C. LES ENJEUX POLITIQUES ET PÉTROLIERS D'UN ÎLOT DE 30 HECTARES ...
Un contentieux ancien entre le Gabon et la Guinée équatoriale, concernant la souveraineté sur l'îlot de Mbanié et deux minuscules îlots voisins (Conga et Les Cocotiers), a ressurgi en 2003 19 ( * ) . Sans méconnaître les susceptibilités nationales que cette revendication territoriale exprime sans doute de part et d'autre, beaucoup d'observateurs estiment que le problème réside aussi -voire surtout !- dans la présence possible de gisements pétroliers offshore autour de l'îlot.
En pratique, Mbanié est une terre minuscule (environ 30 hectares) située dans la Baie de Corisco face au Gabon, à une trentaine de kilomètres de la Pointe Mdombo. D'après les spécialistes, la dévolution de cet îlot n'aurait pas été très claire dans la convention signée en 1900 entre la France et l'Espagne, anciennes puissances coloniales respectives. Depuis lors, un accord bilatéral conclu entre les deux pays en septembre 1974 aurait attribué Mbanié au Gabon, mais les autorités équatoguinéennes contestent aujourd'hui l'opposabilité de ce document qui n'aurait pas été valablement ratifié ; du coup, elles accusent Libreville d'occuper sans titre un territoire leur appartenant.
Au moment de la précédente mission du groupe en Afrique centrale, en 2003, le dossier de Mbanié semblait en bonne voie : le Président Omar Bongo avait paru sur une ligne conciliante, suggérant qu'à titre conservatoire, les deux parties s'entendent pour opérer les prospections nécessaires et, si l'existence d'un gisement pétrolifère était confirmée, pour en envisager l'exploitation commune ; la position du Président Obiang était certes moins conciliante (car son objectif restait de faire reconnaître la légitimité des revendications équatoguinéennes par une instance juridictionnelle internationale) mais il n'excluait pas une solution négociée, le contentieux venant d'être soumis au Secrétaire général des Nations Unies, dont le représentant spécial -un éminent avocat canadien, Maître Yvon Fortier- devait tenter une médiation entre les deux États.
Côté ONU, la tentative de médiation n'a pas abouti, et quatre ans plus tard, force est de constater que ce contentieux, loin d'avoir évolué dans le bons sens, semble au contraire avoir pris un tour politique et plus conflictuel qu'en 2003.
Récemment, des membres de l'opposition gabonaise auraient répandu une rumeur selon laquelle un membre du Gouvernement proche du clan présidentiel s'apprêtait à vendre Mbanié à la Guinée équatoriale... Ce nouvel épisode, vite qualifié Mbaniégate par la presse locale, a ravivé la susceptibilité nationale sur le sujet et, dans une certaine mesure, risque de limiter la marge de négociation du Président Bongo.
Lors se son audience, le Président Obiang a fait sienne cette analyse, estimant que c'était l'entourage du Président Bongo qui empêchait d'aboutir a un règlement satisfaisant pour les deux parties ; il a ajouté qu'il restait quant a lui favorable une nouvelle tentative de médiation sous l'égide des Nations Unies, précisant qu'il s'en était ouvert au nouveau secrétaire général, M. Ban Ki-Moon, d'accord selon lui avec sa proposition. En cas d'échec de cette nouvelle tentative, le Président Obiang, campant sur sa position initiale, a envisagé de porter l'affaire devant la Cour internationale de Justice de La Haye.
Le Président Bongo a évidemment une approche très différente. Pour le Chef d'État gabonais, tous les éléments de droit plaideraient en sa faveur, mais lors de l'arrivée au pouvoir du Président Obiang en 1979, celui-ci aurait donné à ses partisans des assurances que Mbanié retournerait un jour à la Guinée équatoriale ; cet engagement politique expliquerait pourquoi les Équatoguinéens réfutent la valeur juridique de l'accord de 1974 et pourquoi les propositions transactionnelles raisonnables -une exploitation commune, par exemple- ne peuvent pas réellement les intéresser ; selon le Président Bongo, la Guinée équatoriale attend qu'il soit fait droit à sa revendication par une décision internationale définitive, d'où sa préférence pour les médiateurs de l'ONU ou, en dernier recours, pour une saisine de la Cour de Justice de La Haie.
La délégation, qui a entendu à deux reprises à quatre ans d'intervalle les arguments des deux Présidents, se gardera bien de trancher un débat complexe sur le plan juridique et très délicat sur le plan diplomatique. Tout au plus constate-t-elle que des médiations dilatoires supplémentaires et, a fortiori , qu'une saisine de la Cour internationale de Justice -quel qu'en soit l'aboutissement- sont de nature à conférer un avantage tactique provisoire au moins pressé des deux camps, eu égard à lenteur de ces voies de procédure. Pour le reste, elle forme à nouveau le souhait que ce contentieux trouve assez vite un règlement durable pacifique et acceptable par les deux États.
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* 19 L'îlot de Mbanié, revendiqué de longue date par la Guinée équatoriale, avait déjà été à l'origine d'une forte tension entre ces deux pays en 1972, après que le président gabonais s'y fût rendu pour y planter le drapeau national. A l'époque, l'incident avait nécessité une médiation internationale conduite par le président de l'ex-Zaïre, le maréchal Mobutu.