NOTE DE SYNTHÈSE
Dans la
perspective de la prochaine réunion de l'Association des Sénats
d'Europe à Bruxelles le 13 novembre 2001, il a paru intéressant
d'examiner la participation des chambres hautes à l'élaboration
de la loi.
Pour chacun des treize pays membres de l'association (l'Allemagne,
l'Autriche, la Belgique, l'Espagne, la France, l'Italie, le Luxembourg, les
Pays-Bas, la Pologne, la Roumanie, la Slovénie, la Suisse et la
République tchèque), on a donc décrit dans quelle mesure
la chambre haute participait à la procédure législative
ordinaire. Le cas échéant, on a également analysé
la participation de la chambre haute aux procédures législatives
spéciales, généralement applicables à l'adoption
des lois constitutionnelles, des lois de finances et des lois de ratification
des traités.
Les procédures législatives
spéciales n'ont été présentées que dans la
mesure où elles s'appliquaient dans les chambres hautes. Ainsi, le fait
que l'adoption d'une loi organique requiert, en Espagne, la majorité
absolue au Congrès des députés n'a pas été
évoqué.
La terminologie française a été utilisée. Ainsi, on
a qualifié de « projets » les textes
déposés par le gouvernement et de
« propositions » ceux qui émanent des parlementaires.
L'examen des compétences législatives des chambres hautes permet
de distinguer quatre groupes de pays :
- ceux où la chambre haute dispose exactement des mêmes
prérogatives que la chambre basse ;
- ceux où la chambre haute peut amender les textes en discussion,
mais où la chambre basse peut statuer définitivement ;
- ceux où la chambre haute examine, sans pouvoir les amender, les
textes adoptés par la chambre basse et où elle peut leur opposer
un veto, définitif ou seulement suspensif ;
- ceux où la chambre haute ne dispose que de pouvoirs consultatifs.
1) La chambre haute dispose exactement des mêmes prérogatives
que la chambre basse en Italie, en Roumanie, en Suisse et, pour certaines
matières, en Belgique
En Italie, en Roumanie et en Suisse, les deux assemblées disposent
exactement des mêmes compétences
: elles partagent le
droit d'initiative et le droit d'amendement, et aucun texte ne peut être
adopté définitivement sans l'accord des deux assemblées.
Cependant, si, en Italie, la navette peut se prolonger indéfiniment
jusqu'à ce que les deux assemblées aient adopté des textes
strictement identiques, il existe des mécanismes de conciliation en
Roumanie et en Suisse :
- commission mixte paritaire en Roumanie, puis, en cas d'échec de
celle-ci ou de rejet par l'une des deux assemblées des propositions de
la commission paritaire, réunion des deux assemblées en
séance commune, les députés étant plus nombreux que
les sénateurs ;
- commission mixte paritaire en Suisse, au demeurant rarement
convoquée.
En Belgique,
pour certaines matières particulièrement
importantes
(révisions constitutionnelles, institutions,
organisation des tribunaux, ratification des traités), la Constitution
du 17 février 1994 attribue exactement les
mêmes pouvoirs au
Sénat et à la Chambre des représentants
, et la
procédure législative se poursuit aussi longtemps que les deux
assemblées ne sont pas parvenues à adopter un texte identique.
2) En Espagne, en France, en Pologne, en République tchèque,
ainsi qu'en Belgique pour la plupart des matières, la chambre haute
intervient à tous les stades de la procédure législative,
mais son opposition peut le plus souvent être surmontée par la
chambre basse
Dans ces cinq pays, où la chambre basse peut statuer
définitivement en cas de désaccord avec la chambre haute, il est
fréquent que la chambre haute ne dispose pas des mêmes
prérogatives que la chambre basse dans l'ensemble de la procédure
législative.
•
Le Sénat dispose du
droit d'initiative
dans
ces cinq pays. Toutefois, en Pologne et en République tchèque, ce
droit appartient à l'assemblée dans son ensemble, et une
proposition de loi d'origine sénatoriale n'existe que si le Sénat
le décide à l'issue d'une procédure
ad hoc
, qui se
termine par la transmission du texte pour première lecture à la
chambre basse.
•
La procédure législative proprement dite commence
le plus souvent à la chambre
basse
. En Pologne et en
République tchèque, la procédure législative
commence nécessairement à la chambre basse. Il en va de
même en Belgique pour les projets de loi, dans la mesure où ils
touchent des matières qui ne relèvent pas de la procédure
« bicamérale obligatoire », analysée plus
haut. En Espagne, le processus législatif ne commence au Sénat
que pour certaines catégories de projets de loi concernant
particulièrement les communautés autonomes. En France, elle peut,
sauf cas particulier, comme celui de l'examen du projet de loi de finances,
commencer au Sénat ; toutefois, en pratique, le gouvernement a
tendance à déposer les projets de loi les plus importants
à l'Assemblée nationale plutôt qu'au Sénat.
•
Le Sénat délibère sur presque tous les
textes.
En effet, si le Sénat belge n'est pas saisi des quelques
matières relevant de la procédure
« monocamérale » et donc de la seule
compétence de la Chambre des représentants et si le Sénat
tchèque n'examine pas les projets de loi de finances, les Sénats
espagnol, français et polonais sont saisis de tous les textes. Il
convient également d'ajouter que, pour les matières qui ne
relèvent pas de la procédure « bicamérale
obligatoire », la compétence du Sénat belge n'est
qu'optionnelle, puisque l'examen des textes transmis par la Chambre des
représentants n'a lieu que si quinze sénateurs le demandent dans
les quinze jours suivant la transmission.
•
Le Sénat dispose du même droit d'amendement que la
chambre basse.
Toutefois, il est, sauf en France, enfermé dans des
délais constitutionnels pour
l'examen
des textes
adoptés par la chambre basse.
•
Enfin, différents mécanismes permettent à
la chambre
basse de statuer définitivement. La
prééminence de la chambre basse n'est cependant pas
absolue : l'accord de la chambre haute est partout nécessaire pour
les révisions constitutionnelles. Il l'est également en Espagne,
en France et en République tchèque pour certains sujets
touchant
particulièrement le Sénat
(
« lois établissant les principes nécessaires
à l'harmonisation des dispositions normatives des communautés
autonomes »
en Espagne ; lois organiques relatives au
Sénat en France ; loi électorale, loi sur les relations
entre les deux assemblées et loi portant règlement du
Sénat en République tchèque).
3) En Allemagne, en Autriche et aux Pays-Bas, la chambre haute ne peut pas
amender les textes en discussion, mais elle peut leur opposer un veto suspensif
ou définitif
Dans ces trois pays, la chambre haute ne dispose pas du même
droit
d'initiative
que la chambre basse. Elle ne le possède pas du tout
aux Pays-Bas. En Allemagne et en Autriche, le droit d'initiative n'appartient
pas aux membres du Bundesrat, mais à l'assemblée dans son
ensemble, après un vote à la majorité. Cependant, en
Autriche, une proposition de loi peut également être
déposée par un tiers des membres du Bundesrat.
De plus, la procédure parlementaire commence nécessairement
à la chambre basse, et la chambre haute ne peut pas amender les textes
qui lui sont transmis. Elle peut seulement s'y opposer.
Ce veto est définitif aux Pays-Bas
, où aucun texte ne peut
être adopté sans l'accord de la chambre haute. Il est
suspensif
en Autriche
, où la chambre basse peut, par un vote à la
majorité qualifiée, surmonter l'opposition du Bundesrat.
En
Allemagne, il est suspensif ou définitif selon que le texte concerne
plus ou moins les Länder.
En pratique, comme la plupart des lois
fédérales sont appliquées par les Länder, plus de la
moitié d'entre elles requièrent l'approbation du Bundesrat, qui
peut donc opposer un veto définitif ou décider d'entamer une
procédure de conciliation entre les deux assemblées. En revanche,
pour les textes qui ne requièrent pas son approbation, le Bundesrat ne
peut qu'opposer un veto suspensif que le Bundestag peut surmonter à la
majorité qualifiée.
4) La chambre haute ne dispose que de pouvoirs consultatifs au Luxembourg et
en Slovénie
Dans ces deux pays, la loi est adoptée par la seule chambre basse, mais
la chambre haute participe à son élaboration.
Au Luxembourg, le Conseil d'Etat rend un avis préalable sur tous les
projets et sur toutes les propositions de loi. Il est également saisi de
tous les amendements.
En Slovénie, le Conseil national peut proposer à
l'Assemblée nationale l'adoption de textes et d'amendements. Il peut
aussi, après que l'Assemblée nationale a achevé l'examen
d'un texte, lui demander de délibérer une seconde fois.
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Du Sénat italien, représentatif du bicamérisme parfait, au Conseil d'Etat luxembourgeois, qui ne dispose que de pouvoirs consultatifs, les différents Sénats d'Europe illustrent toutes les situations intermédiaires.