B- UNE CONFIANCE INÉBRANLABLE EN L'AVENIR : L'EXEMPLE DE LA SILICON VALLEY, TOUJOURS EN QUÊTE D'UNE « NOUVELLE FRONTIÈRE »
1-Les clés du succès de la Silicon valley
« Les vainqueurs de cette compétition
mondiale
seront ceux qui pourront réunir le meilleur du design, de la
fabrication, de la recherche, de l'exécution, du marketing. Ces
différents éléments se retrouvent rarement dans un
même pays ou sur un même continent »
(Jack Welsh,
Président de General Electric).
La Silicon valley a su parfaitement tirer parti de la mondialisation, en
développant un « habitat » propice à
l'innovation, au point d'avoir acquis dans ce domaine un avantage comparatif
inégalé. D'après William F. Miller, professeur à
l'Université de Stanford, la force de la Vallée ne réside
pas seulement dans ses percées scientifiques ou technologiques, mais
aussi dans l'existence d'un milieu particulièrement favorable à
la transformation des idées en produits, mis rapidement sur le
marché grâce à la création de nouvelles entreprises.
Aucune région au monde n'a su, aussi bien que la Silicon valley, tirer
parti des synergies du couple innovation-entrepreneuriat.
Toujours selon le professeur Miller, les principales caractéristiques de
l' « habitat » siliconien sont :
-Des « règles du jeu » adéquates,
établies par les autorités publiques. Le respect de ces
règles (droit de la concurrence, de la propriété
intellectuelle etc.) est indispensable au développement
économique. Tout manquement doit être sanctionné par un
régulateur.
-L'existence de services aux entreprises, créateurs de valeur
ajoutée, en matière financière par exemple, ou en
matière de gestion des ressources humaines.
-Un fort développement du capital-risque, dans un climat
récompensant l'audace économique. A cet égard, le climat
qui règne dans la Silicon Valley est particulièrement favorable.
L'entrepreneur qui a échoué n'est pas
irrémédiablement écarté de la compétition
économique : il n'est pas considéré a priori comme
blâmable, la plupart des capital-risqueur s'attendant d'ailleurs à
ce qu'en moyenne une entreprise sur deux ferme ses portes après quelques
mois ou quelques années d'existence. Ce type d'échec est
considéré comme un événement normal dans le
processus de développement économique. Tirer parti des erreurs
commises permet à l'entrepreneur de repartir éventuellement sur
une autre voie plus prometteuse.
-La libre circulation des capitaux : c'est la condition d'une allocation
optimale des ressources.
-La circulation des idées est un autre facteur de réussite de la
Silicon Valley : elle favorise un processus
d' « apprentissage collectif »
(«
collective learning
») par des interactions
fortes entre le monde des affaires, la recherche et le secteur public. La
Silicon Valley sait profiter des savoirs acquis dans toutes les régions
du monde, grâce à ses liens au niveau mondial avec d'autres
« clusters » industriels, notamment grâce à
l'immigration.
-Enfin, le dynamisme démographique est également un facteur de la
réussite économique californienne. La population active
s'élève à 17,5 millions d'individus, pour 35 millions
d'habitants. La population californienne est en constante augmentation, 4.1
millions d'habitants supplémentaires ayant été
recensés entre 1990 et 2000. La libre circulation des personnes permet
d'employer le personnel le plus qualifié. La politique d'immigration
américaine a pris en compte cet impératif, ce qui s'est traduit
par une augmentation récente du quota de visas H1B,
réservés aux immigrants qualifiés, notamment dans les
secteurs scientifiques et technologiques. Beaucoup d'entreprises naissantes
sont créées par des migrants de première
génération.
State of
California, Department of Health Services
State of California, Department of Finance, Demographic Research Unit
(Augmentation prévisible de la population entre 2000 et 2020)
Un
exemple de promotion de la recherche au service de l'économie :
l'Office des brevets de l'Université de Stanford
L'Office of Technology Licensing (Office des brevets de l'Université de
Stanford) est l'un des organismes américains les plus actifs dans le
domaine du transfert de technologie de l'université vers l'industrie. Sa
mission se concrétise par la délivrance de brevets, dans le but
de générer un revenu qui sera utilisé pour soutenir la
recherche et l'enseignement. Le rôle de l'Office se fonde sur la loi
Bayh-Dole
12(
*
)
(du nom des deux
sénateurs qui en furent à l'origine). Ce texte établit
que les droits sur les inventions issues de la recherche universitaire
subventionnée par l'Etat fédéral sont dévolus aux
Universités. La loi autorise pour la première fois les
universités à breveter les inventions financées par le
gouvernement, afin de favoriser les transferts de technologies vers les
entreprises et de rémunérer les inventeurs et l'Université
dans le but de soutenir la recherche future.
Créé en 1970, l'Office est aujourd'hui
constitué de 25 personnes, essentiellement des experts dans les domaines
des sciences de la vie et des sciences physiques. En 2001, l'Office a
généré 41.2 m $ de revenus à partir de 371
technologies brevetées (dont 47 ont rapporté plus de 100000 $
chacune, et sept plus d'un million de $). Depuis 1970, le revenu
généré par l'activité de l'OTL
s'élève à 496 m $.
Redistribution des royalties (nettes des dépenses administratives de l'OTL) en 2001 Inventeurs9.7 m$Services ( Departments )10.5 m$Ecoles ( Schools )10.6 m$ OTL Research Incentive Fund (soutien à la recherche en amont)2 m$OTL Fellowship and Research Fund811 000 $ |
|
2-Les Français toujours présents malgré la crise
La Baie
de San Francisco et la Silicon Valley attirent de nombreux étrangers qui
y trouvent un environnement de travail particulièrement stimulant.
L'immigration générée par la pénurie de
travailleurs dans le secteur des technologies a apporté en retour un
savoir faire qui est aussi l'un des facteurs de réussite de cette
région. Les Français sont présents de façon
significative dans la Vallée, même s'ils sont peu
représentés par rapport aux Allemands, Britanniques, Indiens et
Asiatiques.
La population française autour de la Baie de San Francisco est
estimée aux alentours de 20 à 25000, dont environ 4000 à
4500 actifs dans le secteur des technologies de l'information et de la
communication
13(
*
)
. Ceux qui ne
disposent pas d'un visa permanent d'immigrant (green card) ont un visa
temporaire.
Les principaux visas temporaires permettant d'entrer aux Etats-Unis
- Le
visa de type H1B, délivré pour une durée de trois ans, est
réservé aux immigrants qualifiés, notamment dans les
secteurs scientifiques et technologiques. Confrontées à une
pénurie d'informaticiens et d'ingénieurs, les autorités
américaines ont augmenté le quota alloué à ce visa
(115 000 en 2002). Toutefois, le nombre de visas H1B accordés aux
Français ne représente qu'environ 20% du total accordé
à l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni, ce dernier pays
représentant en 1997 plus des deux-tiers des H1B délivrés
à ces trois pays.
- Le visa J1 est accordé aux stagiaires et chercheurs se rendant aux
Etats-Unis dans le cadre d'un programme d'échange, pour une durée
inférieure ou égale à 18 mois.
- Le visa F1 concerne les personnes inscrites à plein temps dans un
organisme de formation (étudiants).
L'enquête menée par le service scientifique du Consulat
général de France à San Francisco montre que les
Français installés dans la Silicon Valley sont majoritairement
des jeunes, issus des écoles d'ingénieurs, qui souhaitent rentrer
en France après quelques années d'expérience (trois
à cinq ans) dans le secteur des TIC en Californie. La perspective d'un
retour accrédite la thèse de « cerveaux en
voyage » plutôt que celle de « cerveaux en
fuite ». Néanmoins, un tiers des personnes interrogées
lors de cette enquête soulignent le manque de perspectives
professionnelles en France, qui les a poussées à s'installer dans
l'ouest américain. Au moment de l'enquête, les créateurs
d'entreprises français dans la Silicon Valley étaient plus d'une
cinquantaine et on dénombrait environ une soixantaine de filiales
françaises du secteur des TIC installées dans la région.
Les entreprises qui ont un Français parmi leurs fondateurs sont par
exemple Be Inc, Xoom, Arraycom, Starfish, Winnov, Bravo Brava, Katalov,
Fireclick, Expertclick, Realnames, Loxxar, Pagoo, Beatware... Parmi les
filiales d'entreprises françaises implantées dans la Baie, sont
notamment présentes Bull, Gemplus, Alcatel, Sagem, Thomson et France
Télécom.
En 2001 et 2002, la présence française dans le secteur des
technologies de l'information et de la communication dans la Baie de San
Francisco a subi les conséquences de l'éclatement de la bulle
technologique. Les licenciements et les faillites n'ont pas
épargné les Français. Après trois années
d'augmentation, les écoles françaises de la région ont
connu une baisse de 3 à 7% des inscriptions des élèves en
2001 et une diminution importante des inscrits sur listes d'attente.
Dans l'ensemble, les start-ups françaises semblent avoir bien
résisté à la crise. Certaines en ont toutefois subi les
conséquences : ainsi par exemple Be Inc (créée en 1990) a
été cédée à Palm en 2001. Cette
société avait été fondée en 1990 par
Jean-Louis Gassée, qui avait commencé sa carrière chez
Apple. Be a créé le système d'exploitation BeOS, avant de
se concentrer, à partir de 1999, sur les « internet
appliances », alternatives au PC pour accéder à
internet. Après la cession à Palm, Jean-Louis Gassée a
démissionné au début de l'année 2002 et Be a
attaqué Microsoft en justice pour avoir empêché le
développement de ses activités, qui représentaient une
alternative à Windows. L'expertise des ingénieurs de Be sert
aujourd'hui à Palm, dont le système d'exploitation PalmOS 5 est
présent par exemple sur les ordinateurs de poche de Sony (gamme
Clié NX).
Bien que la crise du secteur des nouvelles technologies soit très
significative, elle ne devrait toutefois pas décourager les
Français qui souhaitent s'installer dans la Vallée, dans la
mesure où, comme on l'a vu, ceux-ci envisagent, quoi qu'il en soit, une
émigration temporaire. La présence française continuera
demain encore à représenter une richesse pour notre pays,
à condition de favoriser le retour en France de ces expatriés,
après quelques années passées dans l'ouest
américain.