Octobre 2015
NOTE
sur
Le Parlement et les autorités administratives
indépendantes
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Allemagne - Italie -Royaume-Uni
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Cette note a été
réalisée
à la demande de
Madame Marie-Hélène DES ESGAULX,
présidente,
et Monsieur Jacques MÉZARD, rapporteur de la
commission d'enquête
sur le bilan et le contrôle de la
création, de l'organisation, de l'activité
et de la gestion
des autorités administratives indépendantes
AVERTISSEMENT Les notes de Législation comparée se fondent sur une étude de la version en langue originale des documents de référence cités dans l'annexe. Elles présentent de façon synthétique l'état du droit dans les pays européens dont la population est de taille comparable à celle de l'Hexagone ainsi que dans ceux où existe un dispositif législatif spécifique. Elles n'ont donc pas de portée statistique. Ce document constitue un instrument de travail élaboré à la demande des sénateurs par la division de Législation comparée de la direction de l'Initiative parlementaire et des délégations. Il a un caractère informatif et ne contient aucune prise de position susceptible d'engager le Sénat. |
NOTE DE SYNTHÈSE
Cette note porte sur les relations qu'entretiennent le Parlement et les Autorités administratives indépendantes (AAI) ou leurs équivalents 1 ( * ) dans trois pays de l'Union européenne : l'Allemagne, l'Italie et le Royaume-Uni.
Elle concerne, lorsqu'ils existent, les homologues :
- de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) ;
- de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) ;
- et de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) ;
Elle évoque, pour chacun des organismes considérés :
- la forme juridique ;
- la composition et le mode de désignation des membres ;
- les modalités d'exercice du mandat ;
- la typologie des compétences ;
- ainsi que les ressources et moyens.
1. La situation en France
On examinera succinctement la situation de :
- la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) ;
- la Commission de régulation de l'énergie (CRE) ;
- et l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD).
a) La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL)2 ( * )
Créée par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique et aux libertés, la CNIL veille à la protection des données personnelles.
Autorité administrative indépendante aux termes de la loi n° 78-17 précitée, elle est composée de 17 membres (parmi lesquels 12 sont élus ou désignés par les assemblées ou juridictions auxquelles ils appartiennent), dont :
- six représentants de hautes juridictions ;
- cinq personnalités qualifiées ;
- quatre parlementaires ;
- et deux membres du Conseil économique, social et environnemental.
La CNIL élit son président parmi ses membres.
Ses missions consistent notamment en :
- l'information des personnes sur leurs droits et obligations ;
- la régulation, le recensement des fichiers et l'autorisation préalable des traitements de données les plus sensibles ;
- la sanction financière en cas de non-respect de la loi ;
- l'aide aux citoyens qui souhaitent faire valoir leurs droits ;
- le contrôle des fichiers et la vérification du respect de la loi par les entités qui en sont responsables.
Ses décisions peuvent faire l'objet de recours devant la juridiction administrative.
La commission présente chaque année au Parlement un rapport public rendant compte de l'exécution de sa mission (article 11 4° d de de la loi précitée).
Son président recrute ses collaborateurs, qui sont des agents contractuels de l'État. Son budget relève du budget de l'État.
b) La commission de régulation de l'énergie (CRE)3 ( * )
Créée par la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, la CRE est une autorité administrative indépendante 4 ( * ) .
La CRE comprend deux organes indépendants : un collège et un comité de règlement des différends et des sanctions.
Aux termes de l'article L. 132-2 du code de l'énergie, le collège se compose d'un président nommé par décret et de cinq membres nommés pour six ans non renouvelables à raison de :
- un par le président de l'Assemblée nationale, en raison de ses qualifications en matière de protection des données personnelles ;
- un par le président du Sénat, en raison de ses qualifications dans le domaine des services publics locaux de l'énergie ;
- un par décret, pour ses qualifications en matière de protection des consommateurs d'énergie et de lutte contre la précarité énergétique ;
- un par décret, pour ses qualifications dans les domaines de la maîtrise de la demande d'énergie et des énergies renouvelables ;
- et un par décret, sur proposition du ministre chargé de l'outre-mer, en raison de sa connaissance et de son expérience des zones non interconnectées.
Il peut être mis fin aux fonctions d'un membre du collège en cas de manquement grave à ses obligations par décret en conseil des ministres, sur proposition du président d'une commission du Parlement compétente en matière d'énergie ou sur proposition du collège (article L. 132-5 (3°) du code de l'énergie).
Le comité de règlement des différends et des sanctions est composé de quatre membres : deux conseillers d'État et deux conseillers à la Cour de cassation. Son président est nommé par décret parmi ses membres.
La CRE régule les réseaux publics ainsi que les marchés d'électricité et de gaz.
Son président rend compte des activités de la commission devant les commissions permanentes du Parlement compétentes en matière d'énergie, à leur demande (article L. 134-14 du code de l'énergie).
Le montant des crédits nécessaires au fonctionnement de la commission est proposé par la CRE au ministre chargé de l'énergie et au ministre chargé des finances. Ces crédits sont inscrits en loi de Finances.
c) L'agence française de lutte contre le dopage (AFLD)5 ( * )
Créée par la loi n° 2006-405 du 5 avril 2006 relative à la lutte contre le dopage et à la protection de la santé des sportifs, l'Agence française de lutte contre le dopage est une « autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale » (article 232-5 du code du sport).
Aux termes de l'article L. 232-6 du même code, son collège comprend neuf membres, nommés pour un mandat de six ans renouvelable une fois à raison de :
- trois membres des juridictions administrative et judiciaire, à savoir un conseiller d'État, président, désigné par le vice-président du Conseil d'État, un conseiller près la Cour de cassation, désigné par le premier président de cette cour, un avocat général près la Cour de cassation désigné par le procureur général près ladite cour ;
- trois personnalités ayant compétence dans les domaines de la pharmacologie, de la toxicologie et de la médecine du sport, désignées respectivement par le président de l'Académie nationale de pharmacie, le président de l'Académie des sciences et le président de l'Académie nationale de médecine ;
- et trois personnalités qualifiées dans le domaine du sport, à savoir une personne inscrite ou ayant été inscrite sur la liste des sportifs de haut niveau désignée par le président du Comité national olympique et sportif français, un membre du conseil d'administration de ce comité désigné par son président et une personnalité désignée par le président du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé.
L'Agence est dotée de l'autonomie financière.
L'AFLD exerce notamment ses missions en matière :
- d'organisation des contrôles antidopage ;
- d'analyse des prélèvements ;
- de suivi des procédures disciplinaires ;
- de recherche ;
- et de prévention.
Les ressources financières de l'AFLD proviennent principalement d'une subvention versée par le ministère chargé des sports et du produit de prestations d'analyses ou de prélèvements qu'elle réalise.
En vertu de l'article L. 232-5 (16°) du code du sport, elle remet chaque année un rapport d'activité au Parlement.
2. Observations tirées des exemples étrangers
L'analyse des exemples étrangers permet d'observer en premier lieu, que, du fait d'obligations qui résultent du droit communautaire, les États ont garanti l'indépendance statutaire des trois homologues allemand, italien et anglais de la CNIL, d'une part, et de la CRE, d'autre part.
En revanche, le régime applicable aux organismes de lutte contre le dopage n'est, dans ces trois États, pas empreint du même caractère puisque cette mission relève du Comité national olympique et d'une commission nommée par le ministre de la santé en Italie, ainsi que d'une fondation en Allemagne et d'une société à responsabilité limitée agissant pour le compte du Gouvernement au Royaume-Uni.
Les relations qu'entretiennent le Parlement et les AAI sont fonction :
- de la portée de l'intervention du législateur les concernant ;
- de l'étendue de l'obligation de rendre compte de leurs activités au Parlement incombant à ces autorités ;
- de leur faculté de formuler des recommandations à l'attention du législateur ;
- et enfin de la portée du contrôle de leurs ressources qu'opère le Parlement.
• Portée de l'intervention du législateur
L'intervention du législateur peut concerner aussi bien :
- la désignation des membres
- que la participation, à titre consultatif, aux travaux d'une autorité.
Le législateur intervient à l'occasion de la désignation des membres des AAI au moyen :
- d'un vote sur un nom tel que celui auquel procède, sans débat, le Bundestag , à la majorité absolue de ses membres , afin de désigner le responsable de l'homologue de la CNIL qui est ensuite formellement nommé par le président fédéral ;
- d'une désignation directe par chaque chambre du Parlement d'un nombre de membres du collège d'une AAI, à l'instar de ceux qui appartiennent à l'homologue de la CNIL italienne, ce membre pouvant être renouvelé dans les mêmes conditions ;
- d'un avis conforme émis à la majorité des deux tiers des commissions compétentes du Parlement, préalable à la désignation par un décret du Président de République des membres de l'homologue de la CRE en Italie ;
- d'une simple audition devant les chambres du Parlement préalable à la nomination du président de l'homologue britannique de la CRE choisi par le Gouvernement.
Le législateur peut aussi intervenir pour proposer la cessation des fonctions d'un membre d'une autorité, à l'instar du président du Bundestag , qui demande au président fédéral allemand de mettre un terme au mandat du titulaire de l'autorité fédérale pour la protection des données, pour des motifs particulièrement graves.
La participation directe des membres du Parlement -à titre consultatif, il est vrai-, concerne l'homologue allemand de la CRE dont le conseil consultatif est composé pour moitié de membres du Bundestag et pour moitié de membres du Bundesrat .
Le législateur a, en revanche, institué des incompatibilités , qui interdisent durant leur mandat, aux membres des homologues de la CNIL en Italie et en Allemagne et de la CRE en Italie, d'exercer des fonctions électives et par conséquent d'être membres du Parlement.
• Étendue de l'obligation de rendre compte de son activité au Parlement
Les AAI étudiées sont tenues de présenter le bilan de leur activité au Parlement.
C'est ainsi que l'homologue anglais de la CNIL ne rend compte qu'au Parlement puisqu'il n'est pas soumis à l'autorité du ministre de la justice.
Sont, en outre, tenus de remettre un rapport d'activité au Parlement :
- l'autorité fédérale allemande pour la protection des données, tous les deux ans ;
- les homologues italiens de la CNIL et de la CRE, chaque année.
Le titulaire de l'autorité fédérale allemande pour la protection des données interroge, quant à lui, le président du Bundestag sur la possibilité d'accepter des cadeaux dans le cadre de ses fonctions.
• Faculté de formuler des recommandations
La faculté de formuler des recommandations est reconnue aux AAI, qu'il s'agisse de :
- suggérer des modifications de la loi (homologue de la CNIL italienne) ;
- formuler des avis ( idem ) ;
- adresser des recommandations sur les services à soumettre au régime de la concession et sur ceux relevant de l'autorisation (homologue de la CRE italienne).
Cette faculté peut se transformer en mission puisque l'homologue allemand de la CNIL peut être chargé de rédiger un rapport sur un objet donné à la demande du Bundestag .
• Portée du contrôle du Parlement sur les ressources
Le degré de contrôle des ressources attribuées aux AAI par le Parlement varie selon que celle-ci :
- sont attribuées par la loi de finances, votée chaque année par le Parlement (homologues de la CNIL italien et allemand ainsi que de la CRE allemand) ;
- résultent de ressources propres, dont le régime est fixé par le législateur mais dont le produit est tiré d'une ressource affectée payée sous la forme d'une contribution directement acquittée par les consommateurs (homologue italien de la CRE).
* 1 Si le terme autorità amministrative indipendenti est utilisé par le législateur en Italie pour désigner des autorités de régulation, le législateur allemand ne fait pas strictement référence à des « AAI », bien que plusieurs entités administratives soient, au moins en partie, indépendantes. La terminologie est variable au Royaume-Uni, où l'on fait notamment référence aux executive agencies , non-departemental public bodies (NDPSBs) , advisory bodies et public corporations .
* 2 Toutes les informations proviennent du site internet de la CNIL : http://www.cnil.fr/
* 3 Toutes les informations proviennent du site internet de la CRE : http://www.cre.fr/
* 4 Cf. son rapport annuel 2014, p. 6. L'article L. 133-6 du code de l'énergie dispose que ses membres « exercent leur fonction en toute impartialité sans recevoir d'instruction du Gouvernement, ni d'aucune institution, personne, entreprise ou organisme ».
* 5 Toutes les informations proviennent du site internet de l'AFLD : https://www.afld.fr/