II. L'UNICITÉ DE LA REPRÉSENTATION DU PERSONNEL
Le panorama tracé précédemment tend à laisser penser que, dans les pays européens, la représentation du personnel est unifiée au sein d'une seule instance, sans reproduire la division fonctionnelle à la française entre délégués du personnel, comités d'entreprise et comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
Par exemple, en Espagne, malgré la proximité sémantique, les délégués du personnel et le comité d'entreprise ne constitue pas deux instances distinctes qui se cumulent, mais une même instance dotée des mêmes pouvoirs et simplement organisée différemment dans les entreprises de moins de 50 ou de plus de 50 salariés. Le même constat vaut pour les Pays-Bas à propos de la représentation du personnel et du conseil d'entreprise, à cela près que la représentation du personnel dans les entreprises de moins de 50 salariés jouit de pouvoirs un peu plus restreints que les conseils d'entreprise dans les plus grandes entreprises.
Il convient aussi de remarquer que les comités ou conseils d'entreprise en Allemagne, en Autriche et aux Pays-Bas exercent de larges compétences en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail. C'est aussi une tâche essentielle de la représentation du personnel en Suisse.
Toutefois , dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail , les législations nationales prévoient fréquemment la constitution d' instances techniques spécifiques pour assurer la coopération du personnel et de la direction en la matière :
- en Allemagne, 41 ( * ) au-dessus de 20 salariés, et en Autriche 42 ( * ) , au-dessus de 100 salariés, doivent être constitués par l'employeur des comités pour la sécurité au travail comprenant l'employeur ou son représentant, le médecin d'entreprise, les chargés de la sécurité désignés au sein du personnel et des représentants du comité d'entreprise. Dans ces deux pays, comme aux Pays-Bas, où le conseil d'entreprise peut déléguer sa compétence en la matière, l'existence de comités spécialisés ne remet pas en cause la primauté du conseil d'entreprise ;
- en Espagne, un comité mixte paritaire de sécurité et de santé doit être mise en place au-delà du seuil de 50 salariés. Il comprend les délégués à la prévention désignés parmi le personnel et un nombre égal de représentants de l'employeur. Assistent aux réunions sans droit de vote les professionnels de santé et de sécurité de l'entreprise et les délégués syndicaux.
Un examen plus attentif du cas allemand conduit également à nuancer l'impression d'unité de la représentation du personnel. En effet, le Betriebsrat , l'instance représentative centrale du personnel, exerce certes en un sens le monopole de la représentation générale du personnel, mais il est flanqué d'autres comités satellites qui gravitent autour de lui.
Outre le comité de sécurité au travail et l'instance arbitrale de conciliation déjà évoqués, il faut indiquer l'existence d'une commission économique ( Wirtschaftsausschuss ) qui doit être instituée dans les entreprises de plus de 100 salariés pour discuter avec l'employeur des affaires économiques de l'entreprise et pour assurer la parfaite information du conseil d'entreprise en la matière. 43 ( * ) Ses membres sont choisis par le conseil d'entreprise parmi les salariés, y compris les cadres dirigeants, à raison de leur expertise. Au moins un membre du conseil d'entreprise doit en faire partie.
En outre, au moins deux instances sont prévues pour représenter certaines catégories particulières de personnel dans les entreprises allemandes :
- le comité porte-parole ( Sprecherausschuss ) des cadres dirigeants , dont on rappelle qu'ils ne peuvent appartenir au conseil d'entreprise. Une loi spéciale 44 ( * ) prévoit son élection dans les établissements comptant au moins 10 cadres dirigeants. Ses membres doivent eux-mêmes être cadres-dirigeants. Le comité porte-parole défend leurs intérêts propres et peut conclure des accords écrits définissant des lignes directrices à propos du contenu, du commencement ou de la fin de leurs relations de travail. Il doit être consulté sur chaque mesure individuelle affectant un cadre dirigeant ;
- et la délégation des jeunes et des apprentis ( Jugend- und Auszubildendenvertretung ) 45 ( * ) , qui ne peut être élue que dans les entreprises qui comptent déjà un conseil d'entreprise. C'est le conseil d'entreprise qui est chargé de l'élection parmi les jeunes salariés et apprentis de moins de 25 ans. La délégation défend les intérêts des apprentis en passant par le conseil d'entreprise auquel elle fait part de leurs préoccupations et de leurs suggestions, charge ensuite au conseil d'entreprise de les reprendre à son compte pour négocier avec l'employeur, s'il les estime fondées.
* 41 §11 Arbeitssicherheitsgesetz - ASiG
* 42 §88 Arbeitnehmerinnenschutzgesetz - AschG. Le seuil peut être relevé à 250 employés dans certains secteurs industriels.
* 43 §106 BeVG
* 44 Sprecherausschussgesetz -SprAuG du 20 décembre 1988.
* 45 §60 BeVG