public routier de personnes. Enfin, le projet de loi donne compétence aux agents mentionnés à l'article L. 450-1 du code de commerce, s'agissant de l'application des 8° et 10° de l'article L. 3131-15.
L'article 6 permet au ministre chargé de la santé de mettre en oeuvre un système d'information aux seules fins de lutter contre la prorogation de l'épidémie de covid-19. Cette faculté est limitée à la durée de l'épidémie ou au plus tard à une durée d'un an à compter de la publication de la loi. En outre, il permet au ministre chargé de la santé, à l'Agence nationale de santé publique, à l'Assurance maladie et aux agences régionales de santé, d'adapter aux mêmes fins et pour la même durée des systèmes existants. Pouvant comporter des données de santé et d'identification, ces systèmes visent à identifier les personnes infectées ou susceptibles de l'être, à organiser les opérations de dépistage, à définir le cas échéant des prescriptions médicales d'isolement prophylactique et à assurer le suivi médical des personnes concernées, à permettre une surveillance épidémiologique et la réalisation d'enquêtes sanitaires, ainsi qu'à soutenir la recherche sur le virus. Les organismes disposant d'un accès à ces systèmes d'information sont limitativement identifiés par l'article, qui renvoie à un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, pour préciser les services et personnels concernés au sein de ces organismes, les informations auxquels ils ont accès, ainsi que les organismes auxquels ils peuvent faire appel pour le traitement de ces données, dans le respect des dispositions du règlement général sur la protection des données (RGPD). Une d'habilitation du Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance des mesures permettant d'ajuster l'organisation et les conditions de mise en oeuvre de ces systèmes d'information est prévue.
L'article 7 porte sur l'application des présentes dispositions en outre-mer, et comprend plusieurs mesures de coordination.
TABLEAU SYNOPTIQUE DES CONSULTATIONS
Article |
Objet de l'article |
Consultations obligatoires |
Consultations facultatives |
1 er |
Prorogation de l'état d'urgence sanitaire |
Comité de scientifiques mentionné à l'article L. 3131-19 du code de la santé publique |
TABLEAU SYNOPTIQUE DES MESURES D'APPLICATION
Article |
Objet de l'article |
Textes d'application |
Administration compétente |
1 er |
Prorogation de l'état d'urgence sanitaire |
||
2 |
Réglementation des déplacements et des transports Règlementation de l'ouverture des ERP, des rassemblements et des réquisitions Régime des mesures d'isolement et de quarantaine |
Décret simple |
Ministère des solidarités et de la santé Ministère de l'Intérieur |
3 |
Régime des mesures d'isolement et de quarantaine |
Décret simple Décret en Conseil d'Etat |
Ministère des solidarités et de la santé Ministère des transports |
6 |
Système d'information pour lutter contre l'épidémie de covid-19 |
Décret en Conseil d'État Ordonnance |
Ministère des solidarités et de la santé |
CHAPITRE I ER - DISPOSITIONS PROROGEANT L'ETAT D'URGENCE SANITAIRE ET MODIFIANT CERTAINES DISPOSITIONS RELATIVES À SON RÉGIME
Article 1 er - Prorogation de l'état d'urgence sanitaire
1. ETAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
Le régime de l'état d'urgence sanitaire, créé par l'article 2 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, dote le Gouvernement de moyens d'action spécifiques en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population. Ce régime est défini aux articles L. 3131-12 à L. 3131-20 du code de la santé publique, applicables jusqu'au 1 er avril 2021 en vertu de l'article 7 de la loi du 23 mars susmentionnée.
La durée de l'état d'urgence sanitaire est strictement encadrée par la loi. L'article L. 3131-13 prévoit que cet état est déclaré par décret en conseil des ministres pris sur le rapport du ministre chargé de la santé. Ce décret motivé détermine la ou les circonscriptions territoriales à l'intérieur desquelles l'état d'urgence sanitaire entre en vigueur et reçoit application. Sa prorogation au-delà d'un mois ne peut être autorisée que par la loi, après avis du comité de scientifiques prévu à l'article L. 3131-19.
Au vu de l'urgence et de la gravité de la catastrophe sanitaire résultant de l'épidémie de covid-19, et par dérogation à l'article L. 3131-13, l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 a d'emblée procédé à la déclaration de l'état d'urgence sanitaire, sur l'ensemble du territoire national, pour une durée de deux mois à compter de l'entrée en vigueur de la loi, soit jusqu'au 23 mai 2020, en raison de son entrée en vigueur immédiate prévue par l'article 22.
1.2. APPLICATION DE L'ÉTAT D'URGENCE SANITAIRE
La déclaration de l'état d'urgence sanitaire depuis le 24 mars 2020 a permis l'adoption d'un grand nombre de mesures, sur le fondement des articles L. 3131-15, L. 3131-16 et L. 3131-17 du code de la santé publique.
Certaines d'entre elles ont été directement reprises des mesures prises antérieurement, sur le fondement :
- de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique ;
- des articles L. 3131-8 et L. 3131-9 du même code ;
- du pouvoir de police générale du Premier ministre et de la théorie des circonstances exceptionnelles ;
- de bases juridiques spécifiques, par exemple sur le contrôle des prix.
1.2.1. Décrets et arrêtés pris en application des articles L. 3131-15 et L. 3131-16 du code de la santé publique
A - Mesures relevant de décrets du Premier ministre
L'article L. 3131-15 permet au Premier ministre, par décret réglementaire pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, aux seules fins de garantir la santé publique, de prendre les mesures suivantes :
1° Restreindre ou interdire la circulation des personnes et des véhicules dans les lieux et aux heures fixés par décret ;
2° Interdire aux personnes de sortir de leur domicile, sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux ou de santé ;
3° Ordonner des mesures ayant pour objet la mise en quarantaine, au sens de l'article 1 er du règlement sanitaire international de 2005, des personnes susceptibles d'être affectées ;
4° Ordonner des mesures de placement et de maintien en isolement, au sens du même article 1er, à leur domicile ou tout autre lieu d'hébergement adapté, des personnes affectées ;
5° Ordonner la fermeture provisoire d'une ou plusieurs catégories d'établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, à l'exception des établissements fournissant des biens ou des services de première nécessité ;
6° Limiter ou interdire les rassemblements sur la voie publique ainsi que les réunions de toute nature ;
7° Ordonner la réquisition de tous biens et services nécessaires à la lutte contre la catastrophe sanitaire ainsi que de toute personne nécessaire au fonctionnement de ces services ou à l'usage de ces biens ;
8° Prendre des mesures temporaires de contrôle des prix de certains produits rendues nécessaires pour prévenir ou corriger les tensions constatées sur le marché de certains produits ;
9° En tant que de besoin, prendre toute mesure permettant la mise à la disposition des patients de médicaments appropriés pour l'éradication de la catastrophe sanitaire ;
10° En tant que de besoin, prendre par décret toute autre mesure réglementaire limitant la liberté d'entreprendre, dans la seule finalité de mettre fin à la catastrophe sanitaire.
Ces mesures doivent être strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il doit y être mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires.
Pris sur le fondement de cet article, le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, comprend un ensemble de prescriptions visant à lutter contre l'épidémie. Au 27 avril 2020, ce décret a été modifié à 14 reprises, par autant de décrets modificatifs, afin de compléter ses dispositions en fonction de l'évolution de la situation sanitaire.
Le décret modifié prévoit les mesures suivantes.
L'article 2 impose la mise en oeuvre de mesures d'hygiène et de distanciation sociale, telles que définies au niveau national, en tout lieu et en toute circonstance, afin de ralentir la propagation du virus. Ces mesures s'imposent à tout rassemblement, réunion, activité, accueil, déplacement ou service de transport qui demeurent autorisés. Le respect de ces règles conditionne le bénéfice des facultés laissées par le décret.
L'article 3, interdit les déplacements hors du domicile, sous réserve de certaines exceptions nécessitant de se munir d'une attestation correspondante lors du déplacement : trajets vers le lieu d'exercice d'activité professionnelle, achats de première nécessité, déplacements pour certains motifs de santé, déplacements pour motif familial impérieux, assistance aux personnes vulnérables ou garde d'enfants, déplacements d'une durée et dans un périmètre limités pour l'activité physique, la promenade ou les besoin des animaux de compagnie, déplacements en réponse aux obligations de présentation aux services de police ou de gendarmerie ou imposée par l'autorité judiciaire ou de police administrative, déplacements résultant d'une convocation juridictionnelle, déplacements pour participer à des missions d'intérêt général.
L'article 4 interdit, sauf dérogation du représentant de l'État, les escales ou arrêts de navires de croisière dans les eaux intérieures et la mer territoriale françaises, et prescrit diverses dispositions pour garantir le respect des règles de distanciation sociale à bord des navires et la protection de la santé des passagers, en limitant leur nombre à bord. Ces dispositions ne s'appliquent pas aux transports des forces de sécurité intérieure ou des services de secours et de protection de la population et des forces armées indispensables aux missions en cours du ministère de la défense.
L'article 5 interdit le transport aérien de passagers entre le territoire hexagonal et les territoires ultramarins et entre ceux-ci, avec certaines exceptions : motif impérieux d'ordre personnel ou familial, motif de santé relevant de l'urgence, motif professionnel ne pouvant être différé. Le représentant de l'État peut étendre ces dérogations pour les vols au départ ou à l'arrivée de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie.
L'article 5-1 autorise le représentant de l'État territorialement compétent à prescrire des mesures de quarantaine pour les personnes arrivées sur le territoire d'une collectivité d'outre-mer ou en Nouvelle-Calédonie en application des motifs de dérogation prévus par l'article 5.
L'article 6 impose des mesures spécifiques d'hygiène et de distanciation sociale dans les transports terrestres de voyageurs. Il permet au préfet de région, pour un service conventionné avec une autorité organisatrice de la mobilité, ou aux ministres chargés de la santé et des transports dans les autres cas, d'interdire un service de transport en cas d'inobservation de ces règles. Il fixe également des règles particulières pour les transports de marchandises.
L'article 7 interdit tout rassemblement de plus de 100 personnes, en permettant le maintien à titre dérogatoire de ceux indispensables à la continuité de la vie de la Nation par décision du représentant de l'État dans le département. Ce dernier peut également interdire ou restreindre les rassemblements, réunions ou activités autorisés lorsque les circonstances locales l'exigent.
L'article 8 interdit à plusieurs catégories d'établissements recevant du public de recevoir du public, sauf pour certaines activités définies en annexe du décret. Il interdit la tenue des marchés, sauf dérogation du représentant de l'État pour les marchés alimentaires qui répondent à un besoin de la population et dont les conditions d'organisation permettent le respect des dispositions du décret. Il restreint également les rassemblements dans les lieux de culte, à l'exception des cérémonies funéraires dans la limite de 20 personnes. Enfin, il habilite le représentant de l'État compétent à interdire ou restreindre des activités autorisées. En Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, le représentant de l'État peut prendre des mesures d'interdiction proportionnées à l'importance du risque de contamination, en fonction des circonstances locales.
L'article 9 suspend l'accueil d'usagers dans les structures d'accueil de la petite enfance, les établissements scolaires et les établissements d'enseignement supérieur, en maintenant l'accueil des enfants de moins de seize ans des personnels indispensables à la gestion de la crise sanitaire. Il suspend les concours et examens professionnels sauf ceux pouvant se dérouler à distance.
L'article 11 fixe des maxima au prix des gels et solutions hydro-alcooliques à la vente et donne compétence au ministre chargé de l'économie pour les modifier par arrêté en vue de tenir compte de l'évolution de la situation du marché.
L'article 12 porte réquisition des stocks de masques de protection respiratoire et anti-projection et de leur production, sur le territoire national. Il permet également de réquisitionner des stocks de masques importés, au-delà d'un certain volume, par arrêté du ministre chargé de la santé.
L'article 12-1 habilite le représentant de l'État compétent à réquisitionner, si les circonstances le justifient : tout établissement de santé ou médico-social et les services, biens et personnels nécessaires à leur fonctionnement, les matières premières nécessaires à la fabrication de masques de protection, tout opérateur funéraire et son personnel, tout bien, service ou personne nécessaire au fonctionnement des agences régionales de santé ainsi que des agences chargées au niveau national de la protection de la santé publique, tout établissement nécessaire pour répondre aux besoins d'hébergement ou d'entreposage résultant de la crise sanitaire, ainsi que tout laboratoire susceptible de procéder à des analyses en lien avec le covid-19. Il permet également la réquisition d'aéronefs civils et de leurs personnels sur décision du ministre chargé de la santé, en vue d'assurer l'acheminement de produits de santé et d'équipements de protection individuelle.
L'article 12-2 autorise le recours à certains traitements (hydroxychloroquine et association lopinavir/ ritonavir) pour des patients atteints du Covid-19 et détermine les conditions de leur vente, de leur approvisionnement, et de leur prise en charge financière et médicale. Il fixe également les conditions de suivi du recours à ces traitements.
L'article 12-3 autorise la délivrance dérogatoire de paracétamol et de Rivotril ® sous forme injectable dans les pharmacies à usage intérieur pour les patients atteints ou susceptibles d'être atteints par le Covid-19 et dont l'état clinique le justifie.
L'article 12-4 permet, pour pallier les difficultés d'approvisionnement de certains médicaments à usage humain, l'utilisation de médicaments à usage vétérinaire à même visée thérapeutique, bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché. Il détermine les conditions de leur vente et de leur approvisionnement, en précise les conditions de suivi de leurs effets indésirables éventuels.
L'article 12-4-1 permet à l'Etat ou à l'Agence nationale de santé publique d'acheter certains médicaments identifiés en annexe afin de garantir leur disponibilité, en se substituant aux établissements de santé pour les contrats d'achats. La répartition des médicaments entre établissement est assurée par le ministre chargé de la santé sur proposition de l'Agence nationale et des agences régionales de santé.
L'article 12-4-2 permet au ministre chargé de la santé de faire acquérir par l'Agence nationale de santé publique ou par certains établissements de santé, les principes actifs entrant dans la composition de médicaments, et de tout matériel ou composant nécessaire à leur fabrication.
L'article 12-5 permet l'importation par l'Agence nationale de santé publique de certains médicaments caractérisés par des difficultés d'approvisionnement. Il permet également à l'Agence de distribuer ces médicaments auprès de différentes catégories d'établissements de santé.
L'article 12-6 interdit les soins de conservation mortuaires, et impose la mise en bière immédiate et l'interdiction de la toilette mortuaire pour les personnes victimes ou supposées victimes du covid-19.
L'article 14 prévoit différentes adaptations nécessaires à l'application du décret en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.
B - Mesures relevant d'arrêtés du ministre chargé de la santé
L'article L. 3131-16 permet au ministre chargé de la santé de prescrire, par arrêté motivé, toute mesure réglementaire relative à l'organisation et au fonctionnement du dispositif de santé, à l'exception des mesures prévues à l'article L. 3131-15, visant à mettre fin à la catastrophe sanitaire. Dans les mêmes conditions, le ministre chargé de la santé peut prescrire toute mesure individuelle nécessaire à l'application des mesures prescrites par le Premier ministre en application des 1° à 9° de l'article L. 3131-15.
Ces mesures doivent être strictement nécessaires et proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il doit y être mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires.
Pris sur le fondement de cet article, l'arrêté du 23 mars 2020 prescrivant les mesures d'organisation et de fonctionnement du système de santé nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, comprend un ensemble de mesures d'adaptation du dispositif de santé visant à mettre fin à l'épidémie en cours. Au 27 avril 2020, cet arrêté a été modifié à 13 reprises, par autant d'arrêtés modificatifs, afin de compléter les mesures à prendre, en fonction de l'évolution de la situation sanitaire.
L'arrêté modifié prévoit les mesures suivantes.
L'article 2 autorise les pharmacies à préparer des solutions hydro-alcooliques, dans des conditions précisées en annexe, en raison de difficultés d'approvisionnement.
L'article 3 organise la distribution des masques issus des stocks nationaux par les pharmacies d'officine à certains professionnels et organise la distribution de ces masques auprès des pharmacies.
L'article 4 permet la délivrance de certains médicaments, malgré l'expiration de l'ordonnance les prescrivant, dans le cadre de traitements chroniques pour limiter les risques d'interruption de traitement, et précise les conditions de leur prise en charge par l'assurance maladie. Des règles analogues sont prévues pour les médicaments à propriétés hypnotiques ou anxiolytiques, les traitements de substitution aux opiacés ainsi que les médicaments stupéfiants ou relevant du régime des stupéfiants.
L'article 4-1 permet la poursuite de certaines catégories de soins infirmiers, malgré l'expiration de l'ordonnance les prescrivant, afin d'éviter une interruption de traitement préjudiciable à la santé du patient. Il précise les conditions de leur prise en charge par l'assurance maladie.
L'article 5 prévoit des dispositions analogues, en cas d'expiration de l'ordonnance, pour la délivrance de certains produits et prestations spécifiques, définis en annexe, pour garantir la continuité des soins.
L'article 5-1 autorise, en cas de rupture d'approvisionnement d'un dispositif médical, la substitution de celui-ci selon plusieurs critères : usage identique, spécifications techniques équivalentes, inscription sur la liste des produits et prestations prévues à cet effet, neutralité en termes de dépenses pour le patient et l'assurance maladie et information préalable du patient.
L'article 5-2 autorise, pour la continuité des soins et la santé des patients ayant reçu une transplantation rénale, la distribution au public de spécialités à base de belatacept par les pharmacies à usage intérieur.
L'article 6 restreint la vente de paracétamol en l'absence d'ordonnance, en vue d'éviter sa surconsommation. Il interdit également la vente par internet de certaines spécialités anti-douleur et anti-inflammatoire. Enfin, il limite la vente de spécialités contenant de la nicotine et utilisées dans le traitement de la dépendance tabagique.
L'article 7 permet aux directeurs généraux des agences régionales de santé, conformément à l'article L. 6122-9-2 du code de la santé publique d'autoriser les établissements de santé à exercer une activité de soins autre que celle au titre de laquelle ils ont été autorisés initialement, pour éviter une surcharge du système de santé.
L'article 7-1 autorise la prorogation par avenant des conventions des stagiaires associés jusqu'à la fin de l'état d'urgence sanitaire, en vue d'assurer le bon fonctionnement des établissements de santé.
L'article 8 facilite le recours à la télémédecine pour le traitement des cas avérés ou suspectés de covid-10, afin de permettre leur prise en charge à domicile. L'article précise également les conditions de valorisation et de prise en charge de certains actes par télésoin, téléconsultation et télésurveillance.
L'article 8-1 permet de mobiliser l'ensemble des médecins disponibles en autorisant les médecins de prévention et de contrôle à délivrer des soins curatifs lorsqu'ils sont réquisitionnés pour les besoins de la lutte contre l'épidémie.
L'article 9 autorise le recours au moyen du ministère des armées pour le transport des patients atteints du covid-19 afin de permettre une répartition des malades en lien avec les capacités d'accueil des malades. Il autorise le personnel de santé prenant en charge les patients lors de ces transports à utiliser tout matériel, produit de santé et produit sanguin et à réaliser tout acte et examen nécessaire à la réalisation de cette mission.
L'article 10 permet la mise en oeuvre sur le territoire ou dans les eaux territoriales françaises de structures médicales opérationnelles relevant du ministre de la défense pour prendre en charge tout patient. Il autorise le personnel de santé intervenant au sein de celles-ci à utiliser tout matériel, produit de santé et produit sanguin et à réaliser tout acte et examen nécessaire à la réalisation de cette mission.
L'article 10-1 permet de mettre en place une hospitalisation à domicile, lorsque l'urgence de la situation le justifie, sans prescription médicale préalable, en fixant les conditions de sa mise en oeuvre. Il organise également la coopération et l'appui entre les établissements d'hospitalisation à domicile, les établissements sociaux et médico-sociaux et les services de soins infirmiers à domicile, pour mobiliser l'ensemble des ressources disponibles.
L'article 10-3 habilite le représentant de l'État compétent à autoriser les laboratoires utilisant des équipements et des techniques de biologie moléculaire à effectuer la phase analytique de l'examen de “détection du génome du SARS-CoV-2 par RT PCR” dans le cas où les circonstances locales l'exigent et sous le contrôle d'un laboratoire de biologie médicale dans le cadre d'une convention.
L'article 10-4 autorise le recours à la téléconsultation dans le cadre de l'interruption volontaire de grossesse par voie médicamenteuse, permet la délivrance des spécialités pharmaceutiques nécessaires par les pharmacies d'officine et fixe les conditions de leur remboursement.
L'article 10-5 étend jusqu'à la fin de la septième semaine de grossesse la possibilité d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse par voie médicamenteuse, en précisant les spécialités pharmaceutiques concernées, ainsi que les conditions de délivrance et de remboursement de ces spécialités.
L'article 10-6 adapte les délais applicables à l'évacuation et à l'incinération des déchets d'activités de soins à risques infectieux (DASRI), en vue d'accélérer leur traitement dans le contexte de l'épidémie de covid-19.
L'article 10-7 permet à la plateforme des données de santé (« Health data hub ») et à la Caisse nationale d'assurance maladie de collecter une série de données à caractère personnel aux seules fins de faciliter l'utilisation des données de santé nécessaires à la gestion de la crise sanitaire et à l'amélioration des connaissances du virus covid-19, et fixe les conditions d'utilisation de ces données.
1.2.2. Mesures prises par le représentant de l'État en application de l'article L. 3131-17 du code de la santé publique
L'article L. 3131-17 prévoit que, lorsque le Premier ministre ou le ministre chargé de la santé prennent des mesures en application des articles L. 3131-15 et L. 3131-16, ils peuvent habiliter le représentant de l'État territorialement compétent à prendre toutes les mesures générales ou individuelles d'application de ces dispositions.
Avec le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 modifié, le Premier ministre a habilité le représentant de l'État à :
- adopter des mesures plus restrictives en matière de trajets et déplacements des personnes lorsque les circonstances locales l'exigent (III de l'article 3) ;
- déroger à l'interdiction d'escales ou arrêts de navires de croisière dans les eaux intérieures et la mer territoriale françaises (article 4) ;
- prescrire des mesures de quarantaine pour les personnes arrivées sur le territoire d'une collectivité d'outre-mer ou en Nouvelle-Calédonie (article 5-1) ;
- maintenir, à titre dérogatoire, les rassemblements, réunions ou activités indispensables à la continuité de la vie de la Nation, par des mesures réglementaires ou individuelles, sauf lorsque les circonstances locales s'y opposent (deuxième alinéa de l'article 7) ;
- interdire ou restreindre, par des mesures réglementaires ou individuelles, les rassemblements, réunions ou activités de moins de 100 personnes lorsque les circonstances locales l'exigent (troisième alinéa de l'article 7) ;
- accorder, après avis du maire, une autorisation d'ouverture des marchés alimentaires qui répondent à un besoin d'approvisionnement de la population si les conditions de leur organisation ainsi que les contrôles mis en place sont propres à garantir le respect des dispositions de l'article 1er et de l'article 7 (III de l'article 8) ;
- interdire ou restreindre, par des mesures réglementaires ou individuelles, les activités qui ne sont pas interdites en vertu de l'article 8 du décret du 23 mars 2020 (VI de l'article 8) ;
- procéder à des réquisitions si les circonstances le justifient, de tout établissement de santé ou médico-social et les services, biens et personnels nécessaires à leur fonctionnement, des matières premières nécessaires à la fabrication de masques de protection, de tout opérateur funéraire et de son personnel, de tout bien, service ou personne nécessaire au fonctionnement des agences régionales de santé ainsi que des agences chargées au niveau national de la protection de la santé publique, de tout établissement nécessaire pour répondre aux besoins d'hébergement ou d'entreposage résultant de la crise sanitaire, ainsi que de tout laboratoire susceptible de procéder à des analyses en lien avec le covid-19 (article 12-1).
En outre, lorsque les mesures prévues aux 1° à 9° de l'article L. 3131-15 et à l'article L. 3131-16 doivent s'appliquer dans un champ géographique qui n'excède pas le territoire d'un département, les autorités mentionnées aux mêmes articles L. 3131-15 et L. 3131-16 peuvent habiliter le représentant de l'État dans le département à les décider lui-même. Les décisions sont prises par ce dernier après avis du directeur général de l'agence régionale de santé.
Les mesures ainsi édictées par le représentant de l'État dans le département doivent être strictement nécessaires et proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Les mesures individuelles doivent faire l'objet d'une information sans délai du procureur de la République territorialement compétent.
Au 27 avril 2020, 4 825 mesures prises par le représentant de l'Etat sont en cours d'application et se répartissent de la manière suivante :
- 80,6 % des mesures autorisent l'ouverture de marchés alimentaires (article 8-III du décret) ;
- 5,8 % des mesures interdisent ou restreignent les déplacements dans certains lieux ou pour certains motifs (article 3-III) dont 39 mesures de couvre-feu ;
- 5,1 % des mesures interdisent ou restreignent l'accès à des établissements recevant du public, des enfants, scolaires et universitaires (article 8) ;
- 7,6 %, des mesures concernent des réquisitions (article 12-1).
1.2.3. Éléments sur le contentieux relatif à l'état d'urgence sanitaire
Le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 modifié prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire a fait l'objet de nombreux contentieux présentés devant le juge des référés du Conseil d'État.
Par une ordonnance du 22 mars 2020, le juge des référés du Conseil d'État avait enjoint au Premier ministre et au ministre chargé de la santé, dans les quarante-huit heures, de modifier le décret n° 2020-260 du 16 mars 2020 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus covid-19 en vue de : préciser la portée de la dérogation au confinement pour raison de santé ; réexaminer le maintien de la dérogation pour déplacements brefs, à proximité du domicile compte tenu des enjeux majeurs de santé publique et de la consigne de confinement ; évaluer les risques pour la santé publique du maintien en fonctionnement des marchés ouverts, compte tenu de leur taille et de leur niveau de fréquentation 1 ( * ) .
Depuis l'édiction du décret du 23 mars 2020, qui a permis de répondre à ces injonctions, l'ensemble des critiques présentées devant le juge des référés du Conseil d'État à l'encontre de ce texte ont été rejetées, dès lors que l'action de l'État n'était pas de nature à caractériser une atteinte grave et manifestement illégale à une des libertés fondamentales invoquées par les requérants, telles que le droit à la vie, le droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains et dégradants, le droit de recevoir les traitements et les soins appropriés à son état de santé, le droit à l'hébergement d'urgence, la liberté d'aller et venir, le principe d'égalité et de non-discrimination, le droit d'asile et le droit à l'égal accès à l'instruction. Aucune des atteintes aux libertés fondamentales invoquées par les requérants n'a été considérée comme étant caractérisée, notamment au regard de l'objectif de protection de la vie de la population poursuivi par les mesures prises.
Deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) ont été soulevées à l'appui de deux référés-liberté. La première reprochait aux dispositions de l'article L. 3131-15 de ne pas intégrer des dispositions spécifiques garantissant à des personnes en situation de précarité une liberté de mouvement suffisante pour faire valoir leurs droits. Les associations requérantes soutenaient que, ce faisant, le législateur aurait entaché les dispositions contestées d'une incompétence négative affectant la dignité de la personne et le principe de fraternité. Cette QPC n'a pas été transmise au Conseil constitutionnel aux motifs que les dispositions contestées définissaient avec une précision suffisante les interdictions qui peuvent être décidées par le Premier ministre, précisent que ces interdictions ne peuvent être édictées qu'« aux seules fins de garantir la santé publique », qu'elles doivent être « strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu », enfin qu' « il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires » 2 ( * ) . La seconde soulevait la question de la conformité des dispositions des articles L. 3131-15 et L 3136-1 du code de la santé publique avec les dispositions de l'article 8 de la déclaration de 1789, aux termes desquelles : « La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires [...] ». Elle n'a pas été transmise au Conseil constitutionnel au motif que les sanctions prévues par le législateur ne sont pas manifestement disproportionnées au regard de la gravité et de la nature des infractions réprimées.
Certains référés ont été introduits afin qu'il soit enjoint au Gouvernement de renforcer les mesures adoptées dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, en vue du renforcement des mesures de confinement, avec une interdiction totale des sorties, d'un confinement strict des personnels soignants avec un hébergement sur le lieu de travail, ou de l'instauration de mesures de couvre-feu et de mise en quarantaine systématiques.
Le Conseil d'Etat a considéré que les mesures existantes étaient nécessaires et proportionnées à l'objectif de préservation de la santé publique et qu'il n'y avait pas lieu d'enjoindre au Gouvernement de les renforcer 3 ( * ) . À titre d'exemple, il a considéré, concernant les demandes de réquisitions relatives aux masques, que la stratégie instaurée par le Gouvernement était adaptée et proportionnée à l'objectif de protection de la santé 4 ( * ) .
Enfin, à ce jour, les référés-suspension dirigés contre le décret du 23 mars 2020 n'ont pas prospéré.
Par ailleurs, s'agissant des mesures préfectorales prises sur le fondement de l'article 3115-17 du code de la santé publique pour aggraver les mesures prescrites par le décret du 23 mars 2020 au regard des circonstances locales, le Conseil d'État 5 ( * ) a estimé que l'instauration de pouvoirs de pouvoirs de police spéciale aux articles L. 3131-15 à L. 3131-17 du code de la santé publique donnant au Premier ministre, au ministre de la santé et, sur habilitation, aux préfets, la compétence pour édicter, dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, les mesures générales ou individuelles visant à mettre fin à une catastrophe sanitaire telle que l'épidémie de covid-19, en vue, notamment, d'assurer, compte tenu des données scientifiques disponibles, leur cohérence et leur efficacité sur l'ensemble du territoire concerné et de les adapter en fonction de l'évolution de la situation, fait obstacle à ce que, pendant la période de l'état d'urgence sanitaire, le maire prenne au titre de son pouvoir de police générale des mesures destinées à lutter contre la catastrophe sanitaire.
Le maire ne peut donc prendre, sur le fondement de ses pouvoirs de police générale, des mesures dans les domaines déjà encadrés par les autorités de police spéciale, en dehors de cas où « des raisons impérieuses liées à des circonstances locales en rendent l'édiction indispensable et à condition de ne pas compromettre, ce faisant, la cohérence et l'efficacité de celles prises dans ce but par les autorités compétentes de l'Etat ». Pour pouvoir intervenir dans le champ de la police spéciale, il faut donc non seulement que des raisons impérieuses liées à des circonstances locales le justifient mais également que le titulaire de la police spéciale, à savoir l'État, ne soit pas intervenu en ce domaine. À titre d'exemple, en rendant obligatoire, sur le territoire de sa commune, le port d'un masque ou d'une protection équivalente, un maire met à mal la cohérence des mesures édictées sur ce sujet au niveau national par les autorités de police spéciale qui ont déterminé quelles catégories de la population devait en bénéficier prioritairement.
En revanche, le maire reste compétent pour prendre des mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques dans sa commune justifiées par l'état sanitaire lié à l'épidémie, dès lors que ces mesures n'entrent pas dans le champ de la police spéciale. À ce titre, il peut prendre des dispositions destinées à contribuer à la bonne application, sur le territoire de la commune, des mesures décidées par les autorités compétentes de l'État ou bien agir dans les domaines dans lesquels le Premier ministre n'a pas décidé de faire usage de ses pouvoirs.
Plusieurs arrêtés préfectoraux ont été contestés par la voie du référé liberté (une vingtaine de requêtes) comme portant une atteinte grave et manifestement disproportionnée à la liberté d'aller et venir ou à la liberté de réunion, ou du commerce et de l'industrie. La plupart ont été confirmés, au titre du défaut d'urgence ou en raison de leur caractère adapté ou proportionné, à l'exception d'une mesure d'interdiction de rassemblement de plus de 2 personnes sur la voie publique à l'occasion de déplacement, hors files d'attente liées aux achats de première nécessité 6 ( * ) , ou d'une mesure individuelle de fermeture de commerce 7 ( * ) , jugées disproportionnées.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que si l'état d'urgence sanitaire apporte des restrictions à certaines libertés fondamentales, ces atteintes, limitées et proportionnées à l'objectif de préservation de la vie de la population poursuivi, sont justifiées par le niveau particulièrement élevé de la progression de l'épidémie sur le territoire, et les risques de contagion en l'absence de telles mesures.
1.2.4. Information du Parlement
L'article L. 3131-13 du code de la santé publique, prévoit qu'outre la prolongation de l'état d'urgence sanitaire, qui ne peut être autorisée que par la loi, sa mise en oeuvre requiert une information renforcée des assemblées parlementaires, à l'aune des prérogatives particulières qui sont accordées temporairement au Gouvernement pour lutter contre la catastrophe sanitaire en cours. Cet article dispose ainsi que l'Assemblée nationale et le Sénat sont informés sans délai des mesures prises par le Gouvernement au titre de l'état d'urgence sanitaire. L'Assemblée nationale et le Sénat peuvent requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l'évaluation de ces mesures.
Dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire en cours, cette information est assurée par la transmission régulière au Président de l'Assemblée nationale et au Président du Sénat d'un suivi des mesures prises par le Gouvernement en vue de gérer la crise sanitaire. Les auditions des membres du Gouvernement et des représentants d'organismes publics impliqués dans la gestion de crise, ainsi que des échanges écrits avec les structures permanentes ou temporaires des deux assemblées parlementaires contribuent également à assurer cette information.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Le maintien de l'épidémie de covid-19 à un niveau critique, au vu du nombre d'hospitalisations et de décès enregistrés, ainsi que les risques avérés d'aggravation de la crise sanitaire en cas de cessation de l'état d'urgence sanitaire au 23 mai 2020 justifient sa prorogation.
Comme indiqué ci-dessus, au 1 er mai, 25 887 personnes sont hospitalisées pour infection au covid-19, pour un total de 92 087 hospitalisations recensées depuis le début de l'épidémie. Parmi les hospitalisations en cours, 3 879 cas graves nécessitent des soins lourds de réanimation. Au total, 24 594 décès ont été enregistrés, dont 15 369 en établissement hospitalier et 9 225 en établissement social ou médico-social 8 ( * ) .
Si l'évolution de ces données depuis plusieurs jours témoigne d'un ralentissement de la progression de l'épidémie, la circulation du virus demeure élevée et les risques de reprise épidémique en cas d'interruption soudaine des mesures administratives en cours sont avérés.
La pérennité du cadre juridique permettant au Premier ministre d'une part, au ministre de la santé et aux préfets d'autre part, d'édicter les mesures permises par l'état d'urgence sanitaire, s'impose donc même s'il est probable que celle-ci seront, pour la plupart, différentes de celles actuellement en cours.
L'article 4 de la loi du 23 mars 2020 prévoit que toute prorogation de l'état d'urgence sanitaire déclaré par le même article ne peut être autorisée que par la loi. Une prorogation par voie législative est donc nécessaire avant l'expiration de la période de deux mois prévue initialement par cet article.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
La lutte contre l'épidémie de covid-19, en vue de protéger la santé de la population, de limiter ses multiples conséquences et de permettre une reprise progressive de la vie de la Nation dans ses différentes composantes est la première des priorités du Gouvernement et mobilise actuellement l'ensemble des pouvoirs publics.
Lors de son adresse aux Français en date du 13 avril 2020, le Président de la République a annoncé une stratégie de sortie progressive du confinement : « L'espoir renaît, je vous le disais, oui, mais rien n'est acquis. Dans le Grand Est comme en Ile de France, les services hospitaliers sont saturés. Partout, en Hexagone comme dans les outre-mer, le système est sous tension et l'épidémie n'est pas encore maîtrisée. Nous devons donc poursuivre nos efforts et continuer d'appliquer les règles (...) Le 11 mai prochain, mes chers compatriotes, sera donc le début d'une nouvelle étape. Elle sera progressive, les règles pourront être adaptées en fonction de nos résultats car l'objectif premier demeure la santé de tous les Français (...) Nous aurons à partir du 11 mai une organisation nouvelle pour réussir cette étape (...) Nous finirons par l'emporter mais nous aurons plusieurs mois à vivre avec le virus. » 9 ( * )
Ces orientations ont été précisées par le Premier ministre le 14 avril 2020 : « Hier, le Président de la République a fixé des principes, à savoir la sécurité sanitaire et la continuité de la vie de la nation, et des objectifs, notamment celui d'un déconfinement progressif à partir du 11 mai. Il appartient au Gouvernement de mettre en place les instruments, les méthodes, la doctrine d'emploi et la coordination nécessaires pour les atteindre. Je m'y emploie avec l'ensemble du Gouvernement et de l'administration (...) Le Gouvernement va donc devoir mettre en oeuvre les politiques publiques de façon à tenir les objectifs tout en respectant les principes rappelés par le Président de la République : il s'agit de pouvoir commencer le déconfinement. La date du 11 mai a été évoquée ; mon objectif est que le déconfinement progressif se déroule dans les meilleures conditions. » 10 ( * )
La prorogation de l'état d'urgence sanitaire vise ainsi à permettre de prolonger la mise en oeuvre de certaines mesures réglementaires et individuelles prises par les autorités administratives depuis le 23 mars 2020, qui restent pleinement nécessaires, et à définir les modalités d'une sortie organisée du confinement, en cohérence avec l'évolution de la situation sanitaire.
Au total, cette prorogation de l'état d'urgence sanitaire dans un délai déterminé vise à assurer une conciliation équilibrée entre la protection de la santé publique, d'une part, et la sauvegarde des droits et libertés constitutionnellement garantis, d'autre part.
3. OPTIONS ENVISAGÉES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Une première option aurait été de laisser l'état d'urgence sanitaire en cours expirer au 23 mai 2020 et de s'appuyer sur l'article L. 3131-1 du code de la santé publique, conçu depuis la loi du 23 mars 2020 comme le fondement de la gestion d'une sortie de l'état d'urgence sanitaire, afin d'assurer la disparition durable de la crise sanitaire, avec une capacité d'intervention moindre pour les pouvoirs publics.
Une deuxième option aurait été de solliciter une prorogation de l'état d'urgence sanitaire pour une faible durée, avec la forte probabilité du dépôt de plusieurs projets de lois successifs de manière rapprochée afin de prolonger autant de fois que nécessaire son application.
3.2. DISPOSITIF RETENU
La dernière option consistait à demander la prorogation de l'état d'urgence sanitaire pour une durée de deux mois, afin de maintenir les dispositions en cours, et de les adapter à l'évolution de la situation sanitaire.
C'est cette option qui a été retenue, au vu de la situation sanitaire, afin de disposer pendant une durée appropriée des prérogatives nécessaires à la gestion de la crise actuelle, dont la sortie ne peut être identifiée à ce stade, et de permettre à l'ensemble des personnes physiques et morales concernées par les mesures prises en application de l'état d'urgence sanitaire de disposer d'une certaine visibilité sur l'échéance actualisée de l'état en vigueur.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
L'article ne modifie aucune disposition. L'état d'urgence sanitaire ainsi prorogé sera mis en oeuvre dans les conditions prévues par les dispositions du chapitre I er bis du titre III du livre I er de la troisième partie du code de la santé publique.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
Les mesures prises en application de l'état d'urgence sanitaire se font dans le respect des normes de droit international et du droit de l'Union européenne, en particulier du droit de la Cour européenne des droits de l'homme ainsi que de la convention d'Oviedo qui consacre notamment le principe du consentement aux soins.
Les mesures prises sur le fondement des articles L. 3131-15 et L. 3131-16 du code de la santé publique font l'objet d'une notification à la Commission européenne lorsqu'elles relèvent du champ d'application de la directive 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 prévoyant une procédure d'information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l'information ou de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur. Au 27 avril 2020, ont été effectuées 30 notifications au titre de la directive 2015/1535 et 3 notifications au titre de la directive 2006/123/CE.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
4.2.1. Impacts macroéconomiques
Les impacts macroéconomiques des mesures liées à l'état d'urgence sanitaire concernent tous les secteurs d'activité économique du pays. La prorogation de l'état d'urgence sanitaire donnera au Gouvernement la possibilité de définir les conditions d'une sortie progressive du confinement et d'une reprise progressive de l'activité, en fonction de l'évolution de la situation sanitaire et des caractéristiques des différents secteurs d'activité.
4.2.2. Impacts budgétaires
Les impacts sur le budget de l'Etat, celui des collectivités territoriales, celui des entreprises, et de l'ensemble des secteurs d'activité économique du pays sont très significatifs comme cela a été exposé dans le cadre de la discussion des deux projets de loi de finances rectificative conçus pour faire face à la crise sanitaire. Les mesures prises pour la lutte contre une crise sanitaire emportent des coûts élevés en termes de dépenses immédiates. Mais elles peuvent aussi emporter des coûts d'indemnisation ou de compensation des conséquences économiques et sociales de ces mesures.
4.2.3. Impacts sur les entreprises
De même qu'au niveau macroéconomique, les entreprises, au niveau microéconomique, peuvent subir des conséquences négatives à la suite de mesures prises dans le cadre de la crise sanitaire mais l'absence de mesures ou leur interruption prématurée porterait davantage préjudice aux entreprises à terme. Il en va notamment ainsi des restrictions d'ouverture des magasins, de la mise en oeuvre de mesures d'hygiène et de distanciation et des limites apportées aux déplacements conduisant à des adaptations de l'organisation du travail.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Les services gérés par les collectivités territoriales doivent, comme tous les services publics, rester disponibles pour permettre une certaine continuité dans la vie de la Nation. Elles peuvent être en outre spécialement affectées lorsqu'une crise sanitaire surgit soit spécifiquement soit plus intensément qu'ailleurs sur un point du territoire national (clusters).
Plusieurs mesures prises dans le cadre de l'état d'urgence ont des conséquences importantes pour l'exercice de certaines compétences locales, comme la fermeture des établissements scolaires. La crise sanitaire a par ailleurs des conséquences majeures pour les établissements du secteur social et médico-social financés par les départements. La limitation des déplacements et des transports affecte également les collectivités territoriales dans leur rôle d'autorité organisatrice de la mobilité.
Les collectivités territoriales contribuent en outre de manière déterminante à la bonne application des mesures de l'état d'urgence sanitaire au niveau local. Concernant l'exercice du pouvoir de police générale du maire en période d'état d'urgence sanitaire, le Conseil d'Etat a été amené à préciser son articulation avec la police spéciale instituée par les articles L. 3131-15 à L. 3131-17 du code de la santé publique. Si le maire peut prendre des mesures destinées à assurer la bonne application sur le territoire de la commune des mesures décidées par les autorités compétentes de l'Etat en application de l'état d'urgence sanitaire, la police spéciale instituée par le législateur fait obstacle pendant sa période de mise en oeuvre à ce que le maire prenne des mesures destinées à lutter contre la catastrophe sanitaire, à moins que des raisons impérieuses liées à des circonstances locales en rendent l'édiction indispensable et à condition de ne pas compromettre, ce faisant, la cohérence et l'efficacité de celles prises par les autorités compétentes de l'Etat 11 ( * ) .
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
Les services publics ont vocation à demeurer disponibles aussi longtemps que possible. L'état d'urgence sanitaire permet de recourir à des réquisitions afin d'assurer cette continuité de l'offre de service.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
4.5.1. Impacts sur la société
Guidées par l'objectif de protection de la santé publique, plusieurs mesures prises dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire portent atteinte à certains droits et libertés constitutionnellement garantis, notamment à la liberté d'aller et venir par les mesures de confinement ou à la liberté de réunion par l'interdiction de tout rassemblement, réunion ou activité mettant en présence de manière simultanée plus de 100 personnes.
4.5.2. Impacts sur les personnes en situation de handicap
En l'absence d'adaptations, les mesures de l'état d'urgence sanitaire peuvent exacerber certaines difficultés pour les personnes en situation de handicap. Plusieurs dispositions ont été prises en vue de tenir compte de leur situation, notamment en incluant les déplacements pour l'assistance aux personnes vulnérables aux dérogations possibles au confinement et en permettant la distribution gratuite par les pharmacies de masques de protection issus du stock national aux services d'accompagnement social, éducatif et médico-social qui interviennent à domicile en faveur des enfants et adultes handicapés, pour assurer la continuité de ces services. De même, l'autorisation de déplacement dérogatoire a été traduite en langage « Facile A Lire et à Comprendre » (FALC) pour permettre sa bonne compréhension par des publics vulnérables.
4.5.3. Impacts sur l'égalité entre les femmes et les hommes
Les mesures de l'état d'urgence sanitaire s'appliquent à l'ensemble de la population. Des dispositions spécifiques ont été prises par arrêté en vue de tenir compte des conséquences de la crise sanitaire pour l'accès à l'interruption volontaire de grossesse, en adaptant les conditions de mise en oeuvre de l'interruption par voie médicamenteuse.
4.5.4. Impacts sur la jeunesse
La fermeture de l'ensemble des établissements d'accueil des jeunes enfants, des établissements scolaires et des établissements d'enseignement supérieur, ainsi que les mesures de confinement, ont un impact important sur la jeunesse. Des dérogations au confinement général permettent d'assurer la sortie quotidienne des enfants et d'organiser la garde des enfants. En prorogeant l'état d'urgence sanitaire, des mesures de réouverture progressive de certains établissements pourront être mises en oeuvre.
4.6. IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Les mesures de l'état d'urgence sanitaire ne conduisent pas à une dégradation des différentes composantes de l'environnement. Certains impacts positifs sont observés du fait de la diminution générale des activités humaines résultant de ces mesures, notamment en matière de pollution atmosphérique.
5. CONSULTATIONS
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
Le dernier alinéa de l'article L. 3131-13 du code de la santé publique prévoit que la prorogation de l'état d'urgence ne peut être autorisée que par la loi, après avis du comité de scientifiques prévu à l'article L. 3131-19. Dans cet avis en date du 28 avril 2020, le comité rappelle l'efficacité des mesures de confinement sur la dynamique de l'épidémie de covid-19, ainsi que la nécessité d'une sortie progressive et contrôlée du confinement, pour éviter une remontée rapide du nombre de cas, notamment au vu de la situation observée dans certains pays. En prenant en compte les différentes données scientifiques, le comité a considéré à l'unanimité que l'ensemble des dispositifs de lutte contre l'épidémie de covid-19, incluant ceux prévus par la loi sur l'état d'urgence sanitaire, restent nécessaires dans la situation sanitaire actuelle.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
L'état d'urgence sanitaire est prorogé à compter du 24 mai 2020, jusqu'au 23 juillet 2020 inclus pour une durée de deux mois. Il peut y être mis fin à par décret en conseil des ministres avant l'expiration de ce délai.
Les mesures prises en application de l'état d'urgence sanitaire pourront être mises en oeuvre avec des échéances distinctes, dans la limite de la durée d'application de l'état d'urgence sanitaire définie par la loi.
5.2.2. Application dans l'espace
La prorogation de l'état d'urgence sanitaire est applicable sur l'ensemble du territoire national. Toutefois, la mise en oeuvre de ses mesures est susceptible d'être modulée selon certains périmètres géographiques, en fonction de la situation sanitaire observée dans les différents territoires, les articles L. 3131-15 et L. 3131-16 du code de la santé publique prévoyant que les mesures prises doivent être appropriées aux circonstances de lieu.
L'article L. 3131-17 permet, d'une part, au représentant de l'Etat territorialement compétent de prendre toutes les mesures générales ou individuelles d'application des dispositions prises par le Premier ministre et le ministre de la santé en application respectivement des articles L. 3131-15 et L. 3131-16, et, d'autre part, au représentant de l'Etat dans le département d'être habilité à décider lui-même des mesures prévues à ces articles - à l'exception du 10° de l'article L. 3131-15 - lorsqu'elles doivent s'appliquer dans un champ géographique qui n'excède pas le territoire d'un département.
L'application outre-mer de l'état d'urgence sanitaire a été précisée, pour les collectivités du Pacifique, par l'ordonnance n° 2020-463 du 22 avril 2020 adaptant l'état d'urgence sanitaire à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et aux îles Wallis et Futuna, prise sur le fondement de l'habilitation prévue par l'article 3 de la loi du 23 mars 2020. En Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, cette ordonnance permet au Haut-commissaire d'adapter aux spécificités de ces territoires certaines mesures prises au niveau national en application de l'état d'urgence sanitaire, dans le sens d'un renforcement ou d'un allègement, en coordination avec les gouvernements de chacun de ces territoires, compétents en matière de santé.
5.2.3. Textes d'application
Aucune mesure d'application n'est directement nécessaire à la prorogation. Elle pourra toutefois requérir une modification des mesures prises à ce jour par décret et arrêté ministériel, en vue d'adapter leur application à l'aune de cette prorogation. De même, en fonction de l'habilitation octroyée aux préfets, les mesures préfectorales réglementaires ou individuelles en cours devront être renouvelées ou adaptées, et de nouvelles mesures pouvant être édictées.
Articles 2 à 5 et 7- Modifications du régime de l'état d'urgence sanitaire
1. ETAT DES LIEUX
1.1. CADRE GÉNÉRAL
En matière d'isolement et de quarantaine, l'article L. 3131-15 du code de la santé publique permet au Premier ministre, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, et aux seules fins de garantir la santé publique : d'une part, d'ordonner des mesures ayant pour objet la mise en quarantaine, au sens de l'article 1 er du règlement sanitaire international de 2005 12 ( * ) , des personnes susceptibles d'être affectées (3°), et, d'autre part, d'ordonner des mesures de placement et de maintien en isolement, au sens du même article 1 er , à leur domicile ou tout autre lieu d'hébergement adapté, des personnes affectées (4°).
En matière de déplacements, l'article L. 3131-15 du code de la santé publique permet, dans les mêmes conditions : d'une part, de restreindre ou d'interdire la circulation des personnes et des véhicules dans les lieux et aux heures fixés par décret (1°), et, d'autre part, d'interdire aux personnes de sortir de leur domicile, sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux ou de santé (2°).
En matière d'ouverture des établissements et de rassemblements, l'article L. 3131-15 du code de la santé publique permet, dans les mêmes conditions : d'une part, d'ordonner la fermeture provisoire d'une ou plusieurs catégories d'établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, à l'exception des établissements fournissant des biens ou des services de première nécessité (5°), et, d'autre part, de limiter ou d'interdire les rassemblements sur la voie publique ainsi que les réunions de toute nature (6°).
L'article L. 3136-1 du même code définit le régime des sanctions pénales applicables aux violations des dispositions édictées en application des articles L. 3131-15 à L. 3131-17. Il prévoit ainsi :
- que le non-respect des réquisitions prévues aux articles L. 3131-15 à L. 3131-17 est puni de six mois d'emprisonnement et de 10 000 € d'amende ;
- que la violation des autres interdictions ou obligations édictées en application des articles L. 3131-1 et L. 3131-15 à L. 3131-17 est punie de l'amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe ;
- qu'une nouvelle violation de ces autres interdictions ou obligations, dans les quinze jours, est punie de l'amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe ;
- qu'en cas de verbalisation à plus de trois reprises de ces violations dans un délai de trente jours, les faits sont punis de six mois d'emprisonnement et de 3 750 € d'amende ainsi que de la peine complémentaire de travail d'intérêt général et de la peine complémentaire de suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire lorsque l'infraction a été commise à l'aide d'un véhicule.
Le constat par procès-verbal de ces contraventions peut être effectué par les agents de police municipale, gardes-champêtres, agents de la ville de Paris chargés d'un service de police, contrôleurs de la préfecture de police et agents de surveillance de Paris, dès lors que des actes d'enquête particuliers ne sont pas nécessaires.
1.2 CADRE CONVENTIONNEL
L'article L. 3115-10 du code de la santé publique permet au représentant de l'Etat, de prendre, par arrêté motivé, toute mesure individuelle permettant de lutter contre la propagation internationale des maladies, notamment des mesures d'isolement ou de mise en quarantaine de personnes atteintes d'une infection contagieuse ou susceptibles d'être atteintes d'une telle infection, sur proposition du directeur général de l'agence régionale de santé.
Associé à la mise en oeuvre du Règlement sanitaire international (RSI) élaboré par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) en droit interne, cet article se limite au cas de franchissement des frontières et ne constitue pas une base légale appropriée pour des mesures purement internes, y compris pour une épidémie ayant une origine étrangère.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
Le retour d'expérience acquis à l'issue de six semaines de mise en oeuvre de l'état d'urgence sanitaire appelle des ajustements au cadre législatif de l'état d'urgence sanitaire, élaboré dans un calendrier particulièrement resserré, afin de lui permettre de continuer à répondre aux besoins dans le contexte de la poursuite de la crise avec toutes les garanties nécessaires dans les prochaines semaines.
Les questions suivantes nécessitent en particulier des modifications législatives :
- prévoir des garanties supplémentaires pour la mise en oeuvre des mesures de mise en quarantaine et d'isolement ;
- conforter la possibilité de réglementer les déplacements et l'usage des moyens de transport ainsi que l'ouverture des établissements recevant du public ;
- clarifier les mesures de réquisition pouvant être ordonnées ;
- étendre la liste des catégories d'agents compétents pour contrôler et sanctionner le respect des prescriptions définies en application de l'état d'urgence sanitaire.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
La modification du régime de l'état d'urgence sanitaire vise à apporter toutes les garanties nécessaires aux destinataires de ces mesures, en assurant un équilibre entre l'objectif de protection de la santé publique et la protection des droits et libertés constitutionnellement garantis. En particulier, il est nécessaire de préciser les conditions dans lesquelles des mesures de mise en quarantaine ou d'isolement peuvent être prises en vue de lutter contre la propagation de l'épidémie, afin d'assurer la conformité du dispositif à l'article 66 de la Constitution du 4 octobre 1958.
3. OPTIONS ENVISAGÉES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Une première option consistait à maintenir inchangé le régime de l'état d'urgence sanitaire, en se fondant sur les dispositions existantes pour définir les mesures encadrant la reprise progressive des activités, en cohérence avec l'évolution sanitaire. Cette option présente toutefois l'inconvénient de gêner l'édiction de certaines mesures nécessaires à la gestion de la crise sanitaire.
Une seconde option consistait à s'appuyer sur l'expérience acquise depuis la déclaration de l'état d'urgence sanitaire, en identifiant de manière sélective les modifications nécessaires à la poursuite de l'état d'urgence sanitaire sur des fondements clarifiés et précisés au besoin, offrant des garanties supplémentaires pour la mise en place de certaines mesures, en particulier la mise en quarantaine ou l'isolement. C'est l'option qui a été retenue.
3.2. DISPOSITIF RETENU
3.2.1. Quarantaine et isolement
Le projet de loi apporte des précisions aux régimes des mesures de mise en quarantaine et les mesures de placement et de maintien en isolement, en explicitant les conditions dans lesquelles elles peuvent être ordonnées par le Premier ministre, puis décidées à titre individuel par le représentant de l'État.
Il prévoit une définition par décret, après avis du comité de scientifiques, de la durée de ces mesures, les lieux dans lesquels elles peuvent se dérouler, les conditions dans lesquelles sont assurées la poursuite de la vie familiale et la prise en compte la situation des mineurs, le suivi médical qui les accompagne ainsi que les conditions particulières de leur exécution, notamment les déplacements que les personnes concernées peuvent le cas échéant effectuer, ou à défaut les moyens par lesquels un accès aux biens et services de première nécessité leur est garanti, en fonction de la nature et des modes de propagation de l'infection, après avis du comité de scientifiques.
Les mesures individuelles de mise en quarantaine et les mesures de placement et de maintien en isolement seront quant à elles prises par le représentant de l'État dans le département et limitées au cas de l'arrivée d'une personne sur le territoire national ou dans l'une des collectivités mentionnées à l'article 72-3 de la Constitution ou dans la collectivité de Corse ou en provenance de l'une de ces collectivités, ayant séjourné dans une zone de circulation de l'infection. La liste des zones de circulation de l'infection fait l'objet d'une information publique.
La mise en quarantaine ou le placement et le maintien à l'isolement seront prononcés, sur proposition du directeur général de l'ARS, par le représentant de l'État dans le département, par décision individuelle motivée. Le placement et le maintien à l'isolement sera subordonné à la constatation médicale de l'infection de la personne concernée, et prononcé par le représentant de l'État dans le département au vu d'un certificat médical. Le Procureur de la République territorialement compétent sera immédiatement informé de cette mesure.
Lorsque les modalités de la quarantaine et du placement ou maintien à l'isolement prononcés interdiront toute sortie de l'intéressé hors du lieu où la quarantaine et l'isolement se dérouleront, le représentant de l'État dans le département s'assurera que la personne dispose de moyens de communication téléphonique ou électronique lui permettant de communiquer librement avec l'extérieur.
Ces mesures pourront à tout moment faire l'objet d'un recours devant le juge des libertés et de la détention qui statue dans les 72 heures. Celui-ci peut également se saisir d'office à tout moment. En outre, sauf consentement de l'intéressé, une telle mesure ne pourra se poursuivre au-delà d'un délai de quatorze jours sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le représentant de l'État dans le département, ait statué sur cette mesure. La durée totale de la mesure ne peut excéder un mois.
Par cohérence, les mesures d'isolement ou de quarantaine ainsi prononcées seront exclues du bloc de compétence instauré par l'article L. 3131-18 pour la juridiction administrative.
3.2.2 Autres mesures
Le projet de loi élargit le panel des prescriptions pouvant être prises en matière de déplacements et de véhicules, en permettant de les réglementer, et non seulement de les interdire et de les restreindre, ainsi que le champ d'application de ces mesures, en y ajoutant les modes de transport, dans la perspective de la reprise progressive des déplacements et des transports en commun, dans des conditions qui devront être précisées en vue de protéger la santé publique.
Le projet de loi élargit le panel des prescriptions pouvant être prises en matière d'établissements recevant du public et de lieux de réunion, en permettant de réglementer leur ouverture, et non seulement de l'interdire, en préservant l'accès aux biens et services de première nécessité.
Le projet de loi étend également le périmètre des réquisitions, en l'appliquant à tout personne nécessaire à la lutte contre la catastrophe sanitaire, sans subordonner cette réquisition à celle d'un service ou d'un bien.
Enfin, le projet de loi élargit les catégories d'agents habilités à constater la violation des dispositions prises sur le fondement de l'état d'urgence sanitaire.
Les fonctionnaires des services actifs de police nationale autres que les agents de police judiciaire, les militaires volontaires de la gendarmerie et les militaires de la réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale, les adjoints de sécurité et les membres de la réserve civile de la police nationale sont rendus compétents pour constater par procès-verbaux l'ensemble des contraventions résultant de la violation des interdictions et obligations édictées en application des articles L. 3131-1 et L. 3131-15 à L. 3131-17 du code de la santé publique.
Les agents assermentés de l'exploitant d'un service de transport ou les agents assermentés d'une entreprise de transport agissant pour le compte de l'exploitant, les agents assermentés missionnés des services internes de sécurité de la société nationale des chemins de fer français (SNCF) et de la régie autonome des transports parisiens (RATP) et les agents assermentés de la filiale SNCF Gares & Connexions sont rendus compétents pour constater par procès-verbaux les contraventions consistant en la violation des interdictions ou obligations édictées en matière de transports, lorsqu'elles sont commises dans les véhicules et emprises immobilières des services de transport ferroviaire ou guidé et de transport public routier de personnes.
Les agents habilités à procéder à des enquêtes en matière de concurrence sont rendus compétents pour constater par procès-verbaux les contraventions résultant de la violation des mesures prises en matière de contrôle des prix ou de limitation de la liberté d'entreprendre.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
L'article L. 3131-15 du code de la santé publique est modifié en vue de procéder aux modifications visées en matière de mise en quarantaine et de placement et maintien en isolement, d'interdiction de sortie du domicile, de réglementation des déplacements et transports, de réglementation de l'ouverture des établissements recevant du public et de réquisitions.
L'article L. 3131-17 du même code, relatif aux décisions prises par le représentant de l'Etat dans le territoire, est complété en matière de mesures de mise en quarantaine et de placement et maintien en isolement, en cohérence avec celles apportées à l'article L. 3131-15.
L'article L. 3131-18, relatif au bloc de compétence de la juridiction administrative en matière de recours contre les décisions prises en application de l'état d'urgence sanitaire, est modifié en vue d'exclure les décisions individuelles de mise en quarantaine et de placement et maintien en isolement relevant du juge des libertés et de la détention.
L'article L. 3136-1, relatif aux sanctions pénales encourues en cas de violation des mesures prises en application de l'état d'urgence sanitaires, est complété en vue de donner compétences à plusieurs catégories d'agents pour constater les contraventions en la matière.
Les articles L. 3821-11, L. 3841-2 et L. 3841-3 du code de la santé publique, fixant les conditions d'application des dispositions relatives à l'état d'urgence sanitaire en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna, sont modifiées par coordination avec les modifications apportées au régime de l'état d'urgence sanitaire.
4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS
Les modifications envisagées permettront de proposer une réglementation plus fine des déplacements, des services de transport et de l'ouverture des établissements recevant du public, afin d'accompagner la reprise progressive des activités économiques dans des conditions sanitaires satisfaisantes.
4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Les prescriptions qui seront définies en matière de services de transport pourront concerner les collectivités territoriales en tant qu'autorités organisatrices de la mobilité.
4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
L'édiction de mesures individuelles de mise en quarantaine et d'isolement, sous le contrôle du juge de la liberté et de la détention, pourra avoir un impact important sur les services de l'administration déconcentrée ainsi que sur l'activité du juge de la liberté et de la détention et du greffe du tribunal judiciaire, en fonction du nombre de mesures prescrites et de leur durée. Cette hausse d'activité sera renforcée par le fait que ce juge pourra être saisi à tout moment d'une demande de mainlevée de la mesure de mise en quarantaine ou de placement et de maintien en isolement.
4.5. IMPACTS SOCIAUX
Les mesures envisagées permettront de définir les conditions d'une reprise progressive de certaines activités économiques et sociales, en cohérence avec l'évolution de la situation sanitaire.
5. MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. APPLICATION DANS LE TEMPS
La durée d'application des différentes mesures prescrites sera adaptée à l'évolution de la situation sanitaire, dans la limite de la durée de l'état d'urgence sanitaire.
5.2. APPLICATION DANS L'ESPACE
Les mesures prescrites dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire pourront être modulées en fonction de la situation sanitaire observée dans les différents territoires. Les mesures de mise en quarantaine ou d'isolement seront définies en fonction de la nature et des modes de propagation de l'infection.
Les modifications apportées au régime de l'état d'urgence sanitaire seront applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna.
5.3. TEXTES D'APPLICATION
Les modifications apportées aux articles L. 3131-15 et L. 3131-17 nécessiteront l'édiction de décrets pris sur le rapport du ministre chargé de la santé pour être appliquées dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire en cours. Sur le fondement d'un décret, les mesures individuelles de mise en quarantaine et d'isolement seront prises par le représentant de l'Etat dans le département, sur proposition du directeur général de l'ARS.
Un décret en Conseil d'Etat prévoira les règles de procédure qui seront applicables devant le juge des libertés et de la détention lorsqu'il sera saisi d'une demande de prolongation ou de mainlevée d'une mesure de mise en quarantaine ou de placement à l'isolement.
CHAPITRE II - DISPOSITIONS RELATIVES À LA CRÉATION D'UN SYSTÈME D'INFORMATION AUX SEULES FINS DE LUTTER CONTRE L'ÉPIDÉMIE DE COVID-19
Article 6 - Création d'un système d'information visant à lutter contre l'épidémie de covid-19
1. ETAT DES LIEUX
Le contact tracing repose sur deux méthodes de recensement complémentaire.
La première méthode est l'identification des personnes infectées, ce qui suppose de tester et de transmettre les résultats aux organismes du contact tracing .
Cela est permis par un service intégré de dépistage et de prévention (SIDEP) déployé dans l'ensemble des laboratoires et structures autorisés à les réaliser qui, en plus d'assurer le retour d'information sur un test positif vers le patient, le médecin prescripteur et le médecin traitant - s'il n'est pas le prescripteur -, collige l'ensemble des résultats des tests et les met à disposition des organismes intéressés pour la prise en charge, le contact tracing à ses différents niveaux (sous forme identifiante) mais aussi la surveillance épidémiologique (sous forme agrégée). La direction générale de la santé (DGS) est responsable du traitement et l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (APHP) sous-traitante.
La seconde méthode est l'identification des cas-contacts, l'analyse les chaînes de transmission et le traitement des foyers d'infection (ou clusters) qui supposent un travail d'enquête.
C'est le rôle d'Ameli.pro/ « Contact covid », de l'Assurance maladie qui servira à collecter les données des enquêtes sur les personnes qui ont été en contact avec une personne infectée par le COVID19, par les différents niveaux mis en place : le premier niveau correspond au médecin traitant qui établit une première liste des contacts, le deuxième niveau correspond aux plateformes de l'assurance maladie qui vont préciser la liste puis appelle les cas-contacts identifiés, le troisième niveau enfin correspond aux agences régionales de santé qui vont traiter, avec l'appui des cellules en région de Sante publique France, les clusters et les chaînes de transmission plus complexes.
Ces systèmes d'information sont techniquement et juridiquement indépendants du projet « Stop Covid », évoqué par le Premier ministre devant la représentation nationale le 28 avril.
2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER
La mise en place d'un système d'information ad hoc , dédié à la lutte contre l'épidémie de covid-19, comprenant des données de santé et d'identification, accessible à un ensemble spécifique d'organismes, dans des conditions appropriées à la sensibilité de ces données, requiert l'adoption de dispositions législatives.
2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS
La gestion de l'épidémie de covid-19 dans un contexte de levée progressive du confinement et de reprise progressive de l'activité nécessite des outils d'information permettant de suivre précisément les phénomènes de contagion, en vue de les identifier précocement et de prendre les mesures appropriées de dépistage, et, le cas échéant, de mise à l'isolement ou en quarantaine.
Mené dans des conditions rigoureusement encadrées, ce suivi à la fois collectif et individuel permettra de suivre la progression de l'épidémie aux niveaux national et local, de proposer un accompagnement adapté et, le cas échéant, un suivi médical aux personnes concernées, et d'interrompre précocement les processus de contagion par l'identification précoce des personnes contacts. La mise en place d'un système d'information spécifique contribuera ainsi à une meilleure prise en charge des personnes infectées, et une protection accrue des personnes non-infectées, grâce à une baisse du nombre de cas-contact.
3. OPTIONS ENVISAGÉES ET DISPOSITIF RETENU
3.1. OPTIONS ENVISAGÉES
Les systèmes d'information existants ne permettant pas le recensement des cas confirmés à destination d'un dispositif de tracing ni de mettre en oeuvre le tracing lui-même, il n'existait pas d'autre option que de permettre la création de systèmes et l'adaptation des systèmes existants à cette fin.
3.2. DISPOSITIF RETENU
Le projet de loi permet au ministre chargé de la santé de mettre en oeuvre un système d'information aux seules fins de lutter contre la prorogation de l'épidémie de covid-19. Des données relatives aux personnes atteintes par ce virus et aux personnes ayant été en contact avec elles peuvent être partagées, le cas échéant sans le consentement des personnes intéressées. Cette faculté sera limitée à la durée strictement nécessaire de l'épidémie ou au plus tard à une durée d'un an à compter de la publication de la loi.
Le ministre chargé de la santé, l'Agence nationale de santé publique, l'Assurance maladie et les agences régionales de santé pourront également adapter des systèmes d'information existants, aux mêmes fins et pour la même durée.
Ces systèmes pourront comporter des données de santé et d'identification. Leurs finalités sont clairement définies, en lien direct avec la lutte contre l'épidémie de covid-19 :
- 1° L'identification des personnes infectées, par l'organisation des examens de biologie médicale de dépistage et la collecte de leurs résultats ;
- 2° L'identification des personnes présentant un risque d'infection, par la collecte des informations relatives aux contacts des personnes infectées et, le cas échéant, par la réalisation d'enquêtes sanitaires, en présence notamment de cas groupés ;
- 3° L'orientation des personnes infectées, et des personnes susceptibles de l'être, en fonction de leur situation, vers des mesures médicales d'isolement prophylactiques, de mise à l'isolement ou en quarantaine, ainsi que le suivi médical et l'accompagnement de ces personnes pendant et après la fin de ces mesures ;
- 4° La surveillance épidémiologique aux niveaux national et local, ainsi que la recherche sur le virus et les moyens de lutter contre sa propagation.
Les données de ces systèmes d'information seront accessibles aux agents habilités des services d'organismes limitativement identifiés :
- le ministère de la santé ;
- le service de santé des armées ;
- l'Agence nationale de santé publique ;
- les organismes nationaux et locaux d'assurance maladie ;
- les agences régionales de santé ;
- les communautés professionnelles territoriales de santé ;
- les établissements de santé ;
- les maisons de santé ;
- les centres de santé et les médecins prenant en charge les personnes concernées ;
- les laboratoires autorisés à réaliser les examens de biologie médicale de dépistage sur les personnes concernées.
Un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), précisera, pour chaque organisme, les services et personnels concernés, les catégories de données auxquelles ils auront accès, ainsi que les organismes auxquels les agents habilités pourront faire appel pour le traitement de ces données, pour leur compte et sous leur responsabilité, dans le respect des dispositions du règlement général sur la protection des données (RGPD).
Enfin, le projet de loi comprend une demande d'habilitation du Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance des mesures relatives à l'organisation de ces systèmes d'information, afin d'ajuster au besoin ce cadre législatif, dans un délai de trois mois à compter de la publication de la loi.
4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES
4.1. IMPACTS JURIDIQUES
4.1.1. Impacts sur l'ordre juridique interne
Le projet de loi prévoit la création de ce système d'information, dont l'existence est temporaire et directement liée à l'épidémie de covid-19 en cours, par des dispositions non codifiées.
4.1.2. Articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne
L'édiction des mesures réglementaires nécessaires pour préciser le fonctionnement de ce système d'information et sa mise en oeuvre se feront dans le respect plein et entier du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (« RGPD ») 13 ( * ) .
4.2. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS
La mise en place et la gestion du système d'information, ainsi que l'utilisation des données, aux fins de lutter contre l'épidémie de covid-19, entraîneront une charge de travail supplémentaire pour les organismes concernés, sans ressources nouvelles.
4.3. IMPACTS SOCIAUX
Les personnes infectées, susceptibles de l'être ou ayant été en contact avec une personne infectée pourront être contactées par les agents des organismes autorisés à accéder aux données du système d'information, en vue de leur proposer un accompagnement adapté à leur situation, et, le cas échéant, un suivi médical.
5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION
5.1. CONSULTATIONS MENÉES
La Commission nationale de l'informatique et des libertés sera consultée sur les décrets d'application qui seuls créeront ou adapteront les traitements susceptibles d'être mis en oeuvre.
5.2. MODALITÉS D'APPLICATION
5.2.1. Application dans le temps
La mise en oeuvre du système d'information et l'adaptation, le cas échéant, de systèmes d'informations existants, ne pourra excéder une durée d'un an à compter de la publication de la loi.
5.2.2. Application dans l'espace
Les conditions de mise en oeuvre du système d'information et d'accès à ses données s'appliqueront de manière homogène sur l'ensemble du territoire national. La déclinaison opérationnelle de ce dispositif sera par définition territorialisée, en vue de contacter, de dépister, d'orienter et de suivre les personnes infectées, susceptibles de l'être ou ayant été en contact avec une personne infectée.
5.2.3. Textes d'application
Un décret en Conseil d'état, pris après avis de la CNIL, fixera les conditions d'application de cet article, en particulier les conditions d'accès aux données du ou des systèmes d'informations concernés.
Une ordonnance pourra être prise afin de prévoir toute mesure relevant du domaine de la loi nécessaire à l'organisation des systèmes d'information afin d'apporter les ajustements nécessaires. L'habilitation demandée a une durée de trois mois à compter de la promulgation de la loi, et un projet de loi de ratification de l'ordonnance devra être déposé devant le Parlement dans un délai de deux mois suivant sa publication.
* 1 CE, réf., 23 mars 2020, n° 439674.
* 2 CE, réf., 9 avril 2020, n° 439895.
* 3 CE, réf., 4 avril 2020, n° 439816.
* 4 CE, réf., 15 avril 2020, n° 440002.
* 5 CE, réf, 17 avril 2020, n° 440057
* 6 TA Nancy, 21 avril 2020, LDH, n° 2001055
* 7 TA Montreuil, 18 avril 2020, n° 2004227
* 8 Point de situation sur l'épidémie de covid-19 du 1 er mai 2020.
* 9 Adresse du Président de la République aux Français, 13 avril 2020.
* 10 Séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, 14 avril 2020.
* 11 CE, réf., 17 avril 2020, n° 440057.
* 12 Ordonnance n° 2017-44 du 19 janvier 2017 relative à la mise en oeuvre du Règlement sanitaire international de 2005
* 13 Directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données