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ETUDE D'IMPACT
PROJET DE LOI
renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme
NOR : INTX1716370L/Bleue-1
20 juin 2017
ARTICLE 1 ER : PERIMETRES DE PROTECTION 14
1.2 Éléments de droit comparé 16
1.3 Normes conventionnelles et constitutionnelles applicables 17
2. Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis 20
3.1 Option permettant uniquement aux forces de l'ordre d'intervenir sur le périmètre de protection 21
3.2 Option permettant aux forces de l'ordre et aux policiers municipaux d'intervenir au sein du périmètre de protection, les agents privés de sécurité ne pouvant effectuer des mesures d'inspection-filtrage qu'à l'entrée du périmètre de protection 22
3.3 Option permettant aux agents privés de sécurité et aux policiers municipaux d'effectuer des mesures d'inspection-filtrage au sein du périmètre de protection en complément de l'action des forces de l'ordre 22
4. Analyse des impacts des dispositions envisagées 23
4.2 Impacts sur les personnes concernées 23
4.3 Impacts sur l'administration 24
4.4 Impact sur les entreprises 24
4.5 Impact sur les collectivités territoriales 25
5. Consultation et modalités d'application 26
5.2 Application de la loi dans le temps 27
5.3 Application de la loi dans l'espace 27
ARTICLE 2 : FERMETURE DES LIEUX DE CULTE AUX FINS DE PRÉVENIR DES ACTES DE TERRORISME 28
1.1 Cadre constitutionnel et conventionnel 28
1.2 Eléments de droit comparé 30
1.3.1 Les motifs de fermeture d'un lieu de culte 30
1.3.2 La fermeture des lieux de culte pendant l'état d'urgence 30
2.1 Option écartée : la fermeture sur le fondement de loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État 32
2.2 Option écartée : la fermeture sur le fondement des pouvoirs de police du maire 33
2.3 Option retenue : la création d'un régime de fermeture des lieux de culte dans un but de prévention des actes de terrorisme 35
3. Analyse des impacts des dispositions envisagées 36
ARTICLE 3 : MESURES INDIVIDUELLES DE SURVEILLANCE DES PERSONNES PRÉSENTANT UNE MENACE D'UNE PARTICULIÈRE GRAVITÉ POUR LA SÉCURITÉ ET L'ORDRE PUBLICS AUX FINS DE PRÉVENIR DES ACTES DE TERRORISME 37
1.2.1 Une mesure permettant d'optimiser l'investissement en renseignement 38
1.2.2 Une mesure complétant l'arsenal administratif d'entrave 39
2. Options et objectifs poursuivis 39
2.1.1 Option écartée : le placement en rétention 39
2.1.2 Option et dispositifs retenus : les mesures de surveillance 40
3. Analyse des impacts des dispositions envisagées 45
3.2 Impact sur les personnes concernées 45
3.3 Impact sur l'administration 46
4. Modalités d'application et consultation menée 46
ARTICLE 4 : VISTES ET SAISIES 47
1. Etat des lieux et diagnostic 47
1.1 Utilité de la perquisition administrative dans la prévention des actes de terrorisme 47
1.2 Conditions de mise en oeuvre des perquisitions 49
2. Objectifs poursuivis et nécessité de légiférer 51
4. Analyse des impacts des dispositions envisagées 59
4.2 Impacts sur les services 59
ARTICLES 5 ET 6 : TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE 2016/681 PNR 61
1. État des lieux et diagnostic 61
1.1 Le cadre juridique national : le système API-PNR France 61
1.2 La directive (UE) 2016/681 du 21 avril 2016 63
2.1 La nécessité de pérenniser le « système API-PNR France » 64
2.2 Mise en conformité avec la directive PNR 64
3.1 Sur l'abrogation du II de l'article 17 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 65
3.2 Sur la modification de l'article L. 232-1 du code de la sécurité intérieure 65
3.3 Sur la modification du I de l'article L. 232-7 du code de la sécurité intérieure 65
3.4 Sur les agences de voyage 65
3.5 Sur la finalité des atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation 66
4. Analyse des impacts des dispositions envisagées 66
4.2 Impacts en matière budgétaire et de ressources humaines 66
ARTICLE 7 : MISE EN oeUVRE D'UN TRAITEMENT AUTOMATISÉ DE DONNÉES À CARACTÈRE PERSONNEL POUR LE TRANSPORT MARITIME DE PASSAGERS. 68
2. Analyse des impacts des dispositions envisagées 69
ARTICLES 8 ET 9 : LA SURVEILLANCE DES COMMUNICATIONS HERTZIENNES 71
4. Analyse des impacts des dispositions envisagées 76
ARTICLE 10 : CONTRÔLE DANS LES ZONES FRONTALIÈRES 82
3. Analyse des impacts des dispositions envisagées 85
4.1 Application dans le temps 85
4.2 Application dans l'espace 85
ARTICLE 11 : CONDITIONS D'APPLICATION OUTRE-MER 86
INTRODUCTION GENERALE
La France vit sous le régime de l'état d'urgence depuis le 14 novembre 2015. Celui-ci a été institué immédiatement après les pires attentats terroristes commis sur le sol national depuis des décennies, pour prévenir un péril imminent résultant d'une atteinte grave à l'ordre public. Depuis cette date, la persistance reconnue de ce péril imminent a conduit le Gouvernement à proposer au Parlement de proroger l'état d'urgence par périodes successives.
L'état d'urgence est un régime temporaire, activé dans des circonstances exceptionnelles pour faire face à un péril imminent et justifiant, pour cette raison et pour une durée limitée, de renforcer les pouvoirs confiés à l'autorité administrative pour garantir l'ordre et la sécurité publics, en limitant de manière proportionnée l'exercice de certaines libertés publiques.
Si le péril imminent prend un caractère durable, en particulier avec le développement de nouvelles formes de terrorisme, il devient nécessaire, pour tenir compte de cette appréciation de la menace, de doter l'État de nouveaux instruments permanents de prévention et de lutte contre le terrorisme, en réservant les outils de l'état d'urgence à une situation exceptionnelle.
Ainsi, parallèlement aux prolongations de l'état d'urgence intervenues depuis février 2016, plusieurs dispositions législatives ont été adoptées afin de renforcer les capacités du pays à lutter contre le terrorisme en dehors du cadre spécifique de l'état d'urgence.
Ces lois ont utilement renforcé les moyens de droit commun de lutte contre le terrorisme, que ce soit dans sa dimension pénale ou par la prévention des actes de terrorisme ; cependant la permanence et l'évolution des modes d'action utilisés lors des derniers attentats perpétrés sur le sol national conduisent à devoir adapter les réponses qui peuvent y être apportées.
Tel est l'objet du présent projet de loi qui poursuit un triple objectif.
En premier lieu, il vise à permettre une sortie maîtrisée de l'état d'urgence déclaré depuis le 14 novembre 2015, en introduisant dans notre droit les nécessaires mesures pour lutter contre le terrorisme. De ce point de vue, il complète les lois adoptées ces dernières années, en offrant à l'autorité administrative des outils permettant de mieux prévenir les actions terroristes qui peuvent prendre des formes très variées.
Ces mesures se distinguent de celles applicables en état d'urgence par un encadrement beaucoup plus fort de leur mise en oeuvre, par une finalité exclusive de prévention des actes de terrorisme et par un champ d'application restreint aux personnes constituant une menace d'une gravité très élevée pour l'ordre et la sécurité publics, compte tenu de leur relations habituelles avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme ou de leur soutien ou adhésion à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme en France ou à l'étranger ou faisant l'apologie de tels actes.
Sont ainsi prévues par le présent projet de loi :
- Des mesures de surveillance pouvant être prises par le ministre de l'intérieur à l'égard de personnes représentant une menace d'un niveau élevé de gravité, appréciée selon les critères sus mentionnés, à des seules fins de prévention du terrorisme et inspirées de celles mise en oeuvre lors du contrôle des retours sur le territoire national de personnes qui se sont rendues ou ont tenté de rejoindre un théâtre d'opérations de groupements terroristes. Ces mesures peuvent être prises à l'égard de personnes toujours assignées à résidence à la fin de l'état d'urgence, à condition toutefois que les conditions, plus restrictives posées par le projet de loi, soient réunies, mais aussi à l'égard de toute personne identifiée comme répondant aux critères fixés par la loi ;
- Des mesures réglementaires permettant au préfet, dans un contexte de menace terroriste élevée d'assurer la sécurité de lieux ou d'événements soumis à un risque d'actes de terrorisme à raison de leur nature ou de l'ampleur de leur fréquentation, en établissant un périmètre de protection autour de ces lieux ou bâtiments et au sein duquel l'entrée est soumise à un filtrage. Cette disposition vise à permettre d'assurer la sécurité de l'espace comme ce fut le cas pour la COP 21, des fans zones de l'Euro 2016 ou encore de marchés de Noël et d'autres événements festifs, sportifs ou culturels. Elle s'avère indispensable compte tenu des nouveaux modes d'action empruntés par les actions terroristes (camion-bélier, attentat isolé au sein d'une foule, etc.) ;
- Une mesure de fermeture des lieux de cultes, absente de la loi de 1905 qui contient néanmoins une réserve d'ordre public permettant de la justifier. Cette fermeture peut intervenir seulement aux fins de prévenir des actes de terrorisme, pour une durée maximale de six mois, à l'égard des lieux de culte incitant à la commission d'actes de terrorisme ou à la violence. La disposition entoure la fermeture de plusieurs garanties permettant d'assurer une conciliation équilibrée entre les nécessités du maintien de l'ordre public et les libertés de réunion et d'exercice du culte ;
- Enfin, le projet de loi prévoit la possibilité pour le préfet d'ordonner la visite de tout lieu dont il existe des raisons sérieuses de penser qu'il est fréquenté par une personne répondant aux mêmes critères que ceux définis pour les mesures de surveillance, toujours aux fins de prévenir des actes de terrorisme. Cette visite peut s'accompagner de la saisie de documents, objets ou données qui se trouvent dans ce lieu. Afin d'offrir des garanties élevées, la disposition opère un resserrement du champ d'application et subordonne la réalisation de la mesure à une autorisation du juge des libertés et de la détention près le Tribunal de grande instance de Paris. L'accès aux données informatiques contenues dans un équipement présent sur les lieux de la perquisition, de même que la saisie et l'exploitation de ces données, sont soumis à un régime procédural comportant de nombreuses garanties dont l'intervention, à nouveau, du juge des libertés et de la détention.
Ces dispositions fournissent de nombreuses garanties qui ne figurent pas dans la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence. Le présent projet de loi cible les finalités de ces mesures, les personnes pouvant en faire l'objet et encadre strictement leurs modalités de mise en oeuvre, de sorte qu'elles sont conformes à ce qui est nécessaire dans une société démocratique pour assurer un équilibre entre la sécurité et l'ordre publics et la protection des droits et libertés.
En deuxième lieu, le projet de loi adapte au droit
de l'Union européenne, et pérennise, le système de suivi
des données « passagers » des voyageurs
aériens, permettant aux services de sécurité et de
renseignement de les utiliser pour diverses finalités, notamment la
prévention et la détection des infractions terroristes. Il assure
la compatibilité de ce système avec la directive (UE) 2016/681
relative à l'utilisation des données des dossiers passagers (PNR)
pour la prévention et la détection des infractions terroristes et
des formes graves de criminalité, ainsi que pour les enquêtes et
les poursuites en la matière (dite « directive
PNR ») adoptée le 21 avril 2016.
Un système national de centralisation des données des dossiers passagers du transport maritime à destination ou au départ de la France, distinct du système « PNR » concernant les passagers du transport aériens, est également créé, toujours afin de prévenir et de détecter les infractions terroristes, grâce à l'exploitation par les services de sécurité, avant l'appareillage du navire, des données d'enregistrement des passagers collectés par les compagnies de transport maritime reliant y compris deux points du territoire métropolitain
En troisième lieu, le projet de loi tire les conséquences de la décision n° 2016-590 QPC du 21 octobre 2016 par laquelle le Conseil constitutionnel a censuré, avec effet différé au 31 décembre 2017, les dispositions de l'article L. 811-5 du code de la sécurité intérieure qui permettent aux pouvoirs publics de prendre, à des fins de défense des intérêts nationaux, des mesures de surveillance et de contrôle des transmissions empruntant la voie hertzienne, sans respecter de procédure particulière.
Le livre VIII du code de la sécurité intérieure est modifié pour permettre aux services de renseignement d'intercepter et d'exploiter les communications électroniques empruntant la voie exclusivement hertzienne et n'impliquant pas l'intervention d'un opérateur de communications électroniques exploitant un réseau ouvert au public dans un cadre légal doté des garanties appropriées. La définition restrictive de ces communications garantit que l'ensemble des mesures d'interception et d'exploitation des communications n'empruntant qu'accessoirement la voie hertzienne demeure soumis aux dispositions du livre VIII du code de la sécurité intérieure, applicables aux techniques de renseignement et aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales.
Enfin, le projet de loi vise à renforcer les contrôles dans les zones frontalières intérieures et extérieures, y compris autour des ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières ouverts au trafic international, afin de mieux contrôler l'immigration et prévenir les actes de terrorisme. Concrètement, il s'agit de mettre en oeuvre un dispositif pérenne, respectueux des exigences résultant du règlement européen portant code frontières Schengen, dans un contexte où les impératifs de sécurité publique ne sauraient être garantis par le seul recours temporaire au rétablissement des contrôles aux frontières intérieures.
RÉCAPITULATIF DES MESURES D'APPLICATION DU PROJET DE LOI
Article du PJL |
Type de texte |
Objet de la mesure |
Article 1 er |
Décret en conseil des ministres et en Conseil d'Etat |
Modification du décret n° 2004-374 du 24 avril relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements pour : - préciser la compétence préfectorale de l'institution des zones de protection et des agréments des agents privés de sécurité pour effectuer les palpations de sécurité, notamment : • s'agissant des départements de la petite couronne ainsi que sur les parties de l'emprise de l'aérodrome de Paris-Charles de Gaulle situées dans les départements du Val-d'Oise et de Seine-et-Marne, sur les parties de l'emprise de l'aérodrome du Bourget situées dans le département du Val-d'Oise et sur les parties de l'emprise de l'aérodrome de Paris-Orly situées dans le département de l'Essonne (compétence du préfet de police) • et s'agissant du département des Bouches-du-Rhône (préfet de police des Bouches-du-Rhône) - préciser également que le préfet compétent pour instituer le périmètre de protection aura également compétence pour agréer les agents privés de sécurité à effectuer les palpations de sécurité dans ce périmètre. |
Article 3 |
Décret en Conseil d'Etat |
Préciser les modalités d'application de l'article L. 228-3 du CSI : - placement sous surveillance électronique en lieu et place de l'obligation de présentation ; - conditions de mise en oeuvre du dispositif technique de placement sous surveillance électronique par une personne de droit privée habilitée à cette fin. |
Décret en Conseil d'Etat |
Préciser les conditions d'application de l'article L. 228-4 du CSI : déclaration des identifiants de tout moyen de communication électronique ; interdiction de se trouver en relation avec certaines personnes dont il existe des raisons sérieuses de penser que leur comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre public ; signalement des déplacements à l'intérieur d'un périmètre ne pouvant être plus restreint que le territoire d'une commune ; déclaration du domicile. |
|
Article 5 |
Décret en Conseil d'Etat |
Modification des articles R. 232-12 à R. 232-18 du CSI (issus du décret n° 2014-1095 du 26 septembre 2014) Modification du décret n° 2014-1566 du 22 décembre 2014 portant création d'un service à compétence nationale dénommé « Unité Information Passagers » (UIP) |
Décret simple |
Modification du décret n° 2014-1566 du 22 décembre 2014 portant création d'un service à compétence nationale dénommé « Unité Information Passagers » (UIP) |
|
Article 6 |
Décret en Conseil d'Etat |
Modalités d'application de l'article L. 232-7-1 du CSI |
Article 10 |
Arrêté interministériel |
Désignation des péages autoroutiers comme points de passage frontaliers autour desquels des contrôles et vérifications peuvent être effectuées. |
RÉCAPITULATIF DES CONSULTATIONS MENÉES
Articles du projet de loi |
Consultations menées |
Articles 2 et 3 |
Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel |
Articles 8 et 9 |
Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement |
ARTICLE 1 ER : PERIMETRES DE PROTECTION
1. Diagnostic
1.1 État des lieux
L'article 5 de la loi n o 55-385 du 3 avril 1955 donne pouvoir au préfet dont le département se trouve en tout ou partie compris dans une circonscription dans laquelle l'état d'urgence a été déclaré pour « instituer, par arrêté, des zones de protection ou de sécurité où le séjour des personnes est réglementé ». Cette mesure permet ainsi au préfet, et pas seulement au maire, de sécuriser certains lieux en instaurant des restrictions d'accès, individuelles ou collectives, lors de rassemblements humains liés à de grands évènements ou à des contingences particulières (en particulier les élections).
Depuis le début de la mise en oeuvre de l'état d'urgence en novembre 2015, cette mesure a été utilisée à près de 80 occasions pour la sécurisation de différents types d'évènements.
D'une part, dans le cadre de manifestations sportives ou récréatives afin de garantir la sécurité d'événements tels que l'Euro de football en juin 2016 ou l'arrivée du tour de France de cyclisme, des zones de protection ou de sécurité ont été instituées, notamment à Paris, Toulouse ou encore Marseille. Ces arrêtés ont été accompagnés de différentes mesures telles que l'interdiction de transport, de vente ou de consommation d'alcool, l'interdiction de mobiliers sur les terrasses à partir d'une certaine heure voire l'interdiction de port d'artifices de divertissement ou d'armes, mêmes factices.
D'autre part, des zones de protection et de sécurité ont pu être instituées pour limiter le trajet et l'accès à des manifestations revendicatives telles celles qui se sont déroulées à l'occasion de l'examen du projet de loi relatif au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels au printemps 2016.
Enfin, des zones ont pu être instaurées pour interdire l'accès de personnes à des lieux particulièrement sensibles telle la rocade jouxtant le port de Calais par laquelle des migrants en situation illégale tentent de gagner l'Angleterre, ou encore pour sécuriser, à Marseille, l'inauguration de Marseille Provence Capitale européenne du sport 2017 .
Sur les trois grands bassins de population de Paris, Toulouse et Marseille, dix zones de protection et de sécurité ont été créées depuis le début de l'état d'urgence. Elles ont été accompagnées de :
- onze mesures d'interdictions d'introduire, de détenir et de transporter tout objet pouvant constituer une arme au sens de l'article 132-75 du code pénal ou pouvant servir de projectile présentant un danger pour la sécurité des personnes et des biens, en particulier les bouteilles en verre ;
- onze mesures d'interdictions d'introduire, de détenir ou d'utiliser des artifices de divertissements, des articles pyrotechniques, des combustibles domestiques, dont le gaz inflammable, et des produits pétroliers dans tout récipient transportable, des armes à feu, y compris factices, et des munitions ;
- sept mesures d'interdictions d'introduire, de porter ou d'exhiber des insignes, signes ou symboles rappelant une idéologie raciste ou xénophobes ;
- huit mesures d'interdictions d'introduire des animaux dangereux ;
- sept mesures d'interdictions de manifestation ou de rassemblements ;
- six mesures d'interdictions de vente ou de consommation d'alcool ;
- dix dispositions explicites portant obligation de se soumettre aux mesures d'inspection liées au filtrage ;
- six dispositions relatives au filtrage ou à l'interdiction du stationnement et de la circulation des véhicules.
A Paris, sept arrêtés instituant des zones de protection et de sécurité ont été pris par le préfet de police dans l'enceinte de la gare du Nord, au Parc des princes, au Champ de Mars, au Trocadéro et sur l'avenue des Champs-Elysées dans le cadre des différents évènements qui s'y sont déroulés : organisation de l'Euro 2016 de football, festivité du 14 juillet, arrivée du Tour de France cycliste ou encore Paris-Plage.
En ce qui concerne l'Euro 2016, durant la durée du championnat, 210 personnes ont été interpellées dans le cadre des zones de protection et de sécurité (50 au Parc des Princes et 160 sur le Champs de Mars) parmi lesquelles 14 ont été déférées. D'autres interpellations ont été réalisées dont 6 pour l'arrivée du tour de France cycliste et 72 durant l'opération Paris-Plage. Parmi ces dernières, 24 personnes ont été déférées.
Il n'existe pas d'équivalent de cette mesure en droit commun, y compris en cas de risque de trouble à l'ordre public lié à une menace terroriste et alors même qu'elle pourrait avoir le même objectif de sécurisation via le filtrage et le contrôle des personnes souhaitant y pénétrer.
Ainsi, sauf trouble grave à l'ordre public déjà constaté ou hautement prévisible (catastrophe naturelle, risque d'éboulement), l'autorité de police générale ne dispose pas de la possibilité de déterminer un périmètre de protection autour des bâtiments publics ou d'édifices privés qui, par leur affectation ou leur situation, constituent des cibles privilégiées pour les auteurs d'attentats.
Cette possibilité existe en revanche pour les lieux où se déroule une manifestation sportive (article L. 332-16-2 du code du sport qui permet aux préfets de définir autour d'un stade un périmètre dont l'accès peut être interdit à certaines personnes, supporters d'un club, ou de certains d'entre eux par exemple ceux démunis de billets) ou, de manière générale, autour de certains bâtiments publics officiels ou autour de certains points d'importance vitale (en application de l'article L. 1332-2-1 du code de la défense). Toutefois, cette possibilité est strictement limitée à certains endroits qui ne coïncident pas nécessairement avec les lieux pouvant être exposés à la menace d'actes terroristes, à raison de l'ampleur de leur fréquentation ou de leur caractère symbolique.
De même, si le nouveau dispositif prévu à l'article L. 211-11-1 du code de la sécurité intérieure permet désormais aux organisateurs de grands évènements exposés par leur ampleur ou leurs circonstances particulières, à un risque exceptionnel de menace terroriste désignés par décret, de soumettre l'accès à des lieux en lien avec cet évènement, pour toute personne, autre que spectateur ou participant, à autorisation délivrée après enquête préalable et avis de l'autorité administrative, le refus ne pouvant être fondé que sur un comportement ou des agissements de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'État, ce système exclut explicitement les spectateurs ou participants et ne concerne ainsi que les professionnels amenés à intervenir dans les lieux accueillant des grands évènements.
En revanche, le droit prévoit déjà que le contrôle d'accès à certains lieux, tels que des bâtiments nationaux ou communaux ainsi que tous bâtiments nécessitant la surveillance et le gardiennage (stade, grands magasins, etc.) peut être assuré via des opérations d'inspection visuelle des bagages, voire de fouilles et de palpations de sécurité.
Ces opérations peuvent être réalisées par les forces de l'ordre sur le fondement des articles 78-2-2 et 78-2-4 du code de procédure pénale. Ces derniers peuvent également, dans le cadre d'un contrôle d'identité, effectuer des palpations de sécurité (article R. 434-16 du code de la sécurité intérieure) qui constituent exclusivement une mesure de sûreté, destinée à garantir la sécurité du policier ou du gendarme qui l'accomplit ou de celle d'autrui et à vérifier que la personne contrôlée n'est pas porteuse d'un objet dangereux pour elle-même ou pour autrui. La loi ne consacre toutefois pas la possibilité d'effectuer de telles palpations en dehors des opérations de contrôle d'identité.
Les policiers municipaux (article L. 511-1 du code de la sécurité intérieure) peuvent également procéder à l'inspection visuelle des bagages et, avec le consentement des personnes, à leur fouille, lorsqu'ils sont affectés, sur décision du maire, à la sécurité d'une manifestation sportive, récréative ou culturelle mentionnée à l'article L. 613-3 du code de la sécurité intérieure ou à la surveillance de l'accès à un bâtiment communal (modification introduite par l'article 21 de la loi n° 2017-258 du 28 février 2017 relative à la sécurité publique). Ils peuvent également procéder, avec le consentement exprès des personnes, à des palpations de sécurité. Dans ce cas, la palpation de sécurité doit être effectuée par une personne de même sexe que la personne qui en fait l'objet.
Enfin, les agents privés de sécurité ne peuvent, quant à eux, assurer cette fonction qu'à l'intérieur des bâtiments ou dans les limites des lieux dont ils ont la garde (article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure), leur intervention sur la voie publique pour des missions de surveillance contre des vols, dégradations et effractions visant les biens dont ils ont la garde ne pouvant être autorisée qu'à titre tout à fait exceptionnel (article L. 613-1 du code de la sécurité intérieure). Pour l'exercice de ces missions, ils disposent de deux prérogatives : l'inspection visuelle et la fouille des bagages, d'une part, les palpations de sécurité, d'autre part (article L. 613-2 du code de la sécurité intérieure).
Ces palpations de sécurité peuvent être réalisées à deux occasions :
- lorsqu'il existe des circonstances particulières liées à l'existence de menaces graves pour la sécurité publique ; elles sont alors constatées par un arrêté du préfet qui définit précisément les lieux ou catégories de lieux concernés ainsi que la durée (article L. 613-2 du code de la sécurité intérieure). Les palpations de sécurité sont réalisées uniquement à l'accès des enceintes ou lieux ayant fait l'objet de la délimitation par le préfet, par une personne de même sexe que la personne qui en fait l'objet et avec son consentement express. Pour pouvoir effectuer ces palpations, les agents privés de sécurité doivent être titulaires d'un agrément également délivré par le préfet ;
- lors de manifestations sportives, récréatives ou culturelles rassemblant plus de 300 spectateurs (article L. 613-3 du code de la sécurité intérieure), elles sont effectuées par des agents privés de sécurité agréés par la commission d'agrément et de contrôle compétente du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS). Ces derniers sont placés sous le contrôle d'un officier de police judiciaire.
1.2 Éléments de droit comparé
Si la menace terroriste se maintient à un niveau élevé partout en Europe, la France reste le seul Etat où un régime d'exception tel que l'état d'urgence est en vigueur. Pour autant, les Etats voisins de la France disposent de mesures permettant d'assurer la sécurité de certaines zones.
Ainsi, une dizaine de jours après l'attentat du 19 décembre 2016 contre un marché de Noël à Berlin qui a fait douze morts et une cinquantaine de blessés, des mesures de sécurité sans précédent ont été prises par le gouvernement allemand pour assurer le bon ordre et la sécurité publics lors de la nuit de la Saint-Sylvestre. A Cologne en particulier, 1 500 policiers ont été déployés au sein d'une zone aux abords de laquelle des mesures d'inspection-filtrage ont été instaurées. Plusieurs mesures d'interdiction ont été prises à cette occasion, comme l'interdiction de transporter des pétards, des bouteilles en verre, des objets contondants et certains types de sacs (à dos ou de grande taille). La circulation des véhicules a également été interdite et des blocs de béton ont été installés à différents points de passage afin de prévenir l'irruption de véhicules comme celui qui avait frappé le marché de Noël.
A l'occasion du cinquantième anniversaire de la signature du traité de Rome en mars dernier, compte tenu de la menace terroriste, de l'attentat perpétré à Londres et des tentatives déjouées à Anvers et à l'aéroport d'Orly, l'Italie a mis en place un dispositif de sécurité conséquent et mobilisé de 3 000 policiers au sein d'une zone couvrant la colline du Capitole ainsi que les lieux qui ont accueilli l'essentiel des commémorations. La préfecture a imposé une interdiction de survol du centre-ville, l'accès à certains sites et monuments a été interdit, de même que le port de casques ou d'objets pouvant dissimuler le visage.
A la suite des attentats de Paris en novembre 2015 et face à une menace « imminente », le gouvernement belge avait élevé son niveau d'alerte terroriste à 4 pour la région bruxelloise, l'aéroport de Bruxelles et la commune flamande de Vilvorde. Cette décision avait été prise en raison d'un « risque d'attentat tel que déroulé à Paris », avec pour cibles potentielles « les rues commerçantes, les manifestations, les lieux animés et les transports ».
Des mesures inédites avaient donc été mises en place : toutes les stations de métro, les centres commerciaux, les complexes cinémas, et la plupart des musées ont été fermés. Les marchés, les compétitions sportives ainsi que certains concerts avaient aussi été annulés.
Les récents attentats survenus au Royaume Uni, à Manchester puis à Londres, dans des lieux très fréquentés, démontrent l'opportunité de pouvoir procéder à de tels filtrages pour l'accès à des évènements ou des lieux très fréquentés.
1.3 Normes conventionnelles et constitutionnelles applicables
En ce qui concerne la mise en place d'une zone de protection et de sécurité, aucune norme conventionnelle ni constitutionnelle ne s'y oppose, cette mesure s'analysant comme une restriction à la liberté d'aller et venir, justifiée par l'objectif de sauvegarde de l'ordre public, dans le seul but de prévention des actes de terrorisme.
Il appartient en effet au législateur d'assurer la conciliation entre ces objectifs de valeur constitutionnelle et l'exercice des libertés publiques constitutionnellement garanties, au nombre desquelles figurent notamment la liberté individuelle et la liberté d'aller et venir ( décisions n° 2010-604 DC du 25 février 2010 1 ( * ) , n° 99-411 DC du 16 juin 1999 2 ( * ) et n° 2003-467 DC du 13 mars 2003 3 ( * ) ).
En ce qui concerne les personnes intervenant dans le cadre de ces périmètres de protection, la surveillance de la voie publique constitue l'une des missions de la puissance publique : il n'existe donc aucun obstacle constitutionnel à ce que les forces de sécurité intérieure participent à cette surveillance, par la mise en oeuvre de contrôles tels que l'inspection visuelle des bagages, les palpations de sécurité, voire la visite des véhicules dès lors que celle-ci n'est pas imposée à son propriétaire, qui conserve la liberté de renoncer à accéder au périmètre filtré. Ceci explique l'absence d'autorisation du procureur de la République, qui n'est exigée que pour passer outre au refus exprès du propriétaire du véhicule de voir son véhicule visité 4 ( * ) .
De même, les policiers municipaux peuvent déjà effectuer ce type de missions définies à l'article L. 511- 1 du code de la sécurité intérieure, notamment « les tâches que le maire leur confie en matière de prévention de surveillance du bon ordre, de la tranquillité, de la sécurité et de la salubrité publiques ». Par suite, dès lors que leur présence, requise par le préfet, est autorisée par le maire, aucun obstacle constitutionnel ne s'oppose à ce qu'ils participent à l'exercice de ces missions. Par ailleurs, la possibilité d'opérer des palpations de sécurité, inspection visuelle et fouille des bagages, à l'accès comme à l'intérieur du périmètre, leur est déjà ouverte lorsqu'ils sont affectés, sur décision du maire, à la sécurité d'une manifestation sportive, récréative ou culturelle rassemblant plus de 300 spectateurs en application des dispositions de l'article L. 613-3 du code de la sécurité intérieure.
L'association de la sécurité privée aux opérations de surveillance de la voie publique est en revanche étroitement encadrée par les principes constitutionnels qui assurent la prééminence de la sécurité publique en application de l'article 12 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 selon lequel « la garantie des droits de l'Homme et du Citoyen nécessite une force publique ». L'entreprise de sécurité privée ne peut donc se substituer à la puissance publique pour assurer des missions de surveillance générale de la voie publique 5 ( * ) .
Cette garantie fait obstacle à ce que le législateur privatise le service public de sécurité. Néanmoins, des évolutions jurisprudentielles ont rendu moins strictes les limites entre les secteurs public et privé en matière de sécurité permettant ainsi une forme de coopération avec les forces de l'ordre, dans laquelle s'inscrivent les présentes dispositions.
La jurisprudence admet une intervention limitée des agents privés de sécurité pour l'exécution des mesures de police.
Tout en confirmant l'interdiction de délégation du pouvoir de police à une personne privée, la jurisprudence a ainsi admis la possibilité pour des acteurs de la sécurité privée d'intervenir au titre de l'exécution de mesures de police, dans le cadre de limites strictes mais assouplies ces dernières années.
• L'interdiction de délégation de missions de police à des personnes privées.
Dans sa décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011 , le Conseil Constitutionnel a invalidé des dispositions de la LOPPSI II permettant de « déléguer à une personne privée des compétences de police administrative générale inhérentes à l'exercice de la force publique nécessaire à la garantie des droits ». Il a en effet considéré qu'en autorisant toute personne morale à mettre en oeuvre des dispositifs de surveillance au-delà des abords « immédiats » de ses bâtiments et installations et en confiant à des opérateurs privés le soin d'exploiter des systèmes de vidéoprotection sur la voie publique et de visionner les images pour le compte de personnes publiques, ces dispositions permettaient d'investir des personnes privées de missions de surveillance générale de la voie publique.
Cette jurisprudence est appliquée de manière constante par le Conseil d'État qui considère « que le service de la police rurale, par sa nature, ne saurait être confié qu'à des agents placés sous l'autorité directe de l'administration [et] qu'en confiant la charge de ce service à une fédération de propriétaires privés, le conseil municipal [avait] excédé ses pouvoirs » (CE, 1932, Ville de Castelnaudary ou encore CE, 1994 Commune de Menton ).
Il n'est donc pas possible, en principe, de déléguer à des personnes privées, des tâches inhérentes à l'exercice par l'État de ses missions de souveraineté.
• L'atténuation du principe d'interdiction en matière d'exécution des mesures de police, notamment à la marge de la mission de police proprement dite.
Si le principe d'interdiction de délégation du service public de la sécurité n'a jamais en lui-même été remis en cause, il a néanmoins fait l'objet d'aménagements liés aux contraintes organisationnelles des missions de sécurité. Les juges ont ainsi tracé une frontière entre missions de souveraineté non susceptibles de délégation et missions accessoires aux missions de police et visant à leur exécution.
En qui concerne les secondes, le juge administratif a, de manière très pragmatique, assoupli sa position en retenant un critère fondé sur la notion de « prestations techniques détachables des fonctions de souveraineté » ( décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002 ).
Ainsi, certaines opérations ne visant qu'à exécuter des mesures de police, peuvent-elles être mises en oeuvre par des opérateurs privés. Tel est le cas des opérations de mise en oeuvre d'un dispositif technique relatif au placement sous surveillance électronique d'une personne mise en examen dans le cadre d'un contrôle judiciaire ( décision n° 2002-461 précitée) ,des opérations d'enlèvement et de transport des véhicules placés en fourrière par l'autorité de police ( CE, Ministre de l'intérieur c/ Chambrin, 24 mai 1968 ) ou encore des opérations de transport des personnes placées par l'autorité administrative dans un centre de rétention à condition qu'elles ne portent que sur la conduite et les mesures de sécurité inhérentes à cette dernière, à l'exclusion de ce qui concerne la surveillance des personnes au cours du transport qui doit demeurer assurée par l'État ( décision n° 2003-484 du 20 novembre 2003 afférente à la loi relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité ).
• L'association restreinte des opérateurs privés à la surveillance de la voie publique.
La surveillance de la voie publique relève d'une mission ressortissant exclusivement des pouvoirs de police administrative générale du maire, en application de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales qui définit l'objet de la police municipale : assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques.
Par suite, l'action des entreprises de sécurité privée est par définition limitée sur la voie publique. Pour autant, le monopole de l'autorité de police n'interdit pas la présence d'agents de sécurité privée sur la voie publique, dans des conditions fixées par la loi.
À cet égard, l'article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure définit les missions qui peuvent être confiées à des prestataires privés :
- la surveillance de biens meubles ou immeubles ainsi que la sécurité des personnes se trouvant à l'intérieur de ces immeubles ;
- l'article L. 613-1 6 ( * ) prévoit en outre que ces agents ne peuvent exercer leurs fonctions qu'à l'intérieur des bâtiments ou dans la limite des lieux dont ils ont la garde, ce qui comprend déjà des lieux ouverts au public (abords, perron, devanture) ;
- le deuxième alinéa de l'article L. 613-1 permet également la surveillance sur la voie publique à titre exceptionnel, sur autorisation du représentant de l'État, et dans le seul but de surveiller, contre les vols et dégradations, les biens dont ils ont la garde.
A ce titre, les agents de sécurité privée peuvent déjà réaliser des opérations d'inspections-filtrage (fouille des bagages et palpations de sécurité) sur le fondement de l'article L. 613-2 du code de la sécurité intérieure, en cas de circonstances particulières liées à l'existence de menaces graves pour la sécurité publique.
Ils peuvent également effectuer ces opérations, sous le contrôle d'un officier de police judiciaire, pour sécuriser l'accès aux manifestations sportives, récréatives ou culturelles rassemblant plus de 300 spectateurs en application de l'article L. 613-3 du même code.
Deux fondements peuvent donc servir à justifier l'intervention des agents de sécurité privée sur la voie publique :
- soit considérer, dans la continuité des évolutions récentes, que les tâches d'inspection et de filtrage qu'ils accomplissent sous le contrôle d'un officier de police judiciaire constituent des mesures d'exécution des mesure de police édictées par l'autorité de police (instauration d'un périmètre de protection) à l'instar de ce qui a pu être considéré pour les opérations de pose et dépose du bracelet électronique mobile (cf. supra, jurisprudence du Conseil constitutionnel précitée) ;
- soit considérer que l'enceinte constituée par le périmètre de protection institué par le préfet et qui est soumise à autorisation d'accès, ne constitue plus la voie publique, puisque soumise à des conditions d'accès restrictives mais devient un lieu dont ils ont la garde, ce qui fonde leur intervention. A cette fin, l'article L. 613-4 du code de la sécurité intérieure qui prévoit que ces agents ne peuvent exercer leurs fonctions qu'à l'intérieur des bâtiments ou dans la limite des lieux dont ils ont la garde, est complété de la locution « y compris les périmètres de protection institués en application des dispositions de l'article L. 226-1 »
2. Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis
2.1 Nécessité de légiférer
Afin de garantir la continuité de la sécurité des grands évènements dans un contexte persistant de menace terroriste, il est nécessaire de disposer de règles adaptées.
Par ailleurs, comme rappelé ci-dessus, l'exercice par des agents privés de sécurité ou des policiers municipaux des mesures d'inspection-filtrage doit être encadré par la loi. Il est dès lors indispensable de modifier le cadre législatif existant afin de permettre l'intervention des policiers municipaux et des agents privés de sécurité au sein des périmètres de protection.
2.2 Objectifs poursuivis
Hors état d'urgence, il s'agit de donner la possibilité au préfet de sécuriser un lieu ou un évènement soumis à un risque d'actes de terrorisme à raison de sa nature ou de l'ampleur de sa fréquentation, en instituant par arrêté un périmètre de protection où l'accès et la circulation sont réglementés.
A la différence des zones de protection ou de sécurité de l'état d'urgence, dont la justification est en partie fournie par la déclaration même de l'état d'urgence ainsi que par les circonstances propres à la zone à protéger, le périmètre de protection que le préfet peut établir en application des dispositions prévues à cet article ne concerne que des lieux ou des événements (grands rassemblements festifs, culturels, manifestations, grands événements internationaux) soumis à un risque d'actes de terrorisme à raison de leur nature ou de l'ampleur de leur fréquentation, qui en font des cibles privilégiées.
L'instauration d'un périmètre de sécurité permettrait :
- de s'assurer que les personnes souhaitant y accéder ne sont pas munies d'objets dangereux ;
- d'empêcher l'accès au périmètre de sécurité des personnes qui refuseraient de se soumettre au contrôle ;
- de permettre aux forces de l'ordre, aux policiers municipaux et aux agents privés de sécurité, sous le contrôle des premiers, d'effectuer les inspections visuelles et les palpations de sécurité à l'entrée et au sein du périmètre ;
- de présenter un caractère dissuasif à l'égard des potentielles personnes susceptibles de commettre un acte terroriste.
Ces pouvoirs sont confiés aux policiers et aux gendarmes (officiers et agents de police judiciaire), comme ils peuvent déjà en user d'initiative en police administrative, mais sous le contrôle du procureur de la République (article 78-2-4 du code de procédure pénale) ; ils peuvent également être confiés à des agents de police municipale, uniquement pour filtrer l'accès au périmètre protégé ainsi que, pour optimiser l'utilisation des forces de sécurité intérieure, à des agents de sécurité privée. Ces derniers possèdent déjà, en l'état du droit, des pouvoirs similaires à l'intérieur des bâtiments ou dans la limite des lieux dont ils ont la garde ; les périmètres de protection y sont dès lors assimilés.
3. Options
3.1 Option permettant uniquement aux forces de l'ordre d'intervenir sur le périmètre de protection
Une première option consistant à confier aux seules forces de l'ordre, la sécurité des périmètres de protection a été étudiée.
Cependant, les inspections visuelles, les fouilles des sacs ou les palpations de sécurité, sont d'ores et déjà effectuées par des agents de la police municipale ou par des agents privés de sécurité dans les conditions rappelées ci-dessus. Dans le contexte actuel, il apparaît essentiel de pouvoir faire appel à l'ensemble des forces en présence afin de sécuriser des lieux faisant face à des menaces d'actes terroristes.
3.2 Option permettant aux forces de l'ordre et aux policiers municipaux d'intervenir au sein du périmètre de protection, les agents privés de sécurité ne pouvant effectuer des mesures d'inspection-filtrage qu'à l'entrée du périmètre de protection
Il aurait pu être envisagé de limiter l'exercice des palpations de sécurité, par des agents privés de sécurité, au seul accès au périmètre de protection mais non en son sein. Dans ce cas, seuls les forces de l'ordre et les policiers municipaux, avec accord du maire, auraient pu effectuer ces mesures au sein du périmètre.
Cette option correspond au droit commun actuel puisque les forces de sécurité et les policiers municipaux (dans les conditions prévues aux articles L. 511- 1 et L. 611-3) peuvent déjà effectuer ce type de missions, et que les agents privés de sécurité peuvent également effectuer des contrôles pour le seul accès aux enceintes où se déroulent certaines manifestations (article L. 613-3 du CSI) ainsi que dans certains lieux en cas de circonstances particulières liées à l'existence de menaces graves pour la sécurité publique (article L. 613-2 du CSI).
L'organisation en France de l'Euro 2016 a démontré que ce système de coopération fonctionne puisque 13 000 agents privés ont été déployés afin de sécuriser les stades ainsi que les fans-zones sur un dispositif global qui a rassemblé 100 000 personnes (policiers, gendarmes, militaires, pompiers ...).
3.3 Option permettant aux agents privés de sécurité et aux policiers municipaux d'effectuer des mesures d'inspection-filtrage au sein du périmètre de protection en complément de l'action des forces de l'ordre
Dans un contexte de coopération de plus en plus poussée entre les acteurs publics et privés, il est apparu possible d'utiliser l'ensemble des acteurs de la sécurité afin d'assurer une protection optimale des périmètres de protection, les agents de la police et de la gendarmerie nationales pouvant alors dans ce périmètre se concentrer sur d'autres tâches (contrôle d'identité, constat d'infraction...).
Ainsi, dans cette dernière option, retenue par le projet d'article 1 er , les agents privés de sécurité peuvent effectuer des missions d'inspection-filtrage non seulement à l'entrée du périmètre de protection mais aussi en son sein, ces missions étant regardées comme l'accessoire de missions de police décidées par le préfet en instaurant un périmètre de protection.
Les agents privés de sécurité ne pourront effectuer les palpations que sous le contrôle d'un officier de police judiciaire qui sera seul habilité pour prendre les mesures qui s'imposent lorsqu'une difficulté sera détectée. En effet, les agents privés de sécurité ne disposent pas d'un pouvoir de constatation d'infraction et n'ont pas la possibilité de reconduire une personne si elle refuse de se soumettre aux opérations de palpations de sécurité et d'inspection visuelle de leurs bagages.
Quant aux policiers municipaux, ils pourront également, après accord du maire, et sous l'autorité d'un officier de police judiciaire, participer aux opérations de palpations de sécurité, inspection visuelle et fouille des bagages, à l'accès comme à l'intérieur du périmètre - une prérogative qui leur est déjà ouverte lorsqu'ils sont affectés sur décision du maire à la sécurité d'une manifestation sportive, récréative ou culturelle rassemblant plus de 300 spectateurs (article L. 613-3 du code de la sécurité intérieure).
4. Analyse des impacts des dispositions envisagées
4.1 Impacts juridiques
L'insertion dans le droit commun des périmètres de protection conduit à la création d'un nouveau chapitre VI dédié à ce dispositif, au sein du titre II du livre II du code de la sécurité intérieure. Ce chapitre est composé d'un article unique, le L. 226-1, qui dispose des conditions et des modalités de mise en oeuvre des périmètres de protection.
Par ailleurs, le livre V relatif aux agents de police municipale et le livre VI relatifs aux agents privés de sécurité sont modifiés afin de permettre à ces agents d'effectuer des palpations de sécurité dans le cadre des périmètres de protection instituées par arrêté préfectoral.
4.2 Impacts sur les personnes concernées
Les forces de l'ordre, les policiers municipaux ainsi que sur les agents privés de sécurité sont déjà formés aux mesures d'inspection filtrage.
Cependant, les agents privés de sécurité, dont le nombre peut être évalué à environ 140.000 personnes 7 ( * ) , pourront désormais exercer leur mission aux entrées ainsi qu'à l'intérieur des périmètres de protection. Les agents privés de sécurité suivent déjà un module dédié à l'inspection visuelle et aux palpations de sécurité d'une durée de 6 heures dont 3 heures de mise en pratique. Leur formation est en cours de modification, un module « savoir contrôler les accès » d'une durée de 9 heures devrait être prévu ainsi qu'un module relatif à la prévention des actes terroristes d'une durée de 13 heures. Ce dernier module a déjà été intégré à la formation continue des agents privés.
Les communes disposant d'un service de police municipale s'élèvent à 3 898 en 2016, représentant 21 454 agents. Plusieurs textes récents ont accru leurs compétences et les moyens juridiques et techniques dont ils disposent. Il en va notamment ainsi de la loi n° 2017-258 du 28 février 2017 relative à la sécurité publique qui a complété l'article L. 511-1 du CSI pour les autoriser à procéder, avec le consentement exprès des personnes, à des palpations de sécurité.
L'exercice de ces palpations de sécurité par les policiers municipaux n'est pas soumis, au préalable, à une formation obligatoire. Pour autant, le CNFPT, en charge de la formation de ces agents, a intégré une formation aux palpations de sécurité dans son offre de formation continue obligatoire, dispensée en cours de carrière et adaptée aux besoins des services, en vue de maintenir ou parfaire leur qualification professionnelle et leur adaptation aux fonctions qu'ils sont amenés à exercer (article L. 511-6 du CSI).
4.3 Impacts sur l'administration
L'institution d'un périmètre de protection constitue un pouvoir de police spéciale du préfet, qui déroge au droit commun selon lequel la police municipale est exercée par le maire, conformément à l'article L. 2212 du code général des collectivités territoriales, ou en zone de police d'État, par le préfet, au titre de la police de la tranquillité.
A l'heure actuelle, les préfectures sont déjà compétentes pour agréer les agents privés de sécurité pour effectuer des palpations de sécurité en cas de circonstances particulières liées à l'existence de menace grave pour la sécurité publique, en application de l'article L. 613-2 du CSI. Ainsi, l'article 2 ne constituera pas une charge administrative supplémentaire pour les préfectures.
En ce qui concerne le contrôle des agents, le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) ne sera pas affecté puisque les agents privés de sécurité exercent déjà des missions d'inspection-filtrage telles que celles qui seront autorisées dans le cadre des périmètres de protection. Le CNAPS effectue en moyenne 1900 contrôles par an. Les contrôles supplémentaires qui pourraient être occasionnés dans le cadre des périmètres de sécurité pourront donc être effectués à effectifs constants. Par ailleurs, l'article L. 611-2 du CSI prévoit déjà que les commissaires de police, les officiers de police et les officiers et sous-officiers de la gendarmerie nationale peuvent assurer, pour le compte du Conseil national des activités privées de sécurité ainsi que du représentant de l'État dans le département ou, à Paris, du préfet de police, le contrôle des personnes exerçant une activité mentionnée à l'article L. 611-1.
Eu égard au nombre de périmètres de protection qui pourraient être institués, l'impact pour le CNAPS en terme de contrôles supplémentaires devrait être négligeable, d'autant que les agents privés pourront, le cas échéant, être contrôlés dans leur action par les officiers de police judiciaire sous la responsabilité desquels ils seront placés.
4.4 Impact sur les entreprises
Par l'élargissement du périmètre d'intervention des agents privés de sécurité, le secteur de la sécurité privée pourrait voir sa demande d'activité augmenter 8 ( * ) . Les entreprises privées de sécurité devront sans doute adapter leur doctrine afin de prendre en considération les particularités de mesures de contrôle au sein d'un périmètre et non plus seulement à l'entrée d'une zone spécifique.
4.5 Impact sur les collectivités territoriales
La participation des agents de police municipale au dispositif prévu par l'arrêté préfectoral pris au titre de l'article L. 226-1 du code de la sécurité intérieure respecte le principe de libre administration des collectivités territoriales. Ainsi, si le préfet peut autoriser, dans le cadre de son arrêté, certaines missions (inspection, fouille des bagages, palpation) qui seront effectuées par les forces de l'ordre relevant de l'État, en revanche, il n'a pas directement autorité sur les agents de police municipale, fonctionnaires territoriaux placés sous l'autorité du maire, en application du premier alinéa de l'article L. 511-1 du CSI. C'est pourquoi le projet de loi prévoit que l'arrêté préfectoral définissant le périmètre réglementé « peut autoriser » les agents de police municipale, sous l'autorité d'un officier de police judiciaire, à participer aux opérations de protection « après accord du maire ».
En termes de formation, l'impact pour les communes est nul, dans la mesure où les palpations de sécurité ne font pas l'objet d'une formation préalable obligatoire et où une offre de formation continue en la matière est d'ores et déjà proposée par le CNFPT.
En termes de fonctionnement des services de police municipale, dans le cas où le préfet aurait délimité un périmètre de protection s'étendant sur deux communes, les agents de police municipale de ces communes pourraient le cas échéant intervenir dans l'ensemble de ce périmètre. En effet, l'article L. 512-1 du code de la sécurité intérieure permet de mettre en commun un ou plusieurs agents de police municipale. Dans ce cas, une convention doit avoir été conclue entre les communes concernées afin de prévoir les modalités de cette mise en commun (organisation, financement) de même qu'une convention de coordination des interventions de la police municipale et des forces de sécurité de l'État, au sens des articles L. 512-4 et suivants du code de la sécurité intérieure.
La même solution prévaut dans le cas d'un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), l'article L. 512-2 du CSI autorisant le recrutement d'agents de police municipale par l'EPCI en vue de les mettre à disposition de l'ensemble des communes de l'EPCI.
Le code de la sécurité intérieure permet enfin, à son article L. 512-3, l'utilisation commune, pour un délai déterminé, sur le territoire d'une ou plusieurs communes limitrophes, de tout ou partie des moyens et des effectifs de leurs services de police municipale lors d'une manifestation exceptionnelle, à l'occasion d'un afflux important de population ou en cas de catastrophe naturelle. Ce cas de figure correspond à l'hypothèse prévue à l'article L. 226-1 et permet l'utilisation des moyens d'une police municipale dans le cas de communes voisines mais dont seulement l'une d'entre elles serait dotée d'une police municipale. L'utilisation en commun des moyens et effectifs doit alors être autorisée par arrêté du préfet, qui en fixe les conditions et les modalités au vu des propositions des maires des communes concernées.
L'hypothèse d'un périmètre de protection à cheval sur deux départements est sans objet, les conditions d'utilisation des services de police municipale relevant de leur autorité d'emploi : les maires. Tout au plus, dans le cas mentionné ci-dessus d'un recours aux dispositions de l'article L. 512-3 peut-il être précisé que, nonobstant le silence de la loi, l'autorisation préfectorale devrait revêtir la forme d'un arrêté conjoint des deux préfets de département concernés.
5. Consultation et modalités d'application
5.1 Consultation
La création des périmètres de protection ne nécessite pas de consultations particulières. En particulier, la saisine du conseil national d'évaluation des normes (CNEN) n'est pas nécessaire.
L'article 1 er du projet de loi relatif à la sécurité intérieure prévoit que l'arrêté instituant un périmètre de protection peut autoriser les agents de police municipale à procéder, aux accès ainsi qu'à l'intérieur du périmètre de protection, à des palpations de sécurité ainsi qu'à l'inspection visuelle et à la fouille des bagages après accord du maire.
En application de l'article L. 1212-2 du code général des collectivités territoriales, le CNEN est obligatoirement consulté par le Gouvernement « sur l'impact technique et financier des projets de loi créant ou modifiant des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics ».
La participation à des opérations de contrôle, qui sont déjà réalisées par ailleurs, en d'autres lieux et circonstances, par les policiers municipaux, ne peut donc être assimilée à une « norme applicable » aux collectivités.
Par ailleurs, la disposition de l'article 1 er ne présente aucun impact financier ou technique pour les collectivités locales.
- Le fait de participer ponctuellement à la sécurisation des périmètres de protection ne constitue pas une nouvelle compétence des communes qui nécessiterait de recruter de nouveaux agents. D'ores et déjà en pratique, lorsqu'un évènement d'ampleur se déroule dans une commune, les agents de police municipale sont associés aux opérations de sécurisation de cet évènement. Pour illustrer ce propos, l'article 5 des conventions types communale ou intercommunale de coordination de la police municipale et des forces de sécurité de l'État prévoit que la surveillance notamment des manifestations sportives, récréatives ou culturelles nécessitant ou non un service d'ordre à la charge de l'organisateur, est assurée, dans les conditions définies préalablement par le responsable des forces de sécurité de l'État et le responsable de la police municipale, soit par la police municipale, soit par les forces de sécurité de l'État, soit en commun dans le respect des compétences de chaque service.
- En termes d'équipement, les opérations d'inspection visuelle et de fouille de bagages, ainsi que de palpations de sécurité ne nécessitent pas l'utilisation de matériel particulier supplémentaire, au-delà des équipements dont disposent déjà les policiers municipaux dans l'exercice de leurs missions. En termes de formation enfin, l'exercice d'inspection et de fouille de bagages, et de palpations de sécurité par les policiers municipaux n'est pas soumis, au préalable, à une formation obligatoire.
- Le projet de loi ne crée pas une nouvelle compétence pour les collectivités locales dans la mesure où il s'agit d'ouvrir la possibilité, seulement après accord du maire, de participer à une opération visant à prévenir le risque terroriste, relevant de l'État. Cette participation implique la réalisation de missions qui sont déjà ouvertes aux policiers municipaux, au titre de l'article L. 511-1 du CSI qui dispose que « Affectés sur décision du maire à la sécurité d'une manifestation sportive, récréative ou culturelle mentionnée à l'article L. 613-3 du présent code ou à la surveillance de l'accès à un bâtiment communal, ils peuvent procéder à l'inspection visuelle des bagages et, avec le consentement de leur propriétaire, à leur fouille. Ils peuvent également procéder, avec le consentement exprès des personnes, à des palpations de sécurité ».
Au regard de ce qui précède, la consultation du CNEN n'apparaît donc pas nécessaire.
5.2 Application de la loi dans le temps
L'entrée en vigueur de cette mesure a lieu dans les conditions de droit commun. Les modalités d'application sont déjà précisées aux articles R. 613-6 et suivants du code de la sécurité intérieure en ce qui concerne l'exercice des palpations de sécurité par les agents privés de sécurité.
5.3 Application de la loi dans l'espace
Un décret en Conseil d'Etat devra être pris afin de préciser la compétence préfectorale de l'institution des zones et des agréments des agents privés de sécurité pour effectuer des palpations. En effet, si l'article 1 er prévoit déjà la compétence du représentant de l'État dans le département, il paraît souhaitable de préciser que dans certains départements, le préfet de police et le préfet de police des Bouches-du-Rhône seront compétents. Par ailleurs, il sera indiqué que le préfet compétent pour instituer le périmètre de protection sera également celui qui pourra agréer les agents privés de sécurité à effectuer des palpations de sécurité dans ce périmètre. Les articles R. 613-6 à R. 613-9 prévoient déjà les modalités d'agrément des agents, les conditions dans lesquelles ils deviennent caduques ou peuvent être retirés.
L'article 11 du projet de loi prévoit les dispositions d'application relatives aux outre-mer.
ARTICLE 2 : FERMETURE DES LIEUX DE CULTE AUX FINS DE PRÉVENIR DES ACTES DE TERRORISME
1. Etat des lieux
1.1 Cadre constitutionnel et conventionnel
La liberté de pensée, de conscience et de religion est un droit fondamental, consacré non seulement par la Convention européenne des droits de l'homme (ci-après « la Convention ») mais par de nombreux textes nationaux, internationaux et européens.
Aux termes de l'article 9 de la Convention :
« 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites. »
« 2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »
L'article 9 § 1 de la Convention contient deux volets, relatifs, respectivement, au droit d' avoir une conviction et au droit de la manifester, seul et en privé mais aussi de la pratiquer en société avec autrui et en public.
Ce dernier droit n'est pas absolu : puisque la manifestation par une personne de ses convictions religieuses peut avoir des conséquences pour autrui, les rédacteurs de la Convention ont assorti ce volet de la liberté de religion des réserves émises au second paragraphe de l'article 9. Ce dernier dispose que toute restriction à la liberté de manifester sa religion ou sa conviction doit être prévue par la loi et nécessaire, dans une société démocratique, à la poursuite de l'un ou de plusieurs des buts légitimes qui y sont énoncés ( CEDH Eweida et autres c. Royaume-Uni 2013, § 80 n° 48420/10, 59842/10, 51671/10 et 36516/10,). En d'autres termes, les limitations prévues au second paragraphe de l'article 9 portent uniquement sur le droit de manifester une religion ou une conviction et non sur le droit d'en avoir ( CEDH , 12 avril 2007 Ivanova c. Bulgarie , § 79 n° 52435/99).
La CEDH a considéré que les ingérences suivantes étaient nécessaires à la préservation de la sécurité publique et ne constituaient pas une violation de l'article 9 de la CEDH :
- la décision des autorités britanniques de
fermer le site historique de Stonehenge au moment
du solstice
d'été et de ne pas autoriser un groupe d'adeptes du druidisme d'y
célébrer leur
cérémonie solsticiale. La
Commission a estimé qu'à supposer même qu'il y avait eu
ingérence dans l'exercice des droits au titre de l'article 9, celle-ci
visait à préserver la sécurité publique et
était justifiée au sens du second paragraphe du même
article, considérant notamment le fait que les autorités avaient
préalablement déployé des efforts sincères essayant
de satisfaire les intérêts des particuliers et des organisations
s'intéressant à Stonehenge (
Chappell c.
Royaume-Uni
; voir également
Pendragon c. Royaume-Uni,
décision de la Commission du14 juillet 1987,
n° 12587/86
)
;
- la condamnation à une amende avec sursis pour «
trouble à la paix » de plusieurs personnes
opposées
à l'avortement qui avaient pénétré dans les locaux
d'une clinique pratiquant des d'avortements et tenu une prière
collective à genoux dans le couloir de l'établissement. La
Commission a reconnu que la manifestation litigieuse tombait dans le champ
d'application de l'article 9, mais que l'ingérence
dénoncée était clairement justifiée au regard du
second paragraphe du même article (Van Sch?ndel et autres c. Pays-Bas,
décision de la Commission du 10 septembre 1997 n° 30936/96)
;
- l'interdiction, imposée à une paroisse catholique par la municipalité, de sonner la cloche de l'église avant 7h30 au-dessus d'un certain volume. La Cour a décidé que cette ingérence visait le but légitime de protection des droits d'autrui - en l'espèce, du repos nocturne des riverains- et était proportionnée à ce but. En effet, entre 23 heures et 7 h 30, la cloche pouvait toujours être sonnée à condition d'en baisser le volume ; quant au reste de la journée, le volume du son n'était pas limité (CEDH, 16 octobre 2012, Schilder c. Pays-Bas n° 2158/12) ;
- la saisie et la confiscation d'
ayahuasca
, une
substance hallucinogène consommée lors
des
célébrations de la religion connue comme celle « du
Santo Daime ». La Cour a décidé que la
mesure litigieuse,
relevant de la législation sur les stupéfiants, était
« nécessaire dans une
société démocratique
» pour la protection de la santé. Dans la mesure où les
requérantes se
disaient victimes d'une discrimination par rapport aux
Églises chrétiennes qui utilisent de
l'alcool (du vin de
communion) dans leurs célébrations, la Cour a estimé que
ces deux
situations n'étaient pas comparables : premièrement,
le vin n'est pas soumis au régime
juridique des stupéfiants,
et, deuxièmement, les rites des Églises chrétiennes
ne
comprennent pas l'usage de substances psychoactives (6 mai 2014,
FränklinBeentjes et CEFLU-Luz da Floresta c. Pays-Bas,
n° 28167/07
)
.
L'une des formes les plus radicales d'atteinte à l'exercice de la liberté de religion sous son aspect collectif est la dissolution d'une organisation religieuse déjà existante. Pour être reconnue comme « nécessaire dans une société démocratique », une mesure aussi sévère doit être exceptionnelle et justifiée par des raisons très graves et sérieuses (12 juin 2014 Centre biblique de la république de Tchouvachie c. Russie , § 54, n° 33203/08).
Ainsi, si la Cour a, à plusieurs reprises, jugé qu'une mesure prononçant la dissolution d'une association cultuelle ne méconnaissait pas la Convention, il convient de relever qu'il s'agit pour la Cour EDH d'une mesure « radicale » particulièrement attentatoire aux libertés.
Par suite, la possibilité de disposer, au sein de l'arsenal juridique français, d'un outil moins radical, permettant de fermer provisoirement un lieu de culte afin d'y régler une situation problématique et conditionnant sa réouverture à la cessation des troubles, apparaît proportionnée au but recherché.
L'article 10 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne protège aussi la liberté de pensée, de conscience et de religion dans les mêmes termes que la Convention.
Au plan constitutionnel, l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose que « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public ».
Dans sa décision n° 2003-467 DC du 13 mars
2003 - Loi pour la sécurité intérieure
le Conseil
constitutionnel a toutefois rappelé que les mesures de police
administrative susceptibles d'affecter l'exercice des libertés
constitutionnellement garanties doivent être justifiées par la
nécessité de sauvegarder l'ordre public.
Par suite, une mesure dictée par un objectif de sauvegarde de l'ordre public, prise dans une stricte acception, à savoir la prévention du terrorisme, peut être justifiée à condition d'être nécessaire, adaptée et proportionnée.
1.2 Eléments de droit comparé
En Italie, si cinq fermetures de salles de prières ont été ordonnées, elles l'ont été à cause d'irrégularités administratives (par exemple abus des lieux ou non-respect des normes de sécurité).
En Belgique, la mosquée Lokman à Molenbeek a été fermée en novembre 2016 dans le cadre d'infractions au droit de l'urbanisme, « un arrêt immédiat des actes et travaux » ayant été prononcé ; Un centre islamique radical liégeois (Markaz Attawhid) a été fermé pour atteinte à l'ordre public en lien avec la menace terroriste. L'association a déposé un recours en annulation qu'elle a ensuite retirée.
En Suisse, la mosquée An'Nur à Winterthur a été fermée en novembre 2016 par refus de renouvellement du bail.
En Allemagne, la mosquée, fréquentée par le terroriste ayant commis un attentat à Berlin à Noël 2016, fait l'objet d'une perquisition et d'une fermeture le 28 février 2017, à la suite d'une mesure similaire à la dissolution d'association, l'association « Fussilet 33 », qui gérait la mosquée ayant été interdite.
1.3 Cadre national
1.3.1 Les motifs de fermeture d'un lieu de culte
Ainsi que l'a rappelé le Conseil d'Etat, un arrêté prescrivant la fermeture d'un lieu de culte est susceptible de porter atteinte à la liberté de culte, liberté fondamentale qui a pour composantes le droit de tout individu d'exprimer les convictions religieuses de son choix dans le respect de l'ordre public et la libre disposition des biens nécessaires à l'exercice d'un culte (CE ord, 25 février 2016, B. , n° 397153, à propos de la fermeture de la mosquée de Lagny-sur-Marne).
Outre les motifs classiques permettant la fermeture d'un lieu de culte pour la même raison que tout autre lieu recevant du public (non-respect de la législation sur les établissements recevant du public) ou ne respectant les règles d'affectation des lieux, l'autorité administrative peut également être conduite à rechercher les moyens de procéder à la fermeture d'une lieu de culte dont l'activité occasionne ou constitue un trouble à l'ordre public.
Aux fins de prévenir des actes de terrorisme, la nécessité de pouvoir répondre à la situation spécifique de certains lieux de culte conduit à définir un régime adapté de fermeture des lieux de culte pour ce motif.
1.3.2 La fermeture des lieux de culte pendant l'état d'urgence
L'autorité administrative a procédé à la fermeture de plusieurs lieux de culte depuis le début de l'état d'urgence, dont le fonctionnement encourageait ouvertement ou plus discrètement au soutien à Daech et qui constituaient des vecteurs de radicalisation encourageant ou incitant à la haine envers l'Occident ou entre religions.
L'article 8 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence, dans sa rédaction à la date de déclaration de l'état d'urgence, prévoyait en effet la possibilité pour le ministre de l'intérieur, pour l'ensemble du territoire où est institué l'état d'urgence, et pour le préfet dans le département, d'ordonner « la fermeture provisoire des salles de spectacles, débits de boissons et lieux de réunion de toute nature » ainsi que « les réunions de nature à provoquer ou à entretenir le désordre » .
La loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 prorogeant l'application de la loi du 3 avril 1955 et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste a précisé l'écriture de cet article 9 ( * ) , s'agissant spécifiquement des lieux de culte, en rendant explicite le fait que les lieux de réunions dont la fermeture provisoire peut être ordonnée incluent « en particulier les lieux de culte au sein desquels sont tenus des propos constituant une provocation à la haine ou à la violence ou une provocation à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes ».
Dans sa décision n° 2016-535 QPC du 19 février 2016, le Conseil Constitutionnel a jugé que les dispositions de l'article 8 (dans leur rédaction antérieure à la modification du 21 juillet 2016) opéraient une conciliation qui n'était pas manifestement déséquilibrée entre le droit d'expression collective des idées et des opinions et l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public. Toutefois, il a rappelé que, comme toute mesure de police, les mesures de police administrative prises sur le fondement de l'article 8 de la loi relative à l'état devaient être justifiées et proportionnées aux nécessités de la préservation de l'ordre public.
Il appartient donc au juge administratif de s'assurer que les fermetures provisoires des lieux de réunions de toute nature, et notamment des lieux de culte, sont adaptées, nécessaires et proportionnées, le contrôle du juge étant un entier contrôle de proportionnalité, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel dans cette même décision.
Même si désormais, la seule existence de propos tenus, indépendamment de tout autre indice, peut permettre, dès lors qu'ils sont établis, de procéder à une fermeture sur le fondement de l'article 8 de la loi sur l'état d'urgence telle que modifiée par la loi du 21 juillet 2016, les lieux de culte sont le plus souvent fermés à raison d'un faisceau d'indices permettant d'établir l'existence de troubles particulièrement graves.
Parmi ces indices, il est possible de retenir :
- La fréquentation par des personnes actives dans la mouvance islamiste radicale, qui exposent des jeunes fidèles à un risque de radicalisation ; présence d'anciens fidèles en Syrie ; la présence de fidèles en lien avec des individus présents en Syrie ; la présence de fidèles assignés à résidence ou sous IST ;
- La présence d'une école coranique clandestine, diffusant des préceptes et un enseignement radicaux (apologie de la mort en martyr, chants djihadistes, prosélytisme actif anti républicain) ;
- L'organisation d'activités en lien avec Daech (soutien aux vétérans, aux détenus pour faits en lien avec le terrorisme ; invitation de personnalités connues pour leur soutien à Daech ...) ;
- Existence d'une filière organisée par le lieu de culte (sous couvert d'actions humanitaires ou d'enseignement).
Seize lieux de culte musulman ont ainsi été fermés sur le fondement de l'état d'urgence.
Trois d'entre eux ont rouvert, soit parce qu'il n'a pas été décidé de reprendre une mesure de fermeture après une prorogation de l'état d'urgence - la fin d'une période d'état d'urgence entraînant la fin de toutes les mesures prises sur son fondement -, soit après abrogation de l'arrêté de fermeture à la suite de mesures prises par les gestionnaires de la mosquée pour mettre fin aux dysfonctionnements qui avaient justifié sa fermeture (changement d'imam, mise en oeuvre de vidéo-protection, recrutement de vigiles, création d'un site internet condamnant les propos de l'ancien imam et les actions de Daech , etc.).
2. Options
La perspective de sortie de l'état d'urgence pose de manière relativement inédite la question du fondement juridique et des conditions de la fermeture d'un lieu de culte troublant gravement l'ordre public et constituant un vecteur de radicalisation et le creuset d'actions terroristes. En l'état du droit, cette question renvoie exclusivement à l'exercice des pouvoirs de police générale, d'origine largement jurisprudentielle.
C'est pourquoi, il apparaît plus pertinent de définir par la loi un pouvoir de police spéciale, mieux adapté à ces situations, et plus encadré, en termes de champ d'application et de garanties.
2.1 Option écartée : la fermeture sur le fondement de loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État
Cette loi consacre le principe de la liberté de culte, dans le respect et les limites de l'ordre public. A ce titre, elle se contente de placer les lieux de culte « sous la surveillance des autorités dans l'intérêt de l'ordre public » (article 25) et réprime pénalement certains agissements troublant l'exercice du culte ou découlant des conditions de cet exercice par le ministre d'un culte :
- l'interdiction de tenir des réunions politiques dans les lieux de culte (article 26) ;
- l'entrave aux pratiques cultuelles (article 32) ;
- l'outrage ou la diffamation d'un citoyen chargé d'un service public, la provocation à la résistance aux lois ou aux actes légaux de l'autorité publique, le discours tendant à soulever ou armer une partie des citoyens contre les autres, lorsqu'ils sont le fait d'un ministre du culte dans les lieux où s'exerce le culte (articles 34 et 35) 10 ( * ) .
La rédaction de ces infractions est toutefois datée et s'inscrit dans le contexte de la séparation de l'Église catholique et de l'État, même si le soutien au jihad ou l'appel à la haine contre d'autres religions pourraient probablement entrer dans le champ d'application de l'article 35.
Encore faut-il que ces soutiens soient explicites, ce qui est désormais nettement moins fréquent, les responsables concernés affichant moins facilement que par le passé leurs convictions personnelles.
Par ailleurs et en tout état de cause, cette loi ne s'applique pas sur l'ensemble du territoire national, en raison du régime concordataire demeuré en vigueur en Alsace-Moselle. Sa modification ne permettrait donc pas de procéder à la fermeture de lieux de culte dans ces départements.
2.2 Option écartée : la fermeture sur le fondement des pouvoirs de police du maire
Bien que la loi de 1905 ne contienne pas de disposition permettant directement de fermer un lieu de culte pour trouble à l'ordre public, tant la réserve de l'ordre public inscrite à l'article 25 de cette loi que l'ensemble de la jurisprudence administrative et constitutionnelle sur la nécessaire conciliation des libertés publiques avec l'objectif de sauvegarde de l'ordre public permettent de mobiliser le pouvoir de police générale à cette fin, dans une lecture compatible avec la convention européenne des droits de l'homme 11 ( * ) .
Dans ces conditions, c'est à l'autorité de police générale (maire sur le fondement de l'art. L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ou préfet à titre de substitution, après mise en demeure restée sans résultat - art. L. 2215-1 du même code) qu'il revient d'interdire ponctuellement, voire plus durablement, telle ou telle réunion cultuelle à l'origine de troubles à l'ordre public.
Les troubles justifiant une fermeture peuvent être matériels (CE, 14 mai 1933, Benjamin ) ou immatériels, l'atteinte à l'ordre public pouvant être constituée par le contenu de prêches ou la nature des activités qui, par eux-mêmes, constituent un trouble à l'ordre public (atteinte à la dignité de la personne humaine CE, 27 octobre 1995, Commune de Morsang-sur-Orge, p. 372) ou une infraction pénale (CE, 12 octobre 1983, Commune de Vertou , n° 41410, publié au recueil Lebon), voire les deux (CE, 9 janvier 2014, Ministre de l'intérieur c. Société « Les Productions de la Plume » et M. Dieudonné M'Bala M'Bala , n° 374508, le Conseil d'État ayant explicitement reconnu que le respect de la dignité de la personne humaine constituait une composante de l'ordre public, lequel ne se définit pas comme purement matériel mais recouvrant une conception de l'homme).
De ce fait, certaines expressions publiques de la mouvance salafiste, spécialement celles appelant à la violence ou à des traitements dégradants pour les femmes ou pour les fidèles d'autres religions comme celles incitant à des pratiques discriminatoires, peuvent ainsi constituer un trouble à l'ordre public, voire une infraction, notamment l'une de celles prévues par la loi du 9 décembre 1905.
Ainsi, au titre des atteintes immatérielles à l'ordre public permettant de justifier une fermeture, il est possible d'identifier des concepts portés par la mouvance salafiste et qui peuvent, dans le processus de rupture de l'individu d'avec la société, contribuer au passage à l'acte ou sont, a minima , fondamentalement contradictoires avec les principes fondamentaux de la République. Il en est ainsi des propos suivants tenus dans des prêches ou figurant dans des écrits à la disposition des personnes fréquentant le lieu de culte :
- le rejet violent de l'altérité et de la liberté confessionnelle ;
- la discrimination femme/homme, notamment lorsqu'elle a des conséquences en termes de traitement des femmes (légitimation de la violence à l'encontre des femmes ou de leur enfermement à domicile) ;
- ;
- l'allégeance à une organisation terroriste ;
- la glorification de la mort en martyr ou du jihad ;
- l'apologie du terrorisme ;
- le prosélytisme contraire à l'ordre public (prosélytisme agressif, conversions forcées, incitation au départ en zone irako-syrienne ou dans des pays de rebond, financement du départ par des membres gestionnaires ou fréquentant le lieu ou par les dons des fidèles).
De même peuvent être retenus des motifs plus matériels :
- Fréquentation : lieu de culte fréquenté par des personnes actives dans la mouvance islamiste radicale qui exposent des jeunes fidèles à un risque de radicalisation ; présence d'anciens fidèles en Syrie ; fidèles en lien avec des individus présents en Syrie ; fidèles assignés à résidence ou sous interdiction de sortie du territoire ;
- Existence d'une école coranique dont l'enseignement prône le non-respect des valeurs républicaines ou la glorification du jihad ou constitue un lieu d'endoctrinement des jeunes ;
- Organisation d'activités conformes aux intérêts d'organisations terroristes (soutien aux vétérans, soutien aux détenus condamnés pour actes de terrorisme ; invitation de personnalités connues pour leur soutien à Daech ou invitation d'imams connus pour leurs prêches salafistes...) ;
- Existence d'une filière de recrutement jihadiste organisée par le lieu de culte (sous couvert d'actions humanitaires ou d'enseignement).
Si le recours au pouvoir de police générale est donc en théorie possible pour fermer un lieu de culte, il n'a toutefois été exercé que dans les premières années de la séparation de l'Église et de l'État ; seuls deux arrêts de 1907 et 1908 fixent de manière très générale les conditions dans lesquels un maire peut ordonner la fermeture d'une église.
Un maire a ainsi pu ainsi légalement interdire temporairement l'accès d'une église aux fidèles le jour des opérations de l'inventaire impliqué par la loi du 9 décembre 1905 (CE 22 novembre 1907, Abbé Voituret ). De même, le Conseil d'État, dans une décision du 8 février 1908, Abbé Déliard , a considéré que le maire « peut ordonner la fermeture définitive d'une église, afin de concilier le devoir de maintenir l'ordre dans l'église et le respect de la liberté de culte, à la condition qu'il se produise une circonstance exceptionnelle pouvant rendre une telle décision nécessaire ».
Par ailleurs, même entouré des garanties entourant l'édiction de toute mesure de police restreignant les libertés (motivation, procédure contradictoire préalable), une telle mesure encourrait la critique d'une insuffisante prévisibilité, notamment parce qu'elle serait insuffisamment encadrée s'agissant notamment de sa durée maximale dépendant de chaque décision et non bordée, par avance, dans le temps, contrairement aux mesures prises dans le cadre de l'état d'urgence pour lequel, la durée maximale de la mesure correspond à celle de la phase en cours l'état d'urgence (art. 14 loi du 3 avril 1955 et jurisprudence du Conseil constitutionnel). Or, ceci constitue une véritable difficulté, tant du point de vue constitutionnel que du point de vue pratique.
De même, l'efficacité pratique de la décision administrative pourrait être mise en échec par l'absence de sanction pénale appropriée en cas de violation : à défaut de dispositions législatives d'incrimination pénale spécifique, la sanction pénale est celle, extrêmement peu dissuasive, attachée à la violation d'une décision de police administrative, soit une amende pour contravention de 1 ère classe de 38 euros.
Pour toutes ces raisons, il est apparu préférable de créer un régime de police spéciale permettant de fermer un lieu de culte, suffisamment encadré dans son champ d'application, dans sa durée et dans sa mise en oeuvre.
2.3 Option retenue : la création d'un régime de fermeture des lieux de culte dans un but de prévention des actes de terrorisme
La finalité de la mesure proposée est de prévenir les actes de terrorisme : elle ne vise pas tous les lieux de culte dont le fonctionnement serait contraire à l'ordre public mais uniquement ceux qui, en raison des propos qui y sont tenus, des idées ou théories qui y sont diffusées ou des activités qui s'y déroulent, provoquent la commission d'actes de terrorisme en France ou à l'étranger, incitent à la violence ou font l'apologie de tels agissements ou de tels actes.
Il s'agit donc d'un champ d'application très restrictif, visant ceux des lieux de culte qui constituent, par leur fonctionnement, le creuset d'actes violents en lien avec le terrorisme.
La mesure est encadrée par des garanties classiques en la matière, inhérentes à toute mesure de police restreignant l'exercice d'une liberté : motivation et procédure contradictoire, conformément au code des relations entre le public et l'administration.
La durée est également encadrée et ne peut excéder six mois. Cette durée doit être mise à profit par les gestionnaires du lieu de culte pour en corriger le fonctionnement (par exemple changement du prêcheur, mise en place de mesures de surveillance pour éviter la constitution de groupes dissidents, condamnation explicite des actions terroristes et des thèses véhiculées par les organisations terroristes...).
Il convient également de prendre en compte la question du sort des fidèles pendant la durée de la fermeture : l'autorité administrative doit tenir compte de la possibilité pour ceux-ci d'être accueillis dans d'autres lieux de culte existant dans le voisinage, possibilité contrôlée par le juge pour apprécier la proportionnalité de la mesure, et du risque de création de lieux de culte alternatifs, plus ou moins encadrés (chapiteaux ou salles mis à disposition des fidèles ou prières de rue) qui engendrent alors d'autres troubles à l'ordre public ou poursuivent ceux à l'origine de la fermeture.
La mise en oeuvre de décisions de fermeture de lieux de culte, pendant une durée qui sera nécessairement déterminée, doit donc s'accompagner d'une action de l'autorité publique, en lien avec les gestionnaires du culte pour favoriser la réouverture du lieu de culte dans des conditions qui ne troublent pas l'ordre public.
Enfin, l'arrêté de fermeture est assorti d'un délai d'exécution qui ne peut être inférieur à 48 heures et qui permet un éventuel recours devant le juge du référé liberté, dans les conditions prévues à l'article L. 521-2 du code de justice administrative.
Si une personne y ayant un intérêt a saisi le tribunal administratif, dans ce délai, d'une demande présentée sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, la mesure ne peut être exécutée d'office avant que le juge des référés n'ait informé les parties de la tenue ou non d'une audience publique en application du deuxième alinéa de l'article L. 522-1 du même code ni, si les parties ont été informées d'une telle audience, avant que le juge n'ait statué sur la demande.
Il s'agit là d'une conciliation entre la préservation de la liberté fondamentale que constitue le libre exercice du culte et l'objectif d'efficacité de la mesure dont la violation est au surplus assortie d'une sanction pénale dissuasive.
3. Analyse des impacts des dispositions envisagées
3.1 Impacts juridiques
La mesure de fermeture des lieux de culte constitue une mesure de police spéciale, de la compétence du préfet : elle implique la création d'un régime juridique ex-nihilo , impliquant une modification du titre II du Livre II relatif à la lutte contre le terrorisme et les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation.
3.2 Impacts opérationnels
La fermeture des lieux de culte répondant aux caractéristiques visées par le présent projet de loi n'aura pas d'impact opérationnel sur les services de renseignements qui procèdent d'ores et déjà à leur suivi, soit en vue de leur fermeture dans le cadre de l'état d'urgence, soit, de manière plus structurelle, dans le cadre de leur activité de surveillance des phénomènes de radicalisation.
4. Consultation menée
Le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel a été consulté.
ARTICLE 3 : MESURES INDIVIDUELLES DE SURVEILLANCE DES PERSONNES PRÉSENTANT UNE MENACE D'UNE PARTICULIÈRE GRAVITÉ POUR LA SÉCURITÉ ET L'ORDRE PUBLICS AUX FINS DE PRÉVENIR DES ACTES DE TERRORISME
1. Diagnostic
1.1 Etat des lieux
L'article 6 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence donne pouvoir au ministre de l'intérieur d'assigner à résidence toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics.
Depuis le 22 décembre 2016, 89 arrêtés d'assignation à résidence ont été pris et 69 personnes font l'objet d'une assignation à résidence sur le territoire national au 2 juin 2017, les abrogations résultant le plus souvent d'incarcération des individus concernés pour non-respect des obligations de leur assignation ou dans le cadre de poursuites judiciaires pour d'autres faits. Par ailleurs, certains arrêtés d'assignation à résidence, d'une durée supérieure à 12 mois, n'ont pas fait l'objet d'un renouvellement.
Arrêtés d'assignation à résidence signés depuis le 14 novembre 2015 |
708 |
Personnes assignées à résidence (toutes phases confondues) |
439 |
Arrêtés signés en phase I (13/11/2015-25/01/2016) |
350 |
dont arrêtés en vigueur à la fin de la phase I |
268 |
Arrêtés signés en phase II (26/01/2016-25/05/2016) |
72 |
dont arrêtés en vigueur à la fin de la phase II |
68 |
Arrêtés signés en phase III (26/05/2016-21/07/2016) |
82 |
dont arrêtés en vigueur à la fin de la phase III |
75 |
Arrêtés signés en phase IV (22/07/2016-21/12/2016) |
115 |
dont arrêtés en vigueur à la fin de la phase IV |
88 |
Arrêtés signés en phase V (22/12/2016-15/07/2017) |
89 |
dont arrêtés en vigueur au 2 juin 2017 |
69 |
Personnes assignées depuis plus de 12 mois au 2 juin 2017 |
13 |
Lorsqu'il est mis fin à l'état d'urgence, toutes les mesures prises dans le cadre de l'état d'urgence cessent immédiatement.
1.2 Utilité de la mesure
Afin de prévenir un passage à l'acte violent, les assignations à résidence prévues à l'article 6 de la loi du 3 avril 1955 permettent, dès lors qu'il existe « des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics », d'astreindre une personne à demeurer dans un lieu d'habitation déterminé, durant une plage horaire également déterminée.
Outre la limitation des déplacements susceptibles d'occasionner un trouble à l'ordre public voire la commission d'une infraction dans un lieu planifié, cette contrainte permet également aux services spécialisés de connaître précisément la situation géographique de la personne concernée, ce qui facilite toutes les mesures d'investigations complémentaires discrètes de la part des services spécialisés.
Par ailleurs, lorsqu'elles sont assorties de certaines obligations complémentaires (obligation de « pointage », remise des titres d'identité et de voyage ou interdiction de se trouver en relation) également prévues par la loi, les assignations à résidence permettent de contrôler davantage encore et de contrarier les projets d'individus présentant un profil dangereux, en limitant les risques de départ à l'étranger (vers une zone de jihad notamment) en cas de violation de la mesure, et d'empêcher ou, à tout le moins limiter, la communication entre complices ou autres personnes dangereuses, afin de prévenir une éventuelle action concertée.
1.2.1 Une mesure permettant d'optimiser l'investissement en renseignement
o Canaliser la menace en vue d'éventuelles poursuites judiciaires
L'utilisation des mesures d'assignation permet de poursuivre le travail de renseignement sur un objectif tout en rationalisant les dispositifs de surveillance mis en place mais aussi en canalisant les relations entretenues par l'objectif au sein de la mouvance radicale.
Ex : cas de S. : le placement en assignation à résidence de ce ressortissant albanais, désireux de rejoindre Daech , a permis de recueillir du renseignement sur des intentions d'actions violentes et de judiciariser ensuite sa situation, l'intéressé ayant été mis en examen, et placé en détention provisoire.
Cette chaîne cohérente du traitement du renseignement, permise par l'état d'urgence, explique dans une certaine mesure l'effet baissier significatif du nombre d'assignations à résidence mais aussi le maintien sur le long terme de certaines d'entre elles.
o Faciliter la surveillance de certaines personnes
Le dispositif de l'assignation permettant, le cas échéant, d'introduire une ou plusieurs interdictions d'entrer en relation directement ou indirectement avec une personne nommément visée contribue à renforcer et à faciliter les surveillances. Les déplacements des individus concernés étant de facto encadrés et limités, leurs surveillances n'en sont que plus efficaces.
1.2.2 Une mesure complétant l'arsenal administratif d'entrave
o Renforcer l'effectivité des interdictions de sortie du territoire
La notification d'une telle interdiction et le retrait des titres d'identité apparaissent parfois insuffisants pour contrer effectivement les projets de départ en zone de jihad de velléitaires.
Ce dispositif est ponctuellement renforcé par les obligations inhérentes à une assignation à résidence, notamment celles de présentation aux autorités de police ou de gendarmerie, permettant de s'assurer plus aisément de la présence d'un individu.
o Pallier l'absence de mesure pour les ressortissants étrangers velléitaires
L'interdiction de sortie du territoire est applicable ressortissants nationaux. Elle perd toutefois de son utilité lorsqu'elle vise des ressortissants bi-nationaux qui, par définition, conservent leurs titres étrangers. Par ailleurs, aucun dispositif similaire n'est applicable à des ressortissants étrangers résidant sur le territoire, lesquels ne peuvent pas toujours être expulsés, au regard des protections dont ils disposent.
2. Options et objectifs poursuivis
L'objectif est de permettre d'opérer une surveillance des personnes répondant à de stricts critères législatifs liés au terrorisme dans des conditions assurant la proportionnalité de ces mesures.
2.1 Options
2.1.1 Option écartée : le placement en rétention
Une première option consisterait à prévoir, aux fins de prévenir des actes de terrorisme, la possibilité de placer en rétention l'individu dont il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics, et qui soit entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme soit soutient ou adhère à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme en France ou à l'étranger ou faisant l'apologie de tels actes.
Toutefois, même encadrée de cette manière, à la fois dans ses finalités et dans le champ des personnes concernées, une telle mesure, décidée dans un cadre purement administratif, ne serait conforme ni à la Constitution, ni à la convention européenne des droits de l'homme.
En effet, aux termes des articles 7 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, « nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la loi, et selon les formes qu'elle a prescrites. » et « Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi. »
De même, l'article 66 de la Constitution dispose que
«
nul ne peut être arbitrairement
détenu.
L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté
individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions
prévues par la loi
. »
Il s'ensuit qu'au regard des règles et principes de
valeur constitutionnelle, en vertu desquels
l'autorité judiciaire est
chargée d'assurer le respect de la liberté individuelle, toute
détention
doit être décidée par l'autorité
judiciaire ou exercée sous son contrôle.
Par suite, alors même qu'il appartient aux autorités de police administrative, afin d'assurer la protection de l'ordre public, de prendre des mesures à caractère préventif qui peuvent comporter des mesures affectant ou restreignant des libertés, elles ne peuvent prendre à ce titre des mesures privatives de liberté, seule une privation de liberté de très courte durée étant acceptable (Conseil constitutionnel, décision n° 79-109 DC du 9 janvier 1980 sur la loi relative à la prévention de l'immigration clandestine ou décision n° 2012-253 QPC du 8 juin 2012, M. Mickaël D.)
La surveillance à titre préventif des personnes radicalisées implique donc des mesures exclusives de toute détention ou l'engagement d'une procédure pénale pouvant se traduire par une détention décidée par l'autorité judiciaire.
Au plan conventionnel, l'article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose que « Toute personne a droit à la liberté et la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales. »
Or, dans la liste de cas dressés par cet article, liste
qui est limitative ainsi qu'il résulte de la
jurisprudence de la Cour
européenne des droits de l'homme, ne figure pas la détention,
à des
fins purement préventives, d'une personne non
aliénée dont le comportement, tel celui d'un
individu
radicalisé à des fins de terrorisme, présenterait un
danger d'une particulière gravité pour la sécurité
publique ou l'ordre public.
Par suite, ainsi que l'a rappelé le Conseil
d'État dans son avis n° 390867 du 17 décembre 2015 relatif
à la constitutionnalité et la compatibilité avec les
engagements internationaux de la France de certaines mesures de
prévention du risque de terrorisme, ni au plan constitutionnel ni au
plan conventionnel, il n'est possible d'autoriser par la loi,
en dehors de
toute procédure pénale, la rétention, dans des centres
prévus à cet effet, des
personnes radicalisées,
présentant des indices de dangerosité et connues comme telles par
les
services de police, sans pour autant avoir déjà fait
l'objet d'une condamnation pour des faits
de terrorisme.
2.1.2 Option et dispositifs retenus : les mesures de surveillance
La mesure introduite par les articles L. 228-1 et suivants s'inspire de celle prévue à l'article L. 225-1 du code de la sécurité intérieure relative au contrôle administratif du retour sur le territoire et définit un régime juridique beaucoup plus strict que celui de la loi du 3 avril 1955, s'agissant à la fois des finalités que des personnes concernées.
Ainsi, les mesures de surveillance prévues par ce chapitre ne peuvent-elles être mises en oeuvre qu'aux fins de la prévention d'acte de terrorisme et non au regard d'une simple menace à l'ordre et la sécurité publics comme en état d'urgence.
De même, les personnes pouvant faire l'objet des mesures de surveillance sont celles à l'égard desquelles il existe des raisons sérieuses de penser que leur comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics et :
- qui entrent en relation de manière habituelle avec des personnes incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme ;
- ou qui soutiennent ou adhèrent à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme en France ou à l'étranger ou faisant l'apologie de tels actes.
Doit donc être apportée la preuve d'une radicalisation de l'intéressé à des fins terroristes constitutive d'une menace d'une particulière gravité. Les critères sont donc à la fois plus encadrés et plus précis que ceux prévalant pendant l'état d'urgence.
• Mesures applicables (articles L. 228-2, L. 228-3 et L. 228-4)
Les mesures de surveillance mises en place sur le fondement de cette disposition sont de même nature que celles prévues dans le cadre du contrôle administratif de retour sur le territoire, par les articles L. 225-1 et suivants du même code, les situations étant assez proches. Seule la durée maximale de ces obligations diffère, le contrôle administratif du retour sur le territoire étant conçu comme une période d'observation assez courte permettant d'évaluer la personne concernée, aux fins de déterminer s'il convient de diligenter des poursuites pénales, voire de le placer sous l'une des mesures de surveillance de droit commun prévue par cette nouvelle disposition.
1/ Obligations principales : obligations de résidence dans un périmètre géographique déterminé et obligation de présentation à l'autorité de police ou de gendarmerie
Le nouvel article L. 228-2 prévoit la possibilité d'imposer à toute personne qui entre dans le champ d'application de l'article L. 228-1 :
- l'obligation de résider dans un périmètre géographique déterminé, qui ne peut être inférieur à la commune, et dont la délimitation permet à l'intéressé de poursuivre sa vie familiale et professionnelle ;
- l'obligation de se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, dans la limite d'une présentation quotidienne, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et jours fériés ou chômés.
Ces obligations peuvent être complétées par :
- l'obligation de déclarer les numéros d'abonnement et identifiants techniques de tout moyen de communication électronique dont elle dispose ou qu'elle utilise, ainsi que tout changement de ces numéros d'abonnement et identifiants ;
- l'obligation de ne pas se trouver en relation directe ou indirecte avec certaines personnes, nommément désignées, dont il existe des raisons sérieuses de penser que leur comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics.
Ces mesures sont de la compétence du ministre de l'intérieur et peuvent être prises pour une durée de 3 mois pour les deux premières et de 6 mois pour les deux dernières et sont renouvelables par décision motivée dès lors qu'il existe des éléments nouveaux ou complémentaires justifiant de la pérennité des conditions exigées par la loi, après information du procureur de la République de Paris, eu égard à sa compétence d'attribution en matière de terrorisme.
Il y a lieu de rappeler que le critère de la nécessité d'éléments nouveaux ou complémentaires est directement emprunté à la décision du Conseil constitutionnel relative au renouvellement des assignations à résidence dans le cadre de l'état d'urgence d'une durée cumulée supérieure à un an (Décision n° 2017-624 QPC du 16 mars 2017).
2/ Alternative à l'obligation de pointage : le placement sous surveillance électronique mobile
En lieu et place de l'obligation de présentation quotidienne, la personne qui y est astreinte peut se voir proposer un placement sous surveillance électronique mobile.
Ce dispositif permet de vérifier le respect de l'obligation d'assignation à résidence par la personne concernée, laquelle est en effet astreinte, pendant toute la durée de son placement, au port d'un dispositif technique permettant à tout moment de s'assurer à distance qu'elle n'a pas quitté le périmètre défini en application des dispositions du 1° de l'article L. 228-2.
Le placement sous surveillance électronique mobile (PSEM) est subordonné à l'accord préalable de l'intéressé, recueilli par écrit. Dans ce cadre, le périmètre d'assignation à résidence de la personne concernée est élargi, le ressort ne pouvant être inférieur au département, au lieu de la commune.
Ce placement a seulement pour finalité de s'assurer du respect, par l'intéressé, de l'obligation de séjourner dans un périmètre déterminé. Le dispositif technique ne peut être utilisé par l'autorité administrative pour localiser la personne, sauf lorsque celle-ci a quitté ledit périmètre.
En cas de dysfonctionnement temporaire du dispositif de surveillance électronique, ou à tout instant sur décision ministérielle, la personne peut toutefois être rétablie dans des obligations de présentation telles que prévues à l'article L 228-2.
3/ Alternatives à l'obligation de séjourner dans un périmètre déterminé
Lorsque le ministre n'impose pas d'obligation de séjourner dans un périmètre géographique déterminé, deux obligations alternatives peuvent en revanche être imposées pour surveiller les personnes concernées :
- une obligation de déclaration de domicile ou de tout changement de domicile,
- une obligation de signalement de ses déplacements à l'extérieur d'un périmètre déterminé ne pouvant être plus restreint que le territoire d'une commune.
Ces mesures prononcées pour une durée maximale de six mois (renouvelable par décision motivée sur la base d'éléments nouveaux ou complémentaires), peuvent trouver une utilité pour continuer à surveiller des personnes ayant fait l'objet des mesures plus contraignantes prévues par les articles L. 228-2 et L. 228-3, mais dont la surveillance est progressivement allégée, notamment pour tenir compte d'un changement de circonstances (activité professionnelle, suivi d'un stage de déradicalisation...).
• Régime des décisions et voies et délais de recours
L'ensemble des mesures prises sur le fondement de ce chapitre obéit aux règles de droit commun en matière de motivation. En revanche, afin de donner un effet utile à la mesure et ne pas la compromettre, il est organisé une procédure contradictoire a posteriori , la personne concernée étant en effet mise en mesure de faire valoir ses observations dans un délai de huit jours après la notification de la décision.
A noter que l'article L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration permettrait de déroger purement et simplement à l'obligation de mettre en oeuvre une procédure contradictoire, lorsque sa mise en oeuvre serait de nature à compromettre l'ordre public, si l'intéressé mettait à profit le délai imparti pour présenter des observations pour se soustraire à la mesure en organisant son injoignabilité, par exemple.
Toutefois, à l'instar de ce qui a été prévu s'agissant des mesures d'interdiction de sortie du territoire ou de contrôle administratif de retour sur le territoire, il a été décidé de concilier l'exercice de ce droit avec l'objectif d'efficacité de la mesure : pour cette raison, la procédure contradictoire est mise en oeuvre après notification de la décision, l'intéressé disposant alors d'un délai de huit jours pour présenter ses observations, lesquelles peuvent, le cas échéant, aboutir à l'abrogation de la mesure.
Le nouvel article aménage également les voies et délais de recours à l'encontre des décisions prises par le ministre de l'intérieur, les délais de recours et de jugement étant raccourcis de manière à donner un effet utile à la procédure, compte tenu de la durée limitée des mesures dans le temps. Ces recours s'exercent sans préjudice des procédures d'urgence, ouvertes aux articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative, qui seront le plus souvent utilisées, à en juger par les recours formés par les personnes assignées à résidence durant l'état d'urgence.
• Sanctions
L'article 3 du projet de loi prévoit également d'assortir la violation de ces mesures de sanctions pénales destinées à leur donner un effet utile.
Le précédent des assignations à résidence de l'état d'urgence
Le Conseil constitutionnel a jugé que, « tant par leur objet que par leur portée » (décision n° 2015-527 QPC précitée, cons. 5), la mesure d'assignation à résidence prévue par la loi du 3 avril 1955 ne saurait être regardée comme relevant du champ d'application de l'article 66 de la Constitution.
D'une part, il a estimé que la mesure d'assignation à résidence qui peut être prise dans le cadre de l'état d'urgence constitue une « mesure qui relève de la seule police administrative et qui ne peut donc avoir d'autre but que de préserver l'ordre public et de prévenir les infractions » (cons. 5).
Dès lors, en tant que mesure de police administrative, l'assignation à résidence - pas plus que les mesures prises pour en assurer l'effectivité (escorte de la personne assignée à résidence par les services de police ou les unités de gendarmerie sur les lieux de l'assignation ; obligation de présence sur le lieu d'habitation ; obligation de se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie ; remise d'un document justificatif de l'identité ; interdiction d'entrer en relation avec certaines personnes, placement de la personne assignée à résidence sous surveillance électronique mobile) - n'ont à être autorisées ni à être contrôlées par l'autorité judiciaire, le Conseil constitutionnel jugeant avec constance que, « conformément à la conception française de la séparation des pouvoirs, figure au nombre des "principes fondamentaux reconnus par les lois de la République" celui selon lequel, à l'exception des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire, relève en dernier ressort de la compétence de la juridiction administrative l'annulation ou la réformation des décisions prises, dans l'exercice des prérogatives de puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs agents, les collectivités territoriales de la République ou les organismes publics placés sous leur autorité ou leur contrôle » (décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987).
D'autre part, dans la même décision, il a jugé que les mesures d'assignation à résidence « tant par leur objet que par leur portée [...] ne comportent pas de privation de la liberté individuelle au sens de l'article 66 de la Constitution » (cons. 5), alors même qu'elle pourrait être assortie d'une obligation de présence sur le lieu d'habitation pendant une plage horaire déterminée (cons. 6).
Cette appréciation a également pris en compte la possibilité du placement électronique sous surveillance mobile, prévue à l'article 6 de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence, lequel est au demeurant subordonné à l'accord préalable, recueilli par écrit, de la personne concernée (voir en ce sens également la décision n°2002-461 DC du 29 août 2002, cons. 85, qui impose l'accord exprès de l'intéressé pour une mesure de placement sous surveillance électronique dans un cadre judiciaire) et particulièrement encadré.
Enfin, dans sa décision précitée du 22 décembre 2015, le Conseil constitutionnel a jugé que la mesure d'assignation à résidence ne porte pas une atteinte disproportionnée aux droits et libertés invoqués - notamment la liberté d'aller et venir, compte tenu de l'objectif poursuivi et de l'obligation faite à l'autorité administrative, sous le contrôle entier du juge administratif, de s'assurer du caractère adapté, nécessaire et proportionné à la finalité poursuivie des mesures d'assignation à résidence (cons. 12).
Enfin, s'agissant de la durée de la mesure, le Conseil constitutionnel a indiqué que la durée fixée par la déclaration de l'état d'urgence doit être proportionnée aux circonstances qui ont justifié sa déclaration. Il exige, par ailleurs, le réexamen, au cas par cas, des mesures individuelles d'assignation à résidence prononcées lorsque l'état d'urgence est prolongé et la prise d'une nouvelle décision par l'administration. Les assignations à résidence ne peuvent donc être regardées comme prorogées par la seule prolongation de l'état d'urgence.
Par ailleurs, adoptant un raisonnement comparable, le Conseil constitutionnel a jugé que la mesure d'interdiction de sortie du territoire, et les modalités d'exécution particulière dont elle peut être assortie (restriction à la liberté d'aller et venir, interdiction d'entrer en relation avec d'autres personnes, procédure contradictoire a posteriori) opèrent une conciliation équilibrée entre libertés et sauvegarde de l'ordre public (cf. décision du CC n° 2015-490 QPC du 14 octobre 2015).
Les mesures prévues aux articles L. 228-1 et suivants sont conformes à ces principes.
Dans son avis n° 390867 du 17 décembre 2015 relatif à la constitutionnalité et la compatibilité avec les engagements internationaux de la France de certaines mesures de prévention du risque de terrorisme, le Conseil d'État a admis la possibilité de prononcer, dans un cadre administratif prévu par la loi et à des fins visant à la sauvegarde de l'ordre public, des mesures restreignant la liberté de circulation de personnes radicalisées et présentant des indices de dangerosité.
Les modalités d'exécution de ces mesures doivent permettre une liberté de mouvement conciliable avec une vie familiale et professionnelle normale et comporter un degré de contraintes inférieur aux mesures d'assignation à résidence fondée sur l'état d'urgence.
Leur durée et les contraintes qu'elles imposent doivent être justifiées et proportionnées, à l'objectif poursuivi, sous le contrôle entier du juge administratif.
De même, le recours au placement sous surveillance électronique mobile a été admis, dès lors qu'il est entouré de garanties, notamment l'accord exprès de l'intéressé et à défaut d'autre moyen légal de prévenir la menace liée à la présence d'un individu dans une zone géographique donnée, une procédure d'autorisation étant de surcroît requise lorsque la mesure vise à localiser la personne à tout moment (géolocalisation en temps réel, mesure qui s'apparente à une technique de renseignement et doit être autorisée par une autorité indépendante).
Enfin, dans son avis du 28 janvier 2016 sur le projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé et son financement, l'efficacité et les garanties de la procédure pénale portant sur la mesure de contrôle administratif de retour sur le territoire, symétrique des mesures envisagées par l'article L. 228-1 et suivants, le Conseil d'État a estimé que cette mesure était de nature à permettre d'atteindre l'objectif recherché de protection de l'ordre public en relevant qu'elle était proportionnée et laissait à la personne qui en faisait l'objet une liberté de mouvement conciliable avec une vie privée et familiale normale, qu'elle comportait un degré de contrainte significativement inférieur aux mesures prévues par l'article 6 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et qu'elle était placée sous l'entier contrôle du juge administratif, y compris en référé.
Il en va de même des mesures prévues par le présent chapitre qui répondent en tous points à ces critères.
3. Analyse des impacts des dispositions envisagées
3.1 Impact juridique
Au sein du livre II du code de la sécurité intérieure, un nouveau chapitre est inséré au titre II relatif à la lutte contre le terrorisme et les atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation, après le chapitre V portant sur le contrôle administratif des retours sur le territoire national.
Ce chapitre comporte six nouveaux articles qui organisent la possibilité de prendre de mesures de surveillance, tant à l'égard des personnes se trouvant assignées à la sortie de l'état d'urgence, qu'à l'égard de nouvelles personnes qui entreraient dans les critères prévus par la loi.
3.2 Impact sur les personnes concernées
Les mesures prévues à l'article L. 228-2 restreignent la liberté d'aller et venir des personnes concernées mais leur champ d'application est restreint (finalités, menaces d'une particulière gravité, critères restrictifs d'appréciation de la dangerosité), procédure contradictoire et durée limitée à trois mois, avec possibilité de renouvellement par décision motivée sur la base d'éléments nouveaux ou complémentaires, exigences posées par le Conseil constitutionnel s'agissant des assignations à résidence dont la durée excède un an.
En outre, le placement sous surveillance électronique mobile est subordonné à l'accord exprès de la personne concernée. Il n'a pas pour finalité de permettre une géolocalisation en temps réel de l'individu qui en fait l'objet mais de s'assurer que le périmètre géographique qui lui a été assigné et qui ne peut être inférieur au département, n'a pas été enfreint. Le dispositif technique ne peut donc pas être utilisé par l'autorité administrative pour localiser la personne, sauf lorsque celle-ci a quitté ledit périmètre. Enfin, il se substitue à des mesures de présentation à l'autorité de police ou de gendarmerie, plus contraignantes (dans la limite d'une présentation quotidienne et dans la limite d'une commune).
Pour l'ensemble de ces raisons, il constitue une alternative plus favorable à la mesure de présentation de droit commun et n'a donc pas à être autorisé par l'autorité judiciaire.
L'ensemble de ces mesures assure une conciliation équilibrée entre atteinte à la liberté d'aller et venir et au droit de mener une vie privée et familiale normale et finalité de prévention du terrorisme.
Les mesures prévues à l'article L. 228-4, moins attentatoires à la liberté d'aller et venir, sont quant à elles prévues pour une durée maximale de six mois, renouvelable également par décision motivée sur la base d'éléments nouveaux ou complémentaires.
3.3 Impact sur l'administration
Seul le ministre de l'intérieur est compétent pour prendre ces mesures.
Les services de police et de gendarmerie locaux seront compétents pour placer en garde à vue les individus se soustrayant à leurs obligations, comme c'est le cas aujourd'hui dans le cas d'une violation d'arrêté d'assignation à résidence.
Le placement sous surveillance électronique mobile fait l'objet d'une délégation de gestion au ministère de la justice (direction de l'administration pénitentiaire) dont la convention est d'ores et déjà en cours de finalisation, afin de permettre les placements sous surveillance électronique mobile des assignés de longue durée sur le fondement de l'article L.571-3 du CESEDA et de ceux prévus à l'article 6 de la loi relative à l'état d'urgence.
Cette convention devra être modifiée pour tenir compte de l'augmentation potentielle des bracelets devant être posés dans le cadre de ces nouvelles dispositions. Une doctrine sera à définir avec le ministère de la justice pour la pose et dépose des bracelets et la définition des conduites à tenir.
Le coût du PSEM peut être établi à 36 €/personne/jour, sans compter les frais de détérioration, perte ou mise à niveau technique. A titre de comparaison, le marché en cours de conclusion pour un volume de 15 PSEM (CESEDA / état d'urgence) représenterait pour le ministère de l'intérieur 275 000 euros pour une année de fonctionnement.
4. Modalités d'application et consultation menée
Des décrets d'application sont à prévoir concernant ces nouvelles mesures (notamment les obligations découlant des articles L. 228-3 et L. 228-4).
Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application de l'article L. 228-3 nouveau, en particulier les conditions dans lesquelles la mise en oeuvre du dispositif technique prévu au troisième alinéa peut être confiée à une personne de droit privé habilitée à cette fin.
Le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel a été consulté.
ARTICLE 4 : VISTES ET SAISIES
1. Etat des lieux et diagnostic
1.1 Utilité de la perquisition administrative dans la prévention des actes de terrorisme
La pratique de l'état d'urgence a montré que les perquisitions administratives constituent, avec les assignations à résidence, les deux mesures de police administrative parmi les plus adaptées et les plus utilisées afin de prévenir la commission d'un acte lié au terrorisme ou d'une infraction pénale.
En état d'urgence, les perquisitions administratives peuvent être mises en oeuvre dès lors qu'il existe des raisons sérieuses de penser que le lieu visé est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre public.
Utilisées au cours de la 1 ère et 2 e phases de l'état d'urgence (entre le 14 novembre 2015 et le 26 mai 2016) pour déstabiliser la mouvance radicale endogène, puis non renouvelées au titre des mesures de police administratives ouvertes par la troisième phase de l'état d'urgence, elles ont été rétablies après l'attentat de Nice, en juillet 2016.
La mise en oeuvre des perquisitions administratives a notamment permis la découverte et la saisie de plusieurs armes et munitions. Elles ont également, dans plusieurs cas, révélé et surtout permis de déjouer certains attentats ou passages à l'acte violents, mais aussi d'interpeller des individus dangereux et d'ouvrir plusieurs enquêtes judiciaires.
Contribuant à confirmer l'appartenance à la mouvance radicale de la cible, la perquisition administrative peut aussi mettre en exergue son relationnel et orienter de futures investigations par les résultats qu'elle procure.
Le nombre de perquisitions administratives, mesures qui constituent une source précieuse de renseignement ciblé, s'est élevé à 628 au cours de la quatrième phase de renouvellement (du 22 juillet au 21 décembre 2016) et a atteint 137 (au 26 mai) depuis le dernier renouvellement fin décembre dernier, portant ainsi le total de ces mesures à plus de 4 300, depuis le début de l'état d'urgence. Au total, 30 procédures judiciaires ont été ouvertes par la section anti-terroriste du parquet de Paris des chefs d'association de malfaiteurs avec une entreprise terroriste ou d'entreprise individuelle terroriste à la suite d'une perquisition administrative, que cette mesure ait ou non permis à elle seule de justifier l'ouverture de la procédure.
Il serait réducteur d'apprécier l'utilité de cette mesure par le seul prisme de leur nombre : en effet, si dans un premier temps, ces mesures sont intervenues massivement dans une optique de levée de doute et de déstabilisation de la mouvance radicale endogène, tel n'est plus le cas aujourd'hui, les perquisitions étant au contraire utilisées avec parcimonie mais de manière très ciblée, compte tenu de la possibilité de saisir les données, voire les terminaux informatiques, dès lors que la perquisition a révélé l'existence d'éléments, notamment informatiques, relatifs à la menace que constitue pour la sécurité et l'ordre publics le comportement de la personne concernée. L'exploitation des données informatiques saisies, après autorisation du juge administratif en procédure de référé, a permis de percer à jour certains projets terroristes ou d'identifier certains profils particulièrement dangereux, lesquels ont pu ensuite faire l'objet de suites judiciaires alors même que les éléments détenus initialement n'avaient pas permis d'envisager une perquisition judiciaire.
En effet, en dépit d'une stratégie de recherche systématique de suites judiciaires, en accord avec le parquet anti-terroriste, certains objectifs présentent, au regard des renseignements recueillis, des profils révélant une menace crédible nécessitant un traitement urgent, sans que l'accomplissement d'actes de procédure judiciaire ne soit possible.
Ainsi, quelques jours avant la fin de la quatrième période de l'état d'urgence, le 14 décembre 2016 à Pau, une perquisition administrative a été menée au domicile de deux individus, dont l'un a notamment été signalé après les attentats du 13 novembre 2015 pour prosélytisme et tentative d'endoctrinement. Lors de cette perquisition ont été découvertes de nombreuses vidéos d'exécutions et de décapitations. Le téléphone et la tablette appartenant à l'un d'eux contenaient des moyens d'anonymisation, de cryptage et de messageries cryptées. Enfin, la photo du profil utilisé sur ces messageries cryptées supportait une inscription en langue arabe suivie d'un message en français : « ET TUEZ-LES où que vous les rencontriez ». Suite à l'ouverture d'une enquête préliminaire pour apologie du terrorisme et consultation habituelle de sites internet à caractère terroriste, les deux individus ont été placés en garde à vue le 1 er février. L'un d'entre eux a été condamné, le 16 mars 2017, à 4 ans de prison ferme par le tribunal correctionnel de Pau.
En décembre 2016 à Toulouse, une perquisition administrative, réalisée dans l'urgence, a été menée au domicile d'un recruteur de Daech et leader d'un groupe souhaitant perpétrer une action violente sur le territoire national. Un second individu, membre de ce groupe, logeait chez lui. Les deux occupants de l'appartement ont opposé une certaine résistance. Au cours de la perquisition, ont été découvertes de nombreuses armes et des munitions.
En avril 2017, une perquisition administrative réalisée chez une jeune fille de 15 ans dans le département des Alpes Maritimes, a permis lors de la consultation du téléphone de l'intéressée, de découvrir des échanges réalisés depuis une messagerie cryptée au sujet de la préparation « d'un attentat », de « bonbonne de gaz » et de « bureau de vote ». Le parquet de Paris a immédiatement été avisé de ces éléments et une information judiciaire ouverte.
Toujours en avril 2017, deux individus ont été interpellés à Marseille pour avoir envisagé d'attaquer des cibles liées au milieu politique (personnalités, rassemblements publics), à la police, ainsi que des lieux festifs de la ville. Ils se trouvaient en possession d'armes à feu et de 3,5 kg d'explosif. Cette interpellation faisait suite à une perquisition administrative réalisée en décembre 2016 au domicile de l'un d'eux et à l'exploitation ultérieure de son ordinateur, révélant des éléments caractérisant les soupçons de dangerosité de l'objectif, qui entrait en clandestinité juste après la perquisition. Par ailleurs, était présent lors de cette perquisition un autre individu donnant une fausse identité, ultérieurement identifié. Cette identification et l'établissement de la proximité de ces deux individus lors de cette perquisition administrative ont été déterminants pour asseoir l'association de malfaiteurs terroriste pour laquelle ils ont été interpellés et écroués.
Encore en avril 2017, deux perquisitions administratives ont été menées au domicile respectif de deux jeunes femmes à Nice, et à Levens, mineures velléitaires apparues en lien avec d'autres radicaux. Le dossier a basculé en procédure judiciaire au cours de l'opération, après que l'une des deux eut déclaré avoir eu pour projet de commettre, avec son amie, une action violente sur le territoire national. Toutes deux ont été mises en examen pour association de malfaiteurs terroriste et placées en centre éducatif fermé.
Enfin, en mai 2017, une levée de doute a pu être opérée en urgence, par le biais d'un perquisition administrative, après qu'une personne eut signalé la présence de deux individus présentant des signes de radicalisation et passant la nuit dans un logement situé au-dessus d'un bar, après avoir remisé dans les sous-sols de cet établissement une douzaine de bouteilles de gaz dont le sommet avait été ouvert, laissant penser qu'elles pouvaient avoir été remplies avec des produits pouvant constituer des engins explosifs : la perquisition, menée rapidement, a permis d'infirmer la menace d'attentat.
Ces exemples de perquisitions administratives illustrent leur utilité en démontrant que ce type de mesure permet rapidement de confirmer ou de lever un doute sur une menace, ce qui serait impossible, ou du moins beaucoup plus complexe, par l'utilisation d'une technique de renseignement.
L'utilité des perquisitions administratives est donc très réelle. Elle doit s'apprécier en mettant en rapport, d'une part, leur contribution à la mise en échec d'actions violentes, potentiellement meurtrières, et d'autre part, le caractère relatif de l'atteinte aux libertés publiques (137 mesures de perquisitions en 5 mois).
Ce type de perquisitions, pleinement intégrées par les services de renseignement, constituent d'indispensables mesures de prévention des actes liés au terrorisme. Elles constituent des mesures efficaces que les services utilisent pour prévenir, le plus souvent dans l'urgence, les menaces pour la sécurité et l'ordre public.
Elles permettent en outre une levée de doute sur une menace sans passer par une judiciarisation de la situation signalée ou d'étayer efficacement, par la collecte d'indices, une ouverture d'enquête sous une qualification terroriste par le parquet de Paris. La perquisition administrative permet ainsi de conforter, dans certaines hypothèses, le renseignement initial et d'asseoir l'existence d'une possible infraction pénale.
La loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 a étendu de manière significative les possibilités de recourir, en enquête judiciaire, aux perquisitions domiciliaires y compris de nuit. Toutefois, certaines situations ne peuvent donner lieu à une judiciarisation, faute d'éléments suffisants, ce qui rend nécessaire l'instauration de perquisitions de nature administrative.
1.2 Conditions de mise en oeuvre des perquisitions
L'article 11 de la loi 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence prévoit qu'une perquisition administrative peut être ordonnée, de jour comme de nuit, par le préfet de département, « lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser que ce lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics ».
Ces perquisitions administratives poursuivent une finalité exclusivement préventive. Ainsi que l'a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision n°2016-536 QPC du 19 février 2016, elles « ne peuvent avoir d'autre but que de préserver l'ordre public et de prévenir les infractions ». À la différence des perquisitions judiciaires, leur mise en oeuvre n'est donc pas conditionnée par la suspicion d'infractions pénales. La caractérisation d'une menace pour l'ordre et la sécurité publics est nécessaire et la mesure doit être proportionnée pour tenir compte dans son déroulement du respect des droits des personnes concernées.
Bien qu'elles soient effectuées en présence d'un officier de police judiciaire et donnent lieu à l'information du parquet, ces mesures de perquisition, sous l'empire de l'état d'urgence, n'ont pas à être autorisées par un juge judiciaire ainsi que l'a expressément rappelé le conseil constitutionnel dans sa décision n°2016-536 précitée.
L'arrêté préfectoral ordonnant une perquisition doit en toute hypothèse préciser le lieu et le moment de la perquisition ainsi autorisée. Certains lieux sont toutefois exemptés de perquisition. C'est le cas des lieux affectés à l'exercice d'un mandat parlementaire ou à l'activité professionnelle des avocats, des magistrats ou des journalistes munis d'une carte de presse. Cette exemption ne concerne toutefois pas leur domicile.
Diverses garanties, expressément prévues par l'article 11 de la loi du 3 avril 1955 précitée, encadrent le déroulement des mesures de perquisition administrative : le procureur de la République est ainsi informé sans délai de la décision de l'autorité administrative, la perquisition est conduite en présence d'un officier de police judiciaire, elle ne peut, par ailleurs, se dérouler qu'en présence de l'occupant ou, à défaut de son représentant ou de deux témoins. Elle doit enfin donner lieu à l'établissement d'un compte-rendu communiqué sans délai au procureur de la République.
En outre, afin d'éviter la déperdition d'éléments de preuve, lorsque des éléments recueillis lors de la perquisition initiale laissent raisonnablement supposer qu'un second lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics, les forces de l'ordre doivent pouvoir s'y transporter, « sans désemparer », en vue d'y poursuivre les opérations de perquisition. L'officier de police judiciaire chargé de la perquisition est ainsi habilité à prolonger une perquisition administrative dans un lieu autre que celui pour lequel la mesure a été autorisée initialement, par un ordre complémentaire de l'autorité administrative donné par tout moyen et régularisé en la forme dans les meilleurs délais.
Régime particulier de la saisie et de l'exploitation des données recueillies lors de la perquisition
La saisie des données informatiques découvertes à l'occasion d'une perquisition administrative obéit à un régime particulier.
Si la perquisition révèle l'existence d'éléments, notamment informatiques, relatifs à la menace que constitue pour la sécurité et l'ordre publics le comportement de la personne concernée, les données contenues dans tout système informatique ou équipement terminal présent sur les lieux de la perquisition (c'est-à-dire en pratique les téléphones, tablettes, ordinateurs et périphériques de stockage) peuvent être saisies soit par leur copie, soit par la saisie de leur support lorsque la copie ne peut être réalisée ou achevée pendant le temps de la perquisition.
Trois garanties entourent ce dispositif.
- la présence d'un officier de police judiciaire, qui permet d'assurer la régularité de la saisie dans l'hypothèse où des actes constitutifs d'infraction seraient découverts au moment de l'exploitation des données.
- l'établissement d'un « procès-verbal de saisie » rédigé par l'agent sous la responsabilité duquel est conduite la perquisition. Ce procès-verbal indique les motifs de la saisie et dresse l'inventaire des matériels saisis afin d'éviter toute contestation ultérieure à ce sujet. Une fois le procès-verbal établi, une copie en est remise à la personne concernée.
- la conservation des données et des supports saisis sous la responsabilité du chef du service ayant procédé à la perquisition jusqu'à la délivrance d'une autorisation d'exploitation délivrée par le juge des référés du tribunal administratif au vu de la régularité des opérations de perquisition et de la découverte, lors de cette perquisition, d'éléments corroborant l'existence de la menace alléguée pour fonder la mesure.
Si cette condition n'est pas satisfaite, l'autorisation est
refusée et l'exploitation des données impossible, celles-ci
étant «
détruites et les supports saisis sont
restitués à leur propriétaire ».
À l'inverse, si la condition est satisfaite, le juge autorisera l'exploitation des seules données en lien avec la menace que constitue pour la sécurité et l'ordre publics le comportement de la personne concernée. Cette disposition vise à limiter le champ de l'autorisation aux seuls éléments intéressant la sécurité publique et exclure ainsi l'accès des services de police aux informations concernant exclusivement la vie privée de l'intéressé.
Enfin, dans le cadre des perquisitions fondées sur l'article 11 de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence, l'ensemble des personnes présentes sur le lieu de perquisition peuvent être retenues lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser que leur comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics. Le principe de cette retenue de courte durée, puisque limitée à quatre heures sans autorisation préalable de l'autorité judiciaire, a été validé par le conseil constitutionnel. La personne concernée peut informer la personne de son choix ainsi que son employeur de sa situation. Le procureur de la république peut mettre fin à tout moment à cette retenue.
2. Objectifs poursuivis et nécessité de légiférer
2.1 Dans un contexte de menace terroriste intense et appelé à perdurer, et compte tenu de l'intérêt déterminant des perquisitions administratives dans la lutte contre le terrorisme, il est souhaitable que l'autorité administrative puisse ordonner des mesures de visites en dehors du cadre de l'état d'urgence, aux seules fins de prévenir des actes de terrorisme.
Les perquisitions, visites et saisies, qu'elles soient judiciaires ou administratives, relèvent de l'article 34 de la Constitution, et entrent dans le champ de la loi. Il s'agit d'une conciliation entre les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques, au premier rang desquelles figure la protection de la vie privée, et les nécessités liées à la préservation de l'ordre et de la sécurité publics.
2.2 Dans le droit commun de la procédure pénale, les perquisitions, visites domiciliaires et saisies de documents ou d'objets visent à rechercher les preuves d'un crime ou d'un délit en possession des personnes qui paraissent y avoir participé dans le domicile de ces personnes ou dans tous lieux dans lesquels pourraient se trouver des éléments utiles à la manifestation de la vérité.
La finalité des perquisitions en procédure pénale est probatoire : elle vise, si la nature de l'infraction le justifie à recueillir des éléments de preuve utiles à la manifestation de la vérité. Leur régime procédural varie selon la procédure : enquête de flagrance, enquête préliminaire dirigée par le procureur de la République ou information judiciaire confiée à un juge d'instruction.
Sauf en cas de flagrance, la perquisition ne peut être effectuée sans l'assentiment de la personne chez laquelle elle se déroule qu'avec l'autorisation d'un juge du siège : il s'agit soit du juge des libertés et de la détention (JLD) en enquête préliminaire, sur la requête du procureur de la République et seulement pour des infractions graves (punies d'au moins 5 ans d'emprisonnement), soit du juge d'instruction en information judiciaire, qui y procède lui-même ou y fait procéder par un officier de police judiciaire (OPJ) en lui délivrant une commission rogatoire.
Dans tous les cas, la perquisition ne peut commencer qu'entre 6h et 21h ; la perquisition de nuit est cependant possible en matière de criminalité et de délinquance organisées (dont font partie les actes de terrorisme), sur autorisation du JLD (en flagrance ou en enquête préliminaire) ou sur commission rogatoire du juge d'instruction (dans le cadre d'une information judiciaire).
Il existe, en droit commun, plusieurs régimes offrant à une autorité administrative, souvent sur autorisation d'un juge judiciaire, un pouvoir de visite domiciliaire et de saisie.
Des exemples peuvent être cités, de façon non exhaustive relevant de textes propres à chaque autorité administrative habilitée à procéder à des visites et saisies : Autorité de la concurrence, Autorité des marchés financiers, Autorité de contrôle prudentiel, inspection du travail, Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF), administrations fiscale et douanière, Commission nationale informatique et libertés (CNIL), etc.
Ainsi, par exemple, l'administration fiscale dispose-t-elle en cas de suspicion d'agissements frauduleux d'un droit de visite en tous lieux, même privés, ainsi que d'un droit de saisie, qui s'apparente à une perquisition ; la visite est autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention. Il en est de même pour les agents de l'administration de la concurrence et des fraudes, agissant à la demande de l'Autorité de la concurrence ou de la Commission européenne, ou encore pour les enquêteurs de l'Autorité des marchés financiers.
Bien qu'opérées par des agents de différentes administrations, ces visites visent à rechercher les infractions à la réglementation dont la répression relève en partie de ces administrations.
Au vu de l'utilité de la mesure à des fins préventives en matière de terrorisme, le choix a été fait d'introduire dans le droit commun, un régime de visites et de saisies à l'initiative de l'autorité administrative, subsidiaire à celui des perquisitions judiciaires.
Ces nouvelles mesures étant davantage rattachables aux régimes existants en droit commun offrant à une autorité administrative la possibilité, souvent sur autorisation d'un juge judiciaire, de procéder à des « visites » et « saisies », ces termes ont été préférés à ceux de « perquisitions », utilisés en procédure pénale ou dans le cadre de l'état d'urgence.
3. Options
La question de la nécessité d'une autorisation préalable par un juge judiciaire ne résulte pas expressément des exigences constitutionnelles ou conventionnelles.
Juridiquement, seuls deux motifs impliquent qu'une mesure coercitive soit décidée par un juge judiciaire :
- sa finalité répressive (recherche et poursuite des auteurs d'infractions) ;
- ou l'atteinte portée à la liberté individuelle, en application de l'article 66 de la Constitution, tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel ( « Nul ne peut être arbitrairement détenu. L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi » ).
Les décisions du Conseil constitutionnel sur l'inviolabilité du domicile reposent, pour celles antérieures à 1999, sur un fondement constitutionnel qui n'est plus celui retenu aujourd'hui : l'article 66 de la Constitution. L'intervention de l'autorité judiciaire était alors une garantie essentielle de la protection de l'inviolabilité tant du domicile que du véhicule (n° 83-164 DC du 29 décembre 1983, décision n° 90-281 DC du 27 décembre 1990.
À compter de 1999, cette jurisprudence a évolué, ne rattachant plus la protection du domicile à la liberté individuelle et à l'article 66 de la Constitution. Le Conseil constitutionnel a ainsi admis une dérogation au principe de l'intervention préalable de l'autorité judiciaire à propos des visites de véhicules circulant ou arrêtés sur la voie publique lorsqu'il existe à l'égard du conducteur une ou plusieurs raisons de soupçonner qu'il a commis un crime ou délit flagrant en tant qu'auteur ou complice (n° 2003-467 DC du 13 mars 2003) . Surtout, pour des finalités de police administrative, il a alors jugé que :
« 15. Considérant que l'article 13 de la loi déférée insère dans le code procédure pénale un article 78-2-4 ainsi rédigé : " Pour prévenir une atteinte grave à la sécurité des personnes et des biens, les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et les agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux 1°, 1° bis, 1° ter de l'article 21 peuvent procéder non seulement aux contrôles d'identité prévus au septième alinéa de l'article 78-2 mais aussi, avec l'accord du conducteur ou, à défaut, sur instructions du procureur de la République communiquées par tous moyens, à la visite des véhicules circulant, arrêtés ou stationnant sur la voie publique ou dans des lieux accessibles au public. - Dans l'attente des instructions du procureur de la République, le véhicule peut être immobilisé pour une durée qui ne peut excéder trente minutes. - Les deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article 78-2-2 sont applicables aux dispositions du présent article " ;
16. Considérant, s'agissant des visites de véhicules réalisées dans le cadre de la police administrative, que ces dispositions satisfont aux exigences constitutionnelles rappelées ci-dessus en raison de la condition à laquelle elles subordonnent ces visites ; qu'elles ne méconnaissent pas l'article 66 de la Constitution ; qu'elles sont formulées en termes assez clairs et précis pour respecter la mission confiée au législateur par l'article 34 de celle-ci »
Il résulte de l'évolution de la jurisprudence du Conseil constitutionnel amorcée en 1999 que, hors du cadre des actes de police judiciaire (voir n°2004-494 DC du 4 mars 2004 ou 2011-625 QPC du 10 mars 2011), l'intervention de l'autorité judiciaire pour autoriser la pénétration dans un domicile n'est plus une exigence constitutionnelle.
Toutefois, des garanties légales assurant le respect des exigences constitutionnelles découlant de l'article 2 de la Déclaration de 1789 doivent encadrer la pénétration dans un domicile. Une autorisation d'un juge du siège (en l'espèce le juge des libertés et de la détention près le TGI de Paris), option retenue, constitue une telle garantie.
Même si leurs modes de contrôle, leurs références et leurs rédactions diffèrent, les jurisprudences du Conseil constitutionnel, de la CEDH et de la CJUE convergent globalement sur les principes applicables en matière de perquisitions ou de visites domiciliaires susceptibles de mettre en cause l'inviolabilité du domicile, qui peuvent être résumés de la manière suivante :
- si, lorsque le contrôle d'un juge est prévu, il constitue une garantie forte, son caractère préalable n'est pas requis ;
- d'autres garanties procédurales peuvent permettre de contrebalancer l'absence d'un contrôle préalable ;
- le contrôle du caractère suffisant de ces garanties est toutefois renforcé en l'absence d'un contrôle préalable ;
- cette appréciation s'opère au regard des pouvoirs dont dispose l'autorité qui procède aux perquisitions et du but poursuivi ;
- en toute hypothèse, les personnes visées doivent bénéficier de voies de recours appropriées, permettant un contrôle effectif, indépendamment de celui exercé sur les décisions subséquentes à ces mesures de perquisitions ou visites (Voir par exemple CEDH, 15 octobre 2013, Gutsanovi c. Bulgarie , n° 34529/10 §§ 220 et 222 ; Décision n° 2011-150 QPC du 13 juillet 2011, SAS Vestel et autre , à propos des perquisitions douanières) .
3.1 La première option, écartée, aurait été de pérenniser le régime institué par la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence.
À l'occasion de son contrôle sur les mesures de perquisitions administratives ordonnées sur le fondement de l'état d'urgence, le Conseil constitutionnel a confirmé le caractère de mesures de police administrative de ces perquisitions car elles « ne peuvent avoir d'autre but que de préserver l'ordre public et de prévenir les infractions » (cons.4). Cette qualification a également été confirmée par le Conseil d'État dans son avis du 6 juillet 2016 (CE, Ass. n° 398234 et 399135, à paraître au recueil Lebon). Il en va de même des mesures de saisies de données, réalisées pendant ces perquisitions administratives et dont elles constituent l'accessoire, qui doivent être regardées comme relevant « de la seule police administrative ».
Une telle mesure n'entre donc pas dans le champ de l'article 66 de la constitution, ni à raison de sa finalité, ni à raison de la pénétration dans le domicile qu'elle suppose et n'a donc pas à être placée sous la direction et le contrôle de l'autorité judiciaire (décision n° 2016-536 QPC du 19 février 2016 cons. 4).
Par ailleurs, cette mesure est placée sous le contrôle effectif du juge, s'agissant de son principe et de son déroulement ainsi que de l'exploitation des données saisies, soumise à une procédure spéciale d'autorisation, devant le juge des référés.
Toutefois, plusieurs éléments plaident en réalité pour un contrôle préalable exercé par l'autorité judiciaire :
- la décision du Conseil constitutionnel intervenue sur la conformité à la Constitution de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955 contient une réserve, en ce qu'elle indique les dispositions de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955, qui ne sont pas entachées d'incompétence négative, opèrent, s'agissant d'un régime de pouvoirs exceptionnels dont les effets doivent être limités dans le temps et l'espace et qui contribue à prévenir le péril imminent ou les conséquences de la calamité publique auxquels le pays est exposé, une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre les exigences de l'article 2 de la Déclaration de 1789 et l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public ; que ne sont pas non plus méconnues les exigences de l'article 16 de la Déclaration de 1789 (cons. 11), sans qu'il soit possible de déterminer si une restriction du champ de la mesure en droit commun et un accroissement des garanties (autorisation des perquisitions de nuit par le juge des libertés et de la détention...), suffiraient à permettre une introduction du même régime en droit commun ;
- l'importance des atteintes à la vie privée, sachant que sont prévues à la fois la possibilité de procéder à la perquisition sans l'assentiment de l'intéressé et celle, avec une motivation spéciale au regard de l'urgence ou des nécessités de l'opération, de le faire de nuit (entre 21h et 6h) lesquelles sont, en procédure pénale, toujours autorisées par le juge des libertés et de la détention ;
- l'alignement sur d'autres procédures de visites domiciliaires avec ou sans saisie, à l'initiative de l'administration, soumises pour la plupart à l'autorisation préalable du juge judiciaire.
Il s'ensuit donc qu'un régime de perquisition à des fins de police administrative paraît constitutionnellement possible. Il implique toutefois nécessairement une restriction du champ d'application de ces mesures et un accroissement des garanties entourant leur édiction, tenant notamment à l'introduction d'une autorisation du juge des libertés et de la détention (option retenue). Il s'agit d'assurer une conciliation entre les droits et libertés garantis, au nombre desquels le respect de la vie privée et familiale et l'inviolabilité du domicile et l'objectif de sauvegarde de l'ordre public.
Cette première option a donc été écartée.
3.2 Une deuxième option, elle aussi écartée, aurait été de prévoir que visites et saisies ne peuvent être ordonnées par le préfet qu'après l'autorisation du procureur de la République de Paris.
Ce choix aurait pu se justifier par les considérations suivantes :
- le procureur de la République de Paris possède une compétence générale et concurrente de celle des autres parquets en matière de terrorisme et a l'habitude de travailler avec l'autorité préfectorale ;
- la perquisition administrative aux fins de prévenir des actes de terrorisme étant conçue comme subsidiaire par rapport à une perquisition judiciaire conduite dans le cadre d'une procédure pénale, le procureur de Paris, à raison même de sa compétence en matière de terrorisme, peut décider s'il souhaite ou a la possibilité d'ouvrir une enquête préliminaire et de faire procéder à la perquisition dans un cadre judiciaire ;
- l'organisation de ce parquet garantit une réponse à tout moment du jour et de la nuit, alors que des perquisitions menées par le préfet peuvent devoir être conduites en extrême urgence ;
Toutefois, en principe, le procureur de la République ne dispose pas de compétence spécifique d'autorisation et de contrôle en matière de police administrative. Outre quelques attributions en matière civile et commerciale, la mission première du ministère public consiste à exercer l'action publique et à requérir l'application de la loi.
Enfin, une simple autorisation par le Procureur de la République ne garantit pas un contrôle de l'ensemble des opérations de visite et de saisies par l'autorité judiciaire ni des voies de recours effectives, telles qu'exigées par le juge constitutionnel ou européen.
3.3 L'option retenue consiste à demander l'autorisation de réaliser une visite ou une saisie au juge des libertés et de la détention et de placer les opérations sous son autorité et son contrôle, y compris l'autorisation d'exploitation des données saisies.
Un tel choix offre une garantie supplémentaire quant à la constitutionnalité et la conventionalité du dispositif, particulièrement en considération de l'importance des atteintes permises au droit au respect de la vie privée (sans l'assentiment de la personne ; de nuit si nécessaire). Il rapproche également le dispositif des visites et saisies des régimes de visites domiciliaires conduites par des agents administratifs après autorisation de ce même juge.
De fait, en matière de visites domiciliaires destinées à constater des manquements administratifs, c'est le juge des libertés et de la détention, statuant en matière non répressive, conformément à l'article L. 213-8 du code de l'organisation judiciaire, qui délivre les autorisations. C'est notamment le cas, lorsque des agents dotés de pouvoirs de police spéciale mettent en oeuvre des visites de locaux (par exemple, article L. 206-1 du code rural et de la pêche maritime, qui relève bien de la police administrative), en matière de produits dangereux pour la santé publique (Article L.1421-2-1 du code de la santé publique, qui concerne les pouvoirs d'inspection de l'IGAS et d'autres services sanitaires), en matière d'environnement (article L. 171-12 du code de l'environnement s'inscrit dans le cadre de la police administrative, mais l'article L. 172-6 s'inscrit dans le cadre de la recherche d'infractions pénales), celles en matière de police des mines (article L.175-9 du code minier, qui relève de la police administrative) ou encore des postes et télécommunications (art L. 5-9-1 du code des postes, qui concerne le pouvoir de contrôle de l'ARCEP, avec des sanctions administratives encourues).
C'est le cas également en matière de police administrative des étrangers, la loi n° 2016-274 relative aux droits des étrangers en France ayant inscrit dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile la possibilité pour l'autorité préfectorale de saisir le juge des libertés et de la détention pour être autorisé à requérir les services de police pour visiter le domicile d'un étranger, assigné à résidence, et dont le comportement fait obstruction à l'exécution d'office de la mesure d'éloignement, afin de s'assurer de sa présence et de le reconduire à la frontière ou le placer en rétention administrative (article L. 561-2 du CESEDA).
• Un champ d'application très encadré par des conditions de mise en oeuvre nettement plus restrictives qu'en état d'urgence
Alors qu'elle peut, en état d'urgence, être ordonnée pour visiter tout lieu « lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser que ce lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour l'ordre et la sécurité publics » , les conditions tenant à la personne chez qui la visite et la saisie serait conduite en droit commun sont plus nombreuses et plus contraignantes :
- uniquement aux fins de prévenir des actes de terrorisme ;
- chez une personne dont le comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics,
- et qui soit entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutient ou adhère à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme en France ou à l'étranger ou faisant l'apologie de tels actes.
On remarquera que le critère de « soutien à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme en France ou à l'étranger ou faisant l'apologie de tels actes » ne suppose pas de communication publique, sauf à entrer dans le champ du délit d'apologie du terrorisme, qui a trait à toute action de communication publique présentant sous un jour favorable des actes terroristes ou ceux qui les ont commis. C'est donc précisément lorsque le soutien ou l'adhésion ne revêtent pas un caractère public mais se manifestent lors de conversations privées, interceptées par la mise en oeuvre de techniques de renseignement ou connues par des sources humaines, que la visite ou la saisie prendra tout son sens, là où l'autorité judiciaire n'aurait encore pas pu intervenir.
• Une subsidiarité par rapport aux perquisitions judiciaires.
Afin de garantir cette subsidiarité, le Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris est systématiquement informé quant à l'éventualité d'une visite et d'une saisie, et ce, avant même d'en demander l'autorisation au juge des libertés et de la détention. Cette information vise à ne pas interférer avec d'éventuelles procédures judiciaires en cours ou à permettre à l'autorité judiciaire d'ordonner elle -même une perquisition judiciaire au vu des éléments qui lui ont été transmis.
L'information préalable du procureur de la République permet à ce dernier d'apprécier si les éléments au soutien de la requête à fin de visite et de saisie doivent plutôt conduire à une perquisition judiciaire. À cet égard, il reçoit tous éléments relatifs à ces opérations, lui permettant une appréciation fine du projet de l'autorité administrative.
L'information par l'officier de police judiciaire du procureur territorialement compétent, de la découverte d'une infraction lors du déroulement de la visite et de la saisie, le met en capacité de traiter les suites pénales de cette mesure administrative.
• Le juge des libertés et de la détention autorise l'ensemble des opérations de visite et de saisie et d'exploitation des données saisies, placées sous son contrôle.
L'ensemble des opérations de visite et de saisie sont placées sous le contrôle du juge des libertés et de la détention qui l'autorise dans son principe, ainsi que la saisie des objets, documents ou données numériques, contrôle son déroulement, le cas échéant, en se transportant sur place, puis autorise l'exploitation des données numériques saisies, dans des conditions prévues par la loi.
Le juge des libertés et de la détention détient non seulement un rôle d'autorisation mais également de contrôle du déroulement des opérations, celui-ci pouvant se transporter sur place pour en contrôler la régularité, mais aussi en décider la suspension ou l'arrêt. En outre, afin de garantir l'effectivité de ce contrôle, lorsque les opérations ont lieu en dehors du ressort de sa juridiction, le juge qui a pris la décision peut délivrer, pour exercer ce contrôle, une commission rogatoire au juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel s'effectue la visite.
La forme de l'autorisation délivrée par le juge des libertés et de la détention prévoit l'adresse du ou des lieux dont la visite et la saisie est autorisée, les noms et qualités agents autorisés à y procéder, l'identité de l'officier de police judiciaire présent. Elle indique également la possibilité pour les personnes concernées, d'être assisté d'un avocat ainsi que les voies de recours contre cette décision, ce qui est conforme aux exigences de l'article 6 de la CEDH.
Par ailleurs, s'agissant des visites et saisies « par ricochet », celles-ci peuvent être autorisées par tout moyen en cas d'urgence uniquement, mention devant en être portée au procès-verbal afin de permettre à la personne concernée de contester l'opération.
Enfin, les visites et saisies intervenant de nuit seront particulièrement encadrées : si les visites et saisies ne peuvent débuter avant 6h et après 21h, le juge des libertés et de la détention peut les autoriser de manière expresse, en cas d'urgence ou lorsque les nécessités de l'opération l'exigent.
• La désignation d'un juge des libertés et de la détention à compétence nationale
Cette nécessité s'impose afin de simplifier le traitement des demandes et des recours en créant un interlocuteur unique juridiction accoutumée à délivrer une autorisation de perquisition en police administrative, à la fois au regard des finalités préventives de la mesure et de la spécificité des éléments produits à l'appui de la demande (issus du travail de renseignement administratif) et de lui permettre de dialoguer avec le procureur de la République de Paris.
Bien qu'il n'existe pas, en droit, de juge de libertés et de la détention spécialisé en matière de terrorisme, c'est celui de Paris qui s'en rapproche le plus, à raison du nombre des affaires de terrorisme traitées par le parquet de Paris. Enfin, lorsque la visite et la saisie a lieu dans le ressort d'un autre tribunal, ce juge peut délivrer une commission rogatoire au juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel s'effectue la visite et la saisie, afin que celui-ci assure le contrôle du déroulement des opérations.
• Un contrôle effectif
Par analogie avec les autres dispositifs existants, l'autorisation consentie par le juge des libertés et de la détention est susceptible de recours auprès du premier président de la Cour d'appel, avec application des règles du code de procédure pénale, puis d'un pourvoi en cassation.
De même, le déroulement des opérations est également soumis au contrôle du premier président de la Cour d'appel, avec application des règles du code de procédure pénale, puis d'un pourvoi en cassation.
Comme pour tous les régimes de visites ordonnées en dehors d'une procédure judiciaire, la personne concernée peut donc contester à la fois l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant autorisé la perquisition et la régularité de son déroulement, dans les conditions prévues au code de procédure pénale.
Enfin, l'exploitation des données informatiques contenues dans un équipement présent sur les lieux de la perquisition est également soumise à l'autorisation du juge des libertés et de la détention.
Cette procédure concilie donc à la fois les exigences de rapidité permettant aux services d'accéder rapidement aux données saisies et les droits des personnes concernées.
La visite et la saisie est réalisée en présence d'un officier de police judiciaire territorialement compétent, permettant ainsi de judiciariser les éléments susceptibles de constituer une infraction. Par suite, la saisie d'objets illicites (notamment armes, explosifs ou stupéfiants), permet la poursuite de la procédure selon les règles de procédure pénale qui trouvent alors à s'appliquer.
Enfin, est également prévue une possibilité de retenue pendant une durée maximale de quatre heures, de la personne dont le comportement a justifié la visite et la saisie d'un lieu qu'elle fréquente. En revanche, cette retenue, de courte durée, ne concerne que cette personne et non toutes les personnes présentes sur les lieux et n'est ordonnée que si la personne est susceptible de fournir des renseignements sur les objets, documents et données présents sur le lieu de la perquisition. Lorsque la personne est mineure, l'autorisation du juge des libertés et de la détention est requise.
Ce régime est très différent de celui dans le cadre des perquisitions fondées sur l'article 11 de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence où il n'existe pas d'autorisation du juge et où l'ensemble des personnes présentes sur le lieu de visite et de saisie peuvent être retenues lorsqu'il existent des raisons sérieuses de penser que leur comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics.
Ainsi conçu, le dispositif est conforme à la jurisprudence constitutionnelle et conventionnelle (cf CEDH, 21 février 2008, Ravon , req. n° 18497/03 ou CC n° 2014-387 QPC du 4 avril 2014 et 2014-390 QPC du 11 avril 2014), qui impose, pour que des autorisations de visite et de saisie dans un domicile soient conformes aux exigences des principes de droit de la défense et de droit au recours effectif, que, non seulement l'autorisation soit délivrée préalablement par un juge, mais encore que soit ouvert un recours effectif contre cette autorisation, avec un examen au fond par l'instance de recours, et qu'un contrôle indépendant soit également prévu sur le déroulement de la visite.
4. Analyse des impacts des dispositions envisagées
4.1 Impacts juridiques
La disposition envisagée insère un nouveau chapitre au titre II du livre II du code de la sécurité intérieure relatif à la lutte contre le terrorisme et les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation.
4.2 Impacts sur les services
À titre d'illustration, environ 4300 perquisitions administratives ont été pratiquées depuis le début de l'état d'urgence le 13 novembre 2015, ce chiffre ayant fortement diminué.
Phase 1 et 2 |
Phase 4 |
Phase 5 |
Total |
|
Perquisitions administratives |
3 594 |
612 |
130 |
4 336 |
* La loi n° 2016-629 du 20 mai 2016 prorogeant l'application de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence (phase III) n'avait pas autorisé la réalisation de perquisitions administratives.
Toutefois, le resserrement des conditions de mise en oeuvre de cette mesure interdisant son utilisation pour permettre une levée de doute pure et simple, son utilisation plus ciblée et le principe de sa subsidiarité clairement affiché par rapport aux mesures judiciaires, permet de penser que le nombre de perquisitions n'excèdera pas, en tout état de cause, l'ordre de grandeur actuel, soit une perquisition par jour environ.
Actuellement, le TGI de Paris compte 11 juge des libertés et de la détention qui, dans le cadre des permanences, traitent notamment les requêtes faites en matière de terrorisme, tous étant amenés à connaître des dossiers de terrorisme ou des requêtes s'y rapportant (écoutes, perquisitions, etc.) au gré de leur tour de permanence générale.
L'ajout des visites et saisies à la compétence des juges des libertés et de la détention parisiens, pour qui le traitement judiciaire des affaires de terrorisme représente déjà une charge importante et croissante, constituera une charge supplémentaire.
ARTICLES 5 ET 6 : TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE 2016/681 PNR
1. État des lieux et diagnostic
1.1 Le cadre juridique national : le système API-PNR France
La France s'est dotée de plusieurs traitements de données à caractère personnel en vue d'exploiter les données de réservation ou données PNR (Passenger Name Record) et les données d'enregistrement ou données API (Advanced Passenger Information) des passagers aériens, transmises par les transporteurs et les opérateurs de voyage ou de séjour affrétant tout ou partie d'un aéronef.
Les données API sont les données recueillies par les transporteurs aériens lors de l'enregistrement et l'embarquement du voyageur. Il s'agit des données contenues dans la bande de lecture optique du passeport ainsi que certaines données relatives aux vols.
Les données PNR sont des informations
déclaratives fournies soit par une personne, un
organisme ou une
agence de voyage afin de réserver un voyage auprès d'un
transporteur
aérien. Le dossier PNR est un relevé des
renseignements relatifs au voyage de chaque
passager collecté par les
transporteurs aériens à des fins commerciales.
En premier lieu, les articles L. 232-1 à L. 232-6 du code de la sécurité intérieure ont autorisé le ministre de l'intérieur à mettre en oeuvre le traitement des données API et PNR, lorsqu'elles sont recueillies à l'occasion de déplacements internationaux en provenance ou à destination d'États n'appartenant pas à l'Union européenne, afin d'améliorer le contrôle aux frontières, de lutter contre l'immigration clandestine et de prévenir et réprimer des actes de terrorisme et des atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation.
Sur ce fondement, a été créé le système européen de traitement des données d'enregistrement et de réservation (SETRADER) par arrêté du 11 avril 2013.
En second lieu, l'article 17 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire, codifié à l'article L. 232-7 du code de la sécurité intérieure, a prévu la mise en oeuvre d'un traitement de données à caractère personnel, placé sous la responsabilité du ministre de l'intérieur, du ministre de la défense, du ministre chargé des transports et du ministre chargé des douanes.
En application de l'article L. 232-7 du code de la sécurité intérieure, le décret n° 2014-1095 du 26 septembre 2014 a créé un traitement de données à caractère personnel dénommé « système API-PNR France ». L'ensemble du dispositif est codifié aux articles L. 232-7 et R. 232-12 à R. 232-18 du code de la sécurité intérieure.
Le « système API-PNR France » porte sur les données de réservation (données PNR) ainsi que sur les données d'enregistrement et d'embarquement (données API) des passagers aériens. Les transporteurs aériens sont tenus de transmettre les données PNR et API de l'ensemble des vols à destination et en provenance du territoire national, à l'exception de ceux reliant deux points de la France métropolitaine. Sont donc concernés l'ensemble des vols extra et intra-européens ainsi que les vols en provenance et à destination des DOM/COM. Le dispositif a été élargi aux voyagistes par l'article 28 de la loi du 28 juillet 2015 actualisant la loi de programmation militaire 2013-2019.
Le système mis en oeuvre a pour finalités la prévention, la constatation des infractions et le rassemblement des preuves des infractions et atteintes suivantes, ainsi que la recherche de leurs auteurs :
- actes de terrorisme ;
- infractions mentionnées à l'article 695-23 du code de procédure pénale 12 ( * ) (infractions pour lesquelles un mandat d'arrêt européen peut être exécuté) ;
- atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation.
Il permet de rapprocher les données API et PNR collectées pour chaque passager et de comparer automatiquement ces données avec certains fichiers relatifs à des personnes ou des objets recherchés ou surveillés ainsi que d'appliquer des techniques de ciblage sur les données collectées afin de rechercher des personnes et des objets ou de détecter des comportements à risque.
Un service à compétence nationale désigné « Unité Information Passagers » (UIP), rattaché au ministre chargé des douanes, a été créé par décret n° 2014-1566 du 22 décembre 2014, avec pour missions de collecter les données API et PNR transmises par les transporteurs aériens, ainsi que de conserver, traiter et transmettre les données ou le résultat de leur traitement aux autorités compétentes.
Ce dispositif a été prévu à titre expérimental jusqu'au 31 décembre 2017, dans l'attente de l'adoption de la directive PNR.
1.2 La directive (UE) 2016/681 du 21 avril 2016
Le 2 février 2011, la Commission européenne a présenté une proposition de directive sur l'échange des données des dossiers des passagers aériens (dites données « PNR »), afin d'harmoniser la gestion et l'utilisation des données PNR à l'échelle de l'Union européenne et de lutter contre les infractions terroristes et les formes graves de criminalité. Elle propose pour y parvenir la mise en oeuvre de techniques de criblage (confrontation des données PNR à d'autres bases telles que le Système d'Information Schengen - SIS) et de ciblage (analyse des données des passagers notamment par l'application de critères).
À la suite du rejet de la proposition de la directive par le Parlement européen le 24 avril 2013, le processus de négociation a été interrompu entre 2013 et 2015. Toutefois, après les attentats qui ont touché la France et l'Europe en 2015, les travaux au sein de l'Union européenne ont été relancés. La France a participé très activement au processus afin de faire aboutir le projet dans les meilleures conditions possibles.
La directive (UE) 2016/681 relative à l'utilisation des données des dossiers passagers (PNR) pour la prévention et la détection des infractions terroristes et des formes graves de criminalité, ainsi que pour les enquêtes et les poursuites en la matière (ci-après dénommée « directive PNR ») a finalement été adoptée le 21 avril 2016. Les Etats membres doivent transposer cette directive au plus tard le 25 mai 2018.
En application de cette directive, les transporteurs aériens qui proposent des vols entre un pays tiers et le territoire d'au moins un État membre de l'Union européenne devront communiquer les données PNR aux autorités compétentes dudit État membre. Ces données seront transmises à une entité unique spécifique - l'unité information passager (UIP) - de l'État membre dans lequel le vol est prévu.
2. Nécessité de légiférer
Les articles 4 et 5 visent à pérenniser le système API-PNR France, instrument essentiel dans la lutte contre le terrorisme et contre les formes graves de criminalité ainsi qu'à répondre à l'obligation communautaire et constitutionnelle de transposition des directives européennes.
2.1 La nécessité de pérenniser le « système API-PNR France »
La pérennisation du « système API-PNR France » est justifiée, d'une part, par la nécessité d'une transposition complète et conforme de la directive PNR et, d'autre part, par la nécessité de parachever la mise en place du « système API-PNR France », dont le bilan des premières années d'exploitation est positif.
Le système API-PNR France est en production depuis le 15 mai 2015 s'agissant de la collecte des données. Au 1 er juin 2017, la collecte concerne 68 compagnies aériennes sur des routes extra-européennes (soit environ 80 % des vols extra-UE), pour un flux représentant en volume annuel environ 52 millions de dossiers passagers.
L'Unité Information Passagers (UIP), située près de l'aéroport de Roissy Charles De Gaulle, a ouvert ses portes le 21 septembre 2015 et compte à ce jour 28 agents provenant des quatre ministères concernés par le traitement. Même si le système n'est pas encore achevé, une première exploitation sous forme d'expérimentation du système API-PNR France est en cours depuis juin 2016 et fait travailler environ 700 utilisateurs au sein des services habilités. Elle a déjà produit des premiers résultats intéressants d'un point de vue opérationnel, qui valident le bien-fondé de la démarche
2.2 Mise en conformité avec la directive PNR
En application de l'article 288 du traité sur le fondement de l'Union européenne (TFUE), une directive lie tous les Etats membres quant aux résultats à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens de sa mise en oeuvre.
Le Conseil constitutionnel a jugé dans sa décision n° 2004-496 DC du 19 juin 2004, Loi pour la confiance dans l'économie numérique que : « (...) la transposition en droit interne d'une directive communautaire résulte d'une exigence constitutionnelle à laquelle il ne pourrait être fait obstacle qu'en raison d'une disposition expresse contraire de la Constitution. ».
Lors de la création du « système API-PNR France », les travaux sur la directive étaient à l'arrêt. La France s'est alors fondée sur la proposition de directive PNR dont la version finalement adoptée a sensiblement évolué. Si le cadre législatif prévu par le code de la sécurité intérieure est très proche des termes de la directive (UE) 2016/681, il est toutefois nécessaire de procéder à des ajustements et compléments.
3. Objectifs poursuivis
3.1 Sur l'abrogation du II de l'article 17 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013
Le II de l'article 17 de la loi n° 2013-1168 dispose que l'article L. 232-7 du code de la sécurité intérieure est applicable jusqu'au 31 décembre 2017. Il est donc nécessaire d'abroger cette disposition afin de pérenniser le dispositif législatif créant le système API-PNR France. A défaut, il serait impossible de continuer à collecter et à traiter les données relatives aux passagers aériens.
3.2 Sur la modification de l'article L. 232-1 du code de la sécurité intérieure
Le traitement SETRADER, qui a été mis en oeuvre sur le fondement de l'article L. 232-1 du code de la sécurité intérieure, collecte et traite uniquement les données API. Il exploite ces données pour des finalités autres que celles prévues pour le système API PNR France, à savoir l'amélioration du contrôle aux frontières et la lutte contre l'immigration irrégulière.
Afin de se conformer à la réalité opérationnelle, de réserver cet article aux seules données API et d'assurer une plus grande clarté des différents dispositifs, l'article 5 prévoit de modifier l'article L. 232-1 du CSI et de supprimer la référence aux données PNR, c'est-à-dire aux données enregistrées dans les systèmes de réservations des transporteurs.
3.3 Sur la modification du I de l'article L. 232-7 du code de la sécurité intérieure
La directive 2016/681 prévoit que les données peuvent notamment être traitées à des fins de prévention et de détection des formes graves de criminalité en renvoyant à une liste d'infractions énumérées à l'annexe II, qui sont passibles d'une peine privative de liberté ou d'une mesure de sûreté d'une durée maximale d'au moins trois ans au titre du droit national d'un État membre.
Les infractions mentionnées à l'article 695-23 du code de procédure pénale (devenu l'article 694-32 du même code), auxquelles l'article L. 232-7 du code de la sécurité intérieure fait actuellement référence, ne correspondent pas exactement aux infractions mentionnées à l'annexe II de la directive. Afin de rendre le dispositif plus lisible, il est procédé par renvoi à l'annexe II de la directive PNR.
3.4 Sur les agences de voyage
En application de l'article 28 de la loi du 28 juillet 2015 actualisant la loi de programmation militaire 2013-2019, l'article L. 232-7 du code de la sécurité intérieure permet de soumettre les opérateurs de voyage ou de séjour affrétant tout ou partie d'un aéronef à l'obligation de transmission des données PNR.
Cette disposition est conforme à la directive 2016/681 dont le considérant 33 dispose que « La présente directive est sans préjudice de la possibilité pour les États membres de prévoir, en vertu de leur droit national, un système de collecte et de traitement des données PNR auprès d'opérateurs économiques autres que les transporteurs, tels que des agences ou des organisateurs de voyages qui fournissent des services liés aux voyages, y compris la réservation de vols, pour lesquels ils recueillent et traitent les données PNR (...) ».
Néanmoins, afin de soumettre l'ensemble des opérateurs fournissant un service de réservation de vols aériens et disposant de données PNR, l'article 5 modifie la rédaction de l'article L. 232-7 du code de la sécurité intérieure afin d'y inclure expressément les agences de voyage. Cet ajout, qui est permis par la directive 2016/681, est en outre justifié par le fait que les agences de voyage et les opérateurs de voyage ou de séjour relèvent du même régime juridique national en application des articles L. 211-1 et suivants du code du tourisme.
3.5 Sur la finalité des atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation
Les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation, qui étaient une finalité figurant dans le projet initial de directive et ne figurant plus dans la directive adoptée, sont hors du champ de compétence de l'Union européenne. C'est la raison pour laquelle la directive ne pouvait les mentionner comme finalité du système API-PNR. C'est également la raison pour laquelle la France fait le choix de conserver cette finalité pour le système français.
4. Analyse des impacts des dispositions envisagées
4.1 Impacts juridiques
La pérennisation du « système API-PNR France » par l'abrogation du II de l'article 17 de la loi n°2013-1168 aura pour conséquence principale de préserver la base légale d'un outil important dans la lutte contre le terrorisme et les formes graves de criminalité. L'absence de pérennisation du système avant le 31 décembre 2017 impliquerait notamment, au-delà de cette date, de supprimer les données actuellement conservées dans le traitement et l'arrêt du traitement de données à caractère personnel mis en oeuvre.
Les ajustements et compléments nécessités pour assurer la transposition de la directive impliquent une modification des dispositions du titre III du livre II du code de la sécurité intérieure.
4.2 Impacts en matière budgétaire et de ressources humaines
La pérennisation du « système API-PNR » n'aura pas d'impacts budgétaires ou en matière de ressources humaines.
4.3 Impacts opérationnels
La suppression de la possibilité de collecter des données PNR sur le fondement de l'article L. 232-1 du code de la sécurité intérieure n'aura pas de conséquences opérationnelles pour les services compétents. En effet, le traitement SETRADER mis en oeuvre sur le fondement de cette disposition ne collecte ni ne traite les données PNR. Les services compétents ayant accès aux données du traitement SETRADER conserveront donc les mêmes possibilités.
5. Modalités d'application
Des mesures réglementaires seront nécessaires pour assurer l'application des dispositions législatives du code de la sécurité intérieure et assurer la complète transposition de la directive (UE) 2016/681.
Devront être modifiés le décret n° 2014-1095 du 26 septembre 2014 portant création d'un traitement de données à caractère personnel dénommé « système API-PNR France » pris pour l'application de l'article L. 232-7 du code de la sécurité intérieure et codifié aux articles R. 232-12 à R. 232-18 du même code ainsi que le décret n° 2014-1566 du 22 décembre 2014 portant création d'un service à compétence nationale dénommé « Unité Information Passagers » (UIP).
Ces modifications devront intervenir avant le 25 mai 2018, date d'expiration du délai de transposition de la directive (UE) 2016/681.
ARTICLE 7 : MISE EN oeUVRE D'UN TRAITEMENT AUTOMATISÉ DE DONNÉES À CARACTÈRE PERSONNEL POUR LE TRANSPORT MARITIME DE PASSAGERS.
1. État des lieux
1.1 Les ports français connaissent une activité soutenue de transport de passagers constituant un secteur économique dynamique, support de l'activité touristique en France.
L'activité de transport de passagers recouvre à la fois des liaisons maritimes fixes et régulières (ferries), mais aussi des activités de croisières plus saisonnières (paquebots).
Le volume annuel global de ces activités s'établit à 32.5 millions de passagers.
Le lien transmanche y tient une part dominante avec 17 millions de passagers environ. Les liaisons régulières entre la Corse et le continent représentent le deuxième ensemble le plus significatif avec 4 millions de passagers. Le reste des liaisons opérées en Méditerranée vers le Maghreb, l'Espagne ou l'Italie totalisent 3,5 millions de passagers.
La croisière tend à se développer sur l'ensemble des façades maritimes, mais concerne encore principalement la Méditerranée (3,1 millions pour Cannes, Nice-Villefranche ou Marseille) et les Antilles (1,6 millions)
Sur les 227 navires français de tous types, 47 sont des navires à passagers. 31 navires de transport de passagers sous pavillon étranger desservent également la France, 11 en Manche et 20 en Méditerranée.
D'un type de liaison à l'autre, les modalités de réservation, d'enregistrement, de contrôle et d'accès à bord peuvent largement différer (piétons, passagers avec véhicule, réservation anticipée ou titre de transport acquis à l'embarquement...).
Les dispositifs de sécurité et de contrôles douaniers ont été largement renforcés dans le cadre des mesures ISPS consécutives aux attentats du 11 septembre 2001. Pour autant, les menaces existantes telles qu'on peut les apprécier dans la configuration des tueries de masse ou des attentats-suicides survenus ces dernières années en France et en Europe, nécessitent un renforcement des mesures préventives de sécurité à l'embarquement, en complément des mesures déjà prises pour renforcer la sécurité à bord des navires au cours de la traversée et des dispositifs d'intervention en mer.
A l'exemple des mesures adoptées dans le domaine aérien, l'exploitation avant embarquement, par les services de sécurité, des données à caractère personnel détenues par les compagnies maritimes de transport, permettent d'identifier préventivement des passagers présentant une menace potentielle ou avérée. La rapidité des embarquements de passagers ou la fluidité logistique à la fois sur les aires de stationnement et lors de l'accès des véhicules à bord, constituent des conditions intrinsèques de l'activité économique. Les contrôles et les fouilles avant embarquement ne peuvent de ce fait être considérés comme un mode d'action systématique en raison des coûts d'infrastructure ou de personnel qu'ils impliquent, et surtout des ralentissements qu'ils génèrent.
1.2 La loi n° 2016-816 du 20 juin 2016 pour l'économie bleue a institué ce traitement automatisé de données à caractère personnel lors des transports maritime de passagers en modifiant les articles L. 232-4 et L. 232-7 du code de la sécurité intérieure.
Le Premier ministre, en comité interministériel de la mer, a décidé le 4 novembre 2016 que le dispositif maritime devait être maintenu au regard de la menace terroriste réelle existante et des indéniables vulnérabilités que présentent le secteur.
Le projet d'article L. 232-7-1 du code de la sécurité intérieure vient compléter le dispositif aérien et pérenniser le dispositif maritime au-delà du 31 décembre 2017.
Il le fait de manière distincte car :
- aucune règle européenne ne vient réglementer spécifiquement le domaine maritime, contrairement au volet aérien qui doit se mettre en conformité par rapport à la directive (UE) 2016/681 dite « PNR » ;
- les données collectées ne sont pas strictement identiques aux champs renseignés par les compagnies aériennes ;
- le traitement de données peut être effectué selon les ports par les services de la gendarmerie maritime ou par des services de police.
Le projet d'article L. 232-7-1 n'a pas d'impact sur les autres partie du code, ni sur des traités internationaux.
2. Analyse des impacts des dispositions envisagées
Le coût minimal est visé aussi bien pour les compagnies maritimes soucieuses de préserver l'attractivité commerciale de leur offre vis-à-vis de la concurrence (tunnel sous la Manche, liaisons aériennes) et le prix de leur prestation à l'égard de leur clientèle, que pour les services de l'État ou des concessionnaires des ports nécessairement impactés par des mesures physique de contrôle. Un dispositif est déjà en place, même s'il n'est à ce jour que temporaire. À cet égard, certains armateurs ont engagé les investissements nécessaires à sa pérennisation.
Le traitement automatisé de données à caractère personnel lors des transports maritime de passagers se limite à un effort de standardisation dans la réunion des données déjà collectées par les compagnies maritimes lors des enregistrements de passagers, puis à des modalités de transfert facile et rapide aux services de sécurité chargés d'en assurer le criblage. Les contrôles effectifs sont ainsi limités. Les frais d'équipement et de personnel sont marginaux puisque la décharge vise en fait à l'optimisation de données et de moyens déjà disponibles.
Le développement de la passerelle entre le PNR maritime et le PNR aérien reste à construire comme la mise à disposition des services des données recueillies.
3. Modalités d'application
Le projet d'article L. 232-7-1 a vocation à s'appliquer dans les ports français pour les passagers de toutes nationalités, au départ et à l'arrivée des liaisons France/France, des liaisons France/étranger ou étranger/France, à bord des navires battant pavillon français ou étranger.
Les modalités d'application de l'article L. 232-7-1 du code de la sécurité intérieure seront précisées par un décret en Conseil d'Etat après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.
ARTICLES 8 ET 9 : LA SURVEILLANCE DES COMMUNICATIONS HERTZIENNES
1. État des lieux
Lors de l'élaboration puis du vote du projet devenu loi n° 91-646 du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des télécommunications électroniques, le Gouvernement puis le législateur avaient choisi d'y faire figurer un article 20 qui disposait que « Les mesures prises par les pouvoirs publics pour assurer, aux seules fins de défense des intérêts nationaux, la surveillance et le contrôle des transmissions empruntant la voie hertzienne ne sont pas soumises aux dispositions des titres Ier et II de la présente loi ».
Alors qu'était organisé, pour répondre aux exigences résultant de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales exprimées dans l'arrêt de la Cour de Strasbourg Kruslin c/ France du 24 avril 1990, le régime légal, administratif et judiciaire, de l'interception et de l'exploitation des correspondances émises par la voie des télécommunications, les pouvoirs publics avaient donc choisi de faire un sort à part aux transmissions empruntant la voie hertzienne, c'est-à-dire aux communications sans support filaire qui utilisent le champ électromagnétique pour transmettre un message depuis une antenne émettrice vers une antenne réceptrice.
L'exposé des motifs justifiait ce choix ainsi :
« Parallèlement aux opérations visant à intercepter, pour les motifs énoncés à l'article 3 du projet de loi, les correspondances de personnes déterminées, les pouvoirs publics doivent être légalement en mesure d'exercer, dans le seul but d'assurer la défense des intérêts nationaux, des actions de surveillance et de contrôle des transmissions empruntant la voie hertzienne. Cette mission essentielle ne peut pas se prêter à l'application des procédures d'autorisation préalable et de contrôle prévues par le projet de loi, dans la mesure où les opérations correspondantes consistent en une surveillance générale du domaine radioélectrique sans viser des communications individualisables et ne constituent donc pas une atteinte au secret des correspondances au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme. Il apparaît souhaitable, notamment au regard de la convention européenne des droits de l'Homme, que la loi consacre expressément cette mission de surveillance et de contrôle. Tel est le sens de l'article 20 du projet de loi ».
Ce que confirmaient les travaux préparatoires de la loi. Ainsi de l'intervention du garde des sceaux Henri Nallet, qui indiquait au Sénat que le « projet de loi consacre la légalité des mesures de surveillance et de contrôle des transmissions hertziennes auxquelles recourt l'État dans un but de défense des intérêts fondamentaux du pays. Cette surveillance, qui consiste en un balayage aléatoire du domaine hertzien, sans viser, a priori, des communications individualisables, ne peut se prêter, en raison même de sa nature technique, à des procédures d'autorisation préalable et de contrôle » .
La portée restrictive de ce qui a été communément qualifié « d'exception hertzienne » a ensuite été confortée par l'interprétation qu'en ont donné la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS) puis la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (la CNCTR) qui a remplacé la première en 2015. Toutes deux ont insisté sur le fait que l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991, devenu ensuite L. 241-3 puis L. 811-5 du code de la sécurité intérieure (CSI) sans pour autant changer de contenu, ne devait ainsi en aucun cas permettre un contournement du régime légal plus contraignant prévu pour d'autres techniques de renseignement (interceptions de sécurité d'abord puis celles, plus nombreuses, créées par la loi renseignement). A titre d'illustration, on rappellera que dès 1998, la CNCIS avait insisté sur le fait que l'article 20 ne pouvait servir de fondement légal à l'interception de communications échangées par un téléphone mobile, alors même que ces communications empruntent nécessairement, pour une partie de leur acheminement (entre le terminal et l'antenne relai), la voie hertzienne.
Saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par plusieurs associations de défense des libertés publiques et transmise par le Conseil d'Etat, le Conseil constitutionnel, relevant - comme le révèlent les commentaires aux Cahiers - l'écart entre l'interprétation restrictive rappelée par le Gouvernement dans son mémoire en défense et la rédaction de l'article L. 811-5 du CSI qui ne reflétait pas ces restrictions d'usage, a censuré cet article par sa décision du 21 octobre 2016 n°2016-590 QPC. Il a en effet constaté que sa rédaction n'excluait pas que puissent, sur son fondement, être « interceptées des communications ou recueillies des données individualisables » et en a conclu que ses dispositions portaient donc une atteinte excessive à la vie privée et au secret des correspondances dès lors qu'elles prévoyaient une finalité (« la défense des intérêts nationaux ») trop large et à l'inverse aucune définition de la nature des mesures en cause ni aucune condition de fond ou de procédure pour leur mise en oeuvre, ni encore aucun contrôle.
Pour éviter de priver le Gouvernement de toute possibilité de surveillance des communications empruntant la voie hertzienne, le Conseil constitutionnel a toutefois reporté sa censure au 31 décembre 2017, tout en assortissant le mécanisme transitoire qu'il ménageait ainsi de deux conditions tenant d'une part à ce que les dispositions temporairement maintenues ne servent pas de fondement à la mise en oeuvre de mesures entrant dans le champ d'application des dispositions du titre V du livre VIII du code de la sécurité intérieure et d'autre part à ce que la CNCTR soit régulièrement informée sur « le champ et les natures des mesures prises » sur leur fondement.
2. Objectifs poursuivis
Le présent projet de loi a pour objet de recréer, avant que l'abrogation de l'article L. 811-5 du CSI ne devienne effective, une base légale pour les mesures de surveillance des communications hertziennes qui étaient effectuées par les pouvoirs publics sur le fondement de cet article.
Le maintien de cette possibilité de surveillance des communications hertziennes est en effet indispensable. Comme les développements ci-dessous le préciseront, la nature et l'ampleur des mesures qui étaient prises par les pouvoirs publics au nom de « l'autorisation » conférée par les dispositions de l'article L. 811-5 du CSI étaient, avant même la décision du 21 octobre 2016, bien plus limitées que ne le laissaient craindre l'imprécision relative de la rédaction et certaines interprétations invoquées pour justifier des usages détournés et à ce titre condamnées par le juge pénal (voir en ce sens la décision du tribunal correctionnel de Paris du 8 avril 2014, n°11010023019, pour un cas où l'exception hertzienne avait été invoquée comme base légale de l'accès illégal à des données de connexion).
Mais il n'en reste pas moins que l'« exception hertzienne », utilisée en réalité comme base légale, servait de fondement à l'ensemble des mesures de surveillance des communications empruntant la voie hertzienne sans l'intervention d'un quelconque opérateur exploitant un réseau de télécommunications ouvert au public. Parmi ces mesures figuraient donc l'interception et l'exploitation des communications radio très longue distance (gamme VLF, très basses fréquences), longue distance (gamme « HF », hautes fréquences) et courte distance (gamme V/UHF, très et ultra hautes fréquences). Or la surveillance, depuis le territoire national, de ces communications radio conserve une évidente utilité, et même un caractère stratégique, notamment dans trois champs majeurs d'intervention que sont l'action militaire, la lutte contre le terrorisme - à laquelle l'action militaire contribue d'ailleurs de plus en plus - et la contre-ingérence.
Si les communications radio ne représentent aujourd'hui qu'une part infime des flux mondiaux de communications, elles restent en effet couramment utilisées par des acteurs qui présentent un intérêt majeur pour les services de renseignement et pour les forces armées françaises : forces armées étrangères, groupes armés non étatiques, services spéciaux étrangers, réseaux institutionnels d'intérêt, organisations terroristes, personnes communiquant depuis des zones de conflit ou de crise dans lesquelles les infrastructures plus classiques (réseaux filaires, GSM, ...) ont disparu.
A ces acteurs s'ajoutent tous ceux qui, connaissant les risques de surveillance des communications empruntant des réseaux filaires exploités par des opérateurs susceptibles de répondre aux réquisitions légales des pouvoirs publics, choisissent de recourir à la technique plus artisanale de la radio pour éviter cette surveillance. Il convient à ce titre de souligner aussi que la voie hertzienne permet de véhiculer des communications sur de longues (HF) voire très longues distances (VLF), si bien que les interceptions réalisées depuis le territoire national 13 ( * ) , qui sont donc régies par la loi française, permettent en réalité de surveiller des communications émises ou reçues parfois très loin de notre territoire.
Dans le domaine militaire - et comme le rappelait le président Bas dans son rapport sur le projet de loi devenu ensuite la loi relative au renseignement du 24 juillet 2015 14 ( * ) - ce sont des interceptions de communications VLF ou HF, en partie réalisées depuis le territoire national, qui permettent aux forces armées françaises de connaître les mouvements de troupes, de sous-marins, de bâtiments ou d'aéronefs militaires étrangers. Il en va de même lorsque des groupes armés terroristes emploient ce mode de communication sur les théâtres de conflits armés, ou encore pour communiquer avec les « combattants » qu'ils chargent d'aller commettre des attentats en Europe ou ailleurs.
Dans le domaine de la contre-ingérence, les interceptions HF permettent de détecter des instructions diffusées par des puissances étrangères vers leurs agents.
Quant aux communications radio courte distance, elles peuvent, comme il a été dit plus haut, être utilisées par des acteurs qui y voient l'occasion de communiquer sans être connectés à un réseau d'opérateur de télécommunications, en utilisant des moyens de communication très faciles à acquérir et qui assurent l'anonymat des utilisateurs. Des individus impliqués dans une prise d'otage, une opération terroriste ou une activité extrémiste violente peuvent ainsi utiliser des talkies walkies ou des PMR (gamme V/UHF, la PMR - private mobile radio - étant une version numérique du talkie walkie analogique) pour se coordonner ou communiquer avec des complices.
Le projet de loi entend donc donner une nouvelle base légale à ces mesures de surveillance qui répondent à une utilité opérationnelle de tout premier ordre.
3. Options
La question s'est toutefois posée de savoir si le recours à la loi pour permettre aux pouvoirs publics de continuer à procéder aux mesures de surveillance détaillées plus haut était indispensable.
Elle s'était déjà posée au moment de la rédaction de la loi du 10 juillet 1991 et le Conseil d'État, dans l'avis qu'il avait rendu au Gouvernement et dont la teneur a été rendue publique au Parlement, y avait apporté une réponse négative, estimant que la surveillance générale du spectre électromagnétique sans ciblage de communications individualisables, ne portait pas atteinte au secret des correspondances ou au respect de la vie privée et n'exigeait donc pas d'être régie par la loi.
Une solution aurait donc consisté à réaffirmer que les mesures prises sur le fondement de l'article L. 811-5 du CSI concernaient toutes des communications ou des données non individualisables et à en conclure que l'article pourrait disparaître sans empêcher les pouvoirs publics de continuer à pratiquer ces mesures sans base légale.
Le débat a toutefois été évidemment renouvelé par le développement de nouvelles techniques de communications hertziennes et par les interrogations nées de l'imprécision de la rédaction de « l'exception hertzienne ». Dans ces conditions et eu égard au fait qu'en dépit de l'utilisation du terme « transmissions » à l'article L. 811-5 du CSI ce sont bien des communications entre individus qui sont concernées, le Gouvernement a fait le choix de recourir à la loi. L'affirmation selon laquelle les communications hertziennes interceptées sur le fondement de l'article L. 811-5 du CSI ne sont pas individualisables n'est certes pas remise en cause dans son principe. Mais les nuances qu'il faut y apporter conduisent à ne pas retenir ce caractère individualisable ou non individualisable comme le critère pertinent de définition du périmètre du nouveau régime.
L'affirmation reste vraie dans la mesure où les communications hertziennes présentent des caractéristiques qui les opposent aux communications filaires (c'est-à-dire empruntant un câble, en cuivre ou en fibre optique) et qui expliquent qu'on puisse les distinguer les unes des autres au regard du critère de l'individualisation :
- S'agissant des communications hertziennes, une fois le signal envoyé par l'antenne émettrice, les ondes se propagent dans l'espace public, à une distance variable en fonction de la fréquence et de la puissance d'émission et sans désigner par elles-mêmes leur(s) destinataire(s). Elles peuvent ainsi être captées par toute antenne réceptrice située dans le périmètre d'émission, comme peuvent l'être les émissions de la télévision ou de la radio. A l'inverse, les communications filaires empruntent des espaces privatifs cloisonnés, dont les utilisateurs peuvent légitimement espérer qu'ils protègent le caractère privé de leurs communications ;
- Le message émis sur les ondes hertziennes ne comporte pas en lui-même, sauf cas particuliers 15 ( * ) , d'indications sur l'identification ou la localisation de l'émetteur ou du destinataire, contrairement à ce qu'il en est d'une communication filaire. Dès lors qu'aucun opérateur de réseau de télécommunications n'est en principe 16 ( * ) impliqué dans le transport de la communication, il n'est pas non plus possible aux pouvoirs publics d'avoir accès aux informations que détiennent ces opérateurs pour les communications classiques (numéro d'abonnement, adresses IP), identifiants techniques qui sont associés à un individu et permettent donc de réaliser des interceptions individuellement et préalablement ciblées.
Il en résulte, pour reprendre les termes du ministre de la justice H. Nallet cité plus haut, que l'exception hertzienne ne pouvait et ne peut pas davantage aujourd'hui servir à cibler a priori des communications individualisables. Mais il n'en reste pas moins que l'exploitation (écoute, lecture) des communications interceptées peut, pour sa part, révéler a posteriori des éléments d'identification et de localisation. Par ailleurs s'il est tout aussi certain, au vu des exemples donnés plus haut sur l'utilisation des mesures de surveillance des communications hertziennes, que ces mesures sont le plus souvent utilisées à l'égard d'organisations ou d'institutions, elle peuvent, dans certains cas, avoir pour objet de surveiller, en se « branchant » sur la fréquence hertzienne qu'il utilise, tel ou tel individu, dont l'identité n'est pas préalablement connue mais eu égard à l'action dans laquelle il est engagé.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a renoncé à retenir le critère du caractère individualisable de la communication surveillée pour raisonner sur la teneur du régime à substituer à l'article L. 811-5 du CSI.
Il lui a semblé à cet égard qu'un raisonnement portant sur le caractère privé ou confidentiel ou, au contraire, ouvert et public, de la communication était plus pertinent. Car c'est bien de la nature privée ou confidentielle de la communication que naît ou non l'atteinte au secret des correspondances ou au respect de la vie privée. En témoigne l'illustration suivante : la personne qui prend un porte-voix dans la rue pour diffuser largement son message ne peut pas raisonnablement plaider que l'enregistrement de ce message est une atteinte à sa vie privée ; à l'inverse celle qui est enregistrée alors qu'elle s'adresse exclusivement à son interlocuteur en marchant dans la rue peut légitimement invoquer une atteinte à sa vie privée. Dans les deux cas ces personnes ont utilisé les ondes pour diffuser leur message. Mais dans le premier cas les paroles n'ont pas été prononcées à titre privé ou confidentiel tandis qu'elles l'ont été dans le second cas. On relèvera d'ailleurs que c'est ce même critère qui justifie l'existence du régime légal contraignant de l'article L. 853-1 du CSI pour les captations de paroles prononcées à titre privé ou confidentiel et l'absence de régime légal pour les paroles prononcées à titre « non privé et non confidentiel » (ou encore l'existence ou non d'une incrimination pénale, cf article 226-1 du code pénal).
La transposition dans le champ des communications hertziennes n'est certes pas évidente, notamment du fait de la caractéristique rappelée ci-dessus qui tient à ce que la communication hertzienne se définit précisément par l'utilisation du domaine public. Mais il est en réalité possible d'identifier des cas dans lesquels la communication radio est parfaitement ouverte et publique et d'autres dans lesquelles elle peut être regardée comme présentant un caractère privatif, alors même qu'elle est diffusée dans l'espace public.
Ce caractère privatif ou non peut dépendre de la portée de la communication : il est clair par exemple qu'un message diffusé sur les gammes VLF et HF et donc sur une longue ou très longue distance (plusieurs milliers de kilomètres) relève de la même logique que la diffusion audiovisuelle et ne peut être regardé comme destiné à un nombre restreint de destinataires. A l'inverse l'utilisation d'appareils radio à très faible portée donne un indice fort de l'intention de réserver le message à un nombre de destinataires restreint. De la même façon, l'intégration dans certains appareils radio de mécanismes automatiques d'authentification et de partage de clés de chiffrement (tel est le cas pour la PMR) révèle l'intention de réserver la communication échangée entre les seuls usagers de ces appareils.
Le Gouvernement en a conclu qu'il était préférable de classer les mesures d'interception et d'exploitation des communications hertziennes mises en oeuvre actuellement sur le fondement de l'article L. 811-5 du CSI en deux catégories : celle concernant des communications échangées au sein d'un réseau réservé à l'usage d'un groupe fermé d'utilisateurs et celle concernant des communications échangées hors de ces réseaux « privatifs ».
La première catégorie de mesures devait à l'évidence faire l'objet d'un nouveau cadre légal puisque le caractère fermé ou privatif du réseau est le signe du caractère privé ou confidentiel de la communication ou des données interceptées et donc l'indice de l'existence d'une atteinte au secret de la correspondance et au respect de la vie privée.
La seconde catégorie aurait pu ne pas faire l'objet d'un régime légal. Il est intéressant à cet égard de noter que la directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2002 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques définit une communication comme « toute information échangée ou acheminée entre un nombre fini de parties au moyen d'un service de communications électroniques accessible au public ». Les communications radio « ouvertes et publiques » décrites plus haut ne sont donc pas même regardées comme des « communications » par le droit de l'Union européenne. Compte tenu de l'historique de l'exception hertzienne en droit français, le choix a cependant été fait de régir également par la loi les mesures d'interception et d'exploitation concernant ces communications, dès lors que ces mesures permettent l'accès au contenu du message ou de l'information diffusé et dans l'objectif d'en donner au moins une définition restrictive explicite, mais aussi pour l'assortir d'un certain nombre de garanties. Ce régime est cependant logiquement allégé par rapport au droit commun des techniques de renseignement.
En revanche, et pour mémoire, les radars, qui ne procèdent à aucune diffusion de message ou d'information (ils se contentent de repérer la présence d'objets grâce aux ondes qui leur sont renvoyées) ont été écartés du champ d'application du nouveau régime dès lors que l'interception de leurs émissions ne peut porter atteinte ni au secret des correspondances ni au respect de la vie privée. De la même façon la police des ondes réalisée par l'agence nationale des fréquences, qui ne nécessite pas l'accès au contenu des communications, doit être considérée comme exclue du champ d'application du nouveau régime légal.
4. Analyse des impacts des dispositions envisagées
Le Gouvernement entend ne redonner une base légale - même seulement partiellement imposée par le droit - qu'aux mesures qui étaient prises sur le fondement de l'article L. 811-5 du CSI et à elles seules. Cette base légale comporterait donc deux composantes principales : la création d'une nouvelle technique de renseignement insérée dans le titre V du livre VIII du CSI pour la surveillance des communications hertziennes échangées sur les réseaux de type privatif et la persistance d'un régime légal allégé pour les mesures hertziennes résiduelles, c'est-à-dire celles n'entrant ni dans le champ des techniques de renseignement consacrées par la loi relative au renseignement du 24 juillet 2015 ou par celle du 30 novembre 2015 relative à la surveillance des communications internationales, ni dans celui de la nouvelle technique applicable aux réseaux hertziens privatifs. Les nouvelles dispositions législatives distingueraient les services de renseignement, du premier (article L. 811-2 du CSI) ou du second cercles (article L. 811-4 du CSI), qui seraient les bénéficiaires des articles créés dans le livre VIII du CSI consacré au renseignement, et les armées qui disposeraient d'un régime spécifique inscrit dans le code de la défense.
La nouvelle technique de renseignement, objet d'un article L. 852-2 du CSI, inséré dans le même chapitre que les interceptions de sécurité, couvrirait les communications exclusivement hertziennes, ne faisant pas intervenir d'opérateur de réseau ouvert au public et échangées au sein d'un réseau réservé à l'usage d'un groupe fermé d'utilisateurs 17 ( * ) . Les conditions tenant au caractère exclusivement hertzien et à l'absence d'intervention d'un opérateur exploitant un réseau ouvert au public auraient pour objet d'exclure toute tentation d'utiliser cette nouvelle technique de renseignement pour intercepter des communications essentiellement filaires à l'occasion de leur acheminement accessoire par la voie hertzienne. A défaut on permettrait aux services de renseignement d'éviter le mécanisme de la réquisition des tiers que sont les opérateurs de communications électroniques - prévu pour les interceptions de sécurité ou les demandes d'accès aux données de connexion -, alors même que ce mécanisme constitue, quand il est possible en pratique, une garantie complémentaire des mécanismes de contrôle par la CNCTR et par le juge.
Dans l'esprit déjà à l'oeuvre pour la loi relative au renseignement, la rédaction de ce nouvel article L. 852-2 du CSI resterait, d'un point de vue technique, suffisamment neutre pour ne pas être rapidement dépassée par le développement de nouveaux outils technologiques. Il peut toutefois être indiqué qu'à ce jour le principal mode de communication qui entrerait dans son champ d'application est celui de la PMR déjà citée plus haut (technique de talkie-walkie numérique qui allie portée limitée et mécanismes d'authentification et de chiffrement automatiques, et donc existence d'identifiants techniques permettant une individualisation a priori ).
Cette nouvelle technique qu'on peut qualifier de « hertzien privatif » serait soumise, du fait de son insertion dans le chapitre II du titre V, aux dispositions générales applicables, sauf dispositions particulières, à l'ensemble des techniques de renseignement des chapitres Ier à III de ce titre ; elle nécessiterait ainsi une autorisation préalable du Premier ministre, délivrée après avis de la CNCTR au nom d'une ou de plusieurs des finalités mentionnées à l'article L. 811-3 - avec toutefois une adaptation de l'objet de l'autorisation, qui pourrait être le « réseau privatif » surveillé plutôt qu'une personne individuellement désignée -, serait autorisée pour une durée maximale de quatre mois renouvelable et soumise aux obligations classiques en termes d'exploitation, de durées de conservation - l'article L. 822-2 prévoit 30 jours pour les correspondances et 4 ans pour les données de connexion -, de régimes de transcription, extraction et destruction et enfin en termes de contrôle par la CNCTR et le cas échéant par le juge.
Le régime légal allégé qui serait prévu pour le « hertzien public » figurerait pour sa part dans un nouveau chapitre du titre V du livre VIII (aux articles L. 854-9-1 et suivants). Il se caractériserait par l'explicitation de son caractère résiduel puisque les communications concernées seraient seulement celles qui sont exclusivement hertziennes, ne nécessitent pas de recours à un opérateur exploitant un réseau ouvert au public et ne peuvent pas être interceptées et exploitées sur le fondement de l'une quelconque des techniques de renseignement prévues par la loi.
Pour illustrer ce caractère résiduel, on peut utilement se référer à la liste des communications hertziennes que les associations requérantes devant le Conseil d'Etat puis le Conseil constitutionnel avaient identifiées dans leur mémoire pour plaider le caractère très englobant de l'exception hertzienne telle qu'elle figure encore à l'article L. 811-5 du CSI.
Ce mémoire énumérait :
- « le trafic entre un ordinateur, un smartphone ou une tablette, d'une part, et une borne wifi, d'autre part ;
- le trafic entre deux rationneurs, deux talkie-walkie, etc... ;
- le trafic entre un téléphone « sans fil » (DECT) et sa base ;
- le trafic des abonnés satellites, Wimax, Wifi, etc ;
- le trafic entre un téléphone portable et l'antenne relai (GSM/3G/4G) ;
- le trafic d'un ordinateur portable utilisant une clé 3G/4G ;
- le trafic entre deux équipements bluetooth (micros sans fil, etc) ;
- le trafic échangé entre un badge de télépéage et la borne ;
- le trafic d'une balise GPS ;
- le trafic entre une puce NFC (carte bleue, badge quelconque,...) et sa borne ».
Or l'essentiel de ces trafics sera exclu du champ du régime hertzien résiduel :
- S'agissant du trafic entre un terminal et une borne WiFi, deux hypothèses sont envisageables : soit il s'agit de trafic internet et il n'est alors possible que grâce à un réseau ouvert au public. Le critère d'absence d'intervention d'un opérateur exploitant un réseau ouvert au public n'étant pas rempli (ni celui du caractère exclusivement hertzien), ce trafic n'entrera dès lors dans le champ d'application ni du « hertzien ouvert » ni du « hertzien privatif » qui exigent tous deux ce critère, mais dans celui de l'article L. 852-1 (interceptions de sécurité) ou, selon les configurations (voir ci-dessous), dans celui de l'article L. 853-2 qui régit les recueils et captations de données informatiques. Soit il s'agit du trafic WiFi d'un réseau non connecté à internet, interne à une entreprise par exemple ou à un domicile familial et s'il s'agit alors de communications hertziennes qui sont à l'évidence de nature « confidentielle ou privée » et donc privative. Le trafic entrera donc soit dans le champ de la nouvelle technique hertzienne (L. 852-2) soit, là encore, dans celui de l'article L. 853-2 qui régit les recueils et captations de données informatiques ;
- Le même raisonnement s'applique aux téléphones sans fil. Soit ils sont utilisés pour communiquer avec des correspondants via le réseau d'un opérateur soit ils peuvent servir à communiquer entre deux pièces d'un domicile (mode « interphone »). Dans le premier cas, le trafic ne peut être intercepté que sur le fondement des articles L. 852-1 ou L. 853-2 ; dans le second cas le trafic est privatif compte tenu de la très faible portée de ce type de protocoles et relèvera soit du nouvel article L. 852-2 soit de l'article L. 853-2 ;
- Le trafic des radioamateurs, cibistes et utilisateurs de talkie-walkies analogiques est le seul de la liste qui réponde aux critères de définition du périmètre couvert par le régime hertzien allégé. Le principe même de la CB ou du radio-amateurisme est la diffusion publique de messages. Quant aux talkie-walkies analogiques ils ne permettent aucune authentification ni aucun partage de clés de chiffrement et leurs émissions peuvent donc être reçues par toute antenne réceptrice réglée sur la bonne fréquence. On rappellera cependant que pour les PMR, le trafic relèvera du nouvel article L. 852-2 ;
- Le trafic des abonnés par satellites peut concerner soit des téléphones satellitaires soit du trafic téléphonique ou internet via satellite ; si, dans le premier cas, la communication peut éventuellement être exclusivement hertzienne (entre deux téléphones satellitaires), elle nécessite comme dans le second cas l'intervention d'un opérateur de télécommunications : l'utilisation du nouveau régime hertzien « ouvert » est donc exclue ; ce trafic sera intercepté et exploité sur le fondement des dispositions de l'article L. 852-2 ou plus certainement des articles L. 854-1 et suivants eu égard au caractère international des communications empruntant la voie satellitaire ;
- Le trafic WiMax (forme de WiFi de portée plus importante) et WiFi a été présenté plus haut ;
- Le trafic entre un téléphone portable et une antenne relai (GSM/3G/4G) fait intervenir un opérateur (la CNCIS l'a rappelé dès 1998 comme indiqué plus haut) et ne relève donc ni du nouveau régime hertzien ouvert de l'article L. 854-9-1 ni du nouvel article L. 852-2 ;
- Le trafic d'un ordinateur portable utilisant une clé 3G/4G n'est pas différent de celui d'un téléphone portable (cf cas précédent) ;
- Le trafic relevant du protocole bluetooth concerne essentiellement les échanges de données entre un périphérique et une unité centrale. Un tel réseau n'est pas exploité par un opérateur. Eu égard à la très faible portée du protocole sans fil utilisés, il doit être regardé comme un réseau à usage privatif. L'interception de ce type d'échanges pourra donc relever soit de l'article L. 852-2 soit, selon les configurations, de l'article L. 853-2 sur le recueil et la captation de données informatiques ;
- L'échange de données entre une borne et un objet connecté (badge de télépéage et tout autre objet connecté), par les techniques NFC - near field communication - ou RFID - radio frequency identification -, est assimilable à un trafic bluetooth et relèvera des mêmes régimes légaux ;
- Enfin lorsqu'ils émettent un signal, ce qui est très rarement le cas, les GPS ( global positionning system ) sont considérés comme des balises et à ce titre régis par l'article L. 851-5 du CSI.
Il convient de retenir de cet examen des différentes techniques de communications hertziennes (ou partiellement hertziennes) dont la surveillance inquiétait les associations de défense des libertés publiques que le régime hertzien allégé couvrirait seulement la CB, les radioamateurs, les talkie-walkies analogiques et, non citées par les associations requérantes, les communications radio VLF et HF et les moyens radio militaires tactiques V/UHF. De façon très logique, il s'agit de communications qui peuvent être interceptées et exploitées par des appareils ne relevant pas du champ de l'autorisation prévue à l'article 226-3 du code pénal. Cet article prévoit en effet que la fabrication et la détention d'appareils ou de dispositifs techniques permettant de porter atteinte au secret des correspondances sont subordonnées à la délivrance, par le Premier ministre, d'une autorisation préalable. Or, pour l'application de ce régime défini aux article R. 226-1 et suivants du code pénal, les appareils permettant l'interception des communications hertziennes publiques et ouvertes ne sont pas considérés comme permettant de commettre une telle infraction, faute pour les communications en cause d'être regardées comme des correspondances au sens strict - et donc pénal - du terme.
Le régime résiduel applicable au hertzien public et ouvert aurait pour caractéristique majeure de ne pas prévoir d'autre autorisation préalable que celle conférée par la loi elle-même (article L. 854-9-1). Il serait cependant assorti de garanties en termes de finalités (celles prévues à l'article L. 811-3), de délais de conservation des données (délais calqués sur ceux applicables aux communications électroniques internationales) et de régime de transcription/extraction (article L. 854-9-2, conforme au droit commun des techniques de renseignement). Enfin l'article L. 854-9-3 donnerait à la CNCTR les moyens de s'assurer du caractère résiduel du régime applicable aux communications hertziennes ouvertes et publiques et du respect des conditions de finalités et d'exploitation. Elle aurait à ce titre le même droit de regard sur les mesures prises en application de l'article L. 854-9-1 que celui que le Conseil constitutionnel lui avait accordé dans sa décision du 16 octobre 2016 pour la période transitoire ménagée par le report de l'abrogation de l'article L. 811-5 (droit d'information sur le « champ et la nature des mesures » en cause). Ce droit d'information serait accompagné d'un droit d'accès aux capacités d'interception et d'un pouvoir de sollicitation du Premier ministre et de recommandation.
Les mesures prises sur le fondement de l'autorisation conférée aux services de renseignement par l'article L. 854-9-1 ne seraient, en revanche, pas justiciables de la voie de recours spéciale créée devant la formation spécialisée du Conseil d'Etat. La nature non attentatoire au secret des correspondances ou au respect de la vie privée des mesures en cause ne justifie en effet pas que le droit commun - voies de droit devant le juge administratif ou le juge pénal - soit écarté à leur égard.
La création des articles L. 852-2 et L. 854-9-1 à L. 854-9-2 du CSI s'accompagnera d'un autre ajustement de deux articles du même Livre.
À l'article L. 853-2, le projet de loi prévoit de supprimer l'adjectif « audiovisuels » qui qualifiait les périphériques sur les écrans desquels des données informatiques peuvent être captées.
Cette suppression vise à clarifier le champ d'application de cet article en le rendant moins dépendant de la technologie et des usages dans un contact où les protocoles sans fil sont employés pour une diversité croissante de types d'objets connectés. La modification proposée permettrait d'entourer de garanties strictes le recueil de tout type de données échangées par protocole sans fil, et non uniquement celles échangées avec des périphériques audiovisuels, étant rappelé que le recours au régime de l'article L. 853-2 est encore plus protecteur sur celui des interceptions de sécurité puisqu'il suppose le respect du principe de subsidiarité. Cette suppression confirmerait aussi la pratique qui a consisté, depuis la mise en oeuvre de la loi du 24 juillet 2015, à admettre que l'interception de protocoles sans fil puisse entrer dans le champ de l'article L. 853-2 dans certaines configurations et sous le contrôle préalable de la CNCTR qui peut orienter les services vers la technique la plus pertinente et la moins attentatoire aux libertés publiques. On peut imaginer par exemple qu'en raison du caractère chiffré d'une communication, il ne soit techniquement possible d'accéder à son contenu qu'en utilisant la technique de la captation des données informatiques plutôt que celle des interceptions de sécurité qui ne peut saisir la communication qu'une fois insérée, préalablement chiffrée, dans un réseau ouvert au public. En l'absence de cette modification, les services de renseignement seraient contraints de solliciter dans ce type de cas une autorisation de recueil de données informatiques (1° du I de l'article L. 853-2), c'est-à-dire de l'ensemble des données stockées dans les composants informatiques visés, au lieu d'une autorisation circonscrite aux seules données émises ou reçues par ces composants (2° du I de l'article L. 853-2).
L'article L. 871-2 est modifié pour en faire disparaître la référence à l'article L. 811-5, ce qui est cohérent avec l'affirmation de ce que le régime hertzien allégé ne concerne aucun réseau exploité par un opérateur.
Le projet de loi règle enfin le cas des interceptions et exploitations de communications hertziennes réalisées par les unités des armées.
Ainsi qu'il a été indiqué plus haut, l'usage des communications radio est très répandu dans le monde militaire, ce qui explique que la pratique de leur interception/exploitation le soit tout autant. En France, la surveillance militaire des communications radio est au premier chef le fait de la Direction du renseignement militaire, qui est l'un des services de renseignement du premier cercle (voir article R. 811-1 du CSI) et relève donc du livre VIII du CSI qui sera complété dans les conditions qu'on a vues pour le volet hertzien. Mais la Direction du renseignement militaire n'est pas la seule entité du ministère des armées à procéder à des fins militaires à des opérations d'interception et d'exploitation de communications radio.
Les militaires de certaines unités des armées mettent également en oeuvre de telles mesures, pour l'exercice de leurs missions de défense militaire (dissuasion, posture permanente de sûreté aérienne, posture permanente de sauvegarde maritime) et d'action de l'Etat en mer 18 ( * ) . Les mesures de surveillance des communications pratiquées dans le cadre de ces missions ont pour objet d'identifier, en temps réel, la présence d'intrus ou d'éléments faisant peser une menace sur ou à proximité du territoire national, afin d'intervenir pour empêcher un acte hostile. Les illustrations les plus parlantes sont celles qui mettent en scène l'hypothèse d'aéronefs étrangers communiquant entre eux et manifestant des intentions hostiles à proximité de notre territoire ou des embarcations qui chercheraient à suivre un sous-marin nucléaire lanceur d'engin quittant sa base.
Il convenait donc de préserver leur droit à procéder ainsi, alors même qu'elles ne constituent pas des services de renseignement - le renseignement qu'elles pratiquent étant indissociable de l'action militaire - et n'ont dès lors pas le droit de mettre en oeuvre, sur le territoire national en tout cas - d'autres techniques prévues par le livre VIII du CSI.
Afin de protéger leurs spécificités la reconstitution de la base légale relative à leur activité a été insérée au sein du code de la défense (article L. 2371-1). Y a ainsi été « importée », par le biais d'un renvoi au CSI, l'autorisation légale prévue à l'article L. 854-9-1 du CSI pour le hertzien public et ouvert, accompagnée des mêmes durées de conservation et régimes de transcription/extraction et destruction. En revanche, le projet de loi prévoit un contrôle spécifique de la CNCTR sur cette activité d'interception et d'exploitation des communications hertziennes ouvertes (en fait des communications radio VLF, HF et V/UH tactiques) pratiquées par les unités des armées. Cet allègement supplémentaire, par rapport au régime prévu au CSI, ne pose pas de difficulté juridique puisque, comme il a été dit, cette activité n'est pas attentatoire aux libertés publiques. Il est par ailleurs logique dans la mesure où la création de la CNCTR a répondu à un besoin spécifique de contrôle indépendant de l'usage par les services de renseignement des différentes techniques de renseignement et de respect de leurs champs d'application respectifs, contrôle qui perd de son sens à l'égard d'unités militaires qui ne pratiquent aucune autre technique de renseignement sur le territoire national.
Enfin un nouvel article L. 2371-2 du code de la défense permet à la direction générale de l'armement (DGA) de mettre en oeuvre des interceptions de communications hertziennes aux seules fins de procéder aux tests de qualification des matériels utilisés par les forces armées et sans possibilité d'exploiter les interceptions à des fins de renseignement.
5. Consultations
La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement a été consultée et a rendu un avis le 9 juin 2017.
ARTICLE 10 : CONTRÔLE DANS LES ZONES FRONTALIÈRES
1. État des lieux
Le 13 novembre 2015, la France a procédé au rétablissement des contrôles à ses frontières intérieures terrestres avec la Belgique, le Luxembourg, l'Allemagne, la Confédération Suisse, l'Italie et l'Espagne, ainsi qu'aux frontières aériennes des pays de l'espace Schengen sur le fondement de l'article 25 du Code frontières Schengen, qui autorise une telle mesure en cas de menace grave pour l'ordre public ou la sécurité intérieure. Ces contrôles ont été prolongés puis renouvelés depuis lors, notre pays ayant dû faire face à plusieurs évènements successifs traduisant l'existence d'une menace terroriste durable. Le rétablissement des contrôles aux frontières intérieures, également mis en oeuvre par plusieurs autres Etats membres de l'espace Schengen, souligne la nécessité de renforcer la capacité de cet espace à faire face à des situations de crise.
Les contrôles aux frontières intérieures ont fait la preuve de leur utilité pour prévenir le terrorisme. Outre leur caractère dissuasif, ils ont permis la surveillance et l'interpellation de très nombreux individus signalés dans les bases de données européennes et nationales en raison de la menace qu'ils représentent. A cet égard, le quadruplement du nombre de détections dans les fichiers de police à la frontière depuis 2014 confirme, d'une part, l`efficacité de ces contrôles frontaliers et, d'autre part, la nature pérenne d'un risque élevé pour la sécurité intérieure.
Or, le rétablissement des contrôles aux frontières intérieures ne pourra pas être prolongé au-delà de quelques mois. C'est pourquoi, afin de prendre en compte la durabilité de la menace qui pèse sur la sécurité intérieure de l'Union européenne, la Commission européenne a invité les Etats membres à optimiser l'utilisation des dispositifs de contrôles de police de droit commun, dont l'intensité peut être renforcée localement en fonction de celle de la menace, pour autant que ces mesures n'aient pas un effet équivalent aux vérifications aux frontières. Dans sa recommandation du 12 mai 2017 relative à des contrôles de police proportionnés et à la coopération policière dans l'espace Schengen, la Commission européenne souligne la particularité des zones frontalières en indiquant qu'elles « peuvent présenter des risques particuliers en matière de criminalité transfrontalière et être également plus exposées à certaines infractions commises dans l'ensemble du territoire ». Pour la France, l'attention est prioritairement portée sur la lutte contre le terrorisme et la détection de jihadistes susceptibles de rechercher la discrétion dans leurs déplacements transfrontaliers, soit pour rejoindre la zone contrôlée par Daech , soit pour regagner la France après un séjour dans les zones de combat.
Hors des périodes de rétablissement des contrôles aux frontières intérieures ou en complément de ces derniers, les Etats peuvent réaliser des contrôles sur leur territoire, y compris en zone frontalière. C'est l'objet de l'article 23 du code frontières Schengen qui fixe les conditions de validité des contrôles réalisés par les Etats membres à l'intérieur de leur territoire. La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a confirmé la possibilité de décliner en droit national la mise en oeuvre de contrôles de police dans une zone frontalière, dès lors que les finalités de ces contrôles étaient clairement distinctes de celles des vérifications aux frontières (CJUE, 22 juin 2010, Melki et Abdeli , n os C-188/10 et C/189/10 ; CJUE, 19 juillet 2012, Adil , C-278/12).
En droit interne, l'article 78-2 du code de procédure pénale prévoit un régime spécifique de contrôle d'identité dans les zones frontalières. Ainsi le neuvième alinéa de cet article 78-2 habilite-t-il les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints à procéder à des contrôles d'identité dans une zone comprise entre la frontière terrestre de la France avec les Etats parties à la convention Schengen (Belgique, Luxembourg, Allemagne, Suisse, Italie et Espagne) et une ligne tracée à 20 km en deçà de cette frontière. Ces contrôles ont pour finalités la prévention et la recherche des infractions liées à la criminalité transfrontalière. Ils permettent la vérification du respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévues par la loi.
Ces contrôles sont également possibles dans les « zones accessibles au public des ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières ouvertes au trafic international désignées par arrêté ». Ce périmètre résulte de la loi n° 93-992 du 10 août 1993 relative aux contrôles et vérifications d'identité.
Le Conseil constitutionnel a validé les dispositions autorisant ces contrôles d'identité, dans la mesure où « les zones concernées, précisément définies dans leur nature et leur étendue, présentent des risques particuliers d'infractions et d'atteinte à l'ordre public liés à la circulation internationale des personnes » (cf. décision n° 93-323 DC du 5 août 1993, Loi relative aux contrôles et vérifications d'identité ).
Tirant les conséquences de l'arrêt précité Melki et Abdeli de la CJUE, la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure a fixé à six heures consécutives la durée pendant laquelle il peut être procédé, en un même lieu, à ces contrôles d'identité aux fins de prévention et de recherche des infractions liées à la criminalité transfrontalière.
La législation française prévoit donc des possibilités de prévenir les mouvements de personnes susceptibles de constituer un danger pour la sécurité intérieure. Il est aujourd'hui nécessaire d'adapter ces dernières à la nouvelle nature de la menace, notamment terroriste, en raison de son caractère désormais durable et endogène à l'Union européenne, sans que ces adaptations puissent être constitutives d'une entrave à la libre circulation.
Plusieurs exemples témoignent de la grande mobilité des criminels à l'intérieur de l'Union européenne, qui tentent de se fondre dans la masse des voyageurs en tirant profit de l'impossibilité de procéder à des opérations de contrôle d'identité systématiques en l'absence de rétablissement des contrôles aux frontières intérieures. A titre d'exemple, le cas d'un terroriste impliqué dans la préparation de l'attentat du métro de Bruxelles et finalement interpellé le 8 avril 2016 en Belgique, confirme la grande mobilité des agents de Daech . L'intéressé, en provenance de Suède, avait utilisé un faux passeport syrien en Autriche en septembre 2015 avant d'intégrer la cellule de Molenbeek en Belgique.
Les mouvements des terroristes au sein de l'espace Schengen et du territoire national appellent également une vigilance particulière des services de sécurité intérieure à proximité des frontières extérieures contrôlées par les autorités françaises.
En effet, les risques d'infiltration à proximité des points de passage aux frontières extérieures sont réels, s'agissant de personnes qui tentent de se soustraire aux contrôles aux frontières après leur débarquement. Cette hypothèse est validée par les faits. Ainsi, les arrestations aux mois de juillet et d'août 2015 de deux jihadistes français après leur retour de Syrie ont révélé les premiers cas de retour en Europe, via des itinéraires complexes, d'agents opérationnels missionnés par Daech pour tester des voies de passage en marge des points de passage contrôlés, dans l'intention de préparer des attentats en France.
Enfin, les points de passage aux frontières sont également, pour les plus importants d'entre eux, des cibles terroristes potentielles.
Les possibilités offertes par l'état actuel du droit sont donc, dans le contexte actuel, insuffisantes sur plusieurs points :
- Les contrôles à proximité des frontières intérieures sont limités à une durée consécutive de 6 heures maximum. Cette contrainte est préjudiciable à l'effet dissuasif et à l'efficacité de ces contrôles.
- Les contrôles dans les infrastructures de transport ouvertes au trafic international (aéroports, ports et gares ferroviaires et routières) sont limités à l'espace public de celles-ci.
- Il n'existe pas de possibilité de contrôle dans les zones environnant les points de passage aux frontières extérieures analogue à celle existant pour les zones frontalières intérieures.
Aussi les adaptations du droit doivent-elles porter tant sur les zones à proximité des frontières intérieures que sur les points de passage aux frontières extérieures.
2. Option retenue
2.1 Le 1° du I de l'article 9 du présent projet de loi propose de compléter les dispositions du neuvième alinéa de l'article 78-2 du code de procédure pénale , pour permettre de mener des contrôles d'identité aux abords des gares internationales ouvertes au trafic international avec les autres États membres de l'espace Schengen.
Par ailleurs, si le neuvième alinéa de l'article 78-2 du code de procédure pénale a été complété par la loi du 14 mars 2011 précitée, pour prendre en compte les exigences, rappelées par la Cour de justice de l'Union européenne, de respect du Code frontières Schengen, et notamment de ses dispositions figurant aujourd'hui à son article 23, pour ce qui concerne la prohibition de tout effet équivalent à des contrôles systématiques aux frontières terrestres de la France avec les Etats parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 (cf. arrêts précités Melki et Abdeli et Adil ), la limitation à six heures consécutives de la possibilité de procéder, en un même lieu, à ces contrôles d'identité aux fins de prévention et de recherche des infractions liées à la criminalité transfrontalière, ne résulte pas d'un impératif juridique.
Il est en conséquence proposé, au 2° du I de l'article 9, de porter à douze heures la durée pendant laquelle ces contrôles peuvent être effectués, ce qui concilie l'objectif de sécurité publique et le maintien de la garantie que ces contrôles ne peuvent être permanents et ainsi présenter des effets équivalents à des contrôles frontaliers.
2.2 Il est également proposé de compléter l'article 78-2 afin que des contrôles d'identité puissent être effectués autour des points de passage aux frontières extérieures autres que les gares ferroviaires et routières
La création d'un périmètre de contrôle d'identité de vingt kilomètres de rayon maximum autour des points de passage aux frontières extérieures les plus sensibles, dont la liste sera fixée par arrêté en raison de l'importance de leur fréquentation et de leur vulnérabilité, permettra aux services de sécurité intérieure de mieux sécuriser les sites qui peuvent représenter des cibles privilégiées pour des attentats (grands aéroports et ports) et de couvrir les risques d'intrusion par les réseaux criminels en marge des points de contrôles fixes tenus par les Douanes ou la Police aux frontières.
2.3 Le II de l'article 9 modifie, en coordination, les dispositions de l'article 67 quater du code des douanes
Est ainsi ouvert aux agents des douanes investis des fonctions de chef de poste ou aux fonctionnaires désignés par eux titulaires du grade de contrôleur ou d'un grade supérieur, la possibilité de vérifier, pour la prévention et la recherche des infractions liées à la criminalité transfrontalière, le respect de l'obligation de détention, de port et de présentation des pièces ou documents justifiant le droit de circulation ou de séjour sur le territoire français.
3. Analyse des impacts des dispositions envisagées
Les options retenues nécessitent que soient modifiées les dispositions de l'article 78-2 du code de procédure pénale et de l'article 67 quater du code des douanes.
Le dispositif envisagé respecte le principe constitutionnel de la liberté d'aller et venir et le principe conventionnel de la liberté de circulation des personnes, qui s'applique également aux étrangers qui ne sont pas citoyens de l'Union européenne, garanti par l'article 67 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
4. Modalités d'application
4.1 Application dans le temps
Le dispositif entrera en vigueur à la date d'entrée en vigueur de la loi, sous réserve de la publication de l'arrêté mentionné infra .
4.2 Application dans l'espace
Le dispositif, applicable aux abords des frontières extérieures et intérieures à l'espace Schengen, ne concerne que le territoire métropolitain de la France.
Les gares ferroviaires ou routières aux abords desquelles des contrôles et vérifications pourront être effectués en application des dispositions du neuvième alinéa de l'article 78-2 du code de procédure pénale et du premier alinéa de l'article 67 quater du code des douanes sont les mêmes que celles désignées par l'arrêté du 22 mars 2012 du ministre de l'intérieur, du ministre de la transition écologique et solidaire, du ministre de la justice et du ministre de l'action et des comptes publics.
Les points de passage frontaliers autour desquels des contrôles et vérifications pourront être effectués en application des dispositions du dixième alinéa de l'article 78-2 du code de procédure pénale et du second alinéa de l'article 67 quater du code des douanes, , ainsi que la délimitation du périmètre de ces contrôles et vérifications pour chacun des points de passage frontaliers désignés, feront l'objet d'un arrêté du ministre de l'intérieur, du ministre de la justice et du ministre de l'action et des comptes publics.
ARTICLE 11 : CONDITIONS D'APPLICATION OUTRE-MER
Les dispositions du projet de loi renforçant la lutte contre le terrorisme et la sécurité intérieure sont applicables de plein droit dans les collectivités de l'article 73 de la Constitution (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion, Mayotte) ainsi que dans les collectivités de l'article 74 de la Constitution qui sont régies par le principe de l'identité législative dans ce domaine (Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon).
En ce qui concerne les collectivités régies par le principe de spécialité législative (la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, Wallis-et-Futuna et les Terres australes et antarctiques françaises), l'extension de ces dispositions, si elle est réalisée, doit l'être au moyen d'une mention expresse d'application. Au regard de la finalité du présent projet de loi, qui tend à lutter contre le terrorisme et assurer le maintien de l'ordre et de la sécurité publics, l'Etat demeure compétent dans toutes les collectivités précitées pour y étendre les dispositions proposées :
Les articles 1 à 4 et 6 à 8 du présent projet créent de nouvelles dispositions au sein des livres II, V, VI et VIII du code de la sécurité intérieure. L'extension de ces articles aux collectivités précitées nécessite l'actualisation des compteurs au sein des dispositions outre-mer de chacun des livres concernés. C'est l'objet du 1° du I de l'article 11.
Par ailleurs, l'extension des nouveaux articles L. 226-1 à L. 229-3 nécessite, outre l'actualisation des compteurs, la modification de la liste des articles applicables au sein des articles L. 285-1, L. 286-1, L. 287-1 et L. 288-1. C'est l'objet du 2° du I.
Cependant, l'extension aux Terres australes et antarctiques françaises des articles L. 227-1 et L. 227-2 relatifs à la fermeture des lieux de cultes est sans objet du fait des caractéristiques de ce territoire. Par conséquent, les Terres australes et antarctiques françaises font l'objet d'un alinéa spécifique : c'est l'objet du 3° du I.
L'actualisation des compteurs du livre VI, réalisée au 1° du I, doit faire l'objet d'un complément car le compteur de l'article L. 648-1, qui concerne les Terres australes et antarctiques françaises, vise la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 et non la loi n° 2017-258 du 28 février 2017 comme les autres compteurs. C'est l'objet du 4° du I.
L'article L. 2371-1 du code de la défense, tel que rédigé par le présent projet, a vocation à être étendu dans les collectivités précitées. Son extension prend également la forme d'un compteur aux articles L. 2441-1, L. 2451-1, L. 2461-1 et L. 2471-1 du code de la défense, mais il s'agit en l'espèce d'un compteur spécifique à l'article L. 2371-1, aucun compteur général n'ayant été mis en place dans les articles outre-mer précités. C'est l'objet du II de l'article 11.
L'article 5 du présent projet abroge une disposition de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale. Pour que cette abrogation soit valable dans les collectivités à spécialité législative, cet article 5 doit être expressément étendu par une mention d'application. C'est l'objet du III de l'article 11.
Enfin, l'article 10 du présent projet modifie d'une part un article du code de procédure pénale et d'autre part un article du code des douanes :
- Code de procédure pénale : le I de l'article 10 modifie le neuvième alinéa de l'article 78-2 du CPP. Ces modifications n'ont pas vocation à être étendues aux quatre collectivités précitées, dans la mesure où celles-ci ne font pas partie de l'espace Schengen.
- Code des douanes : l'ensemble des modifications apportées à l'article 67 quater de ce code n'ont pas vocation à être étendues aux quatre collectivités précitées, dans la mesure où elles n'appartiennent pas à l'espace Schengen.
* 1 Loi renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d'une mission de service public : avaient été examinées à cette occasion les sanctions pénales applicables au fait de pénétrer ou de se maintenir dans l'enceinte d'un établissement d'enseignement scolaire sans y être habilité ou y avoir été autorisé par les autorités compétentes, dans le but de troubler la tranquillité ou le bon ordre de l'établissement.
* 2 Loi portant diverses mesures relatives à la sécurité routière et aux infractions sur les agents des exploitants de réseau de transport public de voyageurs.
* 3 Loi pour la sécurité intérieure.
* 4 Article 78-2-4 du code de procédure pénale.
* 5 CC, décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011.
* 6 Article L. 613-1 : « Les agents exerçant une activité mentionnée au 1° de l'article L. 611-1 ne peuvent exercer leurs fonctions qu'à l'intérieur des bâtiments ou dans la limite des lieux dont ils ont la garde.
A titre exceptionnel, ils peuvent être autorisés, par le représentant de l'Etat dans le département ou, à Paris, par le préfet de police, à exercer sur la voie publique des missions, même itinérantes, de surveillance contre les vols, dégradations et effractions visant les biens dont ils ont la garde ».
* 7 Chiffres de 2012 :
143.100 salariés selon le code NAF 80.10 Z (INSEE) en 2011. Ce chiffre n'inclut pas les agents de recherches privées (env. 1.000 agents), la télésurveillance (en partie), les services internes de sécurité. Il correspond aux effectifs salariés, dont 88 % sont des agents d'exploitation et peuvent être ainsi considérés comme des agents privés de sécurité au sens de la loi de 1983.
253.000 salariés en 2011 dans un ensemble plus vaste de la sécurité privée, si on intègre la sécurité incendie, les agents de maîtrise et l'encadrement, les fournisseurs d'équipements (serrurerie, installateurs d'alarmes), le transport de fonds, etc. Ce chiffre provient de "l'Atlas 2012, Panorama économique du marché de la sécurité", publié par En Toute Sécurité.
* 8 Pour plus de développements, V. https://www.interieur.gouv.fr/Le-ministere/Organisation/Delegation-aux-cooperations-de-securite/La-securite-privee/Les-chiffres-de-la-securite-privee
* 9 Par un amendement du rapporteur au Sénat, Michel Mercier.
* 10 Cf. art. 35 : « Si un discours prononcé ou un écrit affiché ou distribué publiquement dans les lieux où s'exerce le culte, contient une provocation directe à résister à l'exécution des lois ou aux actes légaux de l'autorité publique, ou s'il tend à soulever ou à armer une partie des citoyens contre les autres, le ministre du culte qui s'en sera rendu coupable sera puni d'un emprisonnement de trois mois à deux ans, sans préjudice des peines de la complicité, dans le cas où la provocation aurait été suivie d'une sédition, révolte ou guerre civile ».
* 11 L'article 9 de la convention européenne des droits de l'homme affirme la liberté de conscience et de religion, comprenant la liberté du culte et de l'accomplissement des rites, tout en rappelant que la liberté de manifester sa religion peut faire l'objet de restrictions prévues par la loi lorsqu'elles sont nécessaires à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.
* 12 L'article 695-23 du CPP est devenu l'article 694-32 du CPP en application de l'article 5 de l'ordonnance n° 2016-1636 du 1er décembre 2016 à compter du 22 mai 2017.
* 13 qui a l'avantage de comporter des portions sur plusieurs continents.
* 14 « Les capteurs hertziens des armées permettent de recueillir des signaux techniques et des communications électromagnétiques émis depuis l'étranger, par exemple ceux engendrés par des mouvements de troupes, d'aéronefs ou de navires dans une zone donnée. Ces interceptions hertziennes qui résultent du balayage de l'ensemble des gammes de fréquences du spectre électromagnétique, ne concernent pas des identifiants rattachables au territoire national. Les capteurs correspondants peuvent être mis en oeuvre depuis le territoire national ».
* 15 Voir le cas des PMR détaillé plus loin
* 16 Le contre-exemple est celui des communications satellitaires
* 17 Notion inspirée de celle définie à l'article L. 32 du code des postes et des télécommunications sans pour autant remettre en cause l'indépendance de ces législations dont les objets sont bien distincts.
* 18 et donc à l'exclusion des missions confiées aux armées dans le cadre de réquisitions par les autorités civiles (opération Sentinelle par exemple)