Rapport de groupe d'amitié n° 65 (2005-2006) - 14 mars 2006

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LE PIÉMONT : UNE RÉGION COUSINE DE LA FRANCE

FRANCE-ITALIE

Série

Groupes interparlementaires d'amitié

COMPOSITION DE LA DÉLÉGATION

La délégation était composée de :

- M. François ZOCCHETTO (UC - Mayenne), président

- M. André VANTOMME (SOC - Oise), vice-président

- Mme Janine ROZIER (UMP - Loiret), secrétaire

- Mme Catherine MORIN-DESAILLY (UC - Seine-Maritime), secrétaire

- M. Jean-Marc TODESCHINI (SOC - Moselle), secrétaire

La délégation était accompagnée de M. Vincent POUX, secrétaire exécutif du groupe interparlementaire.

PROGRAMME DE LA MISSION

Lundi 5 septembre :

12H45 départ de Paris Charles de Gaulle.

14H15 arrivée à Turin. Accueil par Mme Odile REMIK-ADIM, consule générale de France.

16H30 entretien avec M. Alessandro ALTAMURA, président du conseil municipal de Turin.

17H30 entretien avec Mme Mercedez BRESSO, présidente de la région Piémont.

Mardi 6 septembre :

10H30 entretien avec M. Sergio SCARAMAL, président de la province de Biella, et les membres du conseil provincial

14H30 visite de l'usine de textiles Zegna, à Trivero, sous la direction de M. Matteo LORO, ingénieur de production.

18H00 entretien avec M. Lino d'ALBERTO, maire de Postua, les membres du conseil municipal et les maires de la communauté de communes.

20H00 dîner offert par M. Claudio MARTIGNON, maire adjoint de Postua.

Mercredi 7 septembre :

10H00 visite du théâtre de Varallo

11H00 entretien avec M. Sandro ORSI, directeur de l'école hôtelière de Varallo, en présence de monsieur le maire de Varallo

13H00 déjeuner avec M. Pietro BOLONGARO, maire de Rima San Giuseppe.

Jeudi 8 septembre :

10H00 arrivée à Milan. Accueil par M. Renaud LEVY, Consul général de France.

12H00 déjeuner offert par M. Didier BOURGUIGNON, Chef de la mission économique et commerciale de Milan.

16H00 départ de l'aéroport de Milan-Malpensa.

17H30 arrivée à Paris-Charles de Gaulle.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le groupe d'amitié France-Italie a engagé depuis quelques années une étude appliquée du processus de régionalisation italien (Rapport n° GA 41 de novembre 2002), qui est présenté par certains observateurs comme un engagement de l'Italie dans le « chemin vers le fédéralisme ».

Après une première visite en Sicile en 2002, le groupe s'est intéressé en 2004 au cas de la Sardaigne, l'autre région autonome insulaire italienne. En septembre 2005, c'est au Piémont qu'une délégation du groupe d'amitié s'est rendue.

Placée sous les feux de la rampe par les Jeux Olympiques d'hiver, cette région septentrionale jouxtant la France est en fait largement méconnue de nos compatriotes, qui ne font le plus souvent que la traverser sans s'y arrêter quand ils se rendent en Italie pour des raisons touristiques.

Pourtant, le Piémont est une région intéressante à plus d'un titre. Historiquement, c'est la « Prusse italienne » qui, au XIX ème siècle, a réalisé par les armes - avec le soutien de la France du Second Empire - l'unité du pays sous l'égide de la Maison de Savoie.

Initiateur du Risorgimento , c'est-à-dire de l'unification nationale, le Piémont est aussi l'un des foyers de la révolution industrielle au XIX ème siècle et du « miracle italien » qui a suivi la seconde guerre mondiale. Région devenue riche, son PIB est équivalent à celui de la Belgique. Turin est une ville de tradition ouvrière, et la région abrite certains des « districts industriels » les plus dynamiques du pays. Le présent rapport comporte une présentation de ces fameux « districts industriels », qui constituent l'un des points forts de l'économie italienne et sont actuellement en mutation.

Cette mission au Piémont a été l'occasion de prendre contact avec les autorités locales de la région, de la ville de Turin et de la province de Biella, siège d'un « district industriel » spécialisé dans le textile. Une visite a également été rendue à la petite commune montagnarde de Postua, qui est intégrée au sein de l'une de ces structures intercommunales propres aux zones de montagne, dites communità montana .

La zone géographique de Postua, a par ailleurs été au XIX ème et XX ème siècle la source d'une importante émigration vers la France, à l'image du reste du Piémont. Cette région italienne se trouve ainsi liée à notre pays non seulement par son histoire et son économie, mais aussi par une multiplicité de liens personnels, qui en font véritablement une région « cousine ».

I. LES COMPTES-RENDUS D'ENTRETIENS

A. ALESSANDRO ALTAMURA, PRÉSIDENT DU CONSEIL MUNICIPAL DE TURIN1 ( * )

M. Alessandro Altamura :

Les rencontres comme celle que nous avons aujourd'hui permettent de renforcer les liens entre nos deux pays, qui coexistent dans le cadre de l'Union européenne.

La présence à Turin d'organismes tels que le Centre culturel français et le Lycée français Jean Giono est une preuve de l'amitié entre notre ville et la France. Dimanche prochain, Turin célèbrera la libération de la ville du siège français de 1706. Nos deux peuples, après s'être combattus, sont aujourd'hui liés par des liens d'amitié. Je vous invite d'ailleurs à revenir l'an prochain pour le 300 ème anniversaire de cette libération.

L'an prochain, ce sera aussi les jeux olympiques d'hiver, qui seront un moment de fraternité entre l'Italie et la France. Nous espérons la victoire des athlètes de nos deux pays. Turin change à un rythme rapide dans cette perspective.

M. François Zocchetto :

Nous sommes très honorés d'être reçus à la municipalité de Turin. Nous avons délibérément choisi de venir dans le Piémont. Alors que cette région est historiquement très proche de la France, nos compatriotes ont tendance à oublier de s'y arrêter lorsqu'ils se rendent en Italie.

Nous avons l'impression que Turin est une ville qui change beaucoup. Je fais allusion aux travaux que nous avons pu voir partout, mais aussi aux changements économiques. Les difficultés de l'industrie automobile turinoise nous ont inquiétés, mais vous êtes en train de réorienter l'activité vers les nouvelles technologies et nous sommes heureux de constater que votre ville repart.

Je voudrais évoquer avec vous le dossier de la liaison ferroviaire Lyon-Turin. La France est préoccupée par les engorgements routiers dans les Alpes, qui ont été particulièrement graves cet été en raison de la fermeture du tunnel du Fréjus.

M. Alessandro Altamura :

Un retard certain a été pris au cours de ces dernières années. Il y a encore une forte résistance de certaines collectivités locales, qui refusent le passage du TGV. Nous avons ainsi un véritable problème de communication avec la population du Val de Suze.

Historiquement, la liaison entre la France et l'Italie est vitale. L'élargissement et la mise à grande vitesse des voies sont obligatoires, plus pour le trafic de marchandises que pour celui des personnes d'ailleurs. La conquête des nouvelles frontières de l'Est européen sera un facteur de compétitivité face à la concurrence de l'Asie.

M. André Vantomme :

En France, nous avons la même problématique de l'équilibre entre le rail et la route. Un rééquilibrage est-il prévu en Italie ?

M. Alessandro Altamura :

Le rapport rail-route est très déséquilibré dans notre pays. La route se développe sans cesse, alors que le rail est en retard. Mais nous réévaluons la question en fonction du coût de l'énergie et de la pollution.

Je crois fondamental de rechercher des ressources énergétiques alternatives, en synergie au niveau européen. Nous devons penser à nos petits enfants. C'est l'un des véritables défis du nouveau millénaire.

M. François Zocchetto :

Le logement est une question sensible dans les grandes agglomérations. La population de Turin est en diminution : est-ce que cela correspond à un mouvement vers les communes périphériques ? Nous avons vu de grands travaux : est-ce que vous reconstruisez des quartiers entiers ?

M. Alessandro Altamura :

Vous avez touché un point important pour la transformation de la ville. Turin a connu dans les années 1960 un boom démographique avec le développement de la FIAT, qui a attiré une immigration provenant du Sud, de la Lombardie et de la Vénétie. C'est ainsi que sa population a atteint 1,2 million d'habitants dans les années 1970. On a construit alors beaucoup d'habitations à loyers modérés, au détriment de la qualité architecturale. Il fallait parer au plus pressé, permettre aux familles de rejoindre les travailleurs.

L'industrie automobile est ensuite entrée dans une crise permanente, nationale et mondiale, avec un impact très négatif sur Turin, qui connaît le chômage et une chute démographique. Parallèlement, depuis dix ans, une nouvelle immigration provenant de pays extra-communautaires est apparue.

La population de la ville est tombée en dessous d'un million d'habitants, compensée par la croissance de la périphérie et de la « première ceinture ». Mais on assiste maintenant à un mouvement de retour vers le centre ville, où de nombreux quartiers sont en rénovation.

Turin est une ville qui manquait de transports urbains. Le métro a été enfin bâti, ce qui devrait lui donner un visage plus moderne et plus conforme aux standards européens.

B. MERCEDEZ BRESSO, PRÉSIDENTE DE LA RÉGION PIÉMONT

M. François Zocchetto :

Vous êtes connue pour être une grande amie de la France, et venez souvent à Paris. Il nous a paru intéressant de resserrer les liens avec la région Piémont, qui a des liens historiques avec la France. Nous sommes rassurés de voir Turin en chantier, et revenue au dynamisme.

Je voudrais savoir où en est le dossier de la liaison ferroviaire entre la France et l'Italie. Y'a-t-il des problèmes du côté français ?

Mme Mercedez Bresso :

Pour le Lyon-Turin, il n'y a pas de problèmes du côté italien. Les financements ont été dégagés par le gouvernement pour les prochaines étapes de percement du tunnel, ainsi que pour son accès. Certes, il existe des tensions dans le Val de Suze avec les populations et les élus locaux. Mais je crois que nous avons trouvé un bon accord, qui permet aux maires de se retirer d'une position de refus total sans perdre la face.

Mais il faut avoir bien conscience que ce projet est à la limite des capacités technologiques actuelles. D'où l'importance du tunnel de reconnaissance, qui seul permettra de savoir si nous pouvons réaliser le tunnel définitif à des coûts acceptables et sans trop de risques.

M. François Zocchetto :

La conduite des opérations relève-t-elle de la région Piémont ou de l'Etat italien ?

Mme Mercedez Bresso :

Pour les relations avec les élus locaux, nous avons mis en place une commission technique spéciale, présidée par une personnalité indépendante, qui associe des experts de la région Piémont, de la commune de Turin et des collectivités locales concernées. Mais, pour la gestion d'ensemble, c'est une société internationale qui gère le projet.

M. François Zocchetto :

Je voudrais évoquer maintenant le thème de la décentralisation. Je sais que les régions italiennes ont des pouvoirs législatifs dans certains domaines.

Mme Mercedez Bresso :

Les régions italiennes ont toujours eu un pouvoir législatif depuis leur création en 1970, notamment dans les domaines de l'agriculture, de l'artisanat, de l'aménagement du territoire et de la formation professionnelle.

La réforme législative de 2001 a transféré beaucoup de pouvoirs aux régions, aux communes et aux provinces. Par exemple, dans le domaine des routes, de la gestion des eaux, du cadastre, de la politique industrielle... Ces transferts de compétences se sont accompagnés de transferts de personnels. L'instruction publique est toujours nationale, mais son organisation dépend désormais des régions et des communes.

La réforme constitutionnelle de 2003 a renversé l'ordre dans lequel l'Etat est organisé : du bas vers le haut. Pour la gestion administrative, toutes les compétences vont aux communes, sauf quelques unes qui relèvent des provinces, des régions et de l'Etat. Pour la législation, ont distingue les compétences exclusives de l'Etat ; les compétences exclusives des régions ; les compétences concurrentes entre l'Etat et les régions. Tout ce qui n'est pas expressément énuméré est de la compétence des régions, qui héritent donc de tout ce qui est nouveau. Le gouvernement de M. Berlusconi a présenté une proposition de modification, qui réduit le nombre de compétences concurrentes.

Je suis convaincue que le mécanisme des domaines de législation exclusifs ne va pas marcher, car il n'y a pas de secteurs où l'Etat n'ait rien à dire, et réciproquement pour les régions. On se trouve dans une situation de concurrence dans la plupart des cas. Ainsi, les régions ont demandé et remporté un référendum sur l'abolition des ministères de l'agriculture et du tourisme, qui relèvent de leur compétence exclusive. Résultat : ces administrations étatiques n'ont pas disparu, elles ont juste changé de nom.

Ce partage des compétences a aussi des conséquences sur les rapports avec l'Union européenne. Un accord prévoit que le chef de la délégation italienne au Conseil européen puisse être un ministre régional.

Les régions disposent d'une fiscalité propre, qui représente 60 à 70 % de leurs ressources, et de transferts de l'Etat, qui assurent un certain rééquilibrage.

M. André Vantomme :

Le rééquilibrage entre le rail et la route est voulu en France. Je suppose que cette volonté est partagée en Italie ?

Mme Mercedez Bresso :

Oui pour la région Piémont. Cela me paraît plus douteux pour le gouvernement de M. Berlusconi. Mais celui-ci soutient toutefois la liaison ferroviaire Lyon-Turin. Il devient très urgent de faire ce tunnel. La fermeture du Fréjus cet été, même brève, l'a démontré.

Mon prédécesseur à la présidence de la région était favorable au projet de liaison autoroutière franco-italienne à travers le Mercantour. Ce projet se heurte toutefois à une opposition du côté français, que je comprends personnellement, car la Côte-d'Azur me paraît déjà saturée.

Mme Catherine Morin-Desailly :

Quelles sont les relations entre le Piémont et Rhône-alpes et la Provence-Côte-d'Azur dans le domaine de la culture et de la formation ?

Mme Mercedez Bresso :

La Conférence des Alpes franco-italienne réunit les provinces italiennes et les départements français frontaliers. C'est une institution efficace pour coordonner la coopération interrégionale et les transports frontaliers.

Les trois régions ont moins de relations. Il existe un projet d'université franco-italienne entre Grenoble et Turin, et un projet de théâtre européen. Nous sommes plus particulièrement en rapport avec le Briançonnais actuellement, dans la perspective des jeux olympiques : le côté français des alpes sera sollicité pour l'hébergement et l'entraînement des délégations.

M. Jean-Marc Todeschini :

Quel est votre interlocuteur pour l'Etat ?

Mme Mercedez Bresso :

Il n'y a pas en Italie de préfets de régions. C'est le préfet de Turin qui fait office de commissaire du gouvernement pour le Piémont. Je ne suis d'ailleurs pas sûre que ce soit encore correct du point de vue constitutionnel.

Le gouvernement exerce un contrôle sur les lois régionales, avec la possibilité de faire un recours devant la Cour constitutionnelle. Mais il n'existe plus de contrôle préalable sur les actes administratifs.

M. François Zocchetto :

Je voudrais évoquer maintenant la question du cumul des mandats. Vous savez qu'avant, il n'existait aucune limitation au cumul en France. Actuellement, nous sommes limités à deux mandats, parfois trois pour les parlementaires. Quelle est la situation en Italie ?

Mme Mercedez Bresso :

Nous avons une incompatibilité entre le mandat régional et le mandat parlementaire. Il existe une compatibilité entre président de région, président de province, maire d'une ville de plus de 10.000 habitants et la fonction ministérielle, mais pas avec le mandat parlementaire. Depuis les dernières élections, il existe une incompatibilité avec le mandat de député européen.

M. François Zocchetto :

Cela vous paraît-il une bonne chose ?

Mme Mercedez Bresso :

Oui. Mais les électeurs sont surtout contre des mandats trop longs. Il existe des limitations pour les maires et les présidents de provinces. Quant aux régions, elles doivent faire leur propre loi électorale.

M. François Zocchetto :

Vous ne pouvez pas être révoquée par l'Etat ?

Mme Mercedez Bresso :

Non, mais par mon conseil régional en cas de crise, si une majorité des conseillers démissionne. Une loi de dissolution d'une collectivité territoriale peut toutefois être votée dans les cas très graves, par exemple d'infiltration mafieuse.

C. SERGIO CARAMAL, PRÉSIDENT DE LA PROVINCE DE BIELLA

(Allocution prononcée par M. Sergio Caramal)

Messieurs les Sénateurs, chers hôtes,

Je suis particulièrement heureux de pouvoir recevoir dans notre province des hôtes aussi illustres et importants que vous, qui faites partie du Sénat de France et assumez la charge de représenter le peuple français.

Je vous remercie parce que, outre notre capitale piémontaise, Turin, vous avez décidé de consacrer une partie de votre temps à visiter notre territoire de Biella et Vercueil.

J'ai demandé à notre ami Claudio Martignon de m'expliquer les raisons de cette rencontre bienvenue entre une représentation française si autorisée et notre propre délégation, que je remercie pour sa présence dans cette salle du conseil. Claudio Martignon m'a répondu avec franchise et sympathie  que cette rencontre est due, surtout, à l'amitié que nous porte le président Zocchetto, dont l'aïeul est né à Postua. Une amitié qui est née bien avant que l'honorable Zocchetto devienne président du groupe interparlementaire France-Italie, et qui s'est consolidée au cours des années.

Car depuis cinquante ans il y a entre Postua et la France un échange d'initiatives à caractère culturel et de loisir, dans la mesure où beaucoup de Postuais ont émigré en France dès le XIX ème siècle. On conçoit ainsi que ce petit bourg de la Valsessera ait pu devenir un point de ralliement pour de nombreux amis d'au-delà des Alpes.

C'est une bonne chose, pour deux motifs. Le premier, parce que l'amitié est une grande valeur et que c'est à travers les amitiés personnelles que se consolident les amitiés plus importantes entre les peuples, que nous appelons toujours plus de nos voeux. Le second motif tient au fait que même un petit village de montagne peut avoir de l'importance, non seulement dans la vie locale d'une province, mais aussi en ce moment de l'histoire des relations entre deux Etats différents.

J'ai dit précédemment que les Postuais se sont rendus en France depuis le XIX ème siècle. Là, ils ont trouvé de l'amitié, du travail, et se sont distingués par leur créativité. Peu nombreux sont ceux qui savent que le monument à la gloire du général Patton qui se trouve à Avranches le long de la plage du débarquement en Normandie a été sculpté par un Postuais.

Je pourrais continuer en évoquant d'autres localités biellaises qui ont des relations suivies et consistantes avec la France ; à commencer par notre chef-lieu, Biella, qui est jumelé avec Tourcoing, dont il partage l'intérêt pour le secteur du textile.

Les relations du Piémont avec la France sont excellentes aussi parce que nous avons traversé de longues périodes de l'histoire en commun avec la Savoie, qui nous est aujourd'hui contigüe.

Nous sommes donc heureux que votre délégation soit ici aujourd'hui, désireuse d'avoir un échange d'opinion avec nous sur le rôle des communautés de montagne et sur l'organisation des services sociaux.

Ayant été maire jusqu'à l'année dernière, j'ai une bonne connaissance des rapports de l'échelon communal avec les autres échelons (province, région et Etat), ainsi qu'avec les citoyens. Le rapport avec les citoyens a toujours été celui qui me tient le plus à coeur, dans la mesure où il permet de vivifier la collectivité locale dans laquelle ceux-ci résident. Si le citoyen est satisfait de sa propre commune, il est plus facile de valoriser la vie économique et sociale de la province.

L'entité communale étant donc l'échelon de l'Etat le plus proche du citoyen, il importe que la province ait des liens continus avec les communes et les communautés de montagne. Nous avons développé des rencontres entre notre conseil provincial et les maires et les présidents de communautés de montagne afin que le dialogue soit toujours plus intense.

Je désire laisser la parole maintenant au vice-président Flavio Como, qui est chargé entre autres des rapports entre la province et les collectivités locales, pour qu'il nous donne une illustration de nos réalités territoriales.

Suivra l'intervention d'un président de communauté de montagne, Enzo Cravello, qui nous expliquera brièvement ce qu'est une communauté de montagne et son mode de fonctionnement.

Je vous remercie encore et souhaite le bon déroulement de votre journée, en espérant pouvoir vous être utile surtout dans la connaissance de l'administration de notre territoire.

II. LE PIÉMONT ET SA CAPITALE

Deuxième région italienne par sa superficie (25.400 km2), le Piémont est la sixième par sa population (4,2 millions d'habitants). Sa capitale, Turin, compte aujourd'hui 900.000 habitants (contre 1,2 million en 1970), mais l'aire métropolitaine atteint 1,6 million d'habitants.

Ancienne capitale des Etats de Savoie (1563), du royaume de Sardaigne (1613), puis de l'Italie unifiée (1861-1865), Turin est devenue au XXème siècle l'un des pôles de l'Italie septentrionale à partir duquel ont été réalisés la modernisation du pays et le « miracle économique » de l'après-guerre. Berceau de l'industrie automobile, la ville a également vu naître les « brigades rouges » et a connu les «années de plomb » ainsi que près de deux décennies de crise (1975-1993).

Le Piémont et sa capitale, s'ils ne manquent pas d'atouts importants, sont cependant confrontés aujourd'hui à de sérieuses difficultés, au premier rang desquelles la crise de la FIAT et le vieillissement de la population. Une réorientation des objectifs économiques est cependant déjà amorcée, privilégiant le secteur des services, et notamment celui de la « Net economy ».

A. LA SITUATION ÉCONOMIQUE : LA FIN DE L'ÈRE AUTOMOBILE

Le Piémont demeure l'une des principales régions industrielles d'Italie et de l'Union européenne. Ainsi, pour le secteur de la robotique et de l'automation industrielle, la région se classe au 9 ème rang des 15 premières régions européennes en termes d'emplois.

Le Piémont affiche un produit intérieur brut équivalent à celui de la Belgique ou au Bade-Wurtemberg, et supérieur de 20 % à la moyenne européenne. Ayant bâti son économie sur l'industrie métallurgique et mécanique, essentiellement autour de l'automobile et ses dérivés, mais aussi sur le textile, l'habillement de luxe (filatures de Biella), l'agro-alimentaire (groupes Ferrero et Lavazza) et l'agriculture (vins : Barolo, Barbaresco, Barbera ; riz, maïs, élevage bovin), cette région, lourdement frappée par les crises des années 1970 à 1990, a engagé sa reconversion en s'efforçant de diminuer sa dépendance excessive envers ses productions industrielles traditionnelles.

Les graves difficultés du groupe FIAT et le décès de la figure emblématique qu'était Giovanni Agnelli, ont en effet définitivement convaincu les Piémontais qu'ils devaient développer l'économie de leur région et de leur capitale parallèlement à la multinationale turinoise.

Dans cette perspective, les responsables politiques et économiques piémontais mènent depuis quelques années une action particulièrement dynamique pour attirer dans leur région de nouveaux investissements. Une Agence pour les investissements à Turin et au Piémont (ITP) a été mise sur pied, en partenariat avec les collectivités territoriales et le monde des entreprises, pour fournir assistance et conseils aux entreprises qui cherchent à s'implanter dans la région.

L'accent est mis sur les secteurs d'excellence de l'industrie piémontaise, et notamment sur celui des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Des succès notables ont déjà été enregistrés. Des entreprises comme Motorola et Colt ont décidé de s'implanter non loin de Turin. La capitale et sa province sont en passe de constituer l'un des tout premiers districts de la « Net economy » en Italie. Le groupe Agnelli, mais également les grandes institutions financières originaires du Piémont, comme la Banque San Paolo-IMI ou la Caisse d'Epargne de Turin, portent un intérêt tout particulier à ce secteur.

Le Piémont considère par ailleurs comme vital le projet de liaison ferroviaire à grande vitesse Lyon-Turin, seul à même de le désenclaver et de favoriser son développement.

La région s'efforce aussi de promouvoir le tourisme en valorisant notamment ses richesses dans le domaine culturel et gastronomique. A cet égard, les futurs Jeux Olympiques d'hiver de 2006 devraient permettre de donner au Piémont plus de visibilité, que les responsables piémontais comptent bien exploiter à plus long terme sur le terrain des investissements économiques et commerciaux.

B. LA SITUATION POLITIQUE : UN VIRAGE AU CENTRE GAUCHE

Alors que la ville et la province de Turin sont des bastions traditionnels du centre gauche, la région Piémont a été gérée pendant les dix dernières années par le centre droit, en la personne d'Enzo Ghigo, membre de Forza Italia, le parti de M. Berlusconi.

Cette situation s'est modifiée lors des dernières élections régionales, en avril 2005, qui ont vu la défaite de M. Ghigo et la victoire de Mercedez Bresso, candidate de centre gauche, avec 50,9 % des voix contre 47,1 % pour le candidat sortant.

Le basculement à gauche a été acquis de haute lutte, surtout grâce au très bon score de Mme Bresso dans l'agglomération de Turin, ou elle a obtenu 100.000 voix d'avance sur son concurrent. Ce dernier a réussi, en revanche, à maintenir les positions du centre droit dans les provinces du Nord et de l'Est du Piémont.

Universitaire, la présidente de la région a une solide expérience politique acquise comme présidente de la province de 1995 à 2003, puis comme député européen. Parfaite francophone, Mme Bresso s'est jusqu'alors beaucoup investie dans les dossiers de coopération transfrontalière et de franchissements alpins. Elle doit aujourd'hui relever le défi posé par la nécessaire reconversion des structures industrielles de la région qu'elle préside.

La ville de Turin, pour sa part, est gérée depuis mai 2001 par Sergio Chiamparino, membre des démocrates de gauche. La province est également gérée par le centre gauche, et présidée depuis 2003 par Antonio Saitta, membre de la Margherita.

C. TURIN ENTRE DOUTE ET ESPOIR À L'HEURE DES JEUX OLYMPIQUES

Il est devenu clair aux yeux des Turinois que, quelles que soient les décisions à venir des dirigeants de FIAT sur les localisations des unités de production du groupe, la capitale piémontaise n'en sera plus le centre. Après avoir perdu en vingt ans près de 100.000 emplois, il ne reste à Turin que 16.000 salariés dans le secteur de l'automobile, dont l'avenir reste en suspens. Le risque existe que l'activité industrielle s'interrompt en fait définitivement, et que Turin n'abrite plus dans le futur que le siège de la direction opérationnelle avec, le cas échéant, une production de niche dans les voitures de luxe.

Un certain nombre d'indicateurs négatifs peuvent être cités. En premier lieu, le redimensionnement des usines FIAT, commencé dès le début des années 80, a provoqué une implosion démographique dont les effets se font toujours sentir aujourd'hui. Turin comptait, en effet, une population de 1,2 million d'habitants au milieu des années 1970, contre un peu plus de 900.000 en 2003. De plus, la moyenne d'âge des Turinois s'accroît au détriment des moins de 35 ans. On note parallèlement l'augmentation d'une population immigrée marginalisée, peu intégrée, constituée surtout de marocains, sénégalais, nigérians, albanais et philippins.

Turin garde toutefois de nombreux atouts pour réussir le passage à l'après FIAT. Mettre fin à la dépendance quasi exclusive de Turin de la seule industrie automobile n'est pas un thème nouveau pour les responsables politiques et économiques locaux. La crise des années 80 avait déjà provoqué une prise de conscience de la nécessité de se diversifier pour survivre. La ville a ébauché depuis lors une transformation profonde qui touche non seulement le secteur économique, mais aussi des domaines aussi variés que l'urbanisme ou le patrimoine culturel.

Turin dispose en effet, à la différence d'autres grandes villes italiennes, d'un important patrimoine immatériel, fait de savoirs et de compétences professionnelles, qui constitue une ressource décisive pour affronter les changements en cours. Pour beaucoup, même sans la FIAT, Turin possède encore un avenir dans l'automobile, pour autant qu'elle sache faire fructifier le savoir faire incomparable accumulé au fil des ans dans ce secteur. Des entreprises comme Pininfarina ou Bertone, par exemple, ont su démontrer qu'elles étaient capables de prospérer dans un domaine de pointe, le design automobile, grâce à des commandes de constructeurs étrangers et à un désengagement progressif à l'égard de FIAT.De très nombreuses PME impliquées dans la production de composants automobiles ont suivi un chemin similaire et ont réussi à diversifier leurs activités et leurs clientèles. Turin ambitionne en fait de devenir un pôle d'excellence pour l'automobile, en misant sur le travail intelligent, créatif et à forte valeur ajoutée.

La culture du travail et le talent d'entrepreneur des industriels turinois ont trouvé à s'exercer dans d'autres secteurs prometteurs. S'appuyant sur des centres de recherche parmi les plus en pointe d'Italie, et sur une université et une école polytechnique de grande qualité, Turin a réussi en peu de temps à devenir une ville phare en Italie en matière de nouvelles technologies et l'information et des services (53 sociétés et plus de 140.000 salariés répertoriés). Des entreprises aussi emblématiques que Motorola, Colt ou Alenia se sont ainsi récemment installées près de Turin.

Cet élan est la conséquence d'une mobilisation de toutes les forces vives du monde des affaires et politique qui, dès 1997, ont entrepris de favoriser la diversification des activités de production et de séduire les investisseurs étrangers. La création de Torino internazionale, organisme chargé de vendre Turin à l'étranger, et de l'Agence pour les investissements à Turin et au Piémont (ITP) ont été les instruments de cette politique qui a conduit à attirer à Turin plus de cinquante entreprises étrangères dans la période comprise entre 1998 et 2003 ;

Les Jeux Olympiques d'hiver, en 2006, constituent une grande opportunité, susceptible de servir d'accélérateur pour les mutations en cours, et de favoriser des projets de rénovation urbaine. De fait, de nombreux chantiers parsèment la ville, dont les plus importants sont la construction d'un métro et celle de la nouvelle gare ferroviaire. Les Jeux Olympiques sont également l'occasion pour Turin d'exploiter des possibilités supplémentaires de développement économique et touristique. Sans prétendre rivaliser avec des villes comme Venise ou Florence, Turin entend bien valoriser des richesses culturelles non négligeables et encore peu connues de l'extérieur (musée égyptien, musée du cinéma...). La municipalité tente aussi d'imposer la ville, qui a toujours été à l'avant-garde dans ce domaine, comme la référence en Italie en matière d'art contemporain, et de lui donner ainsi une image de modernité et de dynamisme.

De nombreux dirigeants turinois sont enclins à considérer que l'avenir de leur ville passe par un redimensionnement régional et européen. La réalisation de l'axe ferroviaire à grande vitesse Lyon-Turin-Milan est au coeur de ces projet et revêt un caractère crucial pour les Turinois : Milan serait en effet à 40 minutes, et Lyon à 1H30. L'idée d'une nouvelle aire urbaine regroupant Milan et Turin, forte de six millions d'habitants et dotée d'un énorme potentiel économique, commence à faire son chemin, même si la rivalité historique entre ces deux villes demeure encore bien présente. Conscients par ailleurs des futurs enjeux à l'échelle de l'Europe, les décideurs turinois envisagent avec de plus en plus de faveur la constitution d'une euro-région, qui pourrait réunir le Piémont, Rhône-Alpes et éventuellement PACA.

D. LES RELATIONS AVEC LA FRANCE  : INTERPÉNÉTRATION ÉCONOMIQUE ET INTENSE COLLABORATION CULTURELLE

La présence de la France au Piémont est multiforme. Elle découle de la géographie, de l'histoire, de la culture, qui ont crée des liens étroits entre cette région francophile et notre pays, en particulier avec nos départements alpins, mais aussi au-delà, notamment avec Lyon. La France y dispose d'un indéniable capital de sympathie et de nombreux responsables politiques, économiques et culturels sont francophones.

Notre présence économique est substantielle et nos entreprises trouvent dans cette région un terrain privilégié pour s'implanter. La France est traditionnellement le premier client du Piémont et son premier fournisseur, devant l'Allemagne. Nos échanges commerciaux sont intenses et près de soixante de nos entreprises, dont beaucoup sont de main-d'oeuvre, sont installées dans la région. Parmi les plus anciennes et les plus importantes figurent Michelin (présent depuis 1906), l'Oréal, Auchan, Valeo, Carrefour, Sagem... L'aéroport de Caselle dessert bien Paris, avec 5 vols quotidiens.

La coopération transfrontalière avec les régions PACA et Rhône-Alpes, encouragée par les pouvoirs publics, porte sur des domaines très divers : transports, sécurité, environnement, échanges culturels... De nombreux projets bénéficient des fonds d'action structurelle de l'Union européenne (programmes INTERREG).

La coopération universitaire est particulièrement dense, tant avec l'Université de Turin qu'avec l'Istituto Politecnico (qui couvre une large gamme de spécialités scientifiques, de l'ingénierie à l'architecture, et qui occupe une place de premier plan en Italie). Parmi les réalisations et projets en cours, on peut citer le cursus universitaire commun de licence et de maîtrise en langues et littératures française et italienne, mis en place par les universités de Turin et de Chambéry. L'université franco-italienne, dont la création a été décidée en 1998, et qui a son siège à Turin pour la partie italienne, permet la mise en place d'un réseau universitaire bi-national pour l'enseignement, la recherche et les diplômes conjoints.

Deux dossiers bilatéraux sont d'une importance jugée cruciale du côté italien :

- le projet de liaison ferroviaire à grande vitesse Lyon-Turin, qui est un sujet prioritaire pour tous les responsables politiques et économiques de la région ;

- l'organisation des Jeux Olympiques d'hiver en février 2006 et paralympiques en mars 2006. La plupart des épreuves se dérouleront dans des localités situées à proximité immédiate de la frontière française. Les pouvoirs publics français ont de ce fait manifesté leur disponibilité pour initier une coopération avec les autorités italiennes dans un certain nombre de domaines clés (sécurité, couverture médicale par l'hôpital de Briançon, hébergement...).

III. LES DISTRICTS INDUSTRIELS ITALIENS

L'un des facteurs de compétitivité et de souplesse de l'industrie italienne est le district (en anglais cluster ), qui regroupe en réseau des PME spécialisée dans le même métier. C'est cette forme d'organisation qui explique largement la réactivité et les succès à l'exportation de l'industrie italienne. Les districts sont pour l'essentiel concentrés dans le nord et le centre du pays.

Lors de son déplacement, la délégation du groupe interparlementaire France-Italie s'est rendue dans la province de Biella, spécialisée dans l'industrie textile. Elle a pu, notamment, visiter la manufacture Zegna, entreprise de renommée mondiale dans la fabrication des tissus de luxe.

A. UNE FORME TRADITIONNELLE D'ORGANISATION DE L'INDUSTRIE

Par rapport aux systèmes de production français et aux regroupements d'entreprises existants dans d'autres pays européens, comme l'Espagne ou l'Allemagne, les districts industriels italiens constituent une spécificité à la fois par leur puissance industrielle et par leur aspect informel, prenant racine dans le monde de l'entreprise à l'échelon local.

Les 196 districts italiens emploient plus de 44 % du total de la main d'oeuvre du secteur manufacturier, et réalisent 42 % des exportations du pays. Ils constituent le coeur du Made in Italy. Les districts regroupaient, fin 2001, 85.500 entreprises (83.000 petites, 2.4000 de taille moyenne et 75 grandes) et employaient plus de 2,5 millions de personnes (soit 52 % des effectifs du secteur manufacturier). Au cours des cinq années précédentes, le nombre d'emplois dans les districts a augmenté de 1 %, alors qu'il diminuait de 15 % dans le reste du pays.

Les avantages de cette forme d'organisation et de coopération entre PME, associant aussi de grandes entreprises, sont nombreux : meilleure répartition des coûts et coordination plus facile des opérations, meilleurs intégration verticale de la filière, diversification de l'activité de l'entreprise et contrôle plus aisé de la distribution. Les districts favorisent la diffusion d'information sur les méthodes de gestion, les marchés et les technologies.

Cette forme d'organisation est aussi une conséquence de la grande fragmentation du tissu industriel italien. L'Italie compte plus de 4,5 millions de PME, et le chiffre d'affaires des multinationales industrielles italiennes ne représente que 11 % du PIB, contre un moyenne européenne de 25,3 %.

B. UN CADRE JURIDIQUE FIXÉ RÉCEMMENT

Ce n'est qu'en 1991 que les districts industriels ont été reconnus par la loi, qui les définit comme un nombre important d'entreprises de petite taille développant des activités de production, pour la plupart dans des secteurs traditionnels, et se situant dans un même bassin d'emplois. Les régions jouent un rôle fondamental, puisque ce sont elles qui reconnaissent les districts.

Depuis une loi de 1998, les compétences en matière d'aides aux entreprises ont été régionalisées, et actuellement 16 régions sur 25 ont adopté une loi organisant la tutelle des districts. Le district est donc un cadre permettant à la fois de formaliser le tissu de relations unissant les industriels du bassin concerné, et aussi un cadre utilisé par les régions et l'Etat pour mettre en oeuvre des politiques de compétitivité territoriale : la formation, l'internationalisation, l'innovation technologique, l'amélioration des infrastructures.

Les aides versées aux entreprises membres de districts ont représenté 6,76 milliards d'euros en 2002.

Un comité de district, réunissant les acteurs politiques locaux et les représentants des entreprises concernées a été institué au sein de la moitié des districts : c'est l'instance de dialogue qui permet la coordination des efforts. De nombreux districts sont toutefois très peu organisés, et c'est alors le plus souvent la chambre de commerce locale qui en assure effectivement la gestion. Un district est d'abord une réalité informelle, bien avant d'être organisé par une structure administrative.

C. LA COOPÉRATION ENTRE LES ENTREPRISES MEMBRES

L'existence de relations de concurrence et de coopération entre les entreprises du district rend leurs rapports interactifs et complexes. Les opérateurs travaillent en effet dans le même secteur d'activité, utilisent parfois les mêmes fournisseurs ou sous-traitants, et opèrent sur le même marché.

Cette organisation permet aux PME de réaliser d'importantes économies, puisqu'elles mettent en place des services utilisés en commun, à la fois pour les phases de conception (dessin, recherche et développement), de commercialisation (publicité, communication) et de distribution (transports).

Mais la coopération des entreprises des districts ne s'arrête pas aux activités productives. Elle comprend également la gestion de la main-d'oeuvre, organisée au sein du district avec l'aide de la caisse d'allocations chômage.

L'internationalisation (aides à l'export, à l'implantation à l'étranger) constitue un objectif d'importance croissante assigné par les collectivités et les entreprises aux districts. Nombreuses sont les entreprises qui organisent des actions communes pour la recherche de débouchés sur d'autres marchés.

La répartition sectorielle des districts industriels reflète les spécialisations des PMI italiennes : 26 % relèvent de la filière textile-habillement, 19 % de la mécanique, 17 ?5 % de l'ameublement, 12,5 % de la chaussure-cuir. Géographiquement, les districts sont concentrés dans le centre-nord et le nord-est.

D. LES LIMITES DU MODÈLE ITALIEN DES DISTRICTS

Les aides versées aux entreprises membres des districts ont consisté pour plus de 30 % en des subventions d'investissement à fonds perdus. Le soutien à la recherche-développement (10 % des aides) ou à l'internationalisation (11 %) ont donc été négligées, de même que les infrastructures. Ainsi, selon une étude faite en 2001, 80 % des entreprises membres de districts se déclaraient mécontentes du réseau routier.

Le défi de la recherche et de la technologie s'avère difficile à relever dans le cadre des districts. Les entreprises italiennes sont en effet très dynamiques dans le domaine de l'innovation, mais, du fait notamment de leur faible taille, elles n'investissent que 0,5 % du PIB en recherche-développement.

Du fait de la liberté laissée à l'initiative des entrepreneurs, on relève une grande hétérogénéité dans l'organisation des districts. Cette hétérogénéité favorise le cloisonnement, et empêche la mise en oeuvre de stratégies inter-districts.

E. L'AVENIR : LES DISTRICTS TECHNOLOGIQUES

Confronté à la remise en cause de l'efficacité du modèle des districts industriels ces dernières années - l'Italie a perdu 30 % de ses parts de marché dans le commerce international en cinq ans - le gouvernement a mis en place à la fin de 2002 un nouvel outil destiné à favoriser l'émergence de nouvelles filières, non liées au secteur manufacturier traditionnel : il s'agit des districts technologiques.

Ceux-ci sont orientés exclusivement vers des filières à haute intensité technologiques et sont destinés à intensifier les liens entre le monde de la recherche et le monde de l'industrie, entre les sphères publique et privée. Pour mettre en oeuvre cette stratégie, le ministère de la Recherche a procédé à une évaluation préalable des secteurs de recherche les plus pertinents : téléphonie sans fil, biotechs, nanotechnologies, matériaux polymères, mécanique avancée...

Un état des lieux sur le positionnement des centres de recherche au niveau international a été effectué. Enfin, une ultime sélection basée sur la « masse critique » a été réalisée. L'objectif final a été de choisir uniquement les districts atteignant une taille suffisante : onze d'entre eux ont été sélectionnés.

Carte des districts industriels italiens

* 1 Les communes italiennes comportent, à côté du maire élu directement par les électeurs, un président du conseil municipal, élu par les membres de l'assemblée communale.

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