Juin 2016
NOTE
sur
La couverture des risques en agriculture
et les
assurances agricoles
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Allemagne - Espagne - États-Unis
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Cette note a été réalisée à la demande de MM. Henri CABANEL, sénateur de l'Hérault, et Franck MONTAUGÉ, sénateur du Gers
AVERTISSEMENT Les notes de Législation comparée se fondent sur une étude de la version en langue originale des documents de référence cités dans l'annexe. Elles présentent de façon synthétique l'état du droit dans les pays européens dont la population est de taille comparable à celle de l'Hexagone ainsi que dans ceux où existe un dispositif législatif spécifique. Elles n'ont donc pas de portée statistique. Ce document constitue un instrument de travail élaboré à la demande des sénateurs par la division de Législation comparée de la direction de l'Initiative parlementaire et des délégations. Il a un caractère informatif et ne contient aucune prise de position susceptible d'engager le Sénat. |
NOTE DE SYNTHÈSE
Cette note concerne le régime applicable à la couverture des risques en agriculture dans trois États : l'Allemagne, l'Espagne et les États-Unis.
Elle s'intéresse, pour chacun de ces pays, de façon spécifique, aux dispositifs d'assurance, d'une part, et évoque, d'autre part, les dispositifs d'indemnisation publique des dommages occasionnés par les calamités agricoles.
Après avoir rappelé les grands traits de la situation en France, elle présente, outre les observations tirées de cette analyse comparative, trois monographies consacrées à chacun de ces exemples.
1. La situation en France
On examinera successivement :
- le fonds national de gestion des risques en agriculture ;
- les dispositifs d'assurance ;
- et les dispositifs d'indemnisation.
a) Le fonds national de gestion des risques en agriculture
L'article L. 361-1 du code rural et de la pêche maritime institue un fonds national de gestion des risques en agriculture chargé « de participer au financement des dispositifs de gestion des aléas climatique, sanitaire, phytosanitaire et environnemental dans le secteur agricole. Ses recettes et ses dépenses sont réparties entre trois sections, définies aux articles L. 361-3 à L. 361-5 » .
Il est alimenté par une contribution additionnelle aux primes d'assurance, d'une part, et, d'autre part, par une subvention du budget de l'État (article L. 361-2 du même code).
La première section de ce fonds « contribue, en complément des versements effectués par les exploitants agricoles et, pour les secteurs relevant de la politique agricole commune, par l'Union européenne, au financement de l'indemnisation des pertes économiques liées à l'apparition d'un foyer de maladie animale ou végétale ou d'un incident environnemental par des fonds de mutualisation agréés par l'autorité administrative » (article L. 361-3, id .).
b) Les dispositifs d'assurances
L'assurance-récolte n'étant pas obligatoire en droit français, sa souscription demeure au libre choix de l'agriculteur. Toutefois, les primes d'assurances peuvent être en partie prises en charge par l'État.
En effet, aux termes de l'article 70 du règlement (CE) n° 73/2009 du Conseil du 19 janvier 2009 établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, « Les États membres peuvent octroyer une contribution financière au paiement des primes d'assurance récolte, animaux et végétaux couvrant les pertes économiques causées par des phénomènes climatiques défavorables et des maladies animales ou végétales ou des infestations parasitaires » . Cette contribution ne peut être supérieure à 65 % de la prime d'assurance due.
La deuxième section du Fonds national de gestion des risques en agriculture « prend en charge une part des primes ou cotisations d'assurance afférentes à certains risques agricoles, de façon forfaitaire et variable suivant l'importance du risque et la nature des productions. Le cumul de l'aide versée à ce titre et de la contribution de l'Union européenne ne peut excéder 65 % de la prime ou cotisation d'assurance » (article L. 361-4 du code rural et de la pêche maritime).
Le décret n°2015-629 du 5 juin 2015 fixant pour l'année 2014 les modalités d'application de l'article L. 361-4 du code rural et de la pêche maritime en vue de favoriser le développement de l'assurance contre certains risques agricoles dispose qu'« en application de l'article 70 du règlement (CE) n° 73/2009 du Conseil du 19 janvier 2009 susvisé, les exploitants agricoles peuvent obtenir la prise en charge d'une fraction des primes ou cotisations relatives à la couverture d'assurance qu'ils ont souscrite pour leurs récoltes de l'année 2014 et qui garantit une ou plusieurs natures de récolte contre plusieurs risques climatiques.
La garantie subventionnable afférente à cette couverture d'assurance [...] doit au moins couvrir l'ensemble des risques suivants : sécheresse, grêle, gel et inondation ou excès d'eau. Elle peut avoir été souscrite de façon collective, dès lors que la garantie et la prime afférente de chaque exploitant sont clairement identifiées.
Les contrats ne doivent couvrir que des pertes causées par des phénomènes climatiques défavorables reconnus comme tels selon les critères établis par arrêté des ministres chargés de l'agriculture, de l'économie et du budget » .
Pour pallier les limites d'un système d'assurance-récolte qui excluait une partie des acteurs, puisque, pour ne citer que cet exemple, les prairies n'étaient pas couvertes, un nouveau système a été élaboré en 2015, celui du « contrat socle ».
En réponse à une question écrite du 11 août 2015, le ministre a indiqué que « Le contrat socle, dont la spécificité repose notamment sur le principe d'une limitation du capital assuré, a pour objectif de limiter le coût de l'assurance pour les agriculteurs afin qu'un plus grand nombre d'entre eux ait accès à ce moyen de protection. Pour ce faire, il a été envisagé de définir le barème plafonnant les prix assurés à un niveau correctement calibré pour garantir le versement d'une indemnisation suffisante en cas de sinistre et répondre à une logique coup dur. Les agriculteurs pourront individuellement choisir d'étendre le niveau de couverture du contrat socle en choisissant un niveau de prix au-delà du barème ou en souscrivant des extensions de garantie complémentaire auxquelles sera appliqué un taux de subvention réduit. Par ailleurs, l'agriculteur pourra souscrire d'autres garanties dites de confort qui ne seront pas subventionnées. Des échanges techniques ont été tenus avec les organisations professionnelles agricoles afin de définir le barème visant à limiter le capital assuré du premier niveau de garantie subventionnable (niveau socle). Pour plusieurs productions relevant du groupe des grandes cultures, il a été décidé de déterminer les prix plafond sur la base des coûts de production complets, à l'exclusion de la rémunération des capitaux propres et de la rémunération du travail familial. Pour d'autres productions, les prix plafond ont été établis sur la base des prix de vente de la production. Dans les deux cas, un taux de réfaction forfaitaire de 17,8 % a été appliqué afin de neutraliser la part correspondant à la rémunération du capital et du travail familial. Les organisations professionnelles agricoles ont été associées à chacune des étapes du processus d'élaboration des barèmes qui ont été validés par le comité national de gestion des risques en agriculture réuni le 18 juin et le 29 juillet 2015. Afin de proposer le contrat socle dans le cadre de la campagne d'assurance récolte 2016, pour les contrats souscrits fin 2015, les représentants des agriculteurs et des assureurs finalisent actuellement, avec l'appui du ministère, les éléments des futurs contrats » 1 ( * ) .
c) Les dispositifs d'indemnisation
La troisième section du Fonds national de gestion des risques en agriculture « contribue à l'indemnisation des calamités agricoles », entendues comme des « dommages résultant de risques, autres que ceux considérés comme assurables dans les conditions prévues au troisième alinéa, d'importance exceptionnelle dus à des variations anormales d'intensité d'un agent naturel climatique, lorsque les moyens techniques de lutte préventive ou curative employés habituellement dans l'agriculture, compte tenu des modes de production considérés, n'ont pu être utilisés ou se sont révélés insuffisants ou inopérants » (article L. 61-5 du code rural et de la pêche maritime).
Le même article précise que « les risques considérés comme assurables pour la gestion du Fonds national de gestion des risques en agriculture sont ceux pour lesquels il existe des possibilités de couverture au moyen de produits d'assurance et qui sont reconnus comme tels par arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture, de l'économie et du budget, notamment en raison d'un taux de diffusion suffisant de ces produits au regard des biens concernés. Les conditions dans lesquelles les calamités agricoles sont reconnues, évaluées et indemnisées sont déterminées par décret » .
2. Observations tirées des législations étrangères
Une remarque terminologique s'impose tout d'abord. Les différents États étudiés utilisent une terminologie qui, traduite en français mot à mot, ne rend pas compte de la réalité substantielle des notions qu'elle vise. Ainsi en va-t-il :
- des « cotisations » (Beitragsplicht) versées, en Allemagne, par les éleveurs aux Länder (et non aux assureurs) pour bénéficier d'une indemnisation ;
- du système d' « assurance » (insurance) géré par la Fédération aux États-Unis qui couvre tous les agriculteurs alors même qu'ils n'ont pas payé de prime ex ante , système qui leur donne droit au versement d'une indemnité moyennant le paiement de frais (fees) lors de la déclaration des sinistres.
L'utilisation de cette terminologie complique la comparaison et donc la compréhension de chacun des dispositifs.
Il n'en demeure pas moins que l'analyse des trois systèmes permet de constater que :
- la part respective laissée à la compensation et à l'assurance varie notablement entre eux ;
- la participation de l'État au paiement des primes d'assurance constitue une incitation à s'assurer ;
- le dispositif assurantiel espagnol s'avère un mécanisme de « partenariat public privé » d'un type original.
• Une part variable entre compensation et assurance
Les trois exemples étudiés laissent une part variable à l'assurance et à la compensation des dommages occasionnés par les catastrophes naturelles. Par ordre croissant on retiendra :
- l'Allemagne, où le recours à l'assurance privée s'effectue sur la base exclusive du volontariat, la gestion du risque agricole étant en principe du ressort de l'agriculteur, étant observé cependant que les propriétaires d'animaux ont l'obligation de payer une cotisation aux Länder pour pouvoir être dédommagés en cas de maladie de leur cheptel ;
- les États-Unis, où les pouvoirs publics ont mis en place un dispositif public de compensation des dommages qui ne nécessite pas de versement de prime mais où les agriculteurs peuvent de surcroît s'assurer auprès d'une compagnie privée en acquittant une prime variable en fonction du niveau de rendement attendu et de la couverture choisie ;
- et enfin l'Espagne, où un dispositif d'assurance agricole ancien et spécifique tend à se généraliser, sous la forme d'un « partenariat public privé », les compensations versées en cas de catastrophe revêtant un caractère résiduel.
• La participation de l'État au paiement des primes d'assurances : une incitation à s'assurer
Le paiement des primes d'assurances agricoles est en partie pris en charge par la puissance publique :
- aux États-Unis, où la Fédération acquitte une fraction de ces primes en fonction d'un taux déterminé par le Congrès, lequel variait en 2014 entre 38 et 80 % soit une moyenne de 62 % de sorte que, selon une étude, les polices d'assurance sont largement subventionnées ;
- en Espagne, où l'État paie une partie de la prime d'assurance et se substitue à l'agriculteur, de ce fait, à concurrence de ce montant, étant observé que les compensations versées par la puissance publique en cas de catastrophe ne sont destinées qu'aux agriculteurs qui ont souscrit une police d'assurance, ce qui établit malgré tout un lien entre le mécanisme d'assurance et le versement d'aides théoriquement sans contrepartie.
• Le dispositif assurantiel espagnol : un « partenariat public privé » original
La première singularité du système d'assurance agricole institué en Espagne tient à ce que le régime qui en détermine le cadre résulte de la volonté expresse du législateur, exprimée par la loi n° 87 du 28 décembre 1987 sur les assurances agricoles combinées, qui vise sa généralisation à toutes les branches de l'agriculture, y compris aux petits exploitants en vertu de la loi.
Il repose sur la collaboration de divers intervenants publics et privés, dont les assureurs et les entités qui représentent les intérêts des agriculteurs, lesquelles sont du reste autorisées à favoriser la signature de contrats collectifs.
Le dispositif laisse également une part importante à l'État :
- qui valide les caractéristiques des contrats et le montant des primes, la concurrence entre les compagnies d'assurance ne jouant que sur les frais de commercialisation de leurs produits ;
- et qui détermine, dans le cadre d'un plan annuel d'assurance, les zones de culture sur la base desquelles sont versées les subventions de l'État pour la souscription d'assurance.
* 1 AN, 14 ème législature, QE84020 du 7 juillet 2015 de M. Jean-Pierre Barbier, député, et AN, 14 ème législature, QE86678 du 11 août 2015 de Mme Véronique Louwagie, députée.