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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
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Ministère des affaires étrangères
et du développement international
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PROJET DE LOI
autorisant l'approbation de la convention d'extradition signée le 2 mai 2007 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement
de l'État des Émirats arabes unis
NOR : MAEJ1501724L/Bleue-1
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ÉTUDE D'IMPACT
I. Situation de référence et objectifs de la convention
En matière judiciaire, la France et l'État des Émirats arabes unis sont d'ores et déjà parties à plusieurs conventions multilatérales spécialisées adoptées sous l'égide de l'Organisation des Nations unies, notamment la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée du 15 novembre 2000 (dite Convention de Palerme) et la Convention des Nations unies contre la corruption du 31 octobre 2003 (dite Convention de Merida).
Cependant, la France et l'État des Émirats arabes unis ne sont liés par aucun dispositif conventionnel bilatéral permettant l'extradition des personnes recherchées ou condamnées en fuite. Ces échanges, relativement modestes 1 ( * ) , s'effectuent dès lors sur la base de l'offre de réciprocité, dans le cadre de la courtoisie internationale.
Le 2 mai 2007, le Garde des Sceaux et le ministre émirien de la Justice ont signé à Paris une convention bilatérale d'extradition à la suite de l'engagement, en juillet 2005, de négociations portant sur trois projets de conventions judiciaires en matière pénale (entraide judiciaire, extradition et transfèrement des personnes condamnées).
Le même jour a également été signée une convention d'entraide judiciaire en matière pénale, régulièrement entrée en vigueur le 1er septembre 2009 2 ( * ) .
Les négociations relatives au transfèrement des personnes condamnées ont en revanche achoppé sur des impératifs d'ordre constitutionnel liés aux conditions d'exercice du droit de grâce et d'amnistie.
La présente Convention, composée de 22 articles et d'un échange de lettres portant interprétation de l'article 21, a pour ambition de développer plus efficacement la coopération bilatérale en vue de la répression de la criminalité entre les deux pays dans le respect de leurs principes constitutionnels respectifs et devrait permettre de fluidifier et d'accélérer les échanges en matière d'extradition.
Le présent texte est en outre apparu comme le meilleur moyen de dépasser, dans le respect de nos contraintes constitutionnelles et de nos engagements internationaux, les obstacles découlant naturellement des disparités entre les systèmes judiciaires des deux États.
II. Conséquences estimées de la mise en oeuvre de la convention
Aucune conséquence économique, financière ou environnementale notable n'est attendue de la mise en oeuvre de la présente convention. Cette dernière n'a par ailleurs aucun impact sur l'égalité entre les hommes et les femmes. En revanche, des conséquences sociales, juridiques et administratives méritent d'être soulignées.
a. Conséquences sociales
La Convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'État des Émirats arabes unis devrait naturellement faciliter l'arrestation et la remise des délinquants en fuite sur le territoire de l'une ou l'autre Partie. Plus généralement, cet instrument devrait fluidifier le règlement des affaires transnationales et ce, dans des délais plus satisfaisants pour l'ensemble des justiciables concernés.
b. Conséquences juridiques
Le texte institue d'abord un ensemble de dispositions intégrant nos standards juridiques nationaux et internationaux. Il contient ensuite un ensemble de stipulations visant à fluidifier les échanges entre les deux pays dans le domaine de l'extradition.
• Garanties prenant en compte nos contraintes juridiques nationales et internationales
Le texte de la présente Convention correspond à un projet initialement communiqué par la France. Il offre l'ensemble des garanties inhérentes à la tradition juridique française. Ses stipulations rejoignent celles de la Convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 3 ( * ) et des textes bilatéraux habituellement négociés et signés par les autorités françaises.
En tout état de cause, cet instrument n'implique aucune adaptation des dispositions législatives ou règlementaires nationales. L'ordonnancement juridique national n'est en effet pas affecté par son approbation. Il est en outre conforme aux obligations européennes et internationales de la France.
- Articulation avec le droit interne
L'instrument reprend un certain nombre de règles classiques du droit de l'extradition quant aux motifs de refus, obligatoires et facultatifs.
Ainsi l'extradition ne peut être accordée lorsque la Partie requise a des raisons sérieuses de croire que l'extradition a été demandée aux fins de poursuivre ou de punir une personne pour des considérations de race, de religion, de nationalité ou d'opinions politiques ou que la situation de cette personne risque d'être aggravée pour l'une de ces raisons. L'extradition est également refusée pour les infractions considérées par la Partie requise comme des infractions politiques ou connexes à des infractions de cette nature ainsi que pour des infractions exclusivement militaires (telle que l'insubordination).
De la même façon, l'extradition est refusée s'il est établi que la personne réclamée serait jugée dans l'État requérant par un tribunal d'exception ou lorsque l'extradition est demandée pour l'exécution d'une peine infligée par un tel tribunal, c'est-à-dire par un tribunal n'assurant pas les garanties fondamentales de procédure et de protection des droits de la défense.
En application du principe non bis in idem , l'extradition n'est pas davantage accordée si un jugement définitif de condamnation ou d'acquittement a été prononcé dans la Partie requise à raison de l'infraction pour laquelle l'extradition est demandée.
L'extradition est en outre refusée si l'action publique ou la peine sont prescrites conformément à la législation de l'un ou l'autre des États.
Le texte prévoit également, conformément à la pratique française, que l'extradition est refusée lorsque la personne réclamée a la nationalité de l'État requis. Néanmoins, afin de lutter contre toute impunité, en cas de refus fondé sur la nationalité de la personne réclamée, en vertu du principe « aut dedere aut judicare », l'État requis doit, conformément à sa propre loi et sur dénonciation des faits par l'État requérant, soumettre l'affaire à ses autorités compétentes pour l'exercice de l'action pénale, s'il y a lieu.
Par ailleurs, afin de respecter pleinement nos contraintes juridiques nationales et internationales, l'extradition est refusée si les faits qui la motivent sont sanctionnés par la peine capitale par la loi de l'État requérant, à moins que ce dernier ne donne l'engagement que la peine capitale ne sera pas exécutée.
Plusieurs motifs facultatifs de refus d'extradition, de facture classique, sont prévus à l'article 7. Ainsi, la remise peut notamment être refusée lorsque, conformément à la législation de la Partie requise, les autorités judiciaires de cet État ont compétence pour connaître de l'infraction pour laquelle l'extradition est demandée. De même, l'extradition peut être refusée si l'infraction a été commise en dehors du territoire de l'État requérant et si la législation de l'État requis n'autorise pas la poursuite de la même infraction commise hors de son territoire. En outre, à titre humanitaire, l'extradition peut être refusée si la remise de la personne réclamée est susceptible d'avoir pour elle des conséquences d'une gravité exceptionnelle, en raison de son âge ou de son état de santé.
- Articulation avec le droit international et le droit européen
Le présent texte prévoit l'articulation entre la présente Convention et les droits et obligations découlant pour la France des autres accords internationaux auxquels elle est d'ores et déjà partie.
L'article 21 dispose ainsi que la présente Convention ne porte pas atteinte aux droits et engagements résultant des conventions internationales auxquelles les États contractants sont parties.
Le sens donné par les deux Parties à cet article a été explicité à la faveur d'un accord par échange de notes verbales, portant interprétation de l'article 21.
Ainsi, par note verbale n° 1020 du 11 novembre 2012, les autorités françaises ont communiqué aux autorités émiriennes la déclaration suivante: « le Gouvernement de la République française précise que les droits et engagements résultant des conventions internationales auxquelles les États contractants sont parties mentionnés à l'article 21 de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Émirats arabes unis signé à Paris le 2 mai 2007 visent, en ce qui concerne la République française, les droits et engagements résultant pour elle de tout autre traité, convention ou accord, notamment la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales du Conseil de l'Europe du 4 novembre 1950. »
Par note verbale du 11 août 2014, les autorités émiriennes ont fait part de leur accord sur l'interprétation proposée par la France comme suit : « Il est entendu par les deux Parties que l'interprétation de l'article 21 de la convention mentionnée ci-dessus est que ledit article inclut les conventions auxquelles les deux États sont parties ainsi que les conventions auxquelles un seul des États est partie. »
Cette stipulation permet donc à la France de ne jamais se trouver en position de méconnaître la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales adoptée sous l'égide du Conseil de l'Europe. De même, elle autorise la France à se référer notamment, si nécessaire, aux stipulations du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de ses deux Protocoles facultatifs pour refuser d'extrader une personne à la suite d'une demande ne respectant pas les principes énoncés par ces textes.
• Stipulations visant à fluidifier les échanges entre les deux Parties
A l'effet d'assurer la pleine recevabilité des demandes d'extradition, la présente Convention précise l'ensemble des documents devant être présentés au soutien de la demande d'extradition ainsi que leur forme et désigne les autorités centrales des deux États parties, lesquelles communiquent par la voie diplomatique.
L'application combinée des articles 10, 16 et 17 devrait garantir une exécution rapide des demandes d'extradition et une pleine information de la Partie requérante quant à la décision intervenue, tout comme en matière d'arrestation provisoire, pour les cas urgents.
Enfin, les transmissions de données personnelles impliquées par la présente Convention s'inscriront dans le cadre des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 4 ( * ) relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
c. Conséquences administratives
De manière classique, la convention institue la voie diplomatique comme mode de communication entre les autorités centrales des deux Parties. Il est en outre possible pour les autorités compétentes de la Partie requérante d'adresser une demande d'arrestation provisoire avant la demande formelle d'extradition, par la voie diplomatique, par le canal d'Interpol, par courrier, par télécopie ou par tout autre moyen laissant une trace écrite.
Ce protocole de communication consacre la pratique française en la matière, et ce sont donc les services compétents à ce jour qui seront chargés du traitement des demandes formulées en application de la présente convention, à savoir, pour le ministère des Affaires étrangères et du Développement international, la mission des conventions et de l'entraide judiciaire de la direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire, et, pour le ministère de la Justice, le bureau de l'entraide pénale internationale de la direction des affaires criminelles et des grâces.
Par voie de conséquence, l'entrée en vigueur de la présente convention ne devrait générer aucune charge administrative nouvelle pour la Partie française.
III. Historique des négociations
En décembre 1994, à l'occasion des réunions du comité-mixte franco-émirien, les autorités émiriennes ont fait part de leur souhait de négocier avec la France des conventions en matière d'entraide judiciaire pénale internationale (entraide, extradition et transfèrement des personnes condamnées).
Accueillie favorablement par la partie française, cette proposition a été suivie par l'envoi aux autorités émiriennes, en mai 2001, de projets de conventions d'extradition, d'entraide et de transfèrement des personnes condamnées.
Après plusieurs échanges sur les projets de textes, une première session de négociation s'est tenue à Abou Dhabi du 3 au 7 juillet 2005. Une seconde session de négociation s'est tenue à Paris du 20 au 23 juin 2006. A l'issue de cette deuxième session, les projets de conventions d'extradition et d'entraide étaient paraphés. Il a alors été convenu que la poursuite des négociations sur la convention de transfèrement, qui soulevait plusieurs difficultés d'ordre constitutionnel, ne devait pas affecter l'engagement des procédures relatives à la signature des deux textes paraphés.
A la faveur des opérations de vérification de concordance linguistique qui ont suivi, quelques décalages de forme ont été mis à jour et des propositions d'ajustements portées à la connaissance des autorités émiriennes le 6 septembre 2006. Après d'ultimes échanges, en décembre 2006 et janvier 2007, les autorités françaises ont finalement fait connaître leur accord sur le texte le 1 er mars 2007.
Le texte agréé par les deux Parties a pu être signé à la faveur de la visite, à Paris, le 2 mai 2007 du ministre émirien de la Justice. L'interprétation de l'article 21 de la Convention a été précisée par échange de notes verbales suite à une proposition des autorités françaises du 11 novembre 2012, à laquelle les autorités émiriennes ont répondu le 11 août 2014.
La Convention bilatérale d'entraide judiciaire en matière pénale a également été signée le 2 mai 2007.
IV. État des signatures et ratifications
La Convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'État des Émirats arabes unis a été signée à Paris le 2 mai 2007 par le ministre de la Justice, M. Pascal Clément et le ministre de la Justice de l'État des Émirats arabes unis, M. Mohamed Bin Nakhira Al Dhaheri.
L'entrée en vigueur de la présente convention suppose l'accomplissement des procédures constitutionnelles requises dans chacun des deux États, à savoir, pour la France, la mise en oeuvre de la procédure parlementaire d'autorisation d'approbation prévue par l'article 53 de la Constitution.
Par note verbale du 7 janvier 2008, les autorités émiriennes ont fait connaître à la Partie française l'accomplissement de ses diligences.
Par voie de conséquence, c'est la communication de l'instrument français d'approbation qui conditionnera la date d'entrée en vigueur de la présente convention.
V. Déclarations ou réserves
L'article 21 de la Convention a fait l'objet d'une déclaration interprétative.
Le Gouvernement de la République française a précisé par note verbale datant du 11 novembre 2012 « que les droits et engagements résultant des conventions internationales auxquelles les États contractants sont parties mentionnés à l'article 21 de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Émirats arabes unis signé à Paris le 2 mai 2007 visent, en ce qui concerne la République française, les droits et engagements résultant pour elle de tout autre traité, convention ou accord, notamment la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales du Conseil de l'Europe du 4 novembre 1950 ».
Les autorités émiriennes ont fait part de leur accord sur l'interprétation proposée par note verbale du 11 août 2014.
* 1 Ainsi, onze demandes d'extradition ont été adressées par les autorités françaises depuis 2000 et quatre demandes ont été adressées par les autorités émiriennes.
* 2 Loi n° 2009-712 du 18 juin 2009 / décret n° 2009-1156 du 29 septembre 2009.
* 3 http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Treaties/Html/024.htm
* 4 http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000886460