Septembre 2016
Compte rendu de la matinée d'études de
droit comparé sur la simplification du droit
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Ce compte rendu a été publié dans le rapport d'information de Mme Élisabeth LAMURE, présidente : « La simplification du droit : regard comparatif (Allemagne, Pays-Bas, Suède) » n° 784 (2015-2016), fait au nom de la Délégation aux Entreprises, relatif à la matinée d'études de droit comparé sur la simplification du droit, organisée le 12 mai 2016 au Sénat avec le Conseil d'État et la Société de Législation comparée
Ce rapport est disponible sur internet à l'adresse
suivante :
http://www.senat.fr/notice-rapport/2015/r15-784-notice.html
PROGRAMME
COMPTE RENDU
M. Jean-Louis Hérin, Secrétaire général de la Présidence du Sénat . - Madame la Présidente de la Délégation sénatoriale aux entreprises, Monsieur le Premier Vice-président délégué de la Délégation aux collectivités territoriales, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, Madame la Présidente de la section du rapport et des études, Monsieur le Président de la section du contentieux du Conseil d'État, Maître, Monsieur le Secrétaire général de la Société de législation comparée (SLC), Mesdames, Messieurs, au nom de Monsieur Gérard Larcher, Président du Sénat, sous le regard de Monsieur le Directeur du Cabinet de Monsieur le Président du Sénat, M. François Séners, et sous le contrôle de Mesdames et Messieurs les Sénateurs, j'ai le privilège et le plaisir d'ouvrir cette matinée d'études consacrée à la simplification.
Cette rencontre présente un caractère exceptionnel car elle rassemble trois institutions : le Conseil d'État, la SLC et le Sénat à travers deux de ses délégations.
Pour nous, la participation d'éminents représentants du Conseil d'État est de la plus haute importance. J'ai toujours été partisan d'une étroite coopération entre Sénat et Conseil d'État, car notre préoccupation commune est la qualité de la loi. Le Conseil d'État n'est pas seulement le conseil de l'exécutif, il peut être aussi le conseil du législateur, notamment grâce à ses avis sur les propositions de loi des sénateurs.
Il existe un dialogue des juges, mais il peut aussi y avoir un dialogue institutionnel entre Sénat et Conseil d'État. La matinée de ce jour en constitue un parfait symbole.
Je pense en cet instant à la volonté déterminée du Président Larcher de faire respecter le domaine de la loi, qui peut correspondre à l'objectif de simplification de la législation.
Je salue aussi la présence dans cette salle des représentants de la SLC, créée en 1869, et qui a organisé en 1900 le premier Congrès International de droit comparé à Paris. Ce faisant, la SLC a joué un rôle pionnier en matière de « parangonnage » juridique.
Sans remonter au Second Empire, le Sénat a également eu un rôle d'avant-garde en créant, en 1980, une division de la législation comparée au sein du service des Affaires européennes. La préoccupation du Président Poher était alors triple. Le premier objectif était de faire mieux que l'Assemblée nationale. En outre, sachant que le Sénat était européen, le deuxième objectif était de rapprocher les droits nationaux, dans une optique de construction européenne. Enfin, le troisième objectif était de contribuer à la marque de fabrique du Sénat sur la qualité de la loi.
Cette division de la législation comparée, la DLC, est aujourd'hui rattachée à la DIPED, la Direction de l'Initiative parlementaire et des Délégations. Petite cellule composée de deux fonctionnaires et d'un stagiaire et demi, elle est animée par un fonctionnaire polyglotte, Jean-Marc Ticchi, qui a poursuivi avec brio l'oeuvre des anciens.
À la demande des groupes, de la Présidence, des commissions, des délégations ou encore des sénateurs, la DLC réalise entre 10 et 12 notes par an, selon un plan de charge prévu au moins huit semaines à l'avance. Depuis sa création, la DLC a rédigé 266 notes.
Ces notes, publiées sur le site du Sénat et sous forme d'abstracts dans la Revue Internationale de droit comparé , rencontrent un grand succès en interne. Elles constituent une aide à la fabrication de la loi, et bénéficient d'un excellent écho auprès de la presse, souvent friande de comparaisons étrangères.
Quelle peut être la place de la comparaison des législations étrangères dans le vaste programme de la simplification du droit, que le Président Larcher a souhaité placer au coeur des préoccupations du Sénat ?
Le Président Gérard Larcher l'a ancré dès le début du triennat dans l'organigramme du Sénat, d'abord en étendant à l'évaluation et à la simplification des normes applicables aux collectivités territoriales les compétences de la Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, en liaison étroite avec le Conseil national d'évaluation des normes applicables aux collectivités territoriales.
En outre, il a pris une deuxième initiative organique en créant la Délégation sénatoriale aux entreprises. Cette Délégation est originale en ce qu'elle se rend régulièrement à la rencontre des chefs d'entreprise et des salariés, dans l'objectif de simplifier les normes applicables à l'activité économique et d'encourager ce faisant la croissance et l'emploi dans les territoires. C'est le Sénat « hors les murs », à la rencontre des territoires.
Pourquoi confier l'oeuvre de simplification plus spécialement aux délégations ?
Une des réponses est que l'ordre du jour des commissions est centré sur l'examen des textes et le contrôle de l'action du Gouvernement.
À ce titre, le Sénat a pris plusieurs initiatives. En ce qui concerne les collectivités territoriales, il a notamment adopté, le 12 janvier 2016, une proposition de loi constitutionnelle présentée par M. Rémy Pointereau, visant à instaurer un « article 40 » pour les charges qu'elles supportent. Pour les entreprises, il a notamment formulé une proposition de résolution sur la simplification de diverses normes réglementaires.
Comme vous pouvez le constater, la simplification législative est en marche au Sénat. Dans ce cadre, la démarche comparatiste de confrontation des droits peut être un puissant soutien. Elle peut également constituer un élément de réassurance. Ne dit-on pas : « Quand je me regarde, je me désole, quand je me compare, je me console ... » ? À titre d'exemple, il est possible de citer la demande d'étude de droit comparé de la Délégation aux entreprises sur les mesures de simplification en Allemagne, aux Pays-Bas et en Suède.
Il faut ajouter l'exemple de la commission d'enquête sur les chiffres du chômage et l'impact des réformes mises en place par les pays de l'Union européenne pour faire baisser le chômage.
Pourquoi la simplification ?
Cette idée correspond à une aspiration profonde de nos concitoyens, des entreprises et des élus locaux. Le Sénat est le mieux placé pour prendre en compte cette préoccupation.
Pour nous juristes, la simplification du droit fait appel à des objectifs de valeur constitutionnelle tels que la clarté, l'intelligibilité et l'accessibilité de la loi, ainsi qu'une certaine écriture de la loi en termes généraux et compréhensibles.
Le risque serait toutefois de tomber dans le simplisme ou dans l'anomie. La recherche de simplification doit prendre en compte la complexité de la matière.
Comme le disait Portalis dans son Discours préliminaire sur le projet de Code civil , « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires ». Il ajoutait toutefois que la France est un pays complexe, composé d'agriculteurs et de commerçants, qui ne peuvent être livrés à eux-mêmes.
Le Conseil constitutionnel lui-même, dans sa décision en date du 19 octobre 2000 sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), a estimé que « le surcroît de complexité, justifié par la matière concernée, n'est pas à lui seul de nature à le rendre contraire à la Constitution ».
Il y a loin de la prise en considération de la complexité à la tentation de la complication : la réalité est suffisamment complexe pour que l'on évite de la compliquer plus encore !
Dans cette salle qui porte son nom, je pourrais citer en contrepoint le ministre de la Guerre Georges Clemenceau qui disait : « Il faut traiter les affaires en hommes d'affaires et les régler en trois jours . »
Sous l'oeil vigilant de Portalis et de Clemenceau, le Sénat pourra grâce à vous tous conduire avec détermination l'oeuvre de simplification, entre Prométhée -quelle ambition !- et Sisyphe -quel courage !
Je vous remercie pour votre attention.