NOTE DE SYNTHESE
Le
principe du secret des origines est enraciné dans le droit
français
, comme le montrent la législation relative à
l'accouchement sous X, ainsi que le choix du secret de l'identité du
donneur fait par les lois de bioéthique du 29 juillet 1994.
Il
est
cependant aujourd'hui
de plus en plus contesté
.
C'est ainsi que la loi 96-604 du 5 juillet 1996 relative à l'adoption
oblige les services de l'aide sociale à informer les personnes qui leur
confient un enfant de la possibilité de donner des renseignements les
concernant, sans que ces renseignements puissent porter atteinte au secret de
l'identité. Cette disposition facilite les recherches ultérieures
que l'enfant adopté peut entreprendre.
C'est ainsi que le rapport présenté en mai 1998 par
Mme Irène Théry suggérait notamment :
- de supprimer l'accouchement sous X ;
- de ne plus permettre aux parents qui confient leur enfant de moins d'un
an à l'aide sociale à l'enfance, en vue de son adoption, de
demander le secret de leur état civil ;
- d'autoriser la contestation de la filiation aux époux ayant eu
recours à la procréation médicalement assistée avec
l'intervention d'un tiers donneur.
Plus récemment, le rapport du groupe de travail présidé
par Mme Dekeuwer-Defossez proposait :
- de conserver l'accouchement sous X, mais de rendre possible
l'établissement de la maternité par voie judiciaire ;
- de créer, parallèlement à l'accouchement sous X, un
système d'accouchement " dans la confidentialité ",
permettant à la femme de garder son anonymat vis-à-vis des
services de l'état civil, son identité étant par ailleurs
conservée par un organisme tiers qui pourrait, à la demande de
l'enfant majeur et avec l'accord de la mère, lever le secret des
origines ;
- d'empêcher les parents qui remettent leur enfant aux services
sociaux de demander le secret de leur identité si la filiation de
l'enfant a déjà été établie à leur
égard ;
- de maintenir l'interdiction de la contestation de la filiation des enfants
conçus par assistance médicale à la procréation
grâce à des tiers donneurs.
A l'opposé, deux pays voisins,
l'Allemagne et la Suisse,
considèrent le droit à connaître ses origines
génétiques comme garanti par la Constitution
. Depuis 1989, la
Cour constitutionnelle allemande estime en effet que ce droit constitue la
conséquence logique des droits à la dignité et au libre
épanouissement, ainsi que du principe d'égalité entre
enfants légitimes et enfants naturels, eux-mêmes établis
par la Loi fondamentale. En Suisse, depuis 1992, la Constitution
fédérale comporte plusieurs dispositions relatives à la
bioéthique, l'une d'elle énonçant :
"
l'accès d'une personne aux informations relatives à son
ascendance est garanti
".
Dans ce contexte, il est intéressant d'examiner si d'autres pays
européens garantissaient à chaque personne le droit à la
connaissance de ses origines génétiques et notamment
d'étudier si, dans ces pays :
- la femme peut accoucher dans l'anonymat ;
- les enfants adoptés peuvent obtenir communication de
l'identité de leurs parents biologiques ;
- ceux qui sont conçus par procréation médicalement
assistée peuvent obtenir des renseignements sur les donneurs qui ont
permis leur naissance.
La présente étude, qui analyse la législation de nos six
plus proches voisins (
Allemagne, Belgique, Espagne, Italie, Royaume-Uni et
Suisse
) fait apparaître que :
- l'accouchement anonyme n'est possible qu'en Italie ;
- dans tous les pays étudiés, les enfants adoptés
peuvent obtenir communication de leur filiation d'origine ;
- les lois anglaise, espagnole et suisse sur la procréation
médicalement assistée sont les seules à résoudre
explicitement le problème des origines des enfants conçus
grâce à ces techniques.
1) L'accouchement anonyme n'est possible qu'en Italie
a) Le code civil italien accorde à la femme la possibilité de
ne pas reconnaître son enfant
Toutefois,
en Italie
,
l'accouchement anonyme n'empêche pas
l'établissement ultérieur de la filiation de l'enfant envers sa
mère
, à l'initiative du premier ou de la seconde car,
à la différence de ce qui existe en France depuis 1992,
l'accouchement anonyme ne constitue pas une fin de non-recevoir à
l'action en recherche de maternité.
b) Dans les autres pays, l'acte de naissance de l'enfant comporte
nécessairement le nom de la mère
En Allemagne, en Belgique, en Espagne, au Royaume-Uni et en Suisse, le
nom
de la mère figure sur l'acte de naissance
, à moins
qu'il ne s'agisse d'un enfant trouvé.
Jusque tout récemment, il était possible d'accoucher dans
l'anonymat en Espagne
, mais, par une décision rendue le 21 septembre
1999, le Tribunal suprême a supprimé la faculté qu'offrait
la législation sur l'état civil de faire figurer sur les
registres la mention " De mère inconnue " dans d'autres cas
que celui des enfants trouvés. Comme en Italie, l'accouchement anonyme
n'empêchait cependant pas l'établissement ultérieur de la
filiation de l'enfant envers sa mère, à l'instigation de l'un ou
de l'autre.
Adoptant une position inverse de celle du Tribunal suprême espagnol, le
Comité consultatif de bioéthique de Belgique a rendu un avis sur
cette question au début de l'année 1998. Il s'est alors
prononcé pour l'introduction de "
l'accouchement dans la
discrétion
", formule permettant la recherche ultérieure
de la filiation.
2) Dans tous les pays étudiés, les enfants adoptés
peuvent obtenir communication de leur filiation d'origine, mais la loi anglaise
est la seule à l'organiser
a) Toutes les législations sur l'état civil permettent aux
enfants adoptés de prendre connaissance de l'identité de leurs
parents
L'adoption donne lieu, selon les pays, à une mention marginale sur
l'acte de naissance ou à l'établissement d'un nouvel acte de
naissance.
Dans tous les pays étudiés, les enfants adoptés peuvent,
à partir d'un certain âge, consulter eux-mêmes les registres
de l'état civil ou en obtenir une copie. Cet âge correspond le
plus souvent à celui de la majorité. Cependant, l'Allemagne l'a
fixé à 16 ans, qui est également l'âge à
partir duquel il est possible de se marier. De même, au Royaume-Uni,
lorsqu'une personne qui a été adoptée désire se
marier, elle peut obtenir des renseignements sur sa famille d'origine,
même si elle n'a pas atteint l'âge de la majorité.
Avant cet âge, la communication des renseignements s'effectue par
l'intermédiaire du représentant légal.
Sauf exception,
le secret des origines est toujours maintenu à
l'égard des tiers,
car seuls un intérêt légitime
et un motif fondé peuvent justifier la divulgation de la filiation
d'origine.
b)
La loi anglaise tente de favoriser les rapprochements entre enfants
adoptés et enfants d'origine
Depuis 1991, la loi anglaise sur l'adoption oblige le greffe central de
l'état civil à tenir
un fichier " des
contacts "
. Ce fichier regroupe le nom et l'adresse des personnes
adoptées qui, devenues majeures, souhaitent entrer en
contact
avec
leurs parents biologiques. Le fichier comporte également les
mêmes renseignements pour les personnes majeures qui savent qu'un membre
de leur famille a été adopté et qui souhaitent entrer en
relation avec lui. L'inscription dans le fichier, facultative, peut être
révoquée à tout moment.
Depuis l'institution du fichier, quelques dizaines de rapprochements ont
été établis.
3) Les lois anglaise, espagnole et suisse sur la procréation
médicalement assistée sont les seules à avoir
résolu explicitement le problème des origines des enfants
conçus grâce à l'une de ces techniques
a) Les lois anglaise, espagnole et suisse sur la procréation
médicalement assistée permettent aux enfants conçus
grâce à l'une de ces techniques d'obtenir des renseignements sur
les donneurs
Tout en affirmant le principe de l'anonymat du don, les
lois anglaise et
espagnole
sur la procréation médicalement assistée
permettent aux enfants conçus par procréation médicalement
assistée d'obtenir, à partir de
l'âge de la
majorité
, des
renseignements généraux sur les
donneurs
(taille, poids, appartenance ethnique, profession...). De plus,
les deux lois prévoient également la révélation de
l'identité du donneur lorsque la santé de l'enfant l'exige.
Quant à
la loi fédérale suisse sur la
procréation médicalement assistée,
dont
l'entrée en vigueur dépend de l'issue du référendum
du 12 mars 2000, elle précise que l'enfant peut,
après sa
majorité
, obtenir communication de
certaines des informations
relatives aux donneurs qui sont enregistrées
conformément
à la loi.
Les données
concernant l'identité
et l'aspect physique du donneur peuvent lui être transmises. En outre,
dans la mesure où il fait valoir un
intérêt
légitime
,
l'enfant mineur
peut lui aussi obtenir ces
renseignements, ainsi que d'autres, d'ordre médical.
b)
En Belgique et en Italie,
le principe de l'anonymat du donneur
est
strictement respecté
Dans ces deux pays, qui ne disposent pas encore d'une législation sur la
procréation médicalement assistée, le principe de
l'anonymat du donneur est strictement respecté, et la communication de
renseignements relatifs aux donneurs n'est pas organisée.
c) En Allemagne, l'incertitude juridique se traduit par la forte diminution
du nombre des donneurs
De nature essentiellement pénale, l
a loi de 1990 sur la protection de
l'embryon
, qui établit le cadre juridique de la procréation
médicalement assistée,
n'aborde pas les questions de droit
civil.
Elle a donc laissé subsister la jurisprudence de 1983 de la
Cour fédérale de justice, selon laquelle l'homme, même s'il
a donné son consentement à l'opération, peut contester la
paternité d'un enfant conçu par procréation
médicalement assistée
avec l'assistance d'un donneur.
Malgré l'affirmation par la Cour constitutionnelle du droit à
la connaissance des origines génétiques, l'accès aux
informations sur les donneurs n'est pas organisé.
Cependant, la
réforme du droit de la famille adoptée en 1997 a élargi
les possibilités pour l'enfant de contester la paternité du mari
(ou du compagnon) de sa mère. Désormais, cette faculté lui
est reconnue à partir du moment où il a connaissance de faits
l'amenant à douter des moyens mis en oeuvre pour sa conception. A
l'occasion de cette réforme, le législateur a renoncé
à introduire dans le droit, comme l'avait suggéré la Cour
constitutionnelle, la notion d'"
action autonome en
établissement de filiation
". Dépourvue d'effets
juridiques, elle aurait uniquement permis de faire apparaître la
filiation de l'enfant.
Il en résulte donc une situation assez confuse, qui conduit l'Ordre
fédéral des médecins à recommander de limiter
autant que possible le recours à des méthodes de
procréation médicalement assistée
nécessitant le recours à des donneurs. Il en résulte
aussi une forte diminution du nombre des donneurs.
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Les législations anglaise et espagnole sont donc les seules à concilier le droit pour chacun à la connaissance de ses origines génétiques avec le respect de l'anonymat du donneur en cas de procréation médicalement assistée.