CANADA
Le parlement canadien a été dissous le 26 mars 2011, lors de la discussion budgétaire, à la suite de l'adoption d'une motion de censure présentée par les libéraux contre le gouvernement conservateur minoritaire de Stephen Harper. Les élections fédérales ont eu lieu le 2 mai 2011 et la composition du nouveau gouvernement Harper a été annoncée le 18 mai 2011.
Dans son programme électoral, le parti conservateur a déclaré vouloir réduire le déficit en 2014 au lieu de 2015 en réalisant davantage d'économies et notamment en ne remplaçant pas tous les fonctionnaires partant à la retraite au sein de la fonction publique fédérale qui employait 283 000 personnes en 2010.
On s'intéressera, infra , aux réformes concernant la seule administration fédérale, en évoquant la modernisation de celle-ci par :
- le recours à de nouveaux instruments de gestion ;
- des mesures prises en matière de transparence ;
- la réduction des contraintes concernant les entreprises ;
- et l'initiative « Service Canada » qui tend à faciliter l'accès aux services fédéraux.
Un rapport sur la mise en oeuvre de la loi de modernisation de la fonction publique, L.C.2003 ch. 22, entrée en vigueur en 2005, sera déposé devant le Parlement en 2011.
1. Le recours à des instruments de gestion
En la matière, les pouvoirs publics se sont penchés aussi bien sur la gestion du rendement que sur celles des dépenses et des ressources humaines.
a) Gestion du rendement
La gestion moderne des ressources en vue de rendre l'administration fédérale plus efficace constitue une priorité depuis le lancement de la politique de réduction du déficit et de coupes budgétaires au milieu des années 1990. Créé en 2003 et perfectionné depuis lors, le Cadre de responsabilisation de gestion (CRG) (Management Accountability Framework) fournit aux gestionnaires des ministères et des organismes publics fédéraux « un modèle exhaustif et intégré de gestion et d'amélioration de la gestion ».
Le CRG se présente comme la synthèse des conditions favorables à une bonne gestion à mettre en place pour parvenir à un rendement organisationnel élevé. Il est constitué actuellement de 15 composantes de gestion (CG) :
CG 1 |
Valeurs et éthique |
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CG 2 |
Gestion des résultats |
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CG 3 |
Gouvernance et planification |
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CG 4 |
Service axé sur les citoyens |
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CG 5 |
Vérification interne |
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CG 6 |
Évaluation |
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CG 7 |
Gestion financière et contrôle |
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CG 8 |
Gestion de la sécurité |
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CG 9 |
Gestion intégrée des risques |
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CG 10 |
Gestion des personnes |
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CG 11 |
Approvisionnement |
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CG 12 |
Gestion de l'information |
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CG 13 |
Technologie de l'information |
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CG 14 |
Gestion des biens |
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CG 15 |
Planification des investissements et gestion des projets |
Toutes ces composantes sont assorties d'« éléments de preuve » qui permettent de mesurer la qualité de la gestion dans le domaine en question.
Chaque année, le Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT) qui a pour mission « de veiller à l'amélioration continue de la manière dont le gouvernement fédéral gère ses ressources pour atteindre ses objectifs » se livre à une évaluation du CRG à partir des informations transmises par les ministères et organismes publics. Chaque composante de gestion est notée d'après l'échelle suivante : « fort, acceptable, possibilité d'amélioration ou attention requise ».
Le processus d'évaluation annuelle du cadre de responsabilisation de gestion se déroule en sept étapes décrites comme suit par le rapport d'évaluation quinquennale réalisé en 2009 par les firmes Pricewaterhouse Coopers LLP et Interis Consulting Inc. :
- établissement des priorités pour l'année à venir par le STC ;
- préparation et présentation des documents par les ministères ;
- évaluation par le SCT et transmission des résultats provisoires aux ministères ;
- finalisation des résultats et présentation de rapports simplifiés par le SCT ;
- communication aux ministères des résultats et des objectifs prioritaires pour l'année suivante ;
- publication des résultats de l'évaluation du CRG sur le site du Conseil du Trésor ;
- et analyse rétrospective en vue d'améliorer le processus et la méthodologie.
Même s'il formule des recommandations pour l'amélioration de cet outil de gestion, le rapport d'évaluation quinquennale précité juge que « le CRG est un cadre efficace et pertinent. [...] Il offre aux administrateurs généraux et au SCT un portrait global de l'état de rendement de gestion d'un ministère ou d'un organisme. Le CRG constitue un outil précieux pour soutenir l'établissement des priorités et mettre l'accent sur les pratiques de gestion dans l'ensemble de l'administration fédérale ».
b) Gestion des dépenses
En 2007, le gouvernement fédéral a institué un nouveau système de gestion des dépenses pour une utilisation optimale des ressources et leur affectation à des programmes efficaces répondant aux besoins prioritaires de la population.
Ce système repose sur une évaluation continue durant un cycle quadriennal de toutes les dépenses de programme directes du gouvernement fédéral, connue sous le nom d'« examens stratégiques » (Strategic Reviews) .
Tous les ministères et les organismes publics fédéraux sont tenus de se livrer à un examen stratégique avec l'aide de conseillers externes indépendants et de « cerner un total de 5 % de leurs dépenses de programmes à plus faible priorité et à plus faible rendement ». Ils doivent également formuler des recommandations de réaffectation de ces 5 % d'économies dans le cadre du processus annuel de planification budgétaire. Les fonds destinés à des programmes inefficaces sont ainsi rapidement réinvestis dans les priorités budgétaires.
c) Gestion des ressources humaines
Chaque ministère, chaque organisme public fédéral se sert de la méthode de planification intégrée des activités et des ressources humaines (Integrated Human Resources and business planning) afin d'optimiser l'utilisation de ses ressources humaines. Cette méthode, née dans les années 1980, s'est perfectionnée avec le temps et apparaît aujourd'hui essentielle. Le dix-huitième rapport annuel au Premier ministre sur la fonction publique du Canada pour l'année budgétaire finissant le 31 mars 2011 constate une amélioration de la situation des ministères qui « établissent désormais des liens entre leurs plans de ressources humaines et les plans opérationnels généraux ».
La planification intégrée « permet de déterminer les besoins en ressources humaines actuels et futurs d'une organisation en vue d'atteindre ses objectifs. La planification des ressources humaines doit servir à faire le lien entre la gestion des ressources humaines et le plan stratégique de l'ensemble de l'organisation ».
Depuis mars 2008, tous les ministères ont mis en ligne leur plan intégré des activités et des ressources humaines. En décembre suivant, un rapport a été publié sur la planification intégrée des ressources humaines et des activités dans la fonction publique fédérale et sur les meilleures pratiques.
Le plan intégré des activités et des ressources humaines est élaboré en tenant compte « des facteurs environnementaux, des priorités gouvernementales et d'autres facteurs cruciaux comme le Plan d'action pour le renouvellement de la fonction publique ».
Depuis plusieurs années, le Gouvernement se préoccupe du renouvellement de la fonction publique fédérale car il fait face à un très grand nombre de départs. En 2010, plus de la moitié du personnel avait été recruté depuis l'année 2000 et 9 330 départs et départs en retraite étaient comptabilisés pour le seul exercice 2009-2010.
En avril 2007, le secrétariat du Conseil du Trésor du Canada a publié un guide de la planification intégrée contenant « une liste de contrôle pour la planification intégrée des ressources humaines et des activités » assortie de documents de planification destinés à aider les ministères. Cette liste prévoit cinq étapes :
- détermination des objectifs opérationnels ;
- analyse de l'environnement ;
- établissement des priorités liées aux ressources humaines pour permettre d'atteindre des objectifs opérationnels ;
- analyse des écarts relevés entre l'effectif actuel, l'effectif futur et les objectifs opérationnels ;
- et mesure, surveillance et signalement des progrès.
Compte tenu des contraintes budgétaires, le plan d'action pour le renouvellement de la fonction publique 2010-2011 préconise une meilleure planification, un recrutement ciblé, qui tienne compte des besoins opérationnels, le perfectionnement des personnels « au moyen d'une méthode systématique et intégrée de gestion du rendement et de l'apprentissage » et le renouvellement des composantes du milieu du travail.
Sur ce dernier point, il déclare qu'«il faut miser sur la collaboration, faire appel aux nouvelles technologies, se concentrer sur l'innovation, réduire le nombre de règles et de rapports inutiles et bien gérer les renseignements et les risques».
Le plan intégré des activités et des ressources humaines de chaque ministère contient un plan d'action pour le renouvellement de la fonction publique.
2. La transparence
En la matière, le Gouvernement veut améliorer la situation en facilitant l'accès :
- aux informations relatives aux finances et aux ressources humaines ;
- et à un grand nombre de données gouvernementales pour passer à un « gouvernement ouvert ».
a) Communication des informations relatives aux finances et aux ressources humaines
Depuis 2003, le Gouvernement a souhaité mettre en oeuvre une politique de transparence, une « divulgation proactive », qui oblige les ministères et organismes du secteur public à rendre des comptes sur l'utilisation des finances publiques et sur les ressources humaines afin d'améliorer la gestion et de faciliter la surveillance par les contribuables et les parlementaires.
Sont ainsi publiés chaque trimestre sur les sites Web des ministères et organismes publics :
- depuis 2003, les frais de voyage et d'accueil des ministres et des cadres de la haute fonction publique ;
- à compter de 2004, les contrats de plus de 10 000 dollars canadiens (environ 7 250 euros) conclus par les institutions fédérales ainsi que les reclassifications de postes ;
- depuis 2005, l'octroi de subventions et de contributions supérieures à 25 000 dollars canadiens (environ 18 000 euros).
Depuis l'entrée en vigueur de la loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles, L.C.2005, ch. 46, le 15 avril 2007, tout « acte répréhensible » commis au sein des ministères doit être rendu public. Selon l'article 8 de la loi précitée, il peut s'agir :
- du fait de contrevenir à une loi fédérale ;
- de l'usage abusif des fonds ou biens publics ;
- des cas graves de mauvaise gestion dans le secteur public ;
- du fait de causer - par action ou par omission - un risque grave et précis pour la vie, la santé ou la sécurité humaines ou pour l'environnement ;
- de la contravention grave au code de conduite établi par le Conseil du Trésor et à celui rédigé par le ministère concerné ;
- et du fait de sciemment ordonner ou conseiller à une personne de commettre l'un des actes répréhensibles précédemment décrits.
Le site du Secrétariat du Conseil du Trésor et le site VisibleGovernment.ca « un organisme sans but lucratif qui contribue au développement d'outils en ligne favorisant la transparence des pouvoirs publics » centralisent toutes ces informations.
b) Renforcement du « gouvernement ouvert » (Open Government)
Au cours de ces dernières années, le Gouvernement a réfléchi à « l'intégration de la nouvelle génération de médias numériques à la structure et au fonctionnement de l'administration » (projet « Gouvernement 2.0 »).
Le 18 mars 2011, le gouvernement Harper a présenté une déclaration sur le renforcement du gouvernement ouvert qui repose sur trois piliers : les « données ouvertes » (open dates) , l'« information accessible » (open information) et le « dialogue ouvert » (open dialogue) .
Les « données ouvertes » « consistent à présenter les données gouvernementales dans un format plus convivial et dans des formats lisibles par machine afin que les citoyens, les organisations du secteur privé et les organismes non gouvernementaux puissent les utiliser de façon novatrice et améliorée ».
Certains ministères avaient déjà conduit des expérimentations sur ces « données ouvertes ». Le ministère des Ressources naturelles a, par exemple, mis en service trois portails qui diffusent des données brutes sur les réseaux routiers, les limites des circonscriptions électorales et les cartes topographiques du Canada. Les accords de licence qui les régissent donnent aux utilisateurs « une licence non exclusive, sans frais ni redevances exigibles et le droit d'exercer tous les droits de propriété intellectuelle sur les données ».
Le Gouvernement a également lancé un site internet qu'il testera entre mars 2011 et mars 2012. Ce Portail « données ouvertes » constitue un guichet unique permettant à tous les Canadiens d'accéder à plus de 260 000 ensembles de données fournis par dix ministères. Ce site, qui doit s'enrichir au fil des mois, va permettre le développement d'applications destinées à réutiliser ces éléments « à des fins commerciales, pour la recherche ou des services communautaires » et de créer ainsi des débouchés économiques.
L'opération « information accessible » rend quant à elle « l'information gouvernementale plus facile à trouver et plus accessible aux Canadiens ». A compter du 1 er avril 2011, tous les ministères et organismes publics sont tenus de publier sur leur site des résumés des demandes d'information traitées par leurs soins.
L'opération « dialogue ouvert » « permettra aux Canadiens d'intervenir davantage dans les politiques et les priorités du Gouvernement et de participer de façon plus directe au processus décisionnel ». Un site « Consultations auprès des Canadiens » regroupe toutes les consultations en cours (et archivées) et leur permet de répondre en ligne.
3. La réduction des contraintes administratives fédérales pesant sur les entreprises
L'objectif du Gouvernement est de réduire le temps et les ressources que les entreprises, et notamment les plus petites d'entre elles, consacrent en vue de se conformer à la règlementation fédérale.
Sur son site, la « Commission sur la réduction de la paperasse fédérale » indique qu'entre 2007 et 2009 le Gouvernement « a réduit de 20 % la paperasse dans le cadre de l'Initiative de la réduction de la paperasserie. 80 000 exigences réglementaires et obligations relatives à l'information ont été éliminées ; pour y arriver, on a rationnalisé la réglementation, éliminé les exigences faisant double emploi ainsi que les obligations qui se chevauchaient, et réduit les exigences en matière de renseignements ».
Suite à l'adoption du budget fédéral 2010, le Gouvernement a institué la « Commission sur la réduction de la paperasse fédérale » qui s'est livrée à une vaste consultation des entreprises aussi bien en ligne qu'en organisant des tables-rondes de décembre 2010 à mars 2011. Elle est chargée d'évaluer si le respect de la réglementation impose des coûts inutiles aux entreprises et de recommander des solutions pour alléger ce fardeau à court et à long terme.
4. L'accès aux programmes et aux services du gouvernement fédéral
En septembre 2005, le Gouvernement a créé « Service Canada » qui offre un accès rapide et facile à l'ensemble des programmes et services fédéraux qui accordent des prestations sociales (prestations chômage, retraite, naissance d'un enfant ...), en téléphonant à une ligne d'information unique, en se connectant au site internet, ou en se déplaçant dans une agence.
LES RÉFORMES RÉCENTES DE L'ADMINISTRATION