BELGIQUE



La crise de la dioxine en mai 1999, qui avait été précédée de plusieurs autres contaminations et de la révélation de fraudes dans le secteur de la viande, a fait apparaître les carences d'un système de surveillance de la sécurité alimentaire reposant principalement sur deux ministères : celui de la Santé publique et celui de l'Agriculture , le second surtout compétent pour le contrôle des animaux vivants.

Le secteur des denrées alimentaires est régi par une quinzaine de lois, générales ou sectorielles, assorties d'un grand nombre d'arrêtés d'exécution. Tous ces textes prévoient des mesures de contrôle, dont ils confient l'exécution à divers services et organismes administratifs. Ainsi, le morcellement et le chevauchement des compétences ont rendu malaisé le contrôle de la chaîne alimentaire, la détection des problèmes et leur règlement. A ceci, s'ajoute le partage des compétences entre l'Etat fédéral et les régions, qui se traduit par l'attribution du contrôle de la collecte et du traitement des déchets d'origine animale aux régions.

Le gouvernement a donc déposé, en urgence, le 5 novembre 1999, un projet de loi relatif à la création d'une Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire. La loi, adoptée le 20 janvier 2000 et promulguée le 4 février 2000, prévoit la création, à compter du 1 er janvier 2000, d'une agence fédérale chargée de mettre en place un système de contrôle unifié et de gérer les risques en matière de production alimentaire . Il s'agit d'une loi-cadre qui renvoie à de nombreux arrêtés et confère à l'exécutif un pouvoir réglementaire exceptionnellement étendu.

Actuellement, l'Agence n'a qu'une compétence consultative, car un arrêté royal délibéré en conseil des ministres doit fixer les dates auxquelles elle exercera les compétences que les ministères de la Santé publique et de l'Agriculture lui transféreront.

En attendant que l'Agence soit opérationnelle, le ministre de l'Agriculture a présenté au conseil des ministres du 3 mars 2000 son projet CONSUM, (système de surveillance de la contamination), qui vise à mettre en place une surveillance permanente ainsi qu'à établir la traçabilité des matières premières et des aliments du bétail et des autres animaux destinés à la consommation humaine.

1) L'organisation du contrôle de la sécurité alimentaire

La loi du 4 février 2000 relative à la création de l'Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire cherche à centraliser le contrôle de la sécurité alimentaire, en intégrant et en coordonnant tous les services d'inspection et de contrôle existants.

Ainsi, cinq services des deux ministères de la Santé publique et de l'Agriculture (trois relevant du premier et deux du second) seront, totalement ou partiellement, transférés à cette structure unique :

- l'Institut d'expertise vétérinaire, établissement public créé en 1981 et qui est responsable de l'état sanitaire des établissements travaillant dans le secteur de la viande et du poisson (abattoirs, ateliers de découpe, points de vente...) ;

- l'Inspection générale des denrées alimentaires, compétente pour les autres aliments ;

- au sein de l'Inspection générale de la pharmacie, chargée de l'application de toutes les règles relatives au médicament (enregistrement, publicité, fabrication...), les services responsables des médicaments vétérinaires ;

- la direction du ministère de l'Agriculture compétente pour la qualité des matières premières et du secteur végétal, et dont l'inspection générale des matières premières et des produits transformés est chargée de l'agrément des entreprises du secteur de l'alimentation animale, ainsi que des contrôles de la qualité des aliments pour animaux ;

- la direction du ministère de l'Agriculture compétente pour la santé animale et la qualité des produits animaux, qui comporte une inspection générale de la qualité des produits animaux (responsable du contrôle de la qualité de la viande dans les abattoirs) et une inspection générale des services vétérinaires (chargée de la prévention, de la détection et de l'éradication des maladies des animaux, ainsi que du contrôle de l'utilisation des médicaments vétérinaires).

Les services d'inspection qui dépendent du ministère de l'Agriculture interviennent essentiellement dans la filière de la production de la viande, jusqu'au stade de l'abattage.

L'article 5 de la loi prévoit que les compétences, institutions, services et organismes correspondant aux missions de l'Agence seront transférés par arrêté royal délibéré en conseil des ministres. Le Roi est habilité, pendant une durée d'un an, à " abroger, compléter, modifier, remplacer et coordonner " les quinze lois en vigueur régissant le secteur alimentaire et dont l'application incombe à l'Agence (loi relative à la protection des consommateurs en ce qui concerne les denrées alimentaires, loi relative à l'expertise et au commerce des viandes, loi relative aux pesticides...), ainsi qu'à prendre toutes les mesures visant " à réaliser le transfert, à rendre l'Agence opérationnelle, à éviter les conflits de compétences, à rendre le contrôle le plus efficace possible et à utiliser de façon optimale les moyens disponibles ". Les arrêtés pris dans le cadre de cette habilitation devront être validés par voie législative dans les dix-huit mois.

a) Le statut

La loi du 4 février 2000 précise, dans son article 2, que l'Agence est un établissement public doté de la personnalité morale et classé en catégorie A. En tant que tel, son projet de budget est établi par le ministre dont elle relève et les pouvoirs de gestion sont confiés à ce ministre. En application de l'article 13 de la loi, l'Agence est placée sous l'autorité du ministre de la Santé publique , auquel elle présente des rapports trimestriels ainsi qu'un rapport annuel de ses activités. Elle rend également compte de l'exécution de son budget à son ministre de rattachement et à celui des Finances.

L'Agence remet au Parlement un rapport annuel de ses activités, comprenant le bilan des résultats atteints au regard de ses missions.

Par ailleurs, la loi institue, auprès de l'Agence, deux organes consultatifs qui rendent des avis, de leur propre initiative ou sur demande du ministre de la Santé publique ou de l'Agence elle-même.

L'article 7 de la loi crée un comité consultatif chargé de la conseiller " à propos de toutes les matières relatives à la politique suivie et à suivre ". Il est composé de représentants de l'Etat fédéral, des régions et des communautés, des associations de consommateurs, des professions agro-alimentaires, ainsi que d'experts.

L'article 8 met en place un comité scientifique chargé de rendre des avis " sur toutes les matières relevant de la compétence de l'Agence et relatives à la politique suivie et à suivre ". Ses avis relatifs à la réglementation ont un caractère obligatoire. Il est composé d'experts nationaux et internationaux.

Un arrêté royal délibéré en conseil des ministres déterminera la composition de chacun de ces comités, leur mode de fonctionnement, leur date d'installation ainsi que le régime des incompatibilités professionnelles. Le conseil des ministres du 31 mars 2000 a approuvé deux projets d'arrêtés portant sur la composition et le fonctionnement de ces deux comités.

b) Le personnel

La direction de l'Agence est confiée à un administrateur délégué . Titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, il est chargé de la gestion et exerce l'autorité hiérarchique sur les membres du personnel.

Un arrêté royal délibéré en conseil des ministres fixera les conditions de désignation et d'exercice de la fonction, ainsi que les conditions contractuelles et le statut pécuniaire. Le 22 mars 2000, le conseil des ministres a adopté un projet d'arrêté royal relatif aux conditions de désignation et à la procédure de sélection de l'administrateur délégué.

L'administrateur délégué n'est pas obligatoirement un fonctionnaire, mais il doit avoir des compétences dans les domaines des " modifications organisationnelles et de la sécurité de la chaîne alimentaire ".

Le personnel de l'Agence proviendra principalement du transfert, d'office ou volontaire, d'agents des ministères et des organismes publics, et sera organisé par un arrêté royal pris en conseil des ministres.

Un arrêté royal délibéré en conseil des ministres fixera les conditions de recrutement du personnel statutaire et contractuel afin d'assurer " son objectivité, son indépendance et sa compétence " et déterminera le cadre et le statut de celui-ci, ainsi que les règles de mobilité. L'Agence devrait compter environ 1 200 personnes.

La loi oblige tous les membres de l'Agence à déclarer les intérêts qu'ils détiennent dans des entreprises de la chaîne alimentaire.

c) Le financement

Afin de rendre l'opération neutre sur le plan budgétaire, la création de l'Agence sera financée par les moyens des services actuellement compétents en matière de sécurité alimentaire. Il s'agira principalement des droits et redevances que l'Agence sera autorisée à percevoir en vertu des dispositions des lois relevant de sa compétence. Ces moyens lui seront affectés par arrêtés royaux.

Dans l'énumération des sources de financement de l'article 10 de la loi, figure également la possibilité de créer par arrêté royal délibéré en conseil des ministres " des redevances et des rétributions (...) à charge des personnes physiques et morales participant à la chaîne alimentaire ". Ces redevances seront établies notamment en fonction des risques sanitaires liés aux activités de ces personnes. L'Agence pourra donc en partie être financée par les contributions des établissements qu'elle contrôle.

2) Les compétences

a) Le champ d'action

La compétence de l'Agence s'étend à tous les aliments et à la totalité de la chaîne alimentaire, " de la ferme à la table ".

b) Les missions et les pouvoirs

L'article 4 de la loi assigne une double mission à l'agence : veiller à la sécurité de la chaîne alimentaire et garantir la qualité des aliments, afin de protéger la santé du consommateur.

En outre, l'alinéa 2 du même article précise que l'Agence " est chargée de l'élaboration, de l'application et du contrôle des mesures qui concernent l'analyse et la gestion des risques susceptibles d'affecter la santé des consommateurs ". Les alinéas 3 et 4 de l'article 4 précisent les pouvoirs de l'Agence :

- le contrôle, l'examen et l'expertise des produits alimentaires et de leurs matières premières ;

- le contrôle et l'expertise de toutes les activités économiques relatives aux aliments, depuis la production jusqu'à la vente ;

- l'octroi des autorisations nécessaires à la production et la commercialisation des denrées alimentaires ;

- l'élaboration et le contrôle de systèmes d'identification et de traçage des produits alimentaires et de leurs matières premières ;

- la collecte et gestion de l'information ;

- l'élaboration et la mise en oeuvre d'une politique de prévention et d'information ;

- la surveillance du respect de la législation ;

- la communication d'avis relatifs à la réglementation existante et future, y compris la transposition en droit interne de la réglementation internationale.

Dans le cadre de sa politique d'information, la loi institue " auprès de l'agence un point de contact permanent où le consommateur peut obtenir des informations objectives et déposer des plaintes individuelles concernant la qualité et la sécurité alimentaire ".

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L'Agence doit remplir complètement les missions d'évaluation des risques et d'information. En revanche, la gestion des risques ne lui revient que partiellement, puisque, si elle assure en totalité le contrôle, l'établissement de la réglementation relative à la sécurité alimentaire lui échappe, sa compétence dans ce domaine n'étant que consultative.

La régionalisation presque complète de l'agriculture, contenue dans le projet de réforme de l'Etat actuellement en préparation, risque d'empêcher l'Agence fédérale de remplir toutes les fonctions que la loi lui assigne.

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