AUSTRALIE
En
Australie, l'euthanasie active et l'aide au suicide sont illégales, mais
elles font l'objet d'un vif débat, surtout depuis que le
Territoire-du-Nord a autorisé, par une loi de 1995, l'assistance au
décès d'un patient en phase terminale
. Cette loi,
entrée en vigueur le 1
er
juillet 1996
, a
été abrogée en mars 1997
par la loi
fédérale sur les lois d'euthanasie, alors que quatre personnes y
avaient eu recours.
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I. LE CADRE JURIDIQUE
Les problèmes que soulève l'euthanasie sont essentiellement réglés par les lois des six Etats et des deux territoires, le Parlement fédéral n'étant intervenu que pour abroger en 1997 la loi sur le droit des malades en phase terminale, votée précédemment par le Territoire-du-Nord. Cette loi légalisait, sous certaines conditions, l'euthanasie active et le suicide médicalement assisté.
1) Les codes pénaux des Etats et territoires
a) Les dispositions applicables à l'euthanasie active
L'euthanasie active est considérée comme un homicide.
Le médecin qui la pratique peut être poursuivi pour meurtre ou
assassinat en application des différents codes pénaux en vigueur
dans les Etats et les territoires. Ainsi, le code pénal de 1983 du
Territoire-du-Nord déclare dans son article 162 : "
Une
personne qui en tue une autre illégalement est coupable de meurtre
dès lors qu'elle a l'intention de causer la mort de la personne
tuée (...)
".
Les codes pénaux qualifient également de meurtre le fait de tuer
une personne à sa demande. Ainsi, l'article 26 du code pénal
du Territoire-du-Nord énonce : "
Une personne ne peut
permettre ni autoriser qu'une autre personne la tue (...)
".
b) Les dispositions relatives au suicide
Le
suicide et la tentative de suicide ne constituent plus des crimes en Australie,
mais l'ensemble des codes pénaux en vigueur condamne l'aide au
suicide
.
Ainsi, le code pénal de 1983 du Territoire-du-Nord déclare :
"
Une personne qui procure à une autre le moyen de se tuer ; qui
conseille à une autre de se tuer, et ce faisant l'incite à le
faire ; ou aide une autre à se tuer est coupable d'un crime punissable
de l'emprisonnement à vie
".
L'ordonnance pénale de 1990 du Territoire-de-la-Capitale-Australienne
punit l'aide au suicide d'une peine d'emprisonnement de dix ans, et la loi
pénale de 1935 de l'Australie-Méridionale d'une peine pouvant
aller jusqu'à quatorze ans d'emprisonnement.
2) Les lois des Etats sur l'arrêt des traitements médicaux
Plusieurs Etats ou territoires ont adopté des textes
légalisant le refus par avance des traitements médicaux.
L'Etat de Victoria
a, grâce à sa loi du 24 mai 1988
relative aux traitements médicaux, institué une "
procédure permettant d'indiquer clairement une décision de
refus de traitement médical
". De même, par sa loi sur la mort
naturelle de 1988, le
Territoire-du-Nord
a choisi de "
donner
une valeur juridique aux directives contre la prolongation artificielle du
processus qui mène à la mort
". Dans ce territoire, la
"
non-application de mesures extraordinaires ou le retrait de celles-ci
ne constituent pas une cause de mort dès lors qu'ils sont le
résultat et sont accomplis en application d'une directive
".
D'autres textes, comme la loi sur le traitement médical de 1994 du
Territoire-de-la-Capitale-Australienne
ou la loi sur le consentement au
traitement médical et les règles en matière de soins
palliatifs de 1995 de
l'Australie-Méridionale
prévoient
également la désignation d'un mandataire qui a le pouvoir de
refuser un traitement médical si le mandant devenait incapable.
Tous ces textes prévoient que, dans certaines circonstances, le
médecin qui arrête les traitements ne commet aucune faute
professionnelle et ne peut être poursuivi civilement ou pénalement.
Par ailleurs, dans l'Etat du Queensland, un texte sur le mandat
thérapeutique est en cours d'élaboration.
3) La loi fédérale du 27 mars 1997 sur les lois d'euthanasie
Cette
loi fédérale interdit aux assemblées du
Territoire-du-Nord, du Territoire-de-la-Capitale-Australienne et des Iles
Norfolk de voter "
des lois qui permettent ou ont pour effet de permettre
(de façon conditionnelle ou non) une forme d'homicide volontaire
appelée euthanasie (qui inclut l'homicide par compassion) ou
l'assistance à une personne pour mettre fin à ses jours
".
La loi fédérale a permis l'abrogation de la loi sur le droit
des malades en phase terminale, adoptée par Parlement du
Territoire-du-Nord le 16 juin 1995, amendée le 20 mars 1996,
entrée en vigueur le 1
er
juillet 1996 et qui
légalisait, sous certaines conditions, l'euthanasie active et le suicide
médicalement assisté.
Cette loi ne faisait pas de distinction entre l'euthanasie active et le suicide
médicalement assisté, et exigeait la prise en compte des
possibilités offertes par les services de soins palliatifs.
Elle accordait un droit limité à l'euthanasie ou au suicide
assisté, grâce à une procédure comportant de
nombreux mécanismes de sécurité. Le médecin qui s'y
conformait était à l'abri de toutes poursuites judiciaires et de
sanctions disciplinaires. Le patient devait être âgé d'au
moins dix-huit ans, être sain d'esprit, souffrir d'une maladie incurable
et douloureuse, avoir été averti de tous les traitements
disponibles et avoir fourni le consentement de son médecin traitant,
d'un second médecin qualifié dans le traitement de la maladie au
stade final, ainsi que d'un psychiatre confirmant l'absence de
dépression en rapport avec la maladie.
La loi instaurait ensuite deux délais de réflexion :
- un délai de sept jours entre le moment où le patient faisait
connaître son souhait à son médecin et la signature d'une
demande avalisée par le médecin traitant et contresignée
par un autre médecin ;
- un délai de quarante-huit heures après la signature de la
demande pour que "
le médecin prête lui-même assistance
et/ou reste présent tant qu'il est prêté assistance au
patient et jusqu'à la mort de celui-ci
".
Quatre personnes sont décédées en ayant eu recours
à cette loi, et deux autres avaient entamé la procédure
lorsqu'elle a été abrogée. Les partisans de l'euthanasie
espèrent que la loi sur le droit des malades en phase terminale pourra
à nouveau entrer en vigueur lorsque le territoire deviendra un Etat, en
2001.
II. LA PRATIQUE ET LE DEBAT
L'euthanasie passive et l'euthanasie indirecte sont largement pratiquées dans tout le pays. Des enquêtes réalisées en 1994, puis en 1997, auprès des praticiens australiens démontrent qu'environ 30 % des morts surviennent après l'intervention d'un médecin qui accélère délibérément la mort du patient.
1) L'euthanasie active
Les
institutions politiques et l'Association australienne des médecins sont
opposées à l'euthanasie active. Cependant, les tribunaux se
montrent traditionnellement peu enclins à condamner pour meurtre un
médecin ou un proche qui a commis un meurtre par compassion.
De plus, il existe de nombreux mouvements en faveur de l'euthanasie. On citera
une association de médecins
The doctors reform society
, dont un
des membres, le Dr. P. Nitschke a aidé à mourir quatre personnes
en application de la loi sur le droit des malades en phase terminale dans le
Territoire-du-Nord et a ouvert en octobre 1998 une clinique de consultation sur
l'euthanasie à Melbourne. Par ailleurs, le Mouvement pour l'euthanasie a
présenté 30 candidats aux élections
fédérales du 3 octobre 1998.
Des sondages réalisés depuis plusieurs années montrent de
façon persistante que 75 % des Australiens sont favorables à
l'euthanasie.
2) L'aide au suicide
Dans ce
genre d'affaires, le ministère public, qui est juge de
l'opportunité des poursuites, décide rarement de poursuivre.
Dans les Etats d'Australie-Médionale et d'Australie-Occidentale, des
parlementaires ont récemment présenté des propositions de
loi sur le suicide médicalement assisté. Il semble qu'elles aient
peu de chances d'être adoptées.
3) L'euthanasie indirecte
Jusqu'au
vote de la loi fédérale de mars 1997 relative aux lois
d'euthanasie, l'euthanasie indirecte constituait une pratique couramment
admise, dans la mesure où le médecin agissait avec la seule
intention de soulager les souffrances de ses patients.
L'Association australienne des médecins, pourtant très
opposée à l'euthanasie active, accepte l'euthanasie indirecte et
se rallie à la doctrine du " double effet ".
Depuis l'entrée en vigueur de la loi fédérale sur les lois
d'euthanasie, il semble que la légalité de l'euthanasie indirecte
soit remise en cause. Dans l'Etat de Victoria, en novembre 1998, un urologue a
déclaré au procureur qu'il avait aidé un patient à
mourir en lui administrant de fortes doses de sédatifs dans l'intention
"
d'éclairer la zone d'ombre entourant le double
effet
". Le procureur a alors fait savoir que la mort par
sédation n'étant pas due à une cause naturelle, elle
devait être effectivement rapportée aux autorités. Le
gouvernement et l'Association australienne des médecins ont
menacé de radier cet urologue de l'Ordre des médecins.
4) L'euthanasie passive
La loi fédérale de mars 1997 semble également avoir créé un climat d'incertitude autour de la pratique de l'euthanasie passive, jusqu'alors admise, voire codifiée dans certains Etats. C'est pourquoi, dans le Territoire-de-la-Capitale-Australienne, les autorités municipales, puis le chef du parquet, par une circulaire de janvier 1998, ont fait savoir qu'il n'y avait pas lieu de poursuivre les médecins qui, de bonne foi, interrompaient un traitement à la demande du malade.