IV. LES RETOMBÉES ACTUELLES DE L'ENGAGEMENT EUROPÉEN.

A. LA PORTÉE DE L'ACCORD D'ASSOCIATION AVEC L'UNION EUROPÉENNE.

Depuis l'accord d'association, signé le 16 décembre 1991 et entré en vigueur le 1er février 1994 , à l'exception des dispositions commerciales appliquées dès un accord intérimaire du 1er mars 1992 9, la Hongrie est toujours apparue soucieuse de respecter les objectifs fixés par l'Union européenne.

Rappel du contenu de l'accord européen.

• Une zone de libre échange concernant les produits industriels : une dizaine d'année est prévue pour la mise en place de cette zone. Durant cette période, les concessions commerciales octroyées par l'accord européen ne peuvent être remises en cause (clause de statu quo ), non plus que le traitement préférentiel au profit des produits communautaires . Le Conseil d'association , au niveau des ministres, et le Comité d'association réunissant les hauts fonctionnaires veillent au respect de l'accord.

• Des obligations inégales : l'Union européenne a aussitôt éliminé les droits et restrictions quantitatives portant sur les produits industriels, les produits sensibles (1995) et les produits CECA (1996). Les dernières restrictions (relatives au textile) seront supprimées en janvier 1997.

En revanche, l'accès au marché hongrois ne sera libéralisé qu'en 1997, ou en 2002 pour les produits les plus sensibles (automobiles).

Les produits agricoles sont exclus de l'accord européen même si l'Union européenne a offert immédiatement des concessions. La Hongrie a aussi ouvert en retour des contingents tarifaires sur certains produits. Une clause de rendez-vous est prévue pour 1997.

Le traitement national et la liberté d'établissement seront octroyés pour les services par la Hongrie au cours des cinq années à venir. Cette période transitoire dérogatoire est portée à dix ans, pour octroyer la liberté d'établissement aux  ; quant aux services de transport aérien , de navigation intérieure et de cabotage maritime ils sont exclus du champ couvert par le droit d'établissement.

Par ailleurs, des dispositions dérogatoires peuvent atténuer la rigueur des évolutions : clause de sauvegarde (article 30 de l'accord), en cas de "réductions draconiennes" de parts de marché ; mesures exceptionnelles et temporaires pour accompagner la restructuration de secteurs en transition ou confrontés à de sérieuses difficultés économiques (article 28) (par exemple : droits de douane majorés) mais leur assiette ne peut excéder 15 % du total des importations hongroises en provenance de l'Union ; clause "Industries naissantes" qui autorise l'augmentation temporaire et limitée des droits de douane pour protéger des secteurs émergents ; aides hongroises à la sidérurgie et aux charbonnages tolérées jusqu'en 1999 , à condition d'être liées à une politique de réduction des capacités de production.

Le bilan provisoire de l'application de l'accord d'association.

Une importante croissance des échanges entre l'Union européenne et la Hongrie a été constatée.

Les échanges hongrois avec l'Union ont augmenté, en proportion, plus fortement que l'ensemble des échanges de la Hongrie.

La part de l'Union dans le commerce extérieur de la Hongrie atteint désormais les deux tiers (contre 30 % antérieurement). La structure des échanges s'est modifée. L'importance des biens énergétiques et agricoles a décliné au profit des échanges de produits manufacturés (passés de 15 % en 1990 à 28 % en 1994).

En général, la Hongrie a adapté sa politique selon les exigences de la préparation à l'adhésion.

C'est ainsi que la Hongrie a annoncé, fin avril 1996, le démantèlement progressif de la surtaxe douanière de 8 % instaurée en mars 1995 et destinée tant à réduire les importations qu'à alimenter le budget de l'Etat. Cinq étapes devraient aboutir à la suppression totale au 1er juillet 1997 .

De plus, la Hongrie compte respecter d'ici trois ans les dispositions du Livre blanc de Cannes (Conseil européen de 1995) qui expose les mesures à prendre pour harmoniser les législations avec celles de l'Union européenne. Par ailleurs, des normes de concurrence (entente, abus de positions dominantes, contrôle des aides de l'Etat) similaires à celles qui existent au sein de l'Union devraient être adoptées.

En résumé, la Hongrie semble tout mettre en oeuvre pour appliquer scrupuleusement les principes découlant de l'accord d'association avec l'Union européenne.

B. LES MESURES DU PROGRAMME EUROPÉEN PHARE [10] BENEFICIANT À LA HONGRIE.

Dans le bilan de la mise en oeuvre du Programme PHARE, la Commission européenne a estimé dans son rapport de 1994 que :

" Le processus de transition économique est dans la bonne voie en Hongrie et la plupart des fondements d'une économie de marché et d'une société démocratique sont jetés.

Par conséquent, la Hongrie a atteint une phase dans ses relations avec Phare, où l'assistance se concentre davantage sur la consolidation des réformes et l'intégration dans l'Union européenne.

Cette phase est déterminante, mais toutefois délicate, car elle implique souvent que l'on touche à des domaines politiques "sensibles" et que l'on soit amené à prendre des décisions ardues. A ce propos, la Hongrie ne s'est pas encore attaquée à un certain nombre de problèmes macro-économiques considérables tels que le haut niveau de consommation, la dette extérieure et le déficit de la balance courante s'élevant à neuf pour cent environ du PIB, ce qui risque ainsi de menacer le rythme des réformes.

Phare a fixé un certain nombre d'objectifs fondamentaux avec le nouveau gouvernement élu en mai 1994. Ces objectifs sont les suivants :

• encourager la création d'un climat favorable à la reprise de la croissance économique avec le maintien des balances extérieures et intérieures ,

• approfondir et étendre les réformes et

• se pencher sur des problèmes sociaux urgents .

La Hongrie s'est vue doter de 85 millions d'écus en 1994 . Les domaines sélectionnés pour bénéficier de l'assistance Phare étaient le développement du secteur privé , de l'infrastructure et des ressources humaines .

Le taux de mise en oeuvre des projets Phare est légèrement supérieur à la moyenne des pays Phare. Fin 1994, 55 % des fonds engagés en Hongrie ont fait l'objet de contrats au cours de l'existence du programme, contre 52 % pour le programme dans son ensemble. Le taux de décaissement s'élevait à 62,5 % des fonds contractuels.

Toujours est-il qu'il est nécessaire d'améliorer la coordination entre le bureau des coordinateurs nationaux hongrois et la Commission, afin de pouvoir définir des projets qui correspondent aux priorités de réforme du gouvernement et qui peuvent être mis en oeuvre rapidement et efficacement.

Mais il n'en reste pas moins que l'année s'est illustrée par des éléments très positifs. Le programme d'assistance aux petites et moyennes entreprises est en effet un des programmes les mieux réussis de l'ensemble des pays partenaires Phare. De plus, Phare a également contribué à des évolutions majeures dans les secteurs bancaire et financier, et notamment l'achèvement d'un second plan de recapitalisation des banques .

En 1994, Phare a également injecté, pour la première fois, des investissements décisifs dans les infrastructures. Les efforts de Phare se sont en effet centrés sur les secteurs des transports , de l'environnement et de l'énergie , ainsi que sur la modernisation des postes frontières . Le Comité de gestion de Phare a notamment approuvé en 1994 le cofinancement de deux projets de réhabilitation de l'infrastructure routière (la E77 reliant la Hongrie à la Slovaquie et la M5 à la Roumanie), alors que la modernisation de cinq poste frontières, à savoir trois avec la Roumanie, un avec la Slovaquie et un avec l'Ukraine, constitue une priorité urgente, vu l'augmentation du trafic résultant du conflit dans les Balkans. La mise en oeuvre de ces projets devrait démarrer au début de 1995.

Le programme Tempus (Trans-European Mobility Programme for University Studies), programme trans-européen de coopération pour l'enseignement supérieur entre l'Europe centrale et orientale et l'Union européenne prévoyant l'échange de personnel universitaire et d'étudiants de l'enseignement supérieur, a également remporté un vif succès et s'est vu octroyer une enveloppe supplémentaire de 16 millions d'écus en 1994.

En 1994, le nombre d'organisations hongroises sous contrat dans le cadre de la mise en oeuvre de projets Phare a également enregistré une augmentation significative. Les organisations hongroises représentent en outre 80 % du nombre total de contrats accordés entre 1990 et 1994 par Phare. "


(en millions d'écus)
Montant des fonds alloués par secteur et par année 1990 1991 1992 1993 1994 Total

Développement du secteur privé et aide aux entreprises

Education, santé, formation et recherche

Aide humanitaire et alimentaire

Restructuration de l'agriculture

Environnement et sécurité nucléaire

Infrastructure (énergie, transport et télécommunications)

Développement social et emploi

Institution publique et réforme administrative

Divers

31

7,5

0

20

27

1,3

3

0

0

59,5

22

0

13

10

7

0

8

0

11

16

0

5

10

0

26

14,5

15

31

36

0

30,5

0

0

0

1,5

0

16,5

24

0

0

15,5

29

0

0

0

149

105,5

0

68,5

62,5

37,3

29

24

15

Total 89,8 119,5 97,5 99,0 85,0 490,8

Entretien du Groupe sénatorial

France-Hongrie

Mardi 22 octobre 1996 , 11 heures - Entretien au ministère de l'agriculture avec M. Jenö REDNÁGEL, Secrétaire d'Etat administratif adjoint, le Dr László VAJDA, Directeur général du Département des relations internationales et Mme Eva JAZIGIAN.

M. Jenö REDNÁGEL a dès l'abord rappelé que le poids du secteur agricole était trop important en Hongrie. Dans le passé, 20 % à 25 % du produit intérieur brut et de l'emploi dépendaient de l'agriculture. Après 1990, le secteur agricole représente 13 % du produit intérieur brut et moins de 10 % de la population active .

Cette évolution s'inscrit dans un mouvement général de recul des secteurs primaire et secondaire et d'essor du secteur tertiaire.

En 1994, la production agricole a cessé de reculer. En 1995 et 1996, une reprise s'est amorcée.

La privatisation est terminée dans l'agriculture : 92 % de la propriété du sol et 80 % de l'industrie agro-alimentaire sont privés.

Les grandes entreprises multinationales étrangères ont beaucoup investi dans le secteur de l'agro-alimentaire.

La majorité des terres a été privatisée à travers soit des compensations soit des remises de propriétés. Il existe près de 2,5 millions de propriétaires terriens . La propriété est donc très morcelée : la surface moyenne est d'environ 3 hectares ce qui conduit à une utilisation des terres déconnectée de la propriété du sol . Des baux sont conclus avec des coopératives ou des sociétés commerciales, mais seules les personnes physiques ont le droit d'acheter des terres dans la limite maximale de 300 hectares.

Le Gouvernement étudie la manière de faire évoluer ce système afin de permettre aux coopératives d'acheter des terres . Le Parlement sera appelé à en débattre.

20 % de la production agricole est destiné à l'exportation . Cette orientation est à maintenir.

Comme l'a expliqué M. Jenö REDNÁGEL, en matière d'hygiène alimentaire et végétale comme d'alimentation, les normes hongroises actuelles sont quasi identiques à celles imposées par la législation européenne.

Il reste à rapprocher la politique agraire de celle de l'Europe.

M. Gérard LARCHER , Président de la délégation sénatoriale, a indiqué que le Groupe sénatorial souhaitait faire le point sur les perceptions différentes des Hongrois et des Français dans le domaine agricole pour évaluer les difficultés réelles de l'intégration européenne -en son temps, l'adhésion de l'Espagne, quoique difficile, avait été bien préparée. De prime abord, les sénateurs français ne sont pas excessivement inquiets face à l'agriculture hongroise.

Il a souhaité mieux comprendre l'articulation entre les structures d'exploitation collective de la terre et la propriété privée du sol .

M. Jenö REDNÁGEL a mentionné qu'il existait en Hongrie 1.300 coopératives et 215 fermes d'Etat avant la privatisation et qu'actuellement 40.000 fermiers individuels, 7.000 sociétés commerciales privées, 2.400 coopératives agricoles et 1 million de petits propriétaires coexistent.

Chaque ferme d'Etat a été divisée en huit ou dix parties. Les 40.000 fermiers individuels et le million de cultivateurs exploitant un lopin d'un hectare travaillent environ 50 % des terres cultivées.

M. Gérard LARCHER s'est demandé si la grande distribution française (Auchan...) passait des contrats avec les agriculteurs hongrois.

M. Jenö REDNÁGEL a indiqué que de tels projets pourraient être soutenus par le ministère de l'agriculture grâce à des mesures préférentielles .

M. Marcel VIDAL, sénateur, a souhaité être informé de la nature des outils de remembrement et connaître les dispositions sociales prises en faveur des jeunes agriculteurs et des retraités . Il a demandé si les échanges avec les organismes français d'enseignement agricole se développaient et s'il existait un document synthétique sur la politique viticole et les vins .

M. Jenö REDNÁGEL a confirmé qu'il n'existait pas encore de cadre juridique pour le remembrement mais qu'un projet de loi sur ce thème était en préparation.

Dès à présent, les échanges volontaires de terres sont soutenus grâce à un fonds. De plus, il est possible de sanctionner ceux qui ne cultivent pas.

A propos du volet social de la politique agricole , le ministère de l'agriculture ne dispose pas des moyens budgétaires pour créer un système de retraite .

Plusieurs groupes de travail ont été créés avec l'Union européenne à propos des jeunes agriculteurs . En 1997, des mesures seront prévues pour aider leur installation.

Quant à la formation agricole , elle est de bonne qualité tant dans les écoles spécialisées que dans les facultés. Depuis 1994, les facultés d'agronomie dépendent de l'enseignement secondaire et les autres établissements du ministère de l'agriculture.

M. László VAJDA a signalé la présence à Bordeaux de deux ou trois Hongrois en cours de formation à la faculté d'agriculture. De même à Angers . L'association "Initiatives France-Hongrie" soutient ces étudiants.

En novembre 1996, trente Hongrois vont se rendre en France pour étudier l'application pratique de la politique agraire.

M. Jenö REDNÁGEL a indiqué que la Hongrie comptait 100.000 hectares de vignobles .

Depuis 1990, des changements importants ont été introduits : la qualité des vins et leur emballage ont connu des améliorations.

M. Philippe NACHBAR, sénateur, a désiré connaître le degré d'organisation de la profession agricole et la place de l'agriculture biologique à très forte valeur ajoutée.

M. Jenö REDNÁGEL a décrit l'organisation de la profession agricole qui compte plusieurs structures concurrentes : le syndicat des travailleurs agricoles, le syndicat des travailleurs de l'agro-alimentaire, les chambres d'agriculture, la fédération des paysans, les coopératives agricoles dont émane un organisme de protection et le conseil de concertation dont la présidence tourne tous les six mois.

Concernant l'agriculture biologique , il a précisé que le million de propriétaires terriens qui possèdent un hectare cultivent ce lopin parallèlement à l'exercice de leur profession principale. Ce peut être le lieu de cultures biologiques qui se développent de plus en plus. Le ministère de l'environnement s'est joint au ministère de l'agriculture pour accorder certaines préférences aux cultivateurs qui pratiquent l'agriculture biologique.

M. Gérard LARCHER a demandé à être éclairé sur les points faibles et les points forts de l'agriculture hongroise .

M. Jenö REDNÁGEL a d'abord énuméré brièvement les principaux points forts de l'agriculture hongroise : le niveau européen des agriculteurs hongrois tournés vers trois priorités, à savoir la qualité des productions , le respect de l'environnement et la protection rurale et ce avec des prix à la production très proches de ceux de l'Union européenne .

Quant aux points faibles de l'agriculture hongroise , il s'agit de la rareté des capitaux disponibles , de l'inexistence d'une réglementation du régime hypothécaire qui demeure simplement envisagée jusqu'à présent, de l'absence d'aide de l'Union européenne pour se préparer à l'adhésion alors qu'il serait de l'intérêt de tous de mettre en place une aide plus dynamique, comme dans le programme PHARE, de l'intégration insuffisante des exploitations , du retard dans la modernisation du commerce extérieur et des structures d'exportation .

M. Gérard LARCHER a demandé s'il existait une banque agricole spécialisée.

M. Jenö REDNÁGEL a répondu par la négative.

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