3. Une économie fragile
Le Président DUARTE FRUTOS a été élu sur un programme destiné à faire évoluer son pays en tentant de l'assainir et de le moderniser avec l'aide de la communauté internationale. Il a ainsi nommé aux postes clé de la gestion économique des responsables de qualité qui déploient des efforts remarquables dans le contexte difficile d'une corruption généralisée et d'un clientélisme puissant.
Malgré cela, le déficit social est important et le soutien populaire, réel au début de son mandat, s'est effrité.
Et en dépit d'une embellie conjoncturelle, qui bénéficie à tous les pays de la région, le Paraguay reste aujourd'hui économiquement fragile.
Seule une action déterminée dans la durée, surtout sur le front de la lutte contre la corruption et celui de la réduction des inégalités, pourra sortir ce pays d'une situation de fragilité extrême et de dépendance vis-à-vis de ses grands voisins. Or les querelles politiques actuelles sont clairement un obstacle au dynamisme économique du pays.
Une embellie de la croissance
L'économie paraguayenne est en croissance, mais elle reste en dessous de la moyenne de l'Amérique latine (5,2 % en 2006, contre 4 % pour le Paraguay).
La croissance ne s'est établie qu'à 3,7 % en moyenne annuelle au cours de la période 2004-2006, en raison d'un cumul de handicaps qui vont de l'enclavement géographique aux incertitudes politiques, en passant par la corruption, par des moyens humains et matériels défaillants, par une grande vulnérabilité aux chocs exogènes (imputable à une structure des exportations officielles concentrée sur un nombre restreint de produits agricoles et au poids des importations d'énergie).
La hausse de la croissance repose essentiellement sur le rapatriement massif des devises des Paraguayens à l'étranger à hauteur de 900 millions de dollars, sur l'augmentation des exportations, en particulier de soja et de viande, sur la demande interne de consommation des entreprises (énergie électrique), sur l'augmentation des dépenses électoralistes du gouvernement en faveur de la masse salariale publique, et sur la normalisation d'une fraction des activités parallèles (contrebande, blanchiment d'argent, contrefaçon, trafic de stupéfiants et biens volés).
La production industrielle a enregistré en 2006 une croissance de 3,6 % en ce qui concerne les secteurs tournés vers l'exportation. Les produits les plus exportés sont le cuir basanne, les filtres de cigarette, le bois en planches avec parquets et moulures, la confection et 51 % des exportations se font vers les pays du Mercosur.
La production de viande a cru de 7,9 % par rapport à 2005. Ce secteur est un grand vecteur d'exportation, notamment vers l'Argentine.
Or cette reprise de la croissance s'avère insuffisante pour satisfaire les besoins d'une population de plus de 6 millions d'habitants, particulièrement jeune (âge médian 21 ans), pauvre (le PIB par habitant est inférieur à 1.500 USD), et qui croît rapidement (+2,5 % par an).
Et si en 2006 les investissements privés ont augmenté de 206,8 % par rapport à 2005, ils restent soumis aux incertitudes politiques et au manque de sécurité juridique qui trouble les investisseurs étrangers de façon récurrente, ce qui explique en partie que le Paraguay soit dans les derniers pays d'Amérique latine en matière d'innovation technologique, après la Bolivie.
Un déficit de la balance commerciale qui se creuse
Bien que les exportations aient augmenté de 37 %, notamment en matière de soja, de viande, de médicaments, d'insecticides, d'herbicides et de raticides, le Paraguay a enregistré en 2006 une hausse des importations de 62 %. Or ces importations sont destinées en majeure partie à la réexportation par la contrebande.
La Chine est devenue le premier fournisseur du Paraguay, loin devant le Brésil, avec plus du quart du marché paraguayen.
Une inflation record
La légère reprise de l'activité économique s'est accompagnée d'un retour aux déséquilibres. L'inflation a atteint un niveau record de 12,5 %, taux bien au-dessus des objectifs du Gouvernement et du FMI qui prévoyaient 5 % pour 2006, et également largement au-dessus de la moyenne du taux d'inflation en Amérique latine.
Un chômage qui ne diminue pas
Le chômage frappe officiellement un peu plus de 10 % de la population active et le sous-emploi touche 40 % de la population totale.
Ainsi, l'objectif du Président DUARTE FRUTOS de ramener le Paraguay dans le giron des nations économiquement « décentes » a échoué. Sa lutte contre l'économie parallèle a donné de faibles résultats, tandis que les réformes convenues avec le FMI, notamment l'assainissement des entreprises publiques, progressent à un rythme ralenti.
Sa détermination à forcer le changement et à commencer à moderniser et à assainir le pays a en effet peu à peu fléchi sous la pression tant des classes sociales au pouvoir que de la nombreuse clientèle du parti Colorado. Et la tentation d'un retour aux errements budgétaires passés reste forte en cette période d'échéances électorales qui se poursuivra jusqu'en 2008.
Il convient pour autant de souligner que l'effort d'ajustement engagé par le Gouvernement et focalisé sur la consolidation des comptes publics a indéniablement donné des résultats positifs. La dette extérieure publique du pays est la plus petite de la région : elle représente en 2006, 26,1 % du PIB contre 49 % en 2003.