B. LE LIBAN : VERS UNE REMISE EN CAUSE DU STATU QUO ?

L'armée syrienne est intervenue au Liban en 1976. Elle ne l'a jamais quitté. Plus de 30.000 soldats syriens demeurent aujourd'hui sur place. L'accord de Taëf en 1989, puis le traité de fraternité, de coopération et de coordination de 1991 ont dessiné le cadre du partenariat inégal bâti entre la Syrie et le Liban. Les deux Etats ont ainsi été amenés à coordonner leur politique extérieure pour avoir une approche unie des questions de sécurité. De plus, Damas contrôle le deuxième bureau (services de renseignements) de l'armée libanaise. Par ailleurs, les divisions profondes de la classe politique libanaise permettent à la Syrie de se poser en arbitre des différends libanais.

Economiquement aussi, la Syrie tente de maintenir sa tutelle sur le Liban où plus de 300.000 de ses ressortissants ont immigré et constituent une importante source de devises. Le commerce extérieur syrien bénéficie aussi de cette situation avec un excédent de près de 250 millions de dollars par an sur 350 millions de dollars d'échanges totaux entre les deux pays.

Politiquement, les plus hautes autorités syriennes soulignent qu'elles garantissent la stabilité du Liban et la sécurité des chrétiens libanais. Elles insistent sur le fait que la Syrie tient à préserver la place des communautés chrétiennes au sein de l'Etat du Liban qui, à bien des égards, et notamment par sa diversité religieuse, ressemble à la Syrie.

On comprend dès lors que la résolution du problème libanais sera progressive. On notera cependant qu'au Liban même le tabou du débat sur les relations avec la Syrie est tombé et que l'occupation syrienne fait aujourd'hui l'objet de critiques publiques.

C. DES RELATIONS COMPLEXES AVEC LES ETATS VOISINS

1. La Turquie : entre méfiance et volonté de rapprochement

Les deux pays voient leur relations limitées par deux contentieux. En premier lieu, la Syrie continue de revendiquer la région d'Antioche, le Sandjak d'Alexandrette, véritable débouché de la Syrie du Nord sur la Méditerranée, cédé à la Turquie par la France, puissance mandataire, en 1939, afin d'empêcher Ankara de se rallier aux puissances de l'Axe. En second lieu, le partage des eaux de l'Euphrate qui prend sa source en Turquie mais fournit 60 % de l'énergie hydroélectrique de la Syrie. Conjugués à la méfiance traditionnelle entre Turcs et Arabes, ces contentieux ont longtemps été à la source de tensions entre les deux pays. La guerre du Golfe a permis de les rapprocher. Néanmoins, les relations étroites entretenues entre Ankara et Tel-Aviv sont très mal ressenties à Damas. Il semble néanmoins qu'un net réchauffement des relations entre les deux pays soit en cours.

2. L'Iran ou le partenaire privilégié

Depuis la guerre entre l'Iran et l'Irak, en 1980, la Syrie, seule des pays arabes, a tissé des liens étroits avec l'Iran. Abritant plusieurs monuments chiites, la Syrie accueille plus de 2,5 millions de pèlerins iraniens chaque année. Elle bénéficie d'aides financières en provenance de Téhéran. Par ailleurs, la Syrie conserve au Liban une attitude bienveillante à l'égard du Hezbollah en le laissant implanter dispensaires, écoles et mosquées.

3. De lourds contentieux avec l'Irak

L'hostilité syro-irakienne est ancienne. La rivalité entre Damas et Bagdad plonge ses racines au VIII ème siècle après Jésus-Christ lorsque les Abbassides renversent la dynastie des Omeyyades dont la capitale est Damas (749). Mansour, deuxième Calife abbasside fait bâtir une nouvelle capitale en Irak, Bagdad, dont peu à peu le rayonnement éclipse celui de Damas. Le califat se fait plus oriental laissant une place croissante aux Turcs et aux Perses. Les arabes syriens se sentent dépossédés du pouvoir. Cette rivalité réapparaît avec force à l'époque contemporaine.

En 1963, le Baas prend le pouvoir dans les deux pays. Le général Aref qui a mené le coup d'Etat irakien l'évince cependant du pouvoir. En 1968, il est renversé par des officiers baasistes dont Saddam Hussein. Paradoxalement, la tension entre les deux pays s'exacerbe. C'est qu'ils veulent tous deux apparaître à la tête du monde arabe. En dépit de tentatives de rapprochement, les divergences entre les deux pays ne cesseront de s'accentuer. En 1980, l'Irak attaque l'Iran et la Syrie prend clairement le parti de Téhéran. Dix ans plus tard, en 1990, la Syrie se range du côté de ceux qui dénoncent l'atteinte à la souveraineté du Koweït. Elle envoie des contingents en Arabie Saoudite et aux Emirats arabes unis pour faire face à la menace irakienne. Ce faisant, Damas tire les leçons de l'écroulement de l'URSS et se rapproche des Etats-Unis.

Cependant, l'arrivée au pouvoir de Bachar al-Assad semble se traduire par une tentative de décrispation entre les deux pays. Si les relations politiques restent tendues, notamment sous la pression américaine et des monarchies du Golfe, les relations commerciales s'intensifient. En particulier, Damas achète environ 200.000 barils de pétrole par jour à Bagdad. Le rapprochement syro-irakien s'est aussi traduit par la décision prise en septembre 2002 d'implanter deux zones franches à proximité de la frontière irakienne ainsi que par la réalisation de projets d'investissements communs (création d'une usine d'engrais chimiques en Irak pour 300 millions de dollars, d'une usine de verre à Alep pour 100 millions de dollars, d'une station de pompage sur le Tigre...).

Par ailleurs, les autorités syriennes, comme le peuple syrien, ne peuvent que ressentir avec émotion et inquiétude la perspective d'une guerre en Irak. Outre la naturelle solidarité entre deux peuples arabes, cette émotion s'explique par le fait que l'action américaine dans la région paraît, à bien des égards, marquée par l'unilatéralisme. Cette action est, de surcroît, perçue comme profondément injuste compte tenu du soutien absolu accordé à Israël par Washington dans le conflit avec le peuple palestinien.

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